L’entrevue

Le parcours d’une pratique d’éducation populaireEntrevue avec Bernard Vallée de L’Autre Montréal[Notice]

  • René Charest

…plus d’informations

  • René Charest
    CLSC Des Faubourgs

Nous avons découvert qu’à travers une visite commentée non seulement il était possible de montrer des lieux et des quartiers, expliquer leur histoire, mais aussi de développer chez les gens un sentiment d’appartenance à leur quartier. De plus, nous pouvions faire des liens entre divers phénomènes sociaux et urbains. Par exemple, les liens entre une zone d’incendie ou de démolitions et l’apparition de tel type d’équipement ou la présence de nouveaux projets de développement dans le centre-ville. Ces liens-là se comprenaient, s’éclairaient plus facilement ainsi. Nous nous sommes dit qu’il pouvait être intéressant de rendre l’information plus dynamique et vivante que dans les rencontres formelles, souvent inaccessibles, en particulier pour des gens qui ne maîtrisaient pas la lecture et l’écriture. Le projet a commencé vers 1976 avec des visites commentées liées aux objectifs précis du comité logement Saint-Louis. Ensuite, le projet des visites est passé sous la responsabilité du Regroupement des comités logement et associations de locataires qu’on avait créé entre-temps, mais c’était la cinquième roue du carrosse. Nous avions intégré le projet des visites au programme d’éducation du Regroupement, mais personne ne le portait vraiment. À l’époque, on faisait trois ou quatre visites par année. En 1983, quelques militants voulant exploiter cet instrument d’éducation populaire se sont réunis et ont créé une corporation autonome, le collectif L’Autre Montréal, qui prenait la responsabilité des activités. Le comité logement et le regroupement des comités avaient de la difficulté à développer ce projet. C’est à ce moment-là que d’autres organismes ont commencé à nous demander d’adapter notre approche à leurs centres d’intérêt. L’approche qu’on utilisait pour faire de l’analyse urbaine ou parler des problèmes de logement pouvait s’appliquer à d’autres enjeux sociaux. L’origine de L’Autre Montréal, c’est donc un projet d’éducation populaire à l’intérieur d’un groupe d’action communautaire, qui va prendre son autonomie tout en continuant à soutenir l’action communautaire. C’est aussi un projet issu de la critique d’une pratique d’éducation politique. Cette pratique était surtout scolaire, théorique, intellectuelle, etc. Avec L’Autre Montréal, on a essayé de développer une pratique accessible et très polyvalente, tout aussi stimulante intellectuellement pour un étudiant universitaire, par le contenu étoffé, que pour une personne analphabète ayant une scolarité réduite et un bagage culturel limité à son expérience propre. Nous étions quelques-uns, dont André Lavallée du Comité logement de Rosemont et Suzanne Laferrière de la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles. Nous avons réuni des militants, mais aussi des gens qui suivaient une formation en urbanisme et qui voulaient sortir de leurs livres ! L’Autre Montréal est demeuré un petit noyau de militants bénévoles jusqu’en 1998. Les circuits se sont développés de deux façons. En groupe, on identifiait des enjeux pour lesquels on se sentait quasiment obligés d’intervenir. Par exemple, en 1986, nous avons pris la décision de faire un circuit sur les réalités multiethniques à Montréal. On venait de vivre une période pendant laquelle plusieurs membres des communautés noires avaient été assassinés par des policiers en service, et nous pensions qu’il était nécessaire de proposer une sensibilisation à l’histoire des communautés culturelles et aux enjeux d’une société multiethnique. Nous avons bâti un circuit sur ce thème et c’est devenu le circuit le plus demandé aujourd’hui. L’autre façon de faire, c’est en répondant à une commande. Par exemple, en 1989, les groupes communautaires de Montréal nous ont commandé une visite sur l’action communautaire dans le cadre d’une grande opération de visibilité. Si la commande correspond à notre mission, le nouveau circuit va être conçu et animé pour le groupe demandeur puis intégré dans les circuits offerts plus largement par L’Autre Montréal. C’est un peu sur …

Parties annexes