Résumés
Mots-clés :
- cancer,
- sonorité,
- amour,
- sacrifice,
- accompagnement,
- surmoi,
- fantasme,
- conte de fée,
- perdition,
- réalité
Keywords:
- cancer,
- sorority,
- love,
- sacrifice,
- support,
- superego,
- fantasy,
- fairytale,
- distress,
- reality
Comment ne plus être fée ? Comment en faire le deuil ? Est-elle morte ? Déjà l’exercice d’écriture me réveille en sueur, convaincue qu’il me faut écrire au vitriol. Vaincre le feu par le feu. Pourtant. Juliette naquit comme toutes les petites Juliette sans Roméo ni Shakespeare. C’est la première phrase qui me vient à l’esprit. Pire elle devient un ver d’oreille sans air ni tempo. Juste une preuve que je crame encore des ressacs de la peur. Il faut dire que j’étais très amoureuse quand ma soeur me couronna marraine pour sa troisième grâce. La veille de mon vernissage, à 400 kilomètres de Montréal, mauvais timing. Alléluia quand même ma soeur que je lui dis, au diable tes homélies, elle l’oubliera ma désinvolture, j’irai vous voir en juin. Or je ne sais par quel tournemain on plana au-dessus du berceau dans la pouponnière, mais la colère inconsciente de la frangine tu as tort ma soeur eut raison de mon absence. Juliette s’agglutina à sa mère pendant près d’un an. Douze heures de sommeil sans heurt dans son berceau pour ma soeur captive les douze heures suivantes en maman kangourou. Impossible de déposer l’éternelle innée. Encore moins pour moi de la prendre dans mes bras. Qu’importe mes prouesses dans la fabrication de rires pour filleules, Juliette ne me sourit que très peu. Pendant longtemps. Son regard incrédule devant moi, débile, devant elle, bébé dur et réfractaire, stoïque à ma baguette magique pour enfants, me répétait : « Sarah, je m’en fous de toi, va-t’en, j’aime juste ma mère, mort aux tiers, toi, tombeau ». Il y avait longtemps que je ne regardais plus mes courriels. Depuis bien avant le couvre-feu je ne laissais aucune trace de moi et faisais fi de la vie qui vit, qui dit, qui dicte, qu’on critique de peur qu’on me parlât et que je ne dus répondre. Depuis le 17 décembre, cette espèce d’antéchrist de 17 décembre posé sur le catafalque rutilant de l’hostie d’année 2020 que nous mangeâmes tous, il m’avait fallu répondre à une seule et unique demande. « Tu ne m’attraperas pas, tu ne m’attraperas pas ! » Juliette court, hilare, se retourne, ses deux billes de yeux noirs brillent je cours, je ne cours pas, je cours ses cheveux sont fous nous les couperons, ses cheveux tombent il n’y en a plus, je l’attraperai peut-être pour la dernière fois. Les va-et-vient se répètent chaque soir en sortant du bain pour éviter de mettre sa couche. « Ha je t’ai eue ! » Puis en criant en choeur aux éclats « non ! » et le tour recommence. Juliette et moi créons des formules de rires où les sabliers n’existent plus. Plus tard, je chuchoterai Alice au pays des merveilles à ses deux grandes soeurs pour ne pas réveiller les parents. Trois longues pages une image chaque soir… Mais le chemin du retour est toujours le même. Seule noctambule du boulevard Rosemont, je grillerai des feux rouges les yeux fermés le plus lentement possible et tournerai dans mon quartier comme un vieux disque qu’on n’entend plus. Au purgatoire, l’auto de ma soeur n’a pas de vignette. Pas de couvre-feu pour les fées. Me raconter une autre histoire ? Je dormirai grâce à cette angoisse qui m’éclatera la tempe en larmes jusqu’à me boucher une oreille. Depuis le 17 décembre, les sacres, la peur en vrac et les décisions inconscientes savent gicler lento le tempo, grâce à un statu quo affectif pour enfants purement calme. Positif. Joyeux le jour. Je suis amour content grâce aux enfants, mais je ne suis pas …