Résumés
Résumé
La restitution des articles culturels autochtones détenus par des musées canadiens et américains peut contribuer dans une certaine mesure à réparer les torts découlant de l’héritage du colonialisme et du génocide culturel en exhumant et en remettant en valeur l’histoire et la culture autochtones. Cet article présente le cadre juridique canadien applicable au rapatriement d’articles culturels autochtones, de même que la législation et les décisions administratives américaines pertinentes et de nouvelles avenues de collaboration entre communautés autochtones et musées. Le cadre législatif canadien est largement incomplet et crée des obstacles pour les communautés autochtones qui demandent la restitution d’artefacts et laisse beaucoup trop de place à la bonne volonté des musées. En revanche, le cadre juridique américain, bien qu’imparfait, est beaucoup plus détaillé et exige la pleine participation des Autochtones. Cet article peut présenter un intérêt particulier pour les chercheurs et les représentants communautaires qui doivent naviguer entre les écueils juridiques des demandes de rapatriement.
Mots-clés :
- droit des autochtones,
- musées,
- rapatriement,
- Canada,
- États-Unis
Abstract
The restitution of Indigenous cultural artifacts held by Canadian and American museums can play a part in repairing the legacy of colonialism and cultural genocide by bringing Indigenous history and culture to the forefront and by contributing to the healing of these communities. This article examines the Canadian legal framework for the repatriation of Indigenous cultural items, relevant American legislation and administrative decisions in this matter, and emerging opportunities for collaboration between Indigenous communities and museums. Canada’s legislative framework is largely incomplete and creates obstacles for the restitution of artifacts by Indigenous communities, as it relies too much on the goodwill of museums. In contrast, the American legal framework, while imperfect, is much more detailed and guarantees the full participation of Indigenous peoples. This article may be of particular interest to researchers and community representatives navigating the treacherous legal waters of repatriation requests.
Keywords:
- Aboriginal law,
- museums,
- repatriation,
- Canada,
- United States
Resumen
La repatriación de objetos culturales indígenas que conservan los museos canadienses y estadounidenses puede contribuir de cierta manera a reparar los perjuicios derivados del legado del colonialismo y el genocidio cultural, exhumando y rehabilitando la historia y la cultura indígenas. Este artículo expone el marco jurídico canadiense para la repatriación de objetos culturales indígenas, así como la legislación y las resoluciones administrativas estadounidenses pertinentes y las nuevas vías de colaboración entre las comunidades indígenas y los museos. El marco legislativo canadiense está en gran medida incompleto y crea barreras para las comunidades indígenas que buscan la devolución de artefactos y deja demasiado a la buena voluntad de los museos. En cambio, el marco jurídico estadounidense, aunque imperfecto, es mucho más detallado y requiere la plena participación de los indígenas. Este artículo puede ser de especial interés para los investigadores y los representantes de las comunidades que deben sortear los escollos legales de las solicitudes de repatriación.
Palabras clave:
- derecho indígena,
- museos,
- repatriación,
- Canadá,
- Estados Unidos
Corps de l’article
Extrait de « Child of Time » de Suzan Shown Harjo (2005, notre trad.)pour la plupart, ce n’était qu’une robe exposée
placée près de l’ancien métier à tisser navajo
éclairée et répertoriée pour tous les badauds
visitant cet effrayant tombeau public
cette robe de sang séché n’a pas sa place ici
elle devrait être purifiée par la sauge et brûlée discrètement
et soudain, avec l’aube, sa voix dans le vent:
« Je poursuivrai mon chemin le temps que mon esprit revienne. »
L’appel de « l’enfant du temps » du poème de Harjo – séparée de sa robe navajo et de ses pratiques culturelles par les remparts muséaux – résonne encore aujourd’hui, mais sans se faire entendre par le droit canadien. Comme l’illustre ce poème, la restitution des articles culturels autochtones détenus par des musées est un geste qui a de fortes dimensions symboliques et contribue à la survie culturelle, à la revitalisation des communautés, à la préservation des connaissances sacrées et à la souveraineté politique autochtones. Cette réappropriation contribue ainsi à réparer les torts découlant de l’héritage du colonialisme et du génocide culturel constaté par la Commission de vérité et réconciliation du Canada, époque à laquelle plusieurs aspects de l’histoire et de la culture autochtones ont été effacés par les autorités coloniales. En effet, le Rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones identifient tous deux le rapatriement comme un élément clé de la réconciliation et de la reconstruction d’une relation de nation à nation (Assemblée générale de l’ONU 2007 : art. 12 et 31 ; Commission de vérité et réconciliation du Canada 2015 : appel à l’action no 67).
Étant donné que plusieurs musées canadiens et américains détiennent des articles culturels affiliés à des communautés autochtones du Québec et que ces communautés souhaitent le retour de certains de ces articles, il est important de connaître le cadre juridique applicable au rapatriement d’articles culturels autochtones. Pour mieux situer le débat, nous présenterons d’abord brièvement le contexte canadien. Nous examinerons ensuite la législation américaine pertinente, certaines décisions d’organismes administratifs, ainsi que quelques solutions alternatives permettant le retour des articles culturels. Finalement, le texte offrira un bref aperçu de nouvelles avenues de collaboration entre musées et communautés autochtones à la suite du retour physique et juridique d’articles culturels autochtones.
Le cadre juridique canadien
Contrairement aux États-Unis, il n’existe actuellement aucun cadre juridique global régissant le rapatriement des biens culturels autochtones au Canada. Ce vide juridique est partiellement comblé par six types de normes en matière de rapatriement : les traités modernes, la Loi constitutionnelle de 1982, les lois des Premières Nations, le droit des biens et des contrats, la législation provinciale et la législation fédérale. Il s’agit d’un cadre juridique « complexe et parfois incertain qui remet en question les approches conventionnelles fondées sur la propriété » (notre trad.) et qui crée des obstacles au rapatriement des biens culturels (Bell 2009 : 17). De plus, le régime juridique régissant la propriété culturelle et la conservation du patrimoine n’est pas adapté aux spécificités du contexte autochtone, ce qui complexifie les demandes de rapatriement (Bell et Napoleon 2008 : 1). Par ailleurs, la divergence entre les systèmes juridiques ou philosophiques autochtones et canadiens soulève des défis pour les communautés autochtones qui tentent de revendiquer leur propriété culturelle dans le cadre du système juridique canadien (Kramer 2004 : 163, 171).
Les traités modernes
De nombreux traités modernes (aussi appelés « accords sur les revendications territoriales globales ») ont été conclus entre des Premières Nations ou des communautés inuites et la Couronne. Certains d’entre eux contiennent des clauses traitant du rapatriement des biens culturels autochtones. À titre d’exemple, l’article 34.3.1 de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut de 1993 exige que le Musée canadien de l’histoire et tout autre organisme ethnographique du gouvernement fédéral ou territorial s’efforcent de prêter autant d’articles que possible aux institutions du Nunavut. L’article 34.3.2 établit une liste étroite des motifs de refus admissibles, notamment le risque de dommages et l’impossibilité de déplacement (Canada 1993). De même, le chapitre 17 de l’Accord définitif Nisga’a contient des stipulations relatives aux artefacts culturels et au patrimoine des Nisga’a (Canada 1999a : 223-229). Le deuxième article de ce chapitre reconnaît le « rattachement traditionnel et sacré » qui lie la Nation nisga’a à ses artefacts, que ceux-ci soient détenus par la Nation elle-même ou par un musée (Canada 1999a : c. 17, art. 2). L’« Appendice L : artéfacts et patrimoine culturels » énumère les biens culturels détenus par des musées canadiens qui doivent être rapatriés à la Nation nisga’a, ou qui doivent être partagés entre la Nation nisga’a et le musée qui les détient (Canada 1999b). Des centaines de biens culturels ont été rapatriés en vertu de ce traité. Au Québec, les traités modernes qui prévoient des règles sur le rapatriement des biens culturels autochtones sont l’Accord sur les revendications territoriales des Inuit du Nunavik (Canada 2006 : c. 2 0, Archéologie), l’Accord entre les Cris d’Eeyou Istchee et Sa Majesté la Reine du Chef du Canada sur la région marine d’Eeyou (Canada 2011 : §26.5 et 26.6) et l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada (Canada 2017 : c. 24).
La Loi constitutionnelle de 1982
Le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 dispose que les « droits existants – ancestraux ou issus de traités – des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés » (Royaume-Uni : 1982). Il existe une littérature scientifique qui soutient que le paragraphe 35(1) pourrait servir de fondement à une demande de rapatriement d’une communauté autochtone. Plusieurs permutations de cet argument existent. Par exemple, les droits à la culture matérielle peuvent faire partie d’une revendication plus large du titre ancestral (Bell 2009 : 26). En outre, le paragraphe 35(1) peut être considéré comme englobant un droit à l’intégrité culturelle ou à l’exercice de droits coutumiers. Cette interprétation du paragraphe 35(1) pourrait être invoquée afin de favoriser le rapatriement des biens culturels (Bell 2009 : 28). Cependant, il est à noter qu’une revendication fondée sur le paragraphe 35(1), même si elle est accueillie, ne conférerait qu’un droit limité de contrôler les biens culturels (Kagan 2005 : par. 3). Une autre difficulté découle du fait que le critère établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Van der Peet a fixé un seuil très élevé pour la reconnaissance des droits ancestraux. La communauté autochtone qui revendique un droit ancestral doit notamment démontrer que la coutume, pratique ou tradition associée à l’artefact « fait partie intégrante de sa culture distinctive aujourd’hui » et qu’elle « marque une continuité avec les coutumes, pratiques et traditions de l’époque antérieure au contact avec les Européens » (Cour suprême du Canada 1996 : [1996] 2 R.C.S. 507, par. 63). Cette exigence risquerait d’entraver une revendication visant le rapatriement d’un artefact culturel, puisque « le fait de devoir démontrer la continuité de la pratique associée au bien lorsque celui-ci n’a pas été en la possession du groupe risque a priori d’invalider toute revendication » (Kagan 2005 : par. 19, notre trad.).
Les lois des Premières Nations
Les lois des Premières Nations ont également un rôle à jouer dans la préservation du patrimoine culturel autochtone. Plusieurs Premières Nations ont adopté des normes régissant la propriété culturelle. Par exemple, le Règlement sur les artefacts de la nation piikani (Piikani Nation Artifacts By-Law) interdit la vente et l’enlèvement de la culture matérielle de la Nation piikani sans le consentement écrit et explicite du conseil de bande (Conseil de bande de la Nation piikani 1975 : art. 1). De même, la Loi Tk’emlups sur la conservation du patrimoine territorial (Tk’emlups (Kamloops Indian Band) Territorial Heritage Conservation Law) prévoit qu’il est interdit d’enlever du territoire de la Première Nation tk’emlups une chose qui fait partie de son patrimoine (Bande indienne de Tk’emlups 1998 : art. 6(1)[c]). Des juristes soutiennent également que le droit coutumier autochtone peut être utilisé pour prouver un titre historique sur des biens culturels dans le cadre d’une demande de rapatriement (Bell 2009 : 29 ; Zlotkin 2009 : 362).
Le droit des biens et des contrats
Certaines notions du droit des biens et du droit des contrats peuvent également appuyer des demandes de rapatriement. Au Québec, les vices du consentement énumérés aux articles 1398 et suivants du Code civil du Québec peuvent être invoqués pour démontrer l’absence d’intention de la part des communautés autochtones de se départir de leurs biens culturels. Dans le reste du Canada, des doctrines de la common law peuvent être invoquées pour les mêmes fins : inequality of bargaining power, undue influence, mistake et fraud (Bell 2009 : 32-33). Le Livre quatrième du Code civil du Québec, « Des biens », prévoit des normes qui peuvent soutenir une demande de rapatriement au Québec (Assemblée nationale du Québec 2021). De surcroît, l’ancien Code civil du Bas-Canada prévoyait que les « choses sacrées » ne peuvent s’acquérir par prescription (art. 2217). Selon la Cour d’appel du Québec, « [l]es choses sacrées sont celles qui sont consacrées au culte ou plus précisément employées pour les fins religieuses » et « une chose peut être sacrée par sa nature, par exemple les restes des morts, ou par sa destination, comme par exemple un cimetière » (Cour d’appel du Québec 1987 : CanLII 638). Pour sa part, la Cour suprême du Canada a reconnu que les systèmes de croyances traditionnelles autochtones peuvent être protégés par la garantie de liberté de religion de la Charte canadienne des droits et libertés, pourvu qu’elles soient sincèrement tenues. Il y a donc lieu de croire que les objets culturels autochtones peuvent être considérés comme des « objets sacrés » en vertu de cet article du Code civil du Bas-Canada (Cour suprême du Canada 2017 : 2017 CSC 54, par. 69). Afin de déterminer si, dans une religion donnée, une chose est sacrée ou non, il faut nécessairement « se rapporter à ce qui régit celle-ci c’est-à-dire à ses lois, ordonnances, règlements ou autres. C’est donc elle et elle seule qui a autorité et compétence tout autant pour déterminer quelles sont les choses qui sont destinées au culte que pour en changer telle destination » (Cour supérieure du Québec 1980 : [1980] C.S. 175, 198). Cela ouvre la porte à l’utilisation des normes provenant des systèmes juridiques autochtones aux fins de l’interprétation du présent article. Bien que le Code civil actuel ne traite plus explicitement des « choses sacrées », son article 2876 protège les « choses hors commerce » (Assemblée nationale du Québec 2021 : art. 2876). Plusieurs articles de doctrine soutiennent que les choses sacrées « constituent une des catégories des choses hors commerce qui continuent à être juridiquement protégées » (Schouppe 2008 : 58). Selon Jean Goulet, « les choses sacrées continueront d’exister dans notre droit en dépit du silence volontaire du Code civil du Québec sur ce sujet, et elles seront nécessairement considérées hors commerce au sens où l’entendent les dispositions de l’article 2876 du Code civil du Québec » (Goulet 1993 : 395).
Dans le reste du Canada, des doctrines du droit des biens de la common law telles que nemo dat, fixtures law et law of finding peuvent être invoquées (Bell 2009 : 32-36). Cependant, de nombreux obstacles peuvent entraver une réclamation en common law, « y compris les lois de prescription, la reconnaissance du titre communal pour les biens personnels et la présomption de titre de propriété déclenchée par la possession » (Kagan 2005 : par. 35, notre trad. ; Bell 1992 : 481).
La législation provinciale
Des normes concernant le rapatriement ont été adoptées par certaines provinces canadiennes. Par exemple, l’article 5(7) de la Loi sur les musées de la Colombie-Britannique (Museum Act) prévoit qu’à la demande du gouvernement, le Musée royal de la Colombie-Britannique doit transférer son intérêt légal dans un artefact et la possession de celui-ci à une communauté autochtone si un traité ou autre type d’entente le prévoit (Assemblée législative de la Colombie-Britannique 2016). Par ailleurs, l’article 4 de la Loi sur la conservation du patrimoine de la Colombie-Britannique (Heritage Conservation Act) prévoit un processus de consultation visant la conclusion des ententes sur la conservation et la protection des sites et objets qui représentent le patrimoine culturel des peuples autochtones (Assemblée législative de la Colombie-Britannique 2019 : art. 4).
À ce jour, l’Alberta est la seule province canadienne à avoir adopté une loi-cadre sur le rapatriement des biens culturels autochtones. La Loi sur le rapatriement des objets cérémoniels sacrés des Premières Nations (First Nations Sacred Ceremonial Objects Repatriation Act) vise à « harmoniser le rôle des musées dans la préservation du patrimoine humain avec les aspirations des Premières Nations à promouvoir leurs valeurs traditionnelles dans des communautés fortes et confiantes » (Assemblée législative de l’Alberta 2016 : Préambule, notre trad.). Cette loi permet le retour inconditionnel d’objets cérémoniels sacrés détenus par le Musée royal de l’Alberta et le Musée Glenbow. En vertu de l’article 2, les Premières Nations ont le droit de faire une demande de rapatriement auprès de la Ministre. La Ministre doit consentir au rapatriement d’un objet de cérémonie sacré à moins que, de son avis, le rapatriement ne soit pas approprié. Cette loi a mené au rapatriement de plus d’une centaine de ballots sacrés des Pieds-Noirs et de plus de deux cents autres objets cérémoniels sacrés (Gouvernement de l’Alberta 2009). Par ailleurs, le gouvernement albertain a adopté le Règlement sur le rapatriement des objets cérémoniels sacrés de la Première Nation des Pieds-Noirs (Blackfoot First Nations Sacred Ceremonial Objects Repatriation Regulation) [Gouvernement de l’Alberta 2004] à la suite de consultations avec la Première Nation des Pieds-Noirs. Les exigences de ce règlement sont conformes aux systèmes d’autorité et aux traditions des Pieds-Noirs (Bell 2009 : 42).
La législation fédérale
Le cadre législatif régissant le rapatriement des biens culturels autochtones au niveau fédéral est largement incomplet. L’article 91 de la Loi sur les Indiens interdit l’enlèvement et l’acquisition du titre de propriété de certains biens situés dans les réserves autochtones : les maisons funéraires indiennes, les monuments funéraires sculptés, les poteaux totémiques, les poteaux sculptés de maison et les roches ornées d’images gravées ou peintes, à moins que les Autochtones les aient fabriqués afin de les vendre (Canada 2019a : art. 91 ; voir Gélinas 2020). Cette disposition ne vise que des objets qui se situent déjà dans la réserve d’une Première Nation ; ainsi, elle ne serait guère utile dans le cadre d’une demande de rapatriement, où l’objet réclamé se trouve hors réserve. Toutefois, si la Couronne avait consenti à un transfert de titre contre le gré ou à l’encontre de l’intérêt supérieur de la Première Nation, l’article 91 de la Loi sur les Indiens pourrait appuyer une action en justice contre la Couronne.
La Loi sur l’exportation et l’importation de biens culturels (Canada 2019b) vise à assurer la préservation dans les collections publiques canadiennes du matériel patrimonial d’importance nationale. En vertu de l’article 4(2b), le gouverneur en conseil peut contrôler l’exportation des objets qui sont l’oeuvre des populations autochtones du Canada. Afin de figurer dans la nomenclature des biens culturels canadiens à exportation contrôlée, un bien doit avoir plus de cinquante ans et doit avoir été fabriqué par une personne qui n’est plus vivante. La Commission canadienne d’examen des exportations de biens culturels, constituée par l’article 18, a le pouvoir de retarder, mais non d’interdire, la vente d’objets contrôlés, et ce pour une période maximale de six mois. Pendant ce délai, des organismes désignés par le ministre du Patrimoine canadien (surtout des musées et galeries d’art) sont avisés afin d’avoir la possibilité d’acheter l’objet d’importance culturelle nationale et d’empêcher ainsi son exportation (Bell 2011). De plus, ces organismes sont admissibles à des incitatifs fiscaux et à des subventions pour les aider à acheter ces biens culturels pour lesquels une licence d’exportation a été refusée. Certains des organismes désignés par le ministre du Patrimoine canadien sont des institutions autochtones, notamment le Musée Haida Gwaii, le Centre culturel U’mista, l’Institut culturel Avataq et l’Institut culturel cri Aanischaaukamikw (ministère du Patrimoine canadien 2019). Les conseils de bande peuvent également être désignés par le ministre du Patrimoine canadien de façon ponctuelle pour l’acquisition d’un bien culturel en particulier (Bell et Paterson 2009 : 84). La Loi sur l’exportation et l’importation de biens culturels a donc permis à plusieurs Premières Nations de rapatrier des artefacts et des biens culturels (Bell et Paterson 2009 : 81-82). Toutefois, cette loi a été adoptée avant la constitutionnalisation des droits autochtones et elle n’intègre pas de manière adéquate les intérêts autochtones (Bell et Paterson 2009 : 84).
Un projet de loi fédéral aurait pu avoir une incidence positive sur le rapatriement des biens culturels autochtones au Canada, mais il n’a pas été adopté avant la fin des travaux parlementaires précédant les élections de 2019. Il aurait obligé le gouvernement à élaborer et à mettre en oeuvre une stratégie nationale visant la restitution aux peuples autochtones du Canada des restes humains et des biens culturels autochtones (Canada. Chambre des communes 2019). Toutefois, en 2021, le Parlement canadien a adopté la Loi concernant la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, afin de « confirmer » que cette Déclaration constitue un instrument international universel qui trouve application en droit canadien et d’encadrer sa mise en oeuvre par le gouvernement canadien. (Canada. 2021). L’annexe de cette loi reproduit le texte intégral de la Déclaration. Les articles 11, 12 et 31 pourraient avoir une incidence sur le processus de rapatriement des biens culturels autochtones au Canada.
Sauf aux endroits où une disposition d’un traité moderne le prévoit expressément, le droit canadien n’offre aucune garantie aux peuples ou aux communautés autochtones qui désirent rapatrier des objets détenus dans les musées. Le droit américain offre à cet égard une protection plus étendue. Nous verrons que, sous réserve de certaines conditions, les communautés autochtones du Canada peuvent également se prévaloir des garanties plus rigoureuses accordées par le cadre législatif américain.
Les textes législatifs permettant le rapatriement aux États-Unis
Avant 1989, un certain nombre de lois sont adoptées aux États-Unis ayant notamment pour effet de protéger les articles culturels autochtones. Parmi ces lois figurent une loi de 1906 concernant les antiquités (Antiquities Act), une loi de 1966 portant sur la préservation de l’histoire (National Historic Preservation Act), ainsi qu’une loi de 1979 visant à la protection de ressources archéologiques (Archeological Resources ProtectionAct). Si ces lois contribuent à protéger des articles culturels autochtones, elles en protègent d’abord et avant tout la valeur archéologique et historique, et ce afin d’en faciliter l’étude (Koehler 2007 : 112).
Grâce à la prise de parole de nombre d’activistes, dont Maria Darlene Pearson et Suzan Shown Harjo, ainsi que la prise de pouvoir progressive de personnalités autochtones dans le domaine muséal, un changement important s’opère vers la fin des années 1980, avec l’adoption de la Loi sur le Musée national des Indiens d’Amérique (National Museum of the American Indian Act, ci-après, la « NMAIA ») en 1989 (amendée en 1996) et de la Loi sur les sépultures des Autochtones d’Amérique et le rapatriement (Native American Graves Protection and Repatriation Act, ci-après la « NAGPRA ») en 1990 qui reconnaissent, entre autres choses, la valeur sacrée de certains articles culturels autochtones, mais également des droits aux communautés autochtones, et plus précisément le droit au rapatriement de restes humains et articles culturels autochtones appartenant ou sous le contrôle de musées américains. Bien qu’il existe plusieurs similitudes entre la NAGPRA et la NMAIA, il n’en demeure pas moins que certaines différences existent, que nous analyserons tour à tour.
La NAGPRA
La loi et son règlement
La NAGPRA est une loi publique fédérale adoptée par le Congrès américain en 1990 (Loi publique 101-601 ; United States 1990b). Conformément à l’article 13 de cette loi, un règlement a également été promulgué (ci-après « Règlement d’application de la NAGPRA »). Il apporte d’importantes précisions quant à l’application de la NAGPRA ainsi qu’à l’interprétation de certains de ses termes (United States Department of the Interior 1995). Rappelons que ce règlement a force de loi, mais qu’il constitue une norme juridique inférieure devant être en accord avec sa loi habilitante, en l’espèce la NAGPRA. Par conséquent, il ne peut contredire, restreindre ou étendre la portée de celle-ci.
Les institutions visées par la NAGPRA
La NAGPRA s’applique aux agences fédérales américaines ainsi qu’aux musées financés par le gouvernement fédéral américain ayant en leur possession ou sous leur contrôle des restes humains ou encore des articles culturels autochtones (United States 1990a : art. 2(4), 2(8) et 7(20). Sont ainsi visés, à titre d’exemple, les musées affiliés soit à un État américain, à une municipalité ou à une université privée du moment que cet État, cette municipalité ou cette université reçoit un quelconque financement du gouvernement fédéral américain (United States Department of the Interior 1995 : art. 10.2[3][iii]).
Par ailleurs, sont explicitement exclus du champ d’application de la NAGPRA tous les musées de la Smithsonian Institution, y compris le Musée national des Indiens d’Amérique (United States 1990a : art. 2[4] et 2[8]). Il pourra néanmoins s’avérer pertinent de se référer occasionnellement à la NAGPRA et à son règlement pour interpréter certaines dispositions de la NMAIA qui, elles, sont directement applicables au Musée des Indiens d’Amérique.
Les communautés autochtones pouvant bénéficier de la NAGPRA
En vertu de la NAGPRA, seuls les descendants en ligne directe, les nations indiennes et les organisations autochtones d’Hawaï peuvent se prévaloir des dispositions de la loi et présenter une demande de rapatriement auprès d’une des institutions identifiées précédemment (United States 1990a : art. 7[c]).
Le Règlement d’application de la NAGPRA définit l’expression « descendant en ligne directe » comme se rapportant à un individu pouvant établir un lien de parenté direct et sans interruption avec l’individu d’origine autochtone dont les restes humains sont réclamés ou à qui peut être associé un article culturel dont le rapatriement est réclamé (United States Department of the Interior 1995 : art. 10.14[(b]). Cette preuve de descendance peut reposer sur le système de généalogie traditionnel ou alors sur le système de généalogie propre à la communauté autochtone du requérant (United States Department of the Interior 1995 : art. 10.14[b]). Notons que la NAGPRA accorde priorité aux descendants en ligne directe lorsque ceux-ci sont identifiables (United States 1990a : art. 3 et 7[5][c]).
En ce qui concerne l’expression « tribu indienne », la définition fournie par la NAGPRA fait essentiellement référence aux communautés autochtones bénéficiant du statut d’Indiens, soit celles qui ont été officiellement reconnues par le gouvernement fédéral américain (United States 1990a : art. 2[7]). Cette définition a déjà fait l’objet de contestations devant les tribunaux américains, et ces derniers ont invariablement refusé de donner droit aux demandes de rapatriement présentées par des communautés autochtones n’ayant pas été reconnues par le gouvernement fédéral américain (McKeown 2013 : 189).
Par conséquent, sont exclues de l’application de la NAGPRA plusieurs communautés autochtones reconnues par certains États américains mais qui ne bénéficient toujours pas du statut d’Indiens octroyé par le gouvernement fédéral américain. Sont également exclues de l’application de la NAGPRA les communautés autochtones établies à l’extérieur des États-Unis. Toutefois, rien n’empêche les communautés ainsi exclues de s’associer à une communauté pouvant bénéficier de la NAGPRA dans la mesure où une identité commune partagée peut être démontrée avec cette dernière. Par exemple, la communauté stó:lō de la Colombie-Britannique a dans le passé été en mesure d’obtenir le rapatriement d’un article culturel par l’entremise de la Nation Nooksack aux États-Unis en expliquant que les deux groupes partageaient autrefois un territoire commun ayant été scindé en deux par la frontière canado-américaine et qu’ils partagent toujours la même langue ainsi que plusieurs coutumes et traditions (Nooksack Indian Tribe 2005 : 33).
De plus, il est à noter que le comité de révision chargé de surveiller l’application de la NAGPRA (ci-après « Comité de révision de la NAGPRA ») a déjà reconnu que, dans certaines circonstances, il pourrait être approprié d’acquiescer à une demande de rapatriement en vertu de la NAGPRA, et ce malgré le fait qu’elle soit présentée par une communauté autochtone n’ayant pas été reconnue par le gouvernement fédéral américain (United States Department of the Interior 2003). Une telle demande doit directement être déposée devant le Comité de révision de la NAGPRA qui déterminera alors si les restes humains ou les articles culturels réclamés devraient être rapatriés par les requérants (United States Department of the Interior 2003).
Les catégories d’objets admissibles au rapatriement sous la NAGPRA
L’article 7 de la NAGPRA identifie cinq catégories d’objets admissibles au rapatriement : les restes humains, les objets funéraires associés et non associés, les objets sacrés ainsi que les objets du patrimoine culturel.
Les « restes humains » font référence aux restes physiques d’une personne d’ascendance autochtone, à l’exclusion de restes physiques du corps humain ayant été volontairement donnés ou perdus par l’individu duquel ils proviennent, tels que des cheveux utilisés dans la fabrication de cordes ou de filets (voir United States Department of the Interior 1995 : art. 10.2 (d)[1]).
Les « objets funéraires associés » doivent avoir été placés auprès de restes humains dans le cadre d’un rituel associé à la mort ou d’une pratique culturelle, ou encore être destinés à ensevelir ou à contenir de tels restes. Pareillement, les « objets funéraires non associés » doivent avoir été placés auprès de restes humains dans le cadre d’un rituel associé à la mort ou d’une pratique culturelle. En revanche, ces objets ont été séparés de restes humains qui ne sont pas en la possession ou sous le contrôle du Musée. Il faudra alors démonter par prépondérance de preuve, soit que ces objets sont reliés à un individu spécifique, à une famille spécifique ou à des restes humains autrement connus, soit qu’ils ont été extraits de la sépulture d’un individu culturellement affilié à une nation autochtone donnée (voir United States 1990a : art. 2(3)[A)] et [B]).
La présente section discute de sujets clés devant être abordés par une demande formelle visant le rapatriement d’objets sacrés ou du patrimoine culturel sous la NAGPRA.
Les objets sacrés
Ces derniers sont définis sous la NAGPRA comme des objets cérémoniels requis par des chefs religieux autochtones pour la pratique de religions traditionnelles par leurs adhérents contemporains (United States 1990a : art. 2[3C] ; United States District Court for the District of Arizona 2003 : 272 f. supp. 2d 860 ; confirmé par United States Court of Appeals for the Ninth Circuit 2005 : 417 F. 3d 1091). Selon le règlement d’application de la NAGPRA, un chef religieux autochtone peut être une personne responsable de l’observation de certaines obligations culturelles en lien avec les traditions religieuses ou cérémonielles de la communauté, ou une personne exerçant un rôle de chef au sein de la communauté en raison des pratiques religieuses, cérémonielles ou culturelles de la communauté (voir United States Department of the Interior 1995 : art. 10.2(d)(3)[i] et [ii]).
Le Règlement d’application de la NAGPRA insiste sur la nécessité de prouver l’existence d’une cérémonie ou d’un rituel religieux autochtone auquel l’objet sacré était autrefois rattaché et ayant une signification ou une fonction religieuse dans l’observation continue ou dans le renouvellement de ladite cérémonie (United States Department of the Interior 1995 : art. 10.2(d)[3], nous soulignons). Le règlement fait ainsi référence à une utilisation antérieure de l’objet alors que la définition législative met plutôt l’accent sur son utilisation contemporaine. À ce sujet, l’auteur Timothy McKeown rapporte que, dans une affaire opposant le peuple cochiti au Bandelier National Monument, cette disparité entre la loi et le règlement a été discutée devant le Comité de révision de la NAGPRA. La demande de rapatriement avait été rejetée par le Musée au motif qu’elle ne permettait pas d’établir une utilisation antérieure de l’article en tant qu’objet sacré (McKeown 2013 : 196). Or, il semble que le comité n’y ait pas vu un défaut faisant obstacle à la demande de rapatriement puisqu’il a recommandé, après avoir entendu les deux parties, que les articles en question soient reconnus en tant qu’objets sacrés et qu’ils soient rapatriés (ibid. : 196). Le règlement suggère par ailleurs qu’il est nécessaire que la cérémonie pour laquelle l’objet sacré est réclamé soit toujours observée, du moment qu’il existe un désir de faire renaître cette pratique religieuse.
Ont ainsi pu être rapatriés en tant qu’objets sacrés au courant des dernières années : plusieurs coiffes ornées de plumes d’aigle (United States Department of the Interior. National Park Service 2012d), une coiffe ornée de cornes (United States Department of the Interior. National Park Service 2012d), un masque en bois (United States Department of the Interior. National Park Service 2013c), une pipe en catlinite rouge (United States Department of the Interior. National Park Service 2013d), des tambours (United States Department of the Interior. National Park Service 2012a), ainsi que des pointes de projectiles décorées (United States Department of the Interior. National Park Service 2012a).
Les objets du patrimoine culturel
Ceux-ci sont définis par la NAGPRA comme des objets ayant une importance historique, traditionnelle ou culturelle qui soit continue et centrale pour un groupe autochtone d’Amérique ou pour sa culture, plutôt qu’un bien appartenant à une personne autochtone. Il est également nécessaire de démontrer que ces objets ne pouvaient être aliénés, appropriés ou transmis par une personne, et ce, sans égard au fait que celle-ci soit membre du groupe autochtone en question. Finalement, l’objet doit avoir été considéré comme inaliénable par le groupe autochtone d’Amérique au moment où ce dernier a été séparé de l’objet (United States 1990a : art. 2[3][C]).
Ont ainsi pu être rapatriés en tant qu’objets du patrimoine culturel au courant des dernières années : un totem de 24 pi. (United States Department of the Interior. National Park Service 2014a), une coiffe de clan (United States Department of the Interior. National Park Service 2013a), plusieurs ceintures de wampums (United States Department of the Interior. National Park Service 2012b), un collier arborant des griffes de grizzly (United States Department of the Interior. National Park Service 2015), diverses figurines médicinales sculptées dans le bois (United States Department of the Interior. National Park Service 2012c), une coiffe composée de bois peinturé et de tissus (United States Department of the Interior. National Park Service 2013b), un bâton de danse (United States Department of the Interior. National Park Service 2012d) ainsi que des bâtons de prière (United States Department of the Interior. National Park Service 2014b). Soulignons que plusieurs de ces objets ont été qualifiés à la fois d’objets sacrés et d’objets du patrimoine culturel. Les deux catégories d’objets ne sont donc pas mutuellement exclusives.
L’existence d’une affiliation culturelle
L’article 7 de la NAGPRA exige également la démonstration d’une affiliation culturelle. Or, il est possible que cette affiliation culturelle ait déjà été reconnue par l’institution visée par la demande de rapatriement. En effet, les institutions assujetties à la NAGPRA sont tenues de produire certains inventaires et sommaires relativement aux articles culturels autochtones en leur possession, lesquels doivent faire mention de l’affiliation culturelle des articles (United States 1990a : art. 6 et 7). Si l’affiliation culturelle n’a pu être établie par l’institution visée, son existence pourra être démontrée par la personne ou la communauté autochtone requérante. Le Règlement d’application de la NAGPRA précise que l’affiliation culturelle consiste en un lien pouvant raisonnablement être établi entre une communauté autochtone contemporaine et un groupe antérieur identifiable en raison de leur identité commune partagée (United States Department of the Interior 1995 : art. 10.2[e][1]). Il s’agira donc de démontrer que l’article réclamé appartenait autrefois à un groupe autochtone antérieur (dans le cas d’un objet du patrimoine culturel) ou à un membre du groupe autochtone antérieur (dans le cas d’un objet sacré) [United States 1990a : art. 7(5)] Le Règlement d’application de la NAGPRA précise également que l’affiliation culturelle peut être démontrée à l’aide de preuves relevant de la géographie, de la descendance, de la biologie, de l’archéologie, de l’anthropologie, de la linguistique, du folklore, de la tradition orale, de l’histoire, ou de toute autre information ou opinion d’experts (United States Department of the Interior 1995 : art. 10.2[e][1]). En outre, la preuve doit permettre d’établir l’existence d’une affiliation culturelle par prépondérance (United States Department of the Interior 1995 : art. 10.2[e][1]). Autrement dit, il faudra démontrer que l’existence d’une telle affiliation est plus probable qu’improbable. Aucune certitude scientifique n’est cependant exigée (McKeown 2008 : 140 ; US District Court for the District of Oregon 2002 : 217 F. Supp. 2d 1116 ; confirmé par United States Court of Appeals. Ninth Circuit 2004 : 367 F.3d 864). Il est à noter qu’une preuve relevant exclusivement de la tradition orale ne sera pas toujours suffisante (voir United States Court of Appeals. Ninth Circuit 2004 : 367 F.3d 864, où la Cour d’appel des États-Unis pour le neuvième circuit a statué que les récits oraux présentés en preuve concernant des restes humains datant de 8340 à 9200 ans avaient inévitablement changé au fil des ans dans le contexte de leur transmission).
L’absence d’un droit de possession
Afin d’obtenir le rapatriement d’un objet funéraire non associé, d’un objet sacré ou d’un objet du patrimoine culturel en vertu de la NAGPRA, la partie requérante doit présenter un commencement de preuve appuyant la conclusion selon laquelle l’institution visée ne jouit pas d’un droit de possession vis-à-vis de l’objet réclamé. L’expression « droit de possession » réfère ici à la garde physique d’un objet jumelée à un intérêt légal suffisant permettant à une institution de considérer ledit objet comme faisant légalement partie de sa collection (Comité de révision de la NAGPRA 2010a : 43). Plus précisément, la partie requérante doit démontrer que l’objet réclamé n’a pas été obtenu par l’institution visée avec le consentement volontaire d’un individu ou d’un groupe qui avait alors l’autorité de l’aliéner (United States 1990a : art. 2[13]). Seul un commencement de preuve est exigé. Il suffit ainsi d’établir la possibilité que le Musée n’ait pas acquis ce droit de possession. Si une telle possibilité est établie, un renversement de fardeau s’opère et c’est à l’institution visée de démontrer son droit de possession par prépondérance de preuve.
Les recours disponibles sous la NAGPRA
Le Comité de révision de la NAGPRA est chargé de surveiller la mise en oeuvre de la NAGPRA et de veiller entre autres à ce que les institutions visées par cette loi respectent leurs obligations en matière de rapatriement (United States 1990a : art. 8). Ce comité est composé de sept membres, dont trois doivent obligatoirement être choisis parmi les candidats suggérés par les communautés autochtones bénéficiant de la NAGPRA (United States 1990a : art. 8[b][1][A]). La loi prévoit d’ailleurs que ce comité doit compter au moins deux chefs religieux autochtones (ibid.). Trois autres membres sont ensuite choisis parmi les candidats suggérés par certaines organisations scientifiques et associations de musées (United States 1990a : art. 8[b][1][B]). Le septième membre du comité est finalement choisi de concert par les membres du comité ainsi sélectionnés (United States 1990a : art. 8[b][1][C]).
Les institutions et les communautés autochtones concernées peuvent saisir ce comité afin de résoudre leurs différends concernant le rapatriement d’articles culturels autochtones (United States 1990a : art. 8[c][4]). Il faut cependant garder à l’esprit que ce comité ne rend pas de décisions obligatoires à l’instar d’une cour de justice (United States Department of the Interior 1995 : art. 10.16[b]). Néanmoins, les recommandations du comité sont parfois suivies, comme le révèlent certains avis de rapatriement publiés subséquemment au registre fédéral américain.
La NAGPRA accorde également juridiction aux tribunaux fédéraux de première instance en ce qui concerne le respect et l’application de la NAGPRA (United States 1990a : art. 15). Or, très peu de litiges concernant l’application de la NAGPRA ont été entendus par les tribunaux jusqu’à présent. Il semble plutôt que les différends concernant la NAGPRA soient fréquemment réglés par le biais d’un recours devant le Comité de révision de la NAGPRA, de l’arbitrage, ou encore de la médiation. En effet, le recours aux modes alternatifs de résolution des conflits est fortement encouragé par le Comité de révision de la NAGPRA qui recommande de contacter un officier fédéral désigné sous la NAGPRA à ce sujet, et ce, préalablement au dépôt d’une requête devant le comité (Comité de révision de la NAGPRA 2006a : art. IV A. et IV B. 1. f).
La National Museum of the American Indian Act (NMAIA)
La loi et la politique de rapatriement du NMAI
La NMAIA a été adoptée par le Congrès américain en 1989 (Loi publique 101-185 ; United States 1989a). En plus d’instaurer le Musée national des Indiens d’Amérique (National Museum of the American Indian), cette loi implantait un premier processus de rapatriement relativement aux restes humains ainsi qu’aux objets funéraires autochtones appartenant aux musées de la Smithsonian Institution. La NMAIA fut ensuite modifiée en 1996 par la Loi publique 104-278 (United States 1996) de sorte qu’elle reprend aujourd’hui en grande partie les termes utilisés dans la NAGPRA et y fait parfois directement référence.
Parallèlement à la NMAIA, le Musée national des Indiens d’Amérique (ci-après, « NMAI ») a émis la Politique du Musée national des Indiens d’Amérique régissant le rapatriement des restes humains et des objets culturels affiliés aux Autochtones d’Amérique (ci-après, « Politique de rapatriement du NMAI ») [NMAI 2020] Ce document fournit de plus amples explications sur le processus de rapatriement au NMAI. Contrairement au Règlement d’application de la NAGPRA, cette politique n’a pas force de loi. Cela dit, les requérants auront tout avantage à se conformer à cette politique s’ils désirent obtenir le rapatriement des articles détenus par ce musée.
Les institutions et communautés visées par la NMAIA
La NMAIA met en place une procédure de rapatriement d’articles culturels autochtones applicable aux musées de la Smithsonian Institution qui détiennent des articles culturels autochtones parmi leurs collections, soit le NMAI et le Musée national d’histoire naturelle (ci-après le « MNHN ») [NMAI 2015]. Les deux musées ont leur propre programme de rapatriement et donc des politiques et procédures distinctes en la matière (NMNH 2012 ; NMAI. Repatriation Department : 2020).
Les communautés autochtones pouvant bénéficier de la NMAIA sont déterminées par des critères analogues à ceux de la NAGPRA (United States 1996 : art. 11A ; McKeown 2013 : 185 ; United States 1989b : art. 16[8]).
Cela dit, malgré le fait que seules les nations amérindiennes ayant été officiellement reconnues par le gouvernement fédéral américain répondent à la définition de « tribu indienne » sous la NMAIA, celle-ci n’interdit pas pour autant le retour d’articles culturels autochtones à des nations non reconnues par le gouvernement fédéral américain (McKeown 2013 : 185). La Smithsonian Institution a effectivement accepté de rapatrier certains articles culturels autochtones à des Premières Nations du Canada. À titre d’exemple, le Centre culturel U’Mista (« U’Mista Cultural Centre »), situé à Alert Bay en Colombie-Britannique, compte aujourd’hui parmi sa collection un certain nombre d’articles culturels retournés par la Smithsonian Institution au peuple kwakwaka’wakw. Ces objets avaient été remis à l’origine aux autorités canadiennes en 1921, après la tenue d’un potlatch (une cérémonie culturelle autochtone dont la pratique était alors interdite par le droit canadien), en l’échange de suspension de peines d’emprisonnement pour certains des participants (Jacknis 1996 : 275).
La Politique de rapatriement du NMAI explique pour sa part que le Musée considérera au cas par cas les demandes de rapatriement présentées par des communautés autochtones non reconnues par le gouvernement fédéral américain ou par des communautés autochtones de l’extérieur des États-Unis relativement au rapatriement de restes humains, d’objets funéraires associés, d’objets sacrés ou d’objets du patrimoine culturel (NMAI 2020 : 8).
Le rapatriement d’articles culturels autochtones sous la NMAIA
Les critères donnant ouverture au rapatriement d’articles culturels autochtones sous la NMAIA sont très similaires à ceux existant sous la NAGPRA, à quelques différences près. Plus précisément, les articles 11 et 11A de la Loi publique 101-185 et de la Loi publique 104-278 permettent aux communautés autochtones admissibles d’obtenir le rapatriement de restes humains, d’objets funéraires associés et non associés, d’objets sacrés et d’objets du patrimoine culturel lorsque ceux-ci sont en la possession d’un musée de la Smithsonian Institution. On retrouve ainsi les mêmes catégories d’objets admissibles au rapatriement sous la NMAIA que sous la NAGPRA. D’ailleurs, l’article 11A(a) de la Loi publique 104-278 renvoie directement à la NAGPRA pour ce qui est des définitions d’objets funéraires non associés, d’objets sacrés et d’objets du patrimoine culturel. Par conséquent, ces définitions sont exactement les mêmes sous la NAGPRA et sous la NMAIA. Cependant, la NMAIA ne définit pas l’expression « restes humains ». La Politique de rapatriement du NMAI indique, pour sa part, que les « restes humains » font référence aux restes physiques d’un corps humain, ou toute partie de ce corps, et ce peu importe qu’ils aient été naturellement perdus, volontairement donnés ou encore culturellement modifiés. Un doute subsiste en ce qui concerne les cheveux humains, puisque la politique indique qu’ils pourront être considérés comme étant des « restes humains » dans certaines circonstances, sans toutefois préciser lesquelles (voir NMAI 2020 : 2).
Tout comme le Règlement d’application de la NAGPRA, la Politique de rapatriement du NMAI suggère que l’objet sacré réclamé puisse être requis par les chefs religieux de la communauté autochtone concernée bien que la cérémonie pour laquelle l’objet est réclamé ait cessé d’être observée, du moment qu’il existe un désir de faire renaître cette pratique religieuse (NMAI 2020 : 3).
La Politique de rapatriement du NMAI semble par ailleurs créer une nouvelle catégorie d’objets admissibles au rapatriement, soit les objets acquis illégalement. Le Musée déclare en effet être disposé à honorer toute demande de rapatriement visant un quelconque article culturel de sa collection du moment que cet article aura été acquis de façon illégale ou dans des circonstances empêchant le Musée de prétendre à un droit de possession vis-à-vis de l’article (NMAI 2020 : 4). La Politique du NMAI ne précise toutefois pas en quoi consisteraient ces circonstances.
En ce qui concerne l’existence d’une affiliation culturelle, la preuve exigée à ce sujet pourra également être facilitée si le sommaire préparé par la Smithsonian Institution fait mention d’une telle affiliation (United States 1996 : art. 11A[b]). En principe, l’institution devrait avoir préparé un tel sommaire puisque la Loi publique 104-278 l’y oblige (United States 1996 : art. 11A[a]). Autrement, il faudra démontrer l’existence d’une affiliation culturelle, en recourant aux mêmes types de preuves que sous le régime de NAGPRA (United States 1996 : art. 11A[b]). Il faudra également démontrer que la communauté détenait autrefois un droit de propriété ou alors que la communauté exerçait un contrôle sur l’objet sacré ou l’objet du patrimoine culturel en question (United States 1996 : art. 11A[b][2]). S’il s’agit d’un objet sacré, cette exigence pourra être remplie en établissant qu’un membre de la communauté détenait un tel droit de propriété ou alors que ce membre exerçait un contrôle sur l’objet en question (United States 1996 : art. 11A[b][3]).
Il est à noter que le fardeau de preuve des communautés autochtones en la matière se trouve allégé par la Politique de rapatriement du NMAI lorsqu’il est question du rapatriement de restes humains. En effet, à défaut de pouvoir établir une affiliation culturelle, le NMAI pourrait tout de même acquiescer à une demande de rapatriement, si la communauté autochtone à l’origine de la demande peut à tout le moins démontrer l’existence d’un lien avec le territoire où ont été recueillis les restes humains (NMAI 2020 : 2).
Finalement, l’article 11A(c) de la Loi publique 104-278 exige, tout comme la NAGPRA, que la partie requérante établisse un commencement de preuve démontrant que la Smithsonian Institution n’a pu acquérir de droit de possession vis-à-vis des objets funéraires non associés, des objets sacrés ou des objets du patrimoine culturel réclamés. Face à un tel commencement de preuve, la loi prévoit que la Smithsonian procédera au rapatriement des objets réclamés à moins de pouvoir réfuter ce commencement de preuve en faisant la démonstration d’un droit de possession valide. Bien que le guide sur le rapatriement du MNHN fasse référence à la nécessité de démontrer cette absence de droit de possession (NMNH 2012 : 8-9), il est intéressant de noter que la Politique de rapatriement du NMAI n’en fait plus mention. Il reste à voir s’il s’agit d’un simple oubli ou d’une modification volontaire de la politique de rapatriement du Musée ayant pour effet de dispenser les communautés de la démonstration d’une absence de droit de possession, et retirant du même coup la possibilité au NMAI d’invoquer un droit de possession valide à l’encontre d’une demande de rapatriement.
Les recours disponibles sous la NMAIA
La Loi publique 101-185 prévoit à son article 12 la mise sur pied d’un comité spécial chargé de veiller à l’application de la NMAIA et, plus spécifiquement, de s’assurer que les institutions visées par la loi se conforment à leurs obligations en matière d’inventaire et de rapatriement d’articles culturels autochtones. D’après l’article 12(b) de cette loi, le comité doit être composé de cinq membres, dont trois doivent obligatoirement être nommés parmi les candidats choisis par les communautés autochtones pouvant bénéficier de la loi. Un rapport produit par le GAO (Government Accountability Office) et présenté au Congrès américain en mai 2011 révèle que la Smithsonian Institution a effectivement mis sur pied un comité de révision (ci-après, le « Comité de révision de la Smithsonian ») pouvant entendre des disputes en matière de rapatriement et donner des recommandations non contraignantes, à l’instar du Comité de révision de la NAGPRA, mais que ce dernier n’exerce ses fonctions qu’à l’égard du MNHN (GAO 2011 : 29). La Smithsonian Institution a en effet indiqué en juin 2011 qu’elle ne se considérait pas dans l’obligation d’étendre la juridiction de son comité de révision aux activités de rapatriement du NMAI, et ce, en dépit des recommandations du GAO (GAO 2011).
Le rapport du GAO met également en lumière l’absence de recours judiciaire pour assurer le respect des dispositions de la NMAIA. En effet, contrairement à la NAGPRA, la NMAIA ne prévoit pas la possibilité d’un recours devant les tribunaux fédéraux de première instance (GAO 2011 : 30). Quant au recours en révision judiciaire, il semble que cette possibilité ait également été écartée à l’occasion de l’affaire Dong v. Smithsonian Institution (US Court of Appeals for the District of Columbia Circuit 1997 : 125 F.3d 877 ; requête en autorisation de pourvoi à la Cour suprême des États-Unis rejetée : 118 S. Ct. 2311 [1998]). En effet, la Cour d’appel des États-Unis pour le District de Columbia a conclu que la Smithsonian ne constituait pas une « agence » au sens de la définition de l’APA (Administrative Procedure Act) (Newton 1998 : 805). Par conséquent, la Smithsonian ne serait pas assujettie à l’APA, ni à sa procédure de révision administrative.
La Politique de rapatriement du NMAI confie, quant à elle, à un conseil de surveillance la tâche de décider de toutes les demandes de rapatriement présentées au Musée [NMAI 2020 : 6]. Les décisions de ce conseil peuvent être portées en appel devant un comité d’appel. En réponse à l’une des recommandations émises par le GAO, la Politique de rapatriement du NMAI prend soin de mentionner que les trois membres du comité d’appel s’abstiendront de prendre part à la procédure de rapatriement menée au sein du Conseil de surveillance afin d’assurer l’indépendance du processus d’appel (NMAI 2020 : 6 ; GAO 2011 : 41). Un tel appel sera cependant autorisé uniquement dans la mesure où les requérants peuvent apporter de nouvelles informations ou quelques précisions permettant d’étayer leur demande de rapatriement (NMAI. Repatriation Department 2020 : 10). Le comité d’appel du NMAI pourra demander conseil au cercle des aînés du NMAI ou au Comité de révision de la Smithsonian, ou rechercher toute autre expertise extérieure jugée nécessaire (NMAI 2020 : 6). La décision rendue par ce comité est finale et sans appel (NMAI 2020 : 6).
Les enseignements du Comité de révision de la NAGPRA
Si les considérations du Comité de révision de la NAGPRA ne sont en aucun cas contraignantes, ni pour les institutions visées par la NAGPRA ni pour celles visées par la NMAIA, elles peuvent néanmoins fournir des pistes de réflexion quant à la possible interprétation des dispositions de la NAGPRA et de la NMAIA tout en présentant un aperçu des principaux arguments pouvant éventuellement être avancés par les deux parties d’une demande formelle de rapatriement.
Le rapatriement d’objets sacrés
Les procès-verbaux du Comité de révision de la NAGPRA témoignent d’un grand respect, voire de déférence, vis-à-vis des communautés autochtones requérantes lorsque vient le moment de déterminer si un article peut être qualifié d’objet sacré en vertu de la NAGPRA. En effet, le Comité de révision de la NAGPRA a su faire preuve de souplesse dans l’application des dispositions de cette loi, en accordant une grande importance aux témoignages de chefs religieux autochtones et en reconnaissant que certaines informations requises par la loi puissent parfois être de nature confidentielle.
Le témoignage des chefs religieux autochtones
Le Comité de révision de la NAGPRA a indiqué, à l’occasion de l’affaire opposant le peuple cochiti au Bandelier National Monument, que les chefs religieux autochtones ont autorité en ce qui a trait à la définition appropriée d’« objet sacré ». Même si certains objets semblaient n’avoir qu’une fonction utilitaire, en l’espèce des pointes de projectiles, il fallait néanmoins tenir compte de l’interprétation spécifique de ce que constitue pour la communauté un objet sacré (Comité de révision de la NAGPRA 1998 : 17).
Dans une affaire opposant l’organisation autochtone hawaïenne Hui Malama I Na Kupuna O Hawai’I Nei au Musée d’histoire naturelle du parc Roger Williams, le Comité de révision de la NAGPRA a également accepté qu’une pièce de bois sculptée puisse être considérée comme un objet sacré, malgré les nombreux témoignages d’experts présentés par le Musée indiquant qu’il s’agissait plutôt d’un objet utilitaire, plus précisément d’une lance ayant servi à la pêche (Comité de révision de la NAGPRA 1997). Un de ces experts avait souligné de surcroît l’insuffisance de preuves quant à l’utilisation de cet objet aux fins d’un rituel religieux autochtone. Néanmoins, il semble que le comité ait accordé plus d’importance aux témoignages présentés par l’organisation hawaïenne autochtone, y compris le témoignage de chefs religieux autochtones, témoignages selon lesquels la lance avait été habitée par un esprit sacré dans le passé et était reliée à un rituel au cours duquel les esprits étaient appelés à prendre place dans certains objets. Une fois l’esprit hors de l’objet, ce dernier conservait certains pouvoirs. On avait également expliqué au comité que la lance était maintenant requise à des fins de pratiques religieuses contemporaines permettant aux membres de l’organisation autochtone d’établir un rapport avec leurs terres (United States Department of the Interior. National Park Service 1997 : 23795).
Dans une autre affaire ayant opposé la Nation Western Apache au Musée d’art de Denver, le Musée entretenait des doutes quant à la nécessité des objets réclamés à des fins de cérémonies religieuses contemporaines, soulignant qu’un minimum d’informations devait être fournies par la nation au sujet de l’utilisation qu’elle entendait faire des objets réclamés (Comité de révision de la NAGPRA 2002 : 13 et 16). Or, dans cette affaire, la Nation Western Apache avait expliqué que les objets en question étaient nécessaires à l’achèvement d’un processus de guérison (Comité de révision de la NAGPRA 2002 : 13). Les objets avaient été utilisés à des fins de cérémonie religieuse, mais ils ne le seraient plus lors de futures cérémonies puisqu’ils devaient être mis à l’écart par les chefs religieux autochtones, et ce afin de compléter la cérémonie religieuse au cours de laquelle les objets avaient été utilisés. Le procès-verbal de la réunion du Comité de révision de la NAGPRA révèle que les membres étaient divisés quant à savoir si une preuve suffisante avait été présentée par la nation afin de se conformer aux exigences de la NAGPRA. Néanmoins, le comité a finalement conclu que les objets réclamés constituaient des objets sacrés ainsi que des objets du patrimoine culturel (United States Department of the Interior. National Park Service 2002 : 57836).
La nature confidentielle de certaines informations
Il est finalement important de préciser que le Comité de révision de la NAGPRA a parfois accepté de se prononcer en faveur d’une demande de rapatriement, malgré l’information partielle mise à sa disposition concernant l’utilisation spécifique des objets réclamés, cette information étant considérée comme confidentielle par les communautés requérantes.
Dans l’affaire opposant le peuple cochiti au Bandelier National Monument, la communauté avait expliqué que certaines informations requises aux fins du rapatriement étaient réservées à certains groupes et individus de la communauté et que cette dernière préférait renoncer au rapatriement de ces objets très importants et sacrés plutôt que de révéler ces informations. Un des membres du Comité de révision de la NAGPRA avait alors mentionné qu’il serait tragique qu’une communauté ait à renoncer à sa demande de rapatriement en raison de la confidentialité et de l’importance culturelle de certaines informations demandées (Comité de révision de la NAGPRA 1998 : 17).
Le rapatriement d’objets du patrimoine culturel
À la lecture des procès-verbaux du Comité de révision de la NAGPRA, on constate que les débats portent très souvent sur l’importance centrale ainsi que sur la propriété collective des objets du patrimoine culturel.
L’importance centrale
Rappelons que la définition d’« objet du patrimoine culturel » aussi bien sous la NAGPRA que sous la NMAIA précise qu’un tel objet doit avoir une importance centrale pour un groupe autochtone ou sa culture. Or, il s’agit d’un critère imprécis et subjectif. Il n’est donc pas étonnant que cet aspect de la définition ait fait l’objet de débats devant le Comité de révision de la NAGPRA.
L’affaire qui opposait la Nation White Mountain Apache au Field Museum illustre bien cette problématique. En l’espèce, le Musée refusait que certains masques de sa collection soient qualifiés d’objets du patrimoine culturel, puisque leur importance centrale n’avait pas été démontrée (Comité de révision de la NAGPRA 2007 : 5739). Plusieurs arguments avaient alors été présentés par le Musée afin de démontrer l’absence d’importance centrale, notamment le fait que la vente des masques en question n’avait suscité aucune controverse à l’époque, que ces masques n’étaient pas nommés ou reconnus individuellement et que plusieurs masques de ce genre avaient été vendus et étaient maintenant détenus par des musées ou des collectionneurs (Comité de révision de la NAGPRA 2007 : 5739). En dépit de ces arguments, le Comité de révision de la NAGPRA a finalement conclu que les objets réclamés présentaient bel et bien une importance centrale pour la nation requérante en précisant avoir accordé une fois de plus un grand intérêt aux témoignages des chefs religieux traditionnels à ce sujet (Comité de révision de la NAGPRA 2007 : 5739).
Dans l’affaire qui opposait la Hoonah Indian Association et la Huna Totem Corporation au Penn Museum en 2010, le Comité de révision de la NAGPRA a souligné que les musées ne pouvaient fonder leurs conclusions quant à l’importance centrale des objets en se référant exclusivement à la littérature (Comité de révision de la NAGPRA 2010b : 46). D’après le comité, la tradition orale ainsi que le savoir traditionnel doivent être pris en considération dans la détermination de ce que constitue un objet d’importance centrale pour un groupe autochtone donné (Comité de révision de la NAGPRA 2010b : 46). En outre, il ne saurait être question de niveau de centralité. Le fait que certains objets présentent une importance centrale moindre n’affectera pas leur catégorisation en tant qu’objets de patrimoine culturel (Comité de révision de la NAGPRA 2010b : 45).
La distinction entre possession et propriété
Apparemment, le fait qu’un objet ait été principalement détenu par un membre de la communauté en particulier n’empêchera pas sa catégorisation en tant qu’objet du patrimoine culturel. En effet, l’affaire qui opposait le Field Museum à la Nation White Mountain Apache en 2006 met en exergue la distinction nécessaire entre possession et propriété. Bien que certains membres de la nation requérante aient déjà eu la possession exclusive des masques et coiffes réclamés, on a expliqué qu’après avoir été bénis par un chef religieux apache ces articles étaient considérés comme animés par les esprits qu’ils représentaient (Comité de révision de la NAGPRA 2006b : 17). Si les articles étaient effectivement en la possession de certains individus, ils étaient véritablement la propriété de ces esprits (Comité de révision de la NAGPRA 2006b : 14). On a également expliqué que les individus ayant fabriqué et pris soin de ces objets agissaient à titre de gardiens, tel que le laissait entendre le mot « Apache » employé pour désigner ces personnes (Comité de révision de la NAGPRA 2006b : 14 et 18). Le Comité de révision de la NAGPRA a ainsi pu conclure que les objets réclamés étaient effectivement des objets du patrimoine culturel puisque ces derniers appartenaient aux esprits Gaan, et par le fait même, à la Nation Apache tout entière (Comité de révision de la NAGPRA 2006b : 18).
L’absence de droit de possession
Rappelons que la partie requérant le rapatriement d’un objet funéraire non associé, d’un objet sacré ou d’un objet du patrimoine culturel doit normalement établir un commencement de preuve indiquant que l’article réclamé a été obtenu sans le consentement volontaire de l’individu ou du groupe qui avait alors l’autorité de l’aliéner.
Il est intéressant de noter que cette exigence sera plus facilement satisfaite si l’objet réclamé peut être qualifié d’objet du patrimoine culturel. En effet, par définition ces objets appartiennent à la communauté entière et ne peuvent être aliénés qu’avec le consentement volontaire de la communauté. Par conséquent, si la partie requérante allègue que l’objet du patrimoine culturel n’a pu être transféré avec le consentement de la communauté, il s’avérera généralement ardu pour l’institution visée de démontrer qu’un tel consentement a effectivement été donné.
Le statut de l’individu ayant procédé au transfert de l’article réclamé a déjà été invoqué afin d’établir l’autorité d’aliéner nécessaire à la reconnaissance du droit de possession d’un musée. Dans l’affaire qui opposait la Sealaska Corporation et la Wrangell Cooperative Association au Musée d’État d’Alaska, un article qualifié à la fois d’objet sacré et d’objet du patrimoine culturel, en l’espèce une coiffe, avait été donné en 1969 au Musée d’État d’Alaska par le chef de la nation, qui se trouvait également à agir en tant que gardien de l’objet. Il a donc fallu déterminer si un tel individu possédait l’autorité nécessaire pour se départir de l’objet réclamé. À cette fin, la nation requérante a présenté un exposé sur l’état du droit tribal en vigueur à l’époque, expliquant ainsi que la nation était propriétaire des objets du patrimoine culturel, que les gardiens de ces objets n’agissaient véritablement qu’en tant que fiduciaires et que ces derniers ne pouvaient disposer des objets dont la garde leur avait été confiée sans le consentement de la nation (Comité de révision de la NAGPRA 2010a : 35). Comme les documents à l’origine de la donation ne faisaient pas état d’un tel consentement, les requérants alléguaient que le Musée d’État d’Alaska ne jouissait d’aucun droit de possession vis-à-vis de la coiffe (Comité de révision de la NAGPRA 2010a : 37-40). Après délibération, le Comité de révision de la NAGPRA a finalement décidé de donner raison à la nation requérante en concluant que le Musée d’État d’Alaska n’était pas parvenu à démontrer qu’il était plus probable qu’improbable que la nation amérindienne requérante ait eu l’intention de donner l’autorité nécessaire au chef pour qu’il se départisse de la coiffe (Comité de révision de la NAGPRA 2010b : 32-33). Le fait que ce dernier ait consenti à la donation avec les meilleures intentions ou le fait que l’entente conclue avec le musée reconnaisse certains droits à la nation requérante, telle que la possibilité d’emprunter occasionnellement l’objet réclamé pour les fins de cérémonies religieuses, ne permettront pas de remédier à l’absence de consentement au transfert de l’objet de la part de la nation requérante (Comité de révision de la NAGPRA 2010a : 108 et 123).
Les alternatives à la demande formelle de rapatriement
Gardons à l’esprit qu’outre le rapatriement, d’autres moyens peuvent permettre le retour d’articles culturels autochtones. Par exemple, l’obtention d’un prêt à long terme peut constituer une alternative intéressante. Il est entendu que les communautés se heurteront certainement à moins de résistance de la part des musées en présentant une demande de prêt à long terme plutôt qu’une demande de rapatriement. Cela dit, l’obtention d’un prêt impliquera fort probablement le respect de certaines conditions quant à la conservation et à la manipulation des objets ainsi que le retour éventuel desdits objets aux musées, pour ne rien dire des coûts de transports et des assurances, qui s’avéreront généralement prohibitifs. Par conséquent, le prêt demeure une forme de compromis qui pourrait s’avérer inadmissible pour les communautés autochtones concernées.
Néanmoins, la demande formelle de rapatriement n’est pas la seule façon d’obtenir le retour inconditionnel des articles culturels convoités. En effet, quelques cas d’espèce révèlent que certains musées américains peuvent accepter de retourner sans condition les objets réclamés aux communautés autochtones, du moment que le retour desdits objets s’effectue en dehors du processus formel de rapatriement. Cette attitude peut s’expliquer par la crainte que la création de précédents n’incite d’autres communautés autochtones à présenter d’autres demandes formelles de rapatriement et que les musées voient par le fait même disparaître l’entièreté de leurs collections d’articles culturels.
L’affaire qui opposait le Field Museum à la Nation White Mountain Apache illustre bien cette aversion que peuvent avoir les musées américains pour la création de précédents. Rappelons que dans cette affaire, les deux parties s’entendaient sur le fait que les objets réclamés devaient être retournés à la communauté. Les deux parties ne s’entendaient toutefois pas sur la qualification adéquate des objets sous la NAGPRA. La communauté requérante désirait que les objets soient rapatriés en tant qu’objets sacrés et objets du patrimoine culturel, alors que le Field Museum refusait de reconnaître ces objets en tant qu’objets du patrimoine culturel. Les parties n’étant pas parvenues à une entente, l’affaire a été entendue par le Comité de révision de la NAGPRA qui a constaté que la dispute ne concernait pas réellement le retour des objets, mais que l’enjeu se situait plutôt dans la création de précédents, dans le cas du musée, et au niveau du respect accordé à ces objets dans le cas de la communauté requérante (Comité de révision de la NAGPRA 2006b : 11).
L’affaire qui opposait la Nation Western Apache au Musée d’art de Denver illustre, elle aussi, la réticence des musées américains quant à la création de précédents sous la NAGPRA. Dans cette affaire, le Musée avait offert de retourner à la communauté sous la forme d’un don les articles réclamés, et ce, sans aucune condition (Comité de révision de la NAGPRA 2002 : 14). Cette offre avait pourtant été rejetée par la communauté requérante qui tenait à ce que les objets soient rapatriés formellement en vertu de la NAGPRA, la communauté n’appréciant guère que lui soient « donnés » des objets qu’elle estimait lui appartenir (Comité de révision de la NAGPRA 2002 : 15). Bien que la communauté ait ultimement réussi à obtenir le rapatriement des objets sous la NAGPRA, ce long processus aurait pu être évité si la communauté avait accepté le don initial. Cette affaire met ainsi en lumière l’intérêt d’explorer d’autres réponses à la demande formelle de rapatriement puisqu’il ne s’agit pas nécessairement de l’unique façon d’obtenir le retour inconditionnel d’articles culturels autochtones. Il ne faut donc pas hésiter à innover, à créer de nouveaux concepts et à proposer aux musées d’autres formes d’arrangement en vue d’obtenir le retour des articles culturels.
Au-delà du retour physique et légal des articles culturels autochtones
De nouvelles technologies, telles que la numérisation et la reproduction 3D, permettent maintenant de restaurer et de redynamiser les collections des musées, voire de mieux préserver certaines pratiques culturelles autochtones à la suite du rapatriement d’articles culturels.
Le MNHN est d’ailleurs passé maître dans ce domaine. En 2010, soit cinq ans après le rapatriement sous la NMAIA du Kéet S’aaxw (une coiffe en bois représentant un épaulard sortant de l’eau) à la communauté tlingit dakl’aweidí d’Alaska, le Musée a été autorisé à effectuer un balayage laser de l’article rapatrié afin d’en obtenir une numérisation 3D aux fins d’une exposition expliquant l’importance culturelle de l’objet et de son rapatriement (Hollinger et al. 2013 : 204). Le balayage laser a également permis de publier en ligne une réplique virtuelle de la coiffe qui peut maintenant être examinée sous tous les angles au bénéfice de tous (Hollinger 2015). Un an auparavant, le Musée avait également pu reproduire, grâce à une numérisation 3D, une pipe en étain du xviie siècle faisant l’objet d’une demande de rapatriement (Hollinger et al. 2013 : 206) avec le consentement des communautés à l’origine de la demande. La reproduction ayant été un succès, le Musée a été appelé à produire des répliques additionnelles à la demande des communautés concernées pour que chacune d’entre elles puisse également exposer une réplique à des fins éducatives (Hollinger et al. 2013 : 207).
Dans la communauté innue de Mashteuiatsh, une publication intitulée Ashineun a été offerte gratuitement à chacune des familles, dans le but de leur donner « un accès aux images et aux renseignements de leur propre patrimoine culturel » et de « contribuer à leur guérison et renforcer leur sentiment d’appartenance à la communauté ilnu » (Projet Nika Nishk 2017 : 11). Cette publication, s’inscrivant dans le projet de rapatriement Nika Nishk, reproduit cent cinquante photos d’objets patrimoniaux qui se trouvent au NMAI. La publication du livre a été considérée comme un moyen de permettre aux Pekuakamiulnuatsh de renouer avec leur patrimoine culturel de façon immédiate, en attendant le retour physique des objets.
Il appert que la numérisation et la reproduction 3D présentent de multiples avantages pour les communautés autochtones et les musées. Ces nouvelles technologies permettent entre autres de reproduire les articles rapatriés advenant leur perte ou leur dégradation au bénéfice des communautés intéressées. Les musées quant à eux peuvent remplacer les originaux rapatriés dans leurs collections avec l’accord de la personne ou de la communauté affiliée et même permettre au public certaines expériences interactives qui n’auraient pas été possibles avec les originaux (par exemple l’agrandissement et la rotation d’une représentation virtuelle de l’objet, ou encore la manipulation d’une réplique). Ces nouvelles technologies peuvent donc servir à la fois l’intérêt des communautés et des musées en participant à la préservation de la culture autochtone et à l’éducation des générations futures.
Bien que les outils en ligne et virtuels aient la capacité d’améliorer l’accès des communautés autochtones à leur patrimoine culturel, il subsiste de nombreux obstacles qui peuvent empêcher ces outils d’atteindre leur plein potentiel. Ces obstacles incluent notamment les serrures numériques, les intérêts propriétaux, les monopoles de l’information et la portée étroite des informations téléchargées dans les bases de données d’images en ligne (Douglas et Hayes 2019 : 1260). Par ailleurs, plusieurs musées et bases de données limitent l’accès aux images ou exigent des frais pour leur consultation. De plus, le manque de financement public limite la capacité de créer, de développer et de tenir à jour les bases de données (Douglas et Hayes 2019 : 1260).
Une étude menée par Douglas et Hayes a révélé que l’accès aux bases de données en ligne destinées à la recherche en vue du rapatriement est entravé par la faible qualité des données, le langage légaliste et ésotérique et les limitations découlant des droits de propriété, tous ces facteurs freinant la progression des initiatives communautaires de rapatriement (ibid. : 1268). Une solution proposée par plusieurs spécialistes pour surmonter ces obstacles à l’accès consiste à harmoniser le droit canadien de la propriété intellectuelle avec les systèmes juridiques autochtones. Il faut surtout se demander si les normes provenant des conceptions occidentales du droit de la propriété intellectuelle devraient être les seules valeurs s’appliquant à la protection du savoir et de l’expression culturelle autochtones (Coyle 2011 : 15). Selon Michael Coyle, « l’adoption d’une méthodologie qui ne néglige pas a priori les valeurs autochtones est certainement la première étape pour éviter des résultats dits procrustéens qui n’éviteront pas l’appropriation injuste ni n’aideront à protéger des cultures autochtones » (Coyle 2011 : 15, notre trad.). Effectivement, de nombreuses personnes autochtones sont mal à l’aise avec le fait que les communautés autochtones doivent adopter les hypothèses, règles et institutions qui leur sont étrangères et « jouer le jeu de la société dominante » afin de revendiquer leur propre patrimoine culturel (Greaves 1994 : 5, notre trad.). L’intégration des traditions juridiques autochtones dans le droit de la propriété intellectuelle faciliterait donc le processus de rapatriement en permettant aux communautés autochtones d’accéder plus facilement à leur patrimoine culturel sans avoir à se soumettre aux notions occidentales de propriété.
Conclusion
En terminant, soulignons que le rapatriement de la propriété culturelle a la capacité d’apporter des changements significatifs dans les communautés autochtones, tant sur le plan pratique que symbolique, et constitue un élément essentiel de la réconciliation. Bien que le rapatriement dans le contexte canadien ait fait l’objet de beaucoup d’attention dans la littérature académique au cours des dernières années, il n’en demeure pas moins qu’il reste encore d’importantes lacunes à combler afin de s’assurer que les communautés autochtones peuvent avoir accès à leurs biens culturels. Comme nous l’avons noté plus haut, le cadre législatif canadien est largement incomplet et crée des obstacles pour les communautés autochtones qui demandent la restitution d’artefacts faisant partie de leur patrimoine culturel. Trop de place est laissée à la bonne volonté des musées dans le cadre actuel. En revanche, le cadre juridique américain, bien qu’imparfait, est beaucoup plus détaillé et exige la pleine participation des Autochtones. Étant donné le rôle central du rapatriement dans le processus de réconciliation, des mesures audacieuses doivent être prises au Canada afin d’aider les communautés autochtones à surmonter les obstacles au rapatriement et ainsi à réparer les torts historiques liés à la dépossession des biens culturels autochtones.
Parties annexes
Notes biographiques
Marie-Pier Fullum-Lavery est avocate et travaille au sein du Bureau des Affaires juridiques de l’Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL) à Lyon. Elle se spécialise en droit international public et sa pratique est axée principalement sur le droit des organisations internationales. Diplômée en droit de l’Université de Montréal et de l’Université de Cambridge, elle a précédemment travaillé en tant que consultante au sein du Bureau du Conseiller juridique de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) à La Haye. En 2014, elle a coécrit, avec Doris Farget, « La place réservée à l’avis des peuples Autochtones dans le cadre du processus de prise de décision concernant le plan Nord ou l’exploitation du Nord québécois : perspective juridique interne et internationale » (Revue de droit de McGill, 59 n˚3 : 595-653).
Bradley Wiseman est avocat et candidat à la maîtrise en théorie du droit à l’Université de New York. Diplômé de la Faculté de droit de l’Université de Montréal (LL.B. 2019, J.D. 2020), il a travaillé au sein de cabinets d’avocats spécialisés en droit constitutionnel et en droit autochtone, et a agi à titre d’auxiliaire juridique à la Cour fédérale. Au cours de ses études, il a travaillé comme auxiliaire de recherche au Centre de recherche en droit public (CRDP) et auprès de plusieurs professeurs dans les domaines du droit autochtone, du droit constitutionnel et de l’histoire du droit.
Michel Morin est professeur titulaire à la Faculté de droit de l’Université de Montréal. Ses activités d’enseignement et de recherche portent sur l’histoire comparative du droit public ou du droit privé, l’évolution des droits des peuples autochtones et le droit comparé. En 1998, la Fédération canadienne des sciences humaines et sociales lui a décerné le prix Jean-Charles Falardeau pour son ouvrage L’Usurpation de la souveraineté autochtone (Montréal, Boréal, 1997). En 2004, il a publié une Introduction historique au droit romain, au droit français et au droit anglais (Montréal, Éditions Thémis). En 2012, il a dirigé et coécrit, avec Arnaud Decroix et David Gilles, Les tribunaux et l’arbitrage en Nouvelle-France et au Québec de 1740 à 1784 (Montréal, Éditions Thémis), auquel a été attribué le Prix Rodolphe-Fournier 2013 (ex aequo) par la Fédération des sociétés d’histoire du Québec et la Chambre des notaires du Québec.
Note
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[*]
La contribution de l'auteure est basée sur une note de recherche produite en 2013 pendant ses études en droit à l’Université de Montréal et mise à jour pour fins de publication.
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