Résumés
Résumé
Cet article est consacré à un corpus de textes dramatiques d’expression française écrits par des auteurs d’Afrique subsaharienne depuis les années 1990. Ce théâtre postcolonial est fortement marqué par les désillusions vis-à-vis des Indépendances et les échecs des projets de démocratie dans les nations anciennement colonisées. L’article analyse le rapport aux figures féminines et aux motifs de la grossesse et de l’engendrement dans ces dramaturgies qui optent, le plus souvent, pour un détour par la fable mettant au jour une poétique de la mort et de la mémoire. L’article rend compte des modalités diverses selon lesquelles ces questions se déclinent, à la croisée d’enjeux esthétiques et politiques, dans des textes de différentes époques, jusqu’à nos jours.
Mots-clés :
- dramaturgie contemporaine,
- théâtre politique,
- théâtre postcolonial,
- figures du féminin,
- mémoire,
- fable,
- grossesse,
- accouchement
Abstract
This article is devoted to a panel of French-speaking dramatic texts written by authors from sub-Saharan Africa since the 1990s. This postcolonial theatre is strongly marked by disillusionment with Independence and the failures of the projects of democracy in formerly colonized nations. The article analyzes the relationship with female figures and the motifs of pregnancy and engenderment in these dramaturgies which opt, most often, for a detour through the fable, revealing a poetics of death and memory. The article reports on the various ways in which these questions arise, at the crossroads of aesthetic and political issues, in texts from different eras, up to the present day.
Corps de l’article
La naissance des jeunes démocraties noires s’inscrit sans doute dans le mythe du bébé au bras pyrogravé : une lubie des dispensateurs de mirage.
Koulsy Lamko, Tout bas… si bas
Si les dramaturgies d’Afrique subsaharienne francophone se sont souvent emparées du motif de l’enfant en tant que figure symbolisant l’avenir à construire après l’histoire du colonialisme, grossesse, naissance et accouchement y revêtent une dimension similaire mais quant à elle marquée par différentes formes d’empêchements ou d’écarts favorisant les situations atypiques. C’est qu’au-delà des conditions précaires de la délivrance, qui rappellent les conditions de vie d’une grande partie des populations du continent africain, naissance et engendrement représentent les motifs d’un détour d’ordre avant tout politique. L’infantilisation[1] a été au coeur de la mise en place de la « situation coloniale » (Balandier, 1951) qui a procédé par dévalorisation systématique de tout ce qui constituait la singularité des populations autochtones évoluant sur les territoires préemptés par les métropoles impérialistes. Après les Indépendances, le cliché des jeunes démocraties en devenir comparées à des enfants subitement livrés à eux-mêmes s’est répandu en confortant l’image d’une Afrique comme matrice tout à coup tenue d’accoucher d’elle-même. Les dramaturges ne manquent pas de se saisir de ces images et de se les approprier pour mieux tenter de les déjouer, de les déconstruire. Ce faisant, nous verrons que leur regard propose de décrypter la situation problématique dans laquelle se trouvent la plupart des anciennes nations colonisées qui n’ont en fait pas à accoucher du fruit de l’amour, comme d’un projet utopique, mais à mettre au monde un « monstre » engendré par l’Histoire.
L’Afrique personnifiée à travers la figure féminine
La grossesse est un motif directement relié à la naissance. L’état prénatal, au coeur d’une situation dramatique, annonce toujours la naissance à venir et crée chez le·la lecteur·trice-spectateur·trice une tension. En effet, celui·celle-ci se trouve alors porté·e vers une action appelée ou redoutée, mais quoi qu’il en soit chargée d’une bascule forte en termes diégétiques. Ainsi, même si la naissance n’est pas toujours représentée dans le texte dramatique, la grossesse est un élément qui nous renvoie immanquablement à la potentialité d’une naissance et tend, en ce sens, à avoir une place privilégiée dans la dramaturgie. Toutefois, la situation dramatique ménage-t-elle les possibilités de l’accouchement? Semble-t-elle, au contraire, les empêcher? La naissance s’annonce-t-elle sous de bons ou de mauvais auspices? Cette dynamique nous amène également à une tension qui se situe, cette fois, plus en amont, et qui concerne la conception : dans quelles conditions la grossesse survient-elle? Dans les dramaturgies d’Afrique subsaharienne francophone, la poétique du naissant s’articule de manière prismatique aux conditions de l’engendrement – souvent marquées par la violence, nous le verrons – et à des situations de grossesses atypiques qui sont porteuses des enjeux du drame. Mais, ce qu’il faut avant tout souligner, c’est que ces poétiques du naissant s’inscrivent dans un rapport allégorique à l’Afrique qui s’avère le plus souvent personnifiée par l’image de la femme fertile. C’est la raison pour laquelle on retrouve dans ces écritures de très nombreux personnages féminins qui sont des figures fortes et centrales.
Chez Koffi Kwahulé, Jaz, dans la pièce éponyme (1999), est une femme violée qui, par son récit anamnestique, tente de se reconstruire. Elle ne porte pas ce nom-là par hasard, et un second niveau de lecture ouvre sur la question de l’histoire des peuples afrodescendants par le biais de l’histoire de la musique jazz. Pour l’auteur : « Il ne s’agit pas du viol de l’Afrique mais le jazz n’est-il pas aussi l’histoire d’une résistance au viol? » (Kwahulé, cité dans Barrière, 2011 : 207.) Les propos tenus dans un entretien qu’il accorde à Sylvie Chalaye sont par ailleurs éloquents :
Sylvie Chalaye : Ce personnage ne représente pas l’Afrique, mais plutôt l’exil, la diaspora, cette Afrique qui existe en dehors de son continent, cette espèce d’âme de l’Afrique qui est en dehors de son continent. Est-ce que cela renvoie à l’histoire d’un continent qui n’a aujourd’hui de survie qu’en dehors de son territoire?
Koffi Kwahulé : C’est en effet une métaphore de l’Afrique! Même l’Afrique en Afrique n’est plus en Afrique. C’est un continent qui n’est plus sur son socle. Et l’image pour moi la plus significative de l’Afrique est justement sa diaspora, la diaspora de l’esclavage, mais aussi la diaspora qui est en train de se former en Europe et en Amérique, comme si l’Afrique était condamnée à une sorte d’errance, comme si dans son histoire récente l’Afrique ne pouvait se structurer que dans une mentalité de l’exil (Chalaye, 1999).
En effet, le théâtre de Kwahulé parle de « l’expérience noire », une expérience marquée par l’outrage, la violence et l’oppression, mais aussi forte d’une renaissance que traduit, entre autres, l’histoire de la musique jazz. Ainsi, si Jaz n’est pas à proprement parler une représentation de l’Afrique confrontée au viol colonial, une partie d’elle est porteuse de cette histoire en ce qu’elle représente les diasporas afrodescendantes et leur trajectoire. En revanche, la question du viol de l’Afrique est plus explicitement présente chez un auteur comme Marcel Zang, qui la place au coeur d’un échange entre l’inspecteur Charon et Imago dans L’exilé :
L’inspecteur Charon. – Je vous ai dit que vous êtes expulsé du territoire français. Nous sommes bien d’accord? vous maintenant.
Imago. – Et moi je vous dis que c’est impossible. C’est comme si vous me disiez que votre enfant a accouché de votre femme, à moins d’être un oeuf, et encore. Voilà pourquoi je vous dis que c’est impossible. C’est moi qui pourrais le faire sortir, et faut que j’y arrive. Comprenez-vous maintenant? C’est le territoire français qui est entré en moi, et pas l’inverse, alors je vois mal comment on pourrait m’en expulser.
L’inspecteur Charon. – Du concret, hein! Allons au concret. Rien que du concret et seulement du concret. Alors, êtes-vous né en France? […]
Imago. – Non, c’est la France qui est entrée en moi et sans me demander mon avis. Ça s’appelle par ailleurs du viol […]. Je ne suis pas un enfant de la France, c’est plutôt moi qui l’engendre. Je vous répète que c’est la France qui est entrée en moi, elle ne me contient pas, c’est moi qui la contiens; c’est moi qui pourrais accoucher d’elle, l’expulser (Zang, 2002 : 11).
On le voit, viol et engendrement sont aussi des leviers pour évoquer les problématiques identitaires et les appartenances parfois contradictoires du sujet postcolonial. Un autre viol souvent traité par ces dramaturgies est celui, très concret, des filles et femmes en contexte de guerre. Une pièce comme celle de Gustave Akakpo, La mère trop tôt (2004), nous confronte à cette sombre réalité qui découle aussi le plus souvent de l’histoire coloniale et qui engendre des enfants dont le drame dévoile un destin tracé d’avance dans les milices d’enfants soldats, ces individus si peu entraînés à la vie qu’ils n’ont peur de rien, pas même de la mort.
Quel avenir pour cet enfant?
On retrouve également une situation mettant en tension la question du viol et de l’histoire du colonialisme au travers de la métaphore du corps féminin dans Io (tragédie) (2006) de Kossi Efoui. Ici, c’est par le biais de la réécriture du mythe d’Io et du Prométhée enchaîné (1964 [Ve siècle av. J.-C.]) d’Eschyle que l’on comprend que l’avatar contemporain de la déesse grecque, Anna, renvoie à l’Afrique. Dans cette pièce, Efoui témoigne d’une volonté de créer une généalogie de la femme bafouée afin de mieux dénoncer la récurrence et l’aspect cyclique d’une histoire faite d’anomie. Convoquer le mythe d’Io permet de créer un pont entre récit fondateur et situation contemporaine, puisque dans la mythologie grecque, Io est connue pour être associée à la naissance des civilisations africaines. Comme l’explique Jérôme Wilgaux (2022), elle aurait engendré Épaphos dont Eschyle précise, dans Prométhée enchaîné, qu’il a la peau sombre. Né sur les bords du Nil, comme le reprend Efoui dans sa pièce, Épaphos est considéré comme l’ancêtre des populations égyptiennes et libyennes :
Anna et Le fils de la mère. Elle le masse couché, les pieds arpentant son dos. Elle le masse avec des décoctions. Frottements de feuilles vertes marinant dans l’eau d’une bassine transparente. Frottements de vapeur, de tissu chaud, de cuir vivant et d’huile rouge de palmier.
Anna, comptine.
On dit que
Io
Le fils qu’elle eut
Au soleil du Nil
S’appelait Épaphos
Le fils de la mère, comptine.
Épaphos
Anna, comptine.
Épaphos le Noir
Le fils de la mère, comptine.
Épaphos
Le Hoochie-koochie-man, comptine.
Épaphos le Cafre du Soudan
Masta Blasta, comptine.
Épaphos le Nubien
Le fils de la mère, comptine.
Épaphos
Anna, comptine.
On dit que seule
elle conçut seule
et engendra Horus
Le fils de la mère, comptine.
Horus
Anna, comptine.
Par sa propre énergie
enfanta Harpocrate
Le fils de la mère, comptine.
Harpocrate
Tous, comptine.
« L’enfant au doigt sur les lèvres, le petit dieu du silence »
Anna et le fils de la mère. Elle le masse debout, le tenant contre elle, lui frappant le dos, lui frottant les genoux avec ses genoux, on aurait dit la répétition de prises et d’enchaînements de prises d’une danse martiale exécutée dans un mouchoir de poche (Efoui, 2006 : 57-58).
À travers cette énumération de l’engendrement, une dimension rituelle se fait jour grâce à la parole didascalique et l’espace théâtral. En effet, si les personnages du drame se présentent symboliquement comme des avatars de leur double mythologique, la situation de départ est celle d’une compagnie de théâtre, la Grande Royale – en hommage à l’emblématique figure féminine de Cheikh Hamidou Kane dans le roman fondateur L’aventure ambiguë (1961) –, qui tente de jouer clandestinement le Prométhée enchaîné d’Eschyle. La représentation s’avère impossible, car une partie de la troupe a été décimée par une guerre alors que l’autre tient aujourd’hui des échoppes sur un marché trottoir. Les figures du drame sont, par conséquent, devenues avant tout les actrices d’une « culture de la débrouille » (Mefe, 2004 : 15-18) dans une fable où le théâtre engendre donc aussi le théâtre. La dramaturgie se fait dispositif permettant la venue au monde d’une nouvelle identité dont le tissage matriciel noue passé et présent. Comme une réponse face à l’adversité, ces acteur·trices-personnages ménagent une cérémonie d’accouchement réinventée (faite ici de massages, de « décoctions », de « [f]rottements », etc.) dont on nous dit qu’elle s’apparente à une « danse martiale ». On retrouve la paradoxale alliance de la douceur et du combat que représente toute forme de naissance. Mais l’image rappelle aussi celle du foetus qui s’agite dans le ventre de sa mère et qui finit par y être aussi peu libre de se mouvoir et d’évoluer qu’il le serait dans un mouchoir de poche. C’est d’ailleurs ce qui ne manque pas de le pousser vers la naissance…
La tragédie à laquelle nous renvoie le titre de la pièce est bien celle de la figure féminine, qui évoque elle-même le continent africain, ce corps mille fois bafoué, ainsi que le met en exergue la pièce en abordant ouvertement l’évangélisation du continent, le rapport problématique aux politiques humanitaires, le viol de guerre et là encore la situation des enfants soldats qui sont très souvent, ainsi que nous le disions plus haut, des enfants issus de ces viols… La tragédie d’Io est celle de l’Afrique, mais il s’agit bien d’une tragédie entre parenthèses, à la fois parce que la pièce originelle ne peut avoir lieu et qu’elle se fait prétexte à un autre récit, mais aussi parce qu’elle est empêchée par Le fils de la mère qui avance irrémédiablement vers la lumière. Car, si la situation peut paraître désespérée, l’Enfant né demeure une figure vectrice d’espoir :
Anna.
Cachée dans un fleuve éternel
Je m’appelle Anna Perenna.
Le Hoochie-koochie-man. Installation de l’écriteau ENTREZ LIBRES sur le pas des échoppes.
Le fils de la mère
Et si le mois de juin est pourri
il ne pleut pas sous le Déambulatoire à poèmes
Il accroche un écriteau au Déambulatoire à poèmes OSEZ. Anna. Le Hoochie-koochie-man. Masta Blasta. Immobiles devant les échoppes. Comme pour une photographie. Silence soudain du choeur des grillons. Puis grands bruits de bêtes agitées, de voix d’hommes, d’un grand envolement d’oiseau – il faut imaginer quand parfois des volatiles se regroupent pour prophétiser le lever du soleil, leur agitation autour d’un arbre qu’ils ventilent de battements d’ailes furieux et de langues d’oiseaux mêlées. On entend l’écho d’un coup de tonnerre, répercuté à l’infini, comme une basse continue, au loin. Les bruits de marché montent en intensité. Le fils de la mère s’avance. Anna. Le Hoochie-koochie-man. Masta Blasta. Immobiles devant échoppes. Comme pour une photographie. Le fils de la mère s’avance. Le vent se lève et le Déambulatoire à poèmes, les costumes sur les acteurs, les feuilles de cahier, les mannequins sommaires – créatures improbables en toiles de jute et raphia, tringles portant coiffures peintes –, les poupées se mettent à danser doucement. On entend Voodoo Chile de Jimi Hendrix
WELL I STAND UP NEXT TO A MOUNTAIN AND I CHOP IT DOWN WITH THE EDGE OF MY HAND
WELL I STAND UP NEXT TO A MOUNTAIN
CHOP IT DOWN WITH THE EDGE OF MY HAND
WELL I PICK UP ALL THE PIECES AND MAKE AN ISLAND
MIGHT EVEN RAISE JUST A LITTLE SAND
‘CAUSE I’M A VOODOO CHILE
LORD KNOWS I’M A VOODOO CHILE
Le fils de la mère s’avance. Flash précipité des premiers rayons de soleil. Il faut imaginer une déchirure de voile… (Efoui, 2006 : 74-75).
Quel est donc ce voile qui se déchire comme la pièce se referme? Est-ce pour signifier l’ouverture et annoncer que Le fils s’engage, au sens parturient du terme? Dès lors, cette déchirure ne serait-elle pas celle de l’amnios d’où s’écoule la vie qui se répand ici sur la scène par la vibration musicale? Pour comprendre les enjeux de cette poétique de l’engendrement chez Efoui, il faut remonter à sa première pièce : Le carrefour (1990). Écrite à la fin des années 1980 dans un contexte d’oppression, Le carrefour est l’histoire d’amour impossible de La Femme et du Poète dans un contexte politique et social où la mort semble être la seule issue :
La Femme. – Je l’ai compris mais longtemps après. Je suis femme, cette chose qui porte les racines. Cette chose qui couve la terre. Cette chose qui se transforme en des fils et des filles. Si demain je ne me fraie pas un chemin, mes enfants naîtront aussi à ce carrefour.
Le Poète. – Je ne voulais pas cela. Je voulais chercher pour ces enfants un autre temps, un autre chemin qui s’appelle l’avenir.
La Femme (va au bocal rempli d’eau, le scrute). – Je veux voir plus loin que l’avenir, cet avenir si proche que ça crève les yeux. Je veux voir plus loin que cet avenir. Le seul qu’on m’impose, à moi et aux enfants que je porte. Un avenir qui découle d’un passé de pertes, d’oublis, d’absences, de chutes, de rechutes, de déclins, d’éclipses. Un avenir, c’est un vide de temps qu’on remplit de soi-même. Je veux remplir cet avenir de moi-même. Je veux poser mes empreintes sur le temps. Encore. Encore. Jusqu’à ce que le temps prenne une forme de moi. C’est cela l’avenir à ma mesure de femme présente. Présence. L’avenir est Présence.
Le Poète. – Le présent s’épuise. Le temps se consume à ce carrefour.
La Femme. – Il me faut me frayer un nouveau chemin avant l’aube. Un nouveau matin. Un nouveau soleil. Je veux porter mes racines plus loin qu’ici (Efoui, 1990 : 92).
Le dialogue qui se noue entre l’homme et la femme se resserre à cet endroit de la pièce autour de la question centrale de l’enfantement. Penser à l’avenir, c’est penser aux générations qui suivront et qui seront engendrées par La Femme. Cette Femme portant les « racines » tend ici à se confondre avec la terre à laquelle elle se sent attachée. Une fois de plus, les propos du personnage féminin s’entremêlent quant à eux avec l’histoire de l’Afrique – non nommée ici –, cette terre elle aussi marquée par « [u]n avenir qui découle d’un passé de pertes, d’oublis, d’absences, de chutes, de rechutes, de déclins, d’éclipses »… Les fils et les filles en lesquel·les cette Femme dit qu’elle se transformera ne sont-il·elles pas les enfants des nations anciennement colonisées qui, au moment où Efoui écrit son texte, sont justement à un carrefour de leur histoire? Ces territoires sont hantés par le spectre du colonialisme et en proie à la sclérose à cause de régimes politiques totalitaires qui obstruent toute vision vers l’avenir, toute possibilité de se projeter en dehors de l’aliénation. Rappelons toutefois que le théâtre d’Efoui est une réponse face à la violence perpétrée et que pour lui, justement, « il y a toujours quelque chose qu’il faut accepter de faire mourir parce qu’il faut quotidiennement renaître, parce que l’homme n’a pas le droit de s’enfermer dans une définition » (ibid. : 67). En somme, plutôt que de chercher à lutter contre une aliénation avérée, la stratégie à privilégier est celle de la ruse, du « marronnage créateur » (Chalaye, 2018), dans le but de retourner la situation subie en force libératrice. On comprend alors que La Femme ne cherche peut-être pas à quitter sa nation, mais à sortir de l’espace du « carrefour » pour s’engager, elle aussi, dans une trajectoire qui la mène de la naissance à la renaissance, vers un autre avenir dont elle serait la force créatrice première. Quelques années plus tard, l’auteur affirmera même que « l’aliénation est désormais le terreau où doit tomber le grain. Et tant mieux s’il en sort une plante nouvelle » (Efoui, 1992 : 44-45). L’atypisme des situations, de la grossesse à l’apparence de l’enfant, peut donc aussi renvoyer à la problématique de l’hybridité qui, chez ces auteurs postcoloniaux, est retournée en force et se fait source d’émancipation[2].
Mise au monde et mise à mort
Chez Caya Makhélé, dans Les travaux d’Ariane (2009), nous sommes face à une situation inverse à celle de Io (tragédie). Là encore, le mythe est convoqué et réactivé par un avatar contemporain qui se présente comme une figure féminine remarquable, dont le drame déploie l’infortunée destinée. Le drame est le support d’une quête de résilience :
J’essaye de trouver dans chaque destin une sorte de capacité mythologique, une existence au-delà des destins cloisonnés, pour accéder à une continuité à travers le temps et l’espace. Ces cristallisations mythologiques font que chaque personnage porte en lui une multitude de destins qui lui permettent à un certain moment de s’identifier à des éléments de la nature ou à d’autres personnages (Makhélé, cité dans Chalaye, 2004 : 28).
La posture de l’auteur, à travers ces quelques mots, n’est pas sans rappeler les liens ténus qui ont uni à cette époque une pensée postcoloniale émergeant dans l’espace francophone et les propositions du courant de la « microhistoire ». Celles-ci ont ouvert de nouveaux horizons à l’historiographie, en invitant ses acteur·trices à écrire désormais l’Histoire depuis le destin singulier d’individus. Dans Les travaux d’Ariane, une tension se manifeste entre l’intime et le social. Cette fois-ci, l’enfant vecteur d’espoir pour sa mère est tué par son père qui ne voit en lui que le monstre de la différence. À l’instar de Jaz qui narre le meurtre de son bourreau, Ariane raconte comment elle a tué Démokoussé. Le monologue est construit sur le principe de l’anamnèse. Il s’ouvre sur une scène où l’on découvre Ariane, chargée de sacs remplis de provisions, qui observe son reflet dans un grand miroir. C’est le jour de son anniversaire :
Trente ans aujourd’hui. Mes trente ans.
Je m’appelle toujours Ariane.
Je ploie sous le poids
de deux grands paniers et regarde…
Mon ombre.
[…]
Jour de fête.
Je ne sais pas qui va naître aujourd’hui.
Mais ce soir, ce soir…
C’est, jour de fête! (Makhélé, 2009 : 11.)
Dans la didascalie suivante, comme si le corps se fissurait pour déboucher sur une béance, la porte de l’armoire, sur laquelle est fixé le miroir, s’ouvre pour donner naissance à un déferlement de « poupées de toutes les couleurs et de toutes les tailles » (idem) qu’Ariane serre contre elle en entonnant une chanson. Un peu plus loin dans le poème dramatique, on découvre que cela fait un an qu’Orisha n’est plus. Son père l’a tuée parce qu’elle était atteinte d’albinisme. Pourtant, dans une atmosphère marquée par un dégoût trop longtemps gardé sous silence, cette naissance était l’unique source d’élévation pour Ariane qui nous raconte donc comment elle en est venue à étouffer Démokoussé en s’asseyant sur sa bouche et en urinant dans son pharynx :
Aujourd’hui, j’ai tué Démokoussé.
Je l’ai étouffé avec mon sexe.
Dans la sombre ruelle.
Je me suis assise sur son visage.
J’ai écarté mon pagne.
Je me suis laissé tomber sur sa bouche
naguère avide de ma chair. […]
Je suis restée assise.
Plusieurs heures. […]
J’étais lasse et heureuse à la fois.
J’ai alors pissé,
lentement,
longuement.
Dans sa bouche.
Il a dégluti dans un dernier soubresaut.
Et n’a plus bougé.
Silence un instant.
Voilà, Orisha,
maintenant tu sais,
que demain sera un autre jour!
On entend cette phrase résonner comme un lointain écho.
Plusieurs fois…
Pendant que la lumière décroît (ibid. : 46-47).
Le sexe féminin comme organe de la naissance se retourne donc en instrument de mort alors même que le monologue de celle qui « aurai[t] voulu avoir un sexe qui parle » (ibid. : 19) donne le sentiment qu’elle accouche d’elle-même par une parole où elle se livre et se délivre aussi sans doute. C’est ce que souligne également Chalaye :
Ces travaux d’Ariane sont aussi ceux d’un accouchement, cet accouchement meurtrier auquel est conduite la jeune femme, cet accouchement-étouffement symbole d’émancipation et d’identité reconquise. […] Au lieu d’avancer comme une confidence, ou comme un aveu, la parole semble répondre au contraire à une construction identitaire. […] Le monologue est une tentative de se reconstruire, de retrouver sa personnalité, de remettre à neuf sa place de femme dans la société humaine (Chalaye, 2001 : 85-89).
Donner naissance, c’est donc aussi, chez Makhélé, accoucher de soi-même. À l’inverse, toute forme de naissance empêchée vient appuyer la récurrence de thèmes liés à la crise identitaire ou à l’impossible avènement d’une Afrique complètement affranchie des héritages du colonialisme. Cette dimension est d’autant plus prégnante après des Indépendances dont on sait combien elles ont souvent été sources de désillusion (Waberi, 1998 : 8-15). C’est sans doute la raison pour laquelle la grossesse annoncée ne suppose finalement pas toujours un accouchement final. En effet, elle est parfois écran de fumée ou pure illusion…
Refuge des chimères de l’engendrement
C’est le cas pour Badibadi dans Il nous faut l’Amérique! (2018 [1997]) de Koffi Kwahulé. Alors que les personnages échangent pour tromper l’ennui, une dispute éclate entre Topitopi et son épouse dont on apprend alors qu’elle attend un enfant. Les personnages du drame se caractérisent par leur médiocrité. Les deux compères masculins, qui forment le duo clownesque Topitopi et Opolo, se cherchent littéralement des noises lorsque Badibadi s’interpose, éveillant les foudres de son époux qui menace de lui donner une gifle. Elle se rebelle en lui rappelant que s’il veut être « considéré », il doit « changer son comportement », car, lui dit-elle, « [a]près, quand les blancs vont dire qu’on est des sauvages, tu seras le premier à répliquer que nos ancêtres étaient des pharaons » (Kwahulé, 2018 [1997] : 97). La querelle s’envenime à la suite de l’affirmation de Topitopi qui soutient que les Blancs giflent aussi leurs femmes alors que Badibadi, elle, considère qu’ils ne les giflent pas mais qu’en revanche « ils leur tirent les cheveux » (ibid. : 98). Une discussion des plus absurdes, marquée par la singularité du rapport au comique chez Kwahulé, s’engage donc entre les personnages au sujet de la différence des cheveux des femmes blanches pour déboucher finalement sur une anecdote que Topitopi aurait suivie à la télévision et qui viendrait prouver qu’il a bel et bien raison :
Topitopi. – Pas plus tard qu’hier j’ai entendu l’histoire de ce type qui a frappé sa femme dans le Nebraska.
Badibadi. – C’est où ça?
Opolo. – C’est en Amérique.
Badibadi. – Si c’est en Amérique, ça peut être n’importe qui.
Opolo. – Sans doute. Mais le journaliste a dit que c’était un couple de fermiers blancs. La femme attendait un petit.
Topitopi. – C’est quand l’homme a giflé la femme que le petit est sorti (ibid. : 100).
Pourtant, l’histoire se termine bien puisque le reportage montrait la famille unie brandissant le bébé comme « un trophée gagné à la Foire du trône » (ibid. : 101). La scène se poursuit sur le même ton et un peu plus loin, coup de théâtre : Badibadi revient des toilettes et annonce aux garçons qu’elle pisse du pétrole!
Topitopi. – Tu y comprends quelque chose, toi?
Opolo. – Rien, absolument rien. (Silence. Ils la reniflent) Du pétrole!
Topitopi. – Pas même raffiné, du pétrole brut.
Opolo. – Comment ça t’a pris?
Badibadi. – Tout naturellement, comme d’habitude. Sauf que ça m’a semblé beaucoup plus chaud. Pas chaud-chaud, mais d’une chaleur agréable, une tiédeur plutôt, une tiédeur qui n’en finissait pas, et qui me caressait. Peu à peu mes cuisses… parce que d’abord ça a été les cuisses. Mes cuisses ont été saisies d’un plaisir jusque-là inconnu. C’était comme si… disons que j’étais bien. Je me suis alors baissée pour voir ce qui se passait, des fois que ce serait le petit qui s’annonçait. Mais la fameuse chaleur m’a figée avant de m’escalader la colonne vertébrale. Le cerveau a été à son tour atteint. C’est là que j’ai perdu connaissance (ibid. : 108-109).
Ce qu’elle prend d’abord pour un accouchement prématuré est en fait un phénomène totalement inexpliqué. Si l’on reconnaît l’univers de la farce et que l’ensemble de la pièce exploite ce ton, la fin est beaucoup plus poétique que ce à quoi l’on aurait pu s’attendre. Après que la petite équipe se fut imaginée dans une tout autre vie grâce à cet évènement providentiel, Badibadi, dont on commence à soupçonner que son ventre n’est gros que de pétrole, finit par se métamorphoser en « orchidée aux bras de pain » (ibid. : 153). Mais, pour ceux·celles qui vivent aussi dans cette « culture de la débrouille », pas le temps de pleurer :
Ils disparaissent pour réapparaître presque aussitôt avec des valises comme s’ils s’apprêtaient pour un voyage. Opolo tient le pot d’orchidée.
Opolo. – Ça y’est, c’est reparti!
Topitopi. – C’est fou ce qu’elle est belle à présent. Elle est encore plus belle en orchidée qu’en bonne femme.
La mariée. – Alors qu’est-ce qu’on en fait? […]
Opolo. – L’affaire qui dès cet instant va se développer sous les pas de notre destin est encore plus gigantesque que tout ce que le monde a connu depuis le commencement.
Topitopi et La mariée. – Opolo!
Opolo. – Mes amis, je vous le dis, en vérité, en vérité, auprès de l’affaire de la femme-orchidée, même celle du pétrole humain ne sera qu’un vulgaire petit commerce de quartier. […] Mes amis, nous allons à nouveau nous exiler, aller ailleurs, très loin… [dans] un pays immense, presque sans frontière, un pays à la mesure de la femme-orchidée, un pays fait par l’aventure et pour l’aventure.
Topitopi. – L’Amérique! Il n’y a que l’Amérique pour être assez immense et assez culottée pour se mesurer au mystère de la femme-orchidée. […]
Opolo. – Une affaire que nous exploiterons jusqu’à la fin des siècles, jusqu’à la résurrection du Christ.
Topitopi. – Et encore!
La mariée. – Quand tout aura disparu
Quand l’Afrique aura disparu
Quand l’Europe aura disparu
Quand l’Océanie aura disparu
Quand l’Asie aura disparu
Quand l’Amérique aura disparu
Quand la Chine aura disparu
Quand toutes les terres et toutes les mers et le ciel
Et tout et tout
Quand tout aura vraiment disparu
Il restera encore ce bouquet d’orchidée[s] contemplant l’Absence
Topitopi. – L’Amérique! Il nous faut l’Amérique!
Opolo. – L’Amérique, tu l’auras Topitopi, tu l’auras à tes pieds, l’Amérique.
La mariée. – Nous sommes déjà célèbres et nous le serons encore plus. Notre célébrité narguera l’éternité. Car quand il n’y aura vraiment plus rien, le silence continuera à chanter nos noms.
Opolo. – Pour des siècles et des siècles! (Ibid. : 153-156.)
Comment ne pas voir dans ce final le rêve d’une renaissance sur une terre envisagée comme « promise » et où l’on se souviendrait glorieusement de ceux·celles qui ont jadis été les oublié·es de l’Histoire? Chalaye, qui a aussi travaillé sur ce texte, s’attarde sur la référence biblique en expliquant que
[l]a trinité que met en scène la pièce n’est pas celle simpliste du mariage à trois vaudevillesque. En fait, elle fonctionne surtout comme une nativité. Badibadi, c’est la vierge dont le ventre providentiel n’accouche pas d’un messie, mais de la manne salvatrice des temps modernes, de cet or noir devenu eau bénite. Topitopi joue les Joseph, tandis que Opolo est le Saint-Jean Baptiste qui colporte la nouvelle. Rien d’étonnant alors que la pièce s’ouvre sur une discussion qui concerne un pain que l’on s’apprête à rompre, ce pain que l’on retrouvera à travers les bras de la femme orchidée à la fin de la pièce. L’allégorie que nous offre ici cette histoire est celle d’une eucharistie, où la communion passe par l’imaginaire que l’on partage, une histoire que l’on décide de partager, par convention, comme au théâtre! C’est ce mensonge que l’on se raconte et qu’un groupe décide de croire pour survivre, ce rêve qui nourrit et sauve aussi l’humanité, ce qui reste à ceux qui ont choisi l’exil pour survivre, ceux qui ont préféré s’inventer une autre vie et partir, ceux qui ont fait le pari qu’ils trouveraient une autre vie au bout du voyage (Chalaye, 2000).
Comme d’autres personnages féminins précédemment évoqués, Badibadi n’est-elle pas aussi ce double d’une Afrique toujours objet de convoitise et contrainte de se réinventer sans cesse si elle veut survivre et échapper aux prédateurs? Riche d’une manne exploitée, exhibée et instrumentalisée comme Badibadi, la diaspora afrodescendante n’affronte-t-elle pas aujourd’hui les réalités postcoloniales depuis une identité qui s’est hybridée? N’est-il pas encore et toujours question de déjouer soit les phénomènes de marginalisation, d’étrangéification, de rejet qui renvoient une image monstrueuse – pourtant déjà bien décryptée par Frantz Fanon (2004 [1961]) à l’époque de la colonisation –, soit de subir un engouement démesuré finissant toujours par assouvir les puissants et par satisfaire les élans néolibéraux de l’Occident? Si la situation et les personnages dépeints ici sont complexes (par-delà la dimension burlesque), c’est pour mieux rappeler la complexité de la situation postcoloniale où la survie est souvent l’unique boussole.
La pièce Tout bas… si bas (1995) de Koulsy Lamko, quant à elle, se structure entièrement autour d’une scène d’accouchement. Elle ouvre la pièce et en constitue l’argument premier. Un matin à l’« aube », dans « le quartier des accroupis », cette « concession normale de bidonville africain », une fillette accourt vers son père, perché dans un arbre, et le somme d’en descendre :
La fillette. – Descends donc de ce maudit arbre. Dépêche-toi pour éviter l’asphyxie. Le bébé s’est présenté dans un sac, une gaine laiteuse et pas très transparente. Le comble, c’est qu’il a les deux pieds en avant, pris dans le sac. Il faut que l’on déchire l’enveloppe. […] Écoute! Si tu répugnes à voir une femme sur ses fraîches couches, tu te tiendras juste derrière la porte. Tu te cacheras les yeux avec les mains. Mais j’ai besoin de ta silhouette à proximité pour être rassurée. […] J’en ai vu et revu, de mes treize ans qui en font plus que quarante. Mais habituellement, les bébés ne viennent pas au monde enveloppés dans une gaine laiteuse et pas très transparente. […]
Le père. – Mais si, bien sûr. Presque toujours. Seulement, dans la plupart des cas, la gaine est si transparente qu’on ne la voit pas, si légère qu’elle colle à la tendre peau du bébé. Alors, au premier bain du bébé, on la nettoie de la paume de la main et on la jette avec l’eau sale. Tout comme les coups d’État militaires! Ils sont de véritables déguisements de libération… transparents pour qu’on n’ait pas besoin de lunettes pour y voir le sang des tyrans; mais ô combien puants de fourberie, de malice et de servitude parce qu’ils sont commandités. […] Pour les pieds, t’as raison. Les bébés qui viennent au monde les pieds en avant sont de véritables nids à problèmes. […]
La fillette. – Descends de ton arbre. […]
Le père. – Je ne marche pas. Tu annonces un enfant qui n’est pas né, qui n’est pas assez mûr pour être un bébé d’homme. Un conseil, fillette! Pince-le très fort. Étrangle-le. Qu’il crève!
La fillette. – Tu es cruel.
Le père. – Allons! Ta blague est trop grosse. Elle a des pieds d’éléphant. Comment veux-tu que je te croie un seul instant? Il faut trouver mieux que de m’annoncer que cette bonne vieille sorcière qui se traîne sur ses béquilles de jambes, et qui se pisse sur les cuisses, et qui grelotte de froid à côté du feu, a accouché d’un bébé alors qu’elle doit avoir vu soixante-quinze récoltes de sésame! Je n’en crois pas un mot! (Lamko, 1995 : 7-9.)
Le père refuse donc catégoriquement de porter secours à la parturiente et à La fillette, mais pour cause : ce bébé au bras pyrogravé n’est en effet qu’un mensonge – l’auteur indique dès la dramatis personae qu’« on parle beaucoup de lui mais [que] lui ne parle[ra] jamais [puisque] de toute façon il n’est pas encore né même si le mythe tourne autour de lui » (ibid. : 6). Une histoire montée de toutes pièces par La fillette, dont la fougue n’a d’égal que l’audace, pour tenter désespérément de faire changer les choses. Si Badibadi pisse du pétrole dans la pièce de Kwahulé, le bébé imaginé par Lamko vomit quant à lui des liasses de billets (ibid. : 18)! Cette affabulation entraînera une émulation sans précédent. Grâce à l’aide d’un journaliste tombé dans la combine, tous les représentants du pouvoir (maire, évêque, imam, officier n’ayant d’ailleurs d’autre identité que ces noms-fonctions) se déplaceront vers ce qui n’était jusque-là rien d’autre qu’un « non-lieu » (Augé, 1992) à leurs yeux.
Quand La fillette comprend qu’elle a alerté un journaliste souhaitant s’emparer de l’affaire, elle avoue d’emblée son mensonge qui n’était en fait pour elle qu’un jeu dont l’objectif était de faire descendre Le père de son perchoir. Mais rien n’y fait, le journaliste, qui lui aussi subit ce quotidien de laissé-pour-compte où « le mensonge reste la seule espérance » (Lamko, 1995 : 28), veut faire du bruit :
Le reporter. – En conclusion, ma petite dame, des inscriptions sur le bras de ce bébé ne peuvent être qu’un message d’espoir. En voici la teneur : « L’argent et la paix sauvent ». Ce bébé miraculé apporte le salaire. Ce sera un salaire costaud, celui que nous n’avons pas perçu depuis dix mois de dur labeur. […] Le bébé miraculé apporte la paix que nous n’avons jamais connue depuis trente ans de guerre et d’indépendance. On pourra enfin coucher avec sa femme sans être interrompu par des grondements de canon. Ô Dieu, merci de nous envoyer notre salaire. J’ai failli croire que tu te dédisais. Tu as dit très fort que l’homme gagnerait son pain à la sueur de son front et que la femme accoucherait dans la douleur. Plus que l’eau, nous avons sué le sang en moutonnant sur le bitume brûlant de l’avenue Mobutu au premier chant du coq, vers Béguinage, le champ de nos servitudes. Et la femme, elle a accouché. Dans le sang également. J’ignore si elle l’a fait en chantant ou en pleurant, et je m’en voudrais bien de le lui demander. Mais combien de refrains n’avons-nous pas chantés par la douleur! Ma petite dame, j’arrête le trop-plein qui déborde. Je vais de ce pas annoncer à la radio nationale la naissance de l’enfant qui apporte le salaire et la paix. […]
La fillette. – Eh! Monsieur le reporter, ne faites pas cela! C’était un jeu. Je voulais… […]
Le père. – C’est un énorme mensonge que tu as lâché. […]
La fillette. – Je m’amusais, tu le sais bien. […] Il faut être tombé sur la tête pour colporter pareil nouvelle… et être un âne pour y croire.
Le père. – Le monde est plongé dans le gouffre du désespoir. Il tend l’oreille à tout « hello »! […]
La fillette. – Je n’ai pas menti. Je m’amusais pour te faire descendre de ce maudit arbre (ibid. : 14-16).
On comprend que le bébé dont il est ici question est une métaphore des jeunes démocraties qui, dans l’Afrique de la postcolonie, sont à la fois un mirage et un mensonge fait à soi-même pour garder un peu d’espoir depuis le fond du trou. Ainsi, la chimère ou le mensonge sont autant de moyens de « continuer [à avancer] dans cette boue grisâtre », dans « ce précipice [où l’on est descendu] tout bas… si bas, que l’on n’a qu’un seul choix : remonter la pente » (ibid. : 28). Et cette remontée glissante et pénible s’apparente en fait à un accouchement qu’il faut sans doute provoquer. C’est le sens de la situation engendrée par La fillette qui tente tant bien que mal de faire naître le premier cri d’un peuple que l’on a mis plus bas que terre : le cri de la révolte. Et ce cri n’est-il pas celui d’un peuple nouveau? En effet, si cette fillette semble représenter la jeune génération pleine d’allant et motivée pour le changement, c’est bien contre la sclérose de la figure paternelle (qui n’est même pas réellement son père dans la fable) qu’elle se bat en tâchant de réactiver une vieille dame. C’est encore ce que démontre Chalaye dans une première étude de la pièce : « Cette naissance messianique qui n’était au départ qu’un jeu, devient vite un enjeu politique et social, tandis que la grand-mère, le père et la fillette endossent une valeur allégorique comme si chacun incarnait un âge de l’Afrique » (Chalaye, 2001 : 77). Chalaye identifie, à juste titre, les trois âges emblématiques de l’Afrique : l’Afrique ancestrale représentée par La vieille, « momifiée dans un passé et des valeurs caduques »; la « génération démissionnaire », « cette génération résignée qui ne veut plus mener de combat, qui attend et cultive sa propre destruction » (ibid. : 78); et « l’esprit casse-cou de ce siècle », symbolisé par La fillette qui « a grandi trop vite [et qui] incarne toute une génération de débrouillards […] [mais] qui a su garder la fraîcheur de l’enfance […] et c’est cette force-là qui lui permet d’envisager l’avenir » (ibid. : 79).
Mettre au monde un cadavre
Si chez Koulsy Lamko, le bébé n’existe pas, chez Aristide Tarnagda, une femme désemparée met au monde un enfant mort-né au milieu d’une rue sous des trombes d’eau. Le diptyque Et si je les tuais tous madame? – Les larmes du ciel d’août (2013) exploite lui aussi l’image emblématique du carrefour dont nous parlions plus haut. Dans ces deux monologues, la grossesse est présente. Dans le premier, un homme désespéré dont la femme est enceinte se déverse sur une autre femme, qui attend, au feu rouge, dans une voiture. Dans le second, une femme enceinte démunie (prénommée La fille comme dans certaines pièces d’Efoui et Akakpo où l’on trouve des personnages de « filles-mères ») attend un homme qui ne viendra pas. Malgré sa situation, elle refuse l’aide d’une femme riche l’invitant à monter dans sa voiture. La ville est déserte, car un énorme orage, « les larmes du ciel d’août », s’annonce. La pièce se referme juste après que La fille eut mis au monde, en pleine rue, un bébé mort-né :
Ramenez mon homme au lieu de pleurer
Faites vite, notre fils sort, il est fatigué d’attendre son père. Je vous avais dit qu’il n’a plus assez de force pour l’attendre. Vous ne m’avez pas écoutée voilà qu’il s’est fâché et…
Coule
Coule
Coule
Comme ces larmes du ciel…
Voyez comment il est beau
Il ressemble à mon homme
Même liquide, il est son sosie
Comme il lui, ressemble! […]
Elle se nettoie les cuisses…
Je vais le garder dans un sachet
Comme ça, il le verra quand il va revenir […]
Quand je vais finir de ramasser notre enfant et que je le renagerai dans un sachet, je vais me laver dans le fossé…
Après l’accouchement, on doit se laver non? (Tarnagda, 2013 : 50-51.)
La mère accouche donc d’un « corps liquide » (Efoui, 1998) qui rappelle encore le titre d’une pièce d’Efoui où la mère se liquéfie sous le poids du parricide de ses fils; le texte se fait cette fois mythologie d’un engendrement monstrueux où ce sont les enfants que l’on a mis au monde qui nous tuent ou nous rongent de l’intérieur. Une fois de plus, on pourrait voir ici le reflet des nombreuses dictatures africaines qui, après les Indépendances, ont tué dans l’oeuf les démocraties naissantes. Mais on pense aussi aux générations soit corrompues, soit résignées qui entravent l’avènement d’une Afrique nouvelle. Dans son essai Le sanglot de l’homme noir (2012), Alain Mabanckou évoque les problématiques de rancoeur et d’apitoiement auxquelles les dramaturges d’Afrique subsaharienne francophone ont justement décidé de tourner le dos à partir des années 1990 pour tenter réellement de regarder vers l’avenir.
Le rire et la poésie, qui sont le propre des dramaturgies de cette génération, s’élèvent comme un rempart face à un sort subi et tout, chez eux, va dans le sens de l’invention de nouvelles fictions pour réenchanter et réinventer nos mondes. C’est peut-être le sens de l’ouverture d’Oublie! (2011) d’Efoui, qui voit naître le personnage d’Enfant depuis un ectoplasme en mouvement duquel s’échappent progressivement des parties de corps humain… Mais cet oubli pourtant nécessaire ou ce « pleurer-rire » (Lopes, 1982), pour reprendre l’expression d’Henri Lopes, sont moins au coeur des poétiques du naissant de dramaturges plus jeunes depuis les années 2000. À l’instar de la dramaturgie d’Aristide Tarnagda, la question de l’espoir de démocraties avortées est peut-être aussi ce que cherche à représenter Hakim Bah dans Le cadavre dans l’oeil (2013). Quand le récit commence, le personnage n’est qu’un embryon dans le ventre de sa mère, qui accouche au Camp Boiro, la prison mise en place par Sékou Touré dans la Guinée de l’Indépendance et où il a fait mourir la plupart de ses détracteur·trices politiques :
Neuf mois à me porter dans son ventre claustrée dans sa cellule c’était pas un cadeau.
J’imagine déjà toutes les souffrances qu’elle a endurées enfermée de jour comme de nuit.
Je l’imagine déjà.
Ma mère.
Quelle merde ça devait être de porter un enfant en prison.
Le ventre gonflé je l’imagine qui se couchait à même le sol contre le ciment.
Ma mère.
Et.
Après neuf mois neuf mois créché niché dans son ventre je fus éjecté dare-dare.
L’homme qui balançait au bout de la corde
Non,
aucune,
aucune goutte,
dans mes petits yeux de gosse,
aucune goutte de larme,
n’avait perlé.
J’avais pas pleuré,
pas du tout pleuré,
je me suis contenté de suivre la fièvre de la foule,
la foule qui s’extasie en regardant
les corps pendus,
vidés de leur souffle,
qui balançaient,
sur ce pont. […]
l’avais-je reconnu?
Mon père l’avais-je reconnu balançant au cou d’une corde?
Savais-je vraiment que c’était le corps de mon père qui balançait au bout d’une de ces cordes? (Bah, 2013 : 58-59.)
L’enfant est ici, symboliquement, né avec un « cadavre dans l’oeil ». Cette image le hantera jusqu’à ce que le pont s’effondre quelques années plus tard. La destruction de l’enfant fait l’objet de l’épilogue de la pièce, qui se referme sur une répétition obsédante des termes « s’effondre », « s’écrase », « s’écroule » (ibid. : 77). L’accumulation donne l’impression que c’est la voix d’un narrateur déjà pratiquement décorporéisé qui disparaît irrémédiablement à son tour. Chez Dieudonné Niangouna, enfin, l’accouchement nous est rapporté dans le flux de mots caractéristique d’une écriture du débordement où le réel transparaît dans tout ce qu’il peut avoir de plus cruel :
Une layette trois cent mille sept cents balles, deux sacs vingt mille balles, quatre biberons et deux thermos rouge et vert, un nounours dix-huit mille balles, un berceau, une housse cinquante mille balles, la bassine est rose, la cuvette rouge et le seau est bleu ciel, dix mille balles. Deux examens à cinq mille balles, une visite médicale à dix mille balles, éliminer les microbes dix mille balles, perfusion, glucose et antipaludique, dix mille balles. Hospitalisation quinze mille balles, mon cousin me dit « l’homme, soulève le moral! » Je monte le moral. Évacuation à l’hôpital général vingt mille balles, l’ambulance douze mille balles, deux médecins quarante mille balles parce qu’il faut les payer avant, ces cons, pour qu’ils bougent leur cul, admission à l’hôpital général dix mille balles, première ordonnance onze mille balles, le docteur me dit « il faut provoquer l’accouchement », je paye le docteur pour son verdict quinze mille balles, ordonnance qui provoque l’accouchement vingt-deux mille cinq cents balles, soins d’accouchement dix-sept mille six cent vingt balles, alcool, bande, deux paires de gants, un rouleau de coton fin, ciseaux, taxi aller-retour, la bière du portier sinon il n’ouvre pas la porte de l’hôpital cinquante-quatre mille trois cent quinze balles. Ordonnance avant l’acte de provoquer l’accouchement huit mille cinq cents balles. Le docteur me dit j’ai faim cinq mille balles. Fini de manger le docteur s’en va parce qu’il doit laisser la place à la relève. La relève dit cinq mille balles avant de toucher la malade. La relève dit attendez deux heures le temps que la salle d’accouchement soit libérée, parce que la dernière boucherie a laissé du sang pas que sur la table. Nous, on dit qu’on ne peut pas attendre parce que la malade canne, et cela depuis quatre heures elle canne, la malade canne. La relève dit vingt mille balles pour que le nettoyage aille vite. Nettoyage fait, la relève dit ordonnance pour ouvrir le ventre de la malade enceinte, parce que la relève dit finalement « Césarienne! Oui, il faut la cisailler ». Cent sept mille balles pour la césarienne. Après tout ce cirque on nous montre le bébé, une fille très belle, elle est morte. Morte deux heures avant la césarienne. Et le docteur major qui a cisaillé la malade enceinte dit : « on appelle ça un sauvetage maternel ». J’ai appris un nouveau mot, que je dis. Un nouveau mot qui s’appelle « Sauvetage maternel ». Et ce nouveau mot m’a coûté très cher. Putain, ce que les mots peuvent coûter les yeux de la tête (Niangouna, 2016 : 176).
La parole se présente sous forme d’un bloc nous coupant le souffle. Niangouna entend rendre compte de l’urgence d’une situation qui ne laisse pas de répit. Si les « balles » dont il est question sont les sommes astronomiques qu’il faut débourser pour accoucher, on ne peut s’empêcher, pris dans cette kyrielle de mots et de pensées, d’avoir l’impression de voir fuser des balles de guerre de toutes parts. C’est ainsi que l’auteur dépasse l’esthétique documentaire et donne à percevoir ce que peut être la vie dans un État qui ne repose que sur un système défaillant… Ici aussi, la seule issue semble malheureusement être la mort. Si dans ces deux derniers exemples il est plus question de réel que de symbole, c’est peut-être aussi qu’il s’agit d’alerter sur ce qu’Achille Mbembe nomme le « devenir-nègre du monde » (Mbembe, 2013). C’est-à-dire que, pris dans le sillage de la situation postcoloniale et du néolibéralisme, l’être humain, en général, est de moins en moins considéré, et l’individu en particulier se trouve relégué au second plan d’une humanité qui a été supplantée par le capital.
***
Les dramaturgies d’Afrique subsaharienne francophone constituent un théâtre postcolonial qui interroge le monde par le prisme de la « condition noire » (Ndiaye, 2008). Ces écritures entretiennent d’abord un rapport privilégié avec la figure féminine, qui tend allégoriquement à représenter l’Afrique. C’est de ce détour qu’émerge une poétique du naissant se déclinant selon des modalités très diverses : de la maternité issue du viol de guerre à la grossesse atypique; de l’enfant désiré, mais qui ne survivra pas, à l’enfant né en étant hanté par la mort; de la naissance mythique à la généalogie problématique; de la légende d’un bébé sauveur, dont on espère la prospérité pour dépasser le dénuement, au mensonge permettant de rêver à un avenir meilleur. Malgré tout, les poétiques du naissant de ces dramaturgies s’articulent le plus souvent à la mort ou à un devenir impossible en dehors de la métamorphose, de la réinvention. Conduisant sur les territoires fondateurs de nouvelles mythologies contemporaines, l’engendrement est sans doute d’abord l’écho nécessaire de l’expulsion à opérer vis-à-vis de récits tournés vers le passé. Une fois cette étape dépassée, un futur peut advenir par l’avènement de nouvelles fictions tournées cette fois vers l’avenir, par-delà la postcolonie. Ainsi, la grossesse et la naissance sont des détours qui renvoient à l’Histoire. Les évènements historiques grossissent en nous par la mémoire du traumatisme que le théâtre permet ici de libérer. C’est pourquoi cette naissance nécessaire relève de la délivrance. Mais elle ne peut se jouer ailleurs qu’au théâtre, la scène agissant comme vecteur permettant, en quelque sorte, le retraitement de l’information traumatique et sa métabolisation en expérience partagée à travers l’avènement du spectacle. L’impossibilité de mettre au monde est le versant par lequel passe le théâtre pour se faire médium salutaire et parvenir peut-être à accoucher d’un enfant bien vivant, symbole d’avenir et de lumière.
Parties annexes
Note biographique
Pénélope Dechaufour est maître de conférences en études théâtrales et en études culturelles à l’Université Paul-Valéry Montpellier 3 (UPVM3), membre du RIRRA 21 (UR4209) et membre associée du laboratoire SeFeA (IRET-Sorbonne Nouvelle). Ses recherches portent sur les théâtres d’Afrique et des diasporas. Après une thèse consacrée à l’oeuvre de Kossi Efoui, les travaux de Pénélope Dechaufour interrogent des dramaturgies qui sont traversées par l’histoire coloniale, l’histoire des migrations et qui impliquent le corps (ses représentations, ses enjeux politiques) dans une perspective postcoloniale. En 2022, elle crée à l’UPVM3 un cycle de recherche autour des écritures et scènes décoloniales au théâtre. Elle a codirigé « Afropéa, un territoire culturel à inventer » (Africultures, no 100, 2015) et « Baroque Is Burning! » (Thaêtre, no 6, 2022).
Notes
Bibliographie
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- AUGÉ, Marc (1992), Non-lieux : introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris, Seuil, « La librairie du XXIe siècle ».
- BAH, Hakim (2013), Sur la pelouse, suivi de Le cadavre dans l’oeil, Carnières, Lansman, « Le tarmac chez Lansman ».
- BALANDIER, Georges (1951), « La situation coloniale : approche théorique », Cahiers internationaux de sociologie, vol. 11, p. 44-79.
- BARRIÈRE, Caroline (2011), entretien avec Koffi Kwahulé, dans « Le théâtre de Koffi Kwahulé : une nouvelle mythologie urbaine », mémoire de maîtrise, Ottawa, Université Carleton, p. 193-209.
- BHABHA, Homi K. (2007), Les lieux de la culture : une théorie postcoloniale, trad. Françoise Bouillot, Paris, Payot, « Essais Payot ».
- CHALAYE, Sylvie (2018), Corps marron : les poétiques de marronnage des dramaturgies afro-contemporaines, Caen, Passage(s), « Essais ».
- CHALAYE, Sylvie (2004), « Des écritures du croc-en-jambe », entretien avec Caya Makhélé, dans Afrique noire et dramaturgies contemporaines : le syndrome Frankenstein, Montreuil, Éditions théâtrales, « Passages francophones », p. 27-32.
- CHALAYE, Sylvie (2001), Dramaturgies africaines d’aujourd’hui en dix parcours, Carnières, Lansman, « Regards singuliers ».
- CHALAYE, Sylvie (2000), « Il nous faut l’Amérique de Koffi Kwahulé, mise en scène Yves Sauton », Africultures, 31 août, africultures.com/il-nous-faut-lamerique-1-1499/
- CHALAYE, Sylvie (1999), « Entretien de Sylvie Chalaye avec Koffi Kwahulé : Abidjan, février 1999 », Africultures, 30 avril, africultures.com/entretien-de-sylvie-chalaye-avec-koffi-kwahule-814/
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- EFOUI, Kossi (1998), « Le corps liquide », dans Luc Tartar, Veronika Mabardi et Kossi Efoui, Nouvelles écritures, Carnières, Lansman, « Nocturnes Théâtres », vol. 2, p. 40-55.
- EFOUI, Kossi (1992), « Post-scriptum », dans Récupérations, Carnières, Lansman, « Théâtre à vif », p. 44-45.
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- KWAHULÉ, Koffi (1999), La dame du café d’en face, suivi de Jaz, Montreuil, Éditions théâtrales.
- LAMKO, Koulsy (1995), Tout bas… si bas, Carnières, Lansman, « Beaumarchais ».
- LOPES, Henri (1982), Le pleurer-rire, Paris, Présence Africaine.
- MABANCKOU, Alain (2012), Le sanglot de l’homme noir, Paris, Fayard.
- MAKHÉLÉ, Caya (2009), Les travaux d’Ariane, suivi de Destins et de Quelque part en ce monde, Paris, Acoria.
- MBEMBE, Achille (2013), Critique de la raison nègre, Paris, La Découverte, « Cahiers libres ».
- MEFE, Tony (2004), « La culture de la débrouille », Africultures, no 60, p. 15-18.
- NDIAYE, Pap (2008), La condition noire : essai sur une minorité française, Paris, Calmann-Lévy.
- NIANGOUNA, Dieudonné (2016), « Textes », Po&sie, nos 157-158, p. 171-181.
- TARNAGDA, Aristide (2013), Et si je les tuais tous madame?, suivi de Les larmes du ciel d’août, Carnières, Lansman, « Théâtre à vif ».
- WABERI, Abdourahman (1998), « Les enfants de la postcolonie : esquisse d’une nouvelle génération d’écrivains francophones d’Afrique noire », Notre librairie, no 135, p. 8-15.
- WILGAUX, Jérôme (2022), « Noirs Éthiopiens : regards grecs sur les couleurs de peau dans l’Antiquité », ReLRace, 8 septembre, relrace.hypotheses.org/4649
- ZANG, Marcel (2002), L’exilé, suivi de Bouge de là, Arles, Actes Sud-Papiers.