Comptes rendus

Kasalokada ta lagwosada : réalités et enjeux de la recherche collaborative en milieux autochtones, Carole Delamour, Jo Anni Joncas, David Bernard, Benoit Éthier et Francesca Croce. Éditions Peisaj, Sherbrooke, 276 p., 2021[Notice]

  • Johanna Nouchi

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  • Johanna Nouchi
    Doctorante en psychologie communautaire, Université du Québec à Montréal

Cet ouvrage collectif aborde les défis méthodologiques, éthiques et relationnels entourant la recherche participative en milieux autochtones. Il est né de la rencontre d’universitaires, d’intervenantes et intervenants, de responsables politiques et administratifs, d’autochtones comme non-autochtones durant le colloque « Les (re)configurations actuelles des relations collaboratives : réalités, enjeux et préoccupations des acteurs de la recherche en milieux autochtones » lors du congrès de l’Association francophone pour le savoir (ACFAS) en 2019. La recherche collaborative prend de plus en plus de place dans l’univers de la recherche. Cependant, les écrits collectifs en français sont encore rares. Celui-ci traite principalement du contexte québécois. Cette lecture donne accès à différentes recherches collaboratives et aux défis qui y sont liés. Il ne s’agit pas de trouver la réponse à toutes interrogations, mais d’ouvrir la réflexion pour décoloniser les pratiques de recherche et mieux agir pour travailler ensemble dans la même direction (pour reprendre le sens du titre de l’ouvrage « Kasalokada ta lagwosada »). Le premier chapitre écrit par Paul Wattez, anthropologue, nous offre une perspective intime de ce changement de posture qu’il a expérimenté avec les Iyiniwch de Waswanipi. L’auteur partage son raisonnement réflexif au travers de l’inconfort qu’il a vécu en tant qu’allochtone oeuvrant dans un milieu autochtone. Il documente et décrit trois états de son processus de recherche : son implication, la création de la relation et sa posture pour se laisser affecter par ses interlocuteurs et interlocutrices. Loin de considérer cela comme l’acquisition d’une posture décoloniale, il propose une discussion qui tend vers l’exploration du processus de décolonisation du travail scientifique. Partant de cette prémisse, l’inconfort n’est pas à comprendre comme un frein, mais plutôt une opportunité d’apprentissage et de transformation. Cela implique que le rôle de chercheur ne peut pas être pleinement distinct de l’être humain qui incarne ce rôle. Riche de ce dialogue, il en déduit l’impossibilité d’estimer cet apprentissage pour acquis. Cette notion fait écho au principe d’humilité culturelle. L’humilité culturelle est définie selon un processus d’autoréflexion et de découverte afin de construire des relations de confiance favorisant les fondements de la justice sociale (Pham et al. 2021 ; Yeager et Bauer-Wu 2013). La compréhension de l’autre et de son univers ne peut être pleinement achevée. Cette connaissance étant par définition partielle, l’auteur conclut sur l’importance de garder à l’esprit l’humilité et le respect des relations. Les recherches bénéficient des savoirs autochtones. Par conséquent, mettre l’autorité de l’universitaire au service de ce respect semble judicieux pour ne pas perpétuer un cadre de recherche colonial. Le deuxième chapitre enrichit cette réflexion avec l’expérience de Benoit Éthier, anthropologue et professeur en études autochtones à l’UQAT. Il nous explique le cadre de l’approche expérientielle spécifique à sa discipline. Ce cadre implique le regard du scientifique sur ce qu’il ou elle vit et insiste sur l’importance d’expérimenter des réalités sociales distinctes de la sienne. À cet égard, l’auteur nous partage sa démarche concernant le « travail du malentendu ». Il le définit comme « l’articulation et la confrontation productive et créative de logiques culturelles différentes » (p. 84). Ce travail suppose un exercice portant sur l’incompréhension mutuelle dans la communication interculturelle. Cette pratique fournit une occasion pertinente de révéler les valeurs, la perception et l’histoire des expériences de chaque membre de la relation. La collaboration peut s’en trouver grandie et non affaiblie. À contre-courant d’une pratique performative qui inciterait les chercheurs et chercheuses à souligner uniquement les réussites, la démarche réflexive tend vers l’analyse de ces malentendus pour mieux appréhender les différences culturelles. Ainsi, se situer avec humilité au service des savoirs autochtones offre l’occasion de remettre en question nos …

Parties annexes