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Emmaüs et l’abbé Pierre, Axelle Brodiez-Dolino. Presses de Sciences Po, Paris, 2008, 378 p.[Notice]

  • François Doligez

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  • François Doligez
    Iram, université de Rennes 1

Cet ouvrage introduit à ce qui constitue la plus grande organisation de solidarité française (269 millions d’euros de budget en 2005), en partie internationalisée, et construite derrière la figure historique de l’abbé Pierre et la communauté, comme « utopie réinventée » (p. 47). « La communauté est d’abord un lieu de travail,économiquement parce que les ramassages et la chine sont le principal revenu, et idéologiquement car le travail “remet les hommes debout”. Dans la plupart des communautés se trouve ainsi un écriteau portant l’une ou l’autre phrase édictant la deuxième règle d’Emmaüs :“Ici, tu n’es pas à l’asile. On est des hommes debout. On travaille, on gagne son pain, au service de ceux qui sont plus malheureux que nous” » (p. 172). En 1973, les quarante-sept communautés de France ont traité 30 000 tonnes de matières premières, soit un dixième de la récupération alors recensée en France (p. 176). Cet engagement se veut également transformateur. Pour faire face au problème de logement, l’Emmaüs des débuts devient une entreprise de constructions largement illégales. Une anecdote rapportée de l’abbé Pierre le souligne (p. 46), « ce n’est pas aux hommes de s’écraser devant la loi. C’est à la loi de, sans cesse, se changer pour répondre aux droits des hommes, en commençant par les plus petits ». Cette invocation du droit contre la loi, de la légitimité contre la légalité, puise à l’engagement de l’abbé Pierre dans la Résistance. Elle constitue l’un des fondements d’Emmaüs, mais aussi son originalité au regard des autres associations, profondément légalistes (p. 46). Présent dans 39 pays, via 327 structures propres et 442 structures partenaires (p. 21), le mouvement Emmaüs a été « fondat[eur] dans le champ de la charité-solidarité, dans la médiatisation, dans l’inauguration d’un nouveau mode d’expression de la société civile, dans l’approche originale des pauvres et de la pauvreté, dans l’articulation entre le social et l’économique » (p. 16). Le texte est construit comme un récit historique en trois temps : de l’émergence (« des catacombes ») à l’implosion, issue des conflits fondateurs entre « éthique de conviction » et « éthique de responsabilité » ; développement « discret » sous les Trente Glorieuses ; et, enfin, retour sur la scène médiatique et politique de 1980 à 2000. Comme l’auteure le souligne en conclusion, il permet de suivre comment, à partir de la matrice du « catholicisme social », l’humanitaire « moderne » se décline en termes de recomposition des engagements, entre rupture et continuité . La notoriété de l’organisation – née de la rencontre entre « hommes brisés », religieux et catholiques engagés dans le contexte de la crise du logement de 1954, et portée par la prise de conscience de l’importance de l’exclusion sociale – l’ouvre à l’international dans un mouvement plus large entraîné par les encycliques sur le développement . Cet ancrage cosmopolite, dans la continuité de l’héritage de son fondateur, proche des exclus, mais dont la reconnaissance sociale tient aussi à « ses coups de gueule » et à sa fonction prophétique (p. 355), ramène Emmaüs du caritatif au politique dans les années 90 – altermondialisme, combat contre le mal-logement, puis, plus discrètement, pour les sans-papiers. Mais cet engagement reste aussi « bridé », de par la nature hétérogène du mouvement, tant au niveau national qu’international. Son hétérogénéité s’explique, selon l’auteure, par le foisonnement hétéroclite et indépendant d’initiatives encouragées par l’abbé Pierre dans tous les domaines afférents à la pauvreté : faim, logement, absence de protection, isolement. Il se traduit par un organigramme « difficilement lisible » de l’extérieur et par …

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