PrésentationLes catégories populaires face aux nouvelles inégalités[Notice]

  • Pascale Dietrich-Ragon et
  • Xavier Leloup

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  • Pascale Dietrich-Ragon
    INED

  • Xavier Leloup
    INRS-UCS

Le présent numéro invite à réfléchir aux catégories populaires et à leur place au sein des sociétés contemporaines. Une telle réflexion est nécessaire au moment où ces dernières ont à faire face à des inégalités sociales d’un nouveau type. Au cours des trois dernières décennies, les écarts de revenus, mais aussi de patrimoine et de consommation, se sont creusés. L’effet des multiples crises (du logement, de l’emploi, financière, etc.) ne se fait pas sentir de la même manière à tous les échelons de la stratification sociale et touche plus durement ces catégories. Ce numéro participe d’un intérêt scientifique renouvelé pour cette thématique de recherche, particulièrement marqué en France. Mais l’occasion de ce questionnement trouve aussi à s’exprimer dans le milieu de l’intervention sociale, qu’elle concerne le logement, l’école ou la santé. Par différentes recherches menées au cours des dix dernières années, les deux éditeurs du numéro ont pu constater le caractère hétérogène des catégories populaires et les problématiques diverses qu’elles rencontrent, ce que confirme l’expérience des acteurs institutionnels ou associatifs qui s’inscrivent dans le champ de l’action sociale. D’une façon générale, et malgré des variations d’un contexte national à l’autre, c’est le discours du changement qui prédomine, les modes d’intervention auprès des différents publics étant considérés comme devant évoluer pour tenir compte non seulement des inégalités de revenus, mais aussi du genre, de la langue ou de la religion. Ces différents constats font écho au travail désormais classique d’Olivier Schwartz (2011) sur les classes populaires, qu’il définit à la fois par la petitesse de leurs moyens, la position dominée ou subalterne qu’elles occupent, et la relative distance entretenue avec la culture dominante. Réfléchir aux classes populaires signifie alors porter un regard analytique sur l’ensemble du fonctionnement de la société en tentant de comprendre les rapports de domination qui la traversent et les inégalités de positions et de trajectoires qui la structurent, tout en prenant en compte la question de son unité culturelle ou identitaire. Cette dernière dimension a fait l’objet de nombreux travaux et débats prenant pour référence le modèle hoggartien fondé sur une dichotomie « eux »/« nous », ou l’approche bourdieusienne développée dans La Distinction. Elle soulève l’enjeu de l’unité ou de l’hétérogénéité des classes populaires, le concept étant surtout opérant s’il désigne un ensemble d’individus et de groupes qui partagent des conduites, des goûts et des attitudes qu’il est possible d’inscrire dans un modèle culturel relativement intégré et qui transcende d’autres distinctions (de sexe, d’âge, d’origine ethnoculturelle, par exemple). Cette interrogation a retenu l’attention de plusieurs des contributeurs au présent numéro. Trois axes d’analyse avaient été envisagés lors de l’appel de contributions. Le premier portait sur la place des catégories populaires dans la stratification sociale en tenant compte des différentes dimensions associées à la définition des classes populaires qui vient d’être rappelée. Cet axe a suscité peu d’intérêt. Aucune contribution ne s’attache par exemple à une analyse détaillée de l’accroissement des inégalités de revenu ou de la ségrégation sociospatiale, sans parler des liens qui peuvent exister entre ces inégalités et d’autres moins visibles, comme l’endettement relatif des ménages ou l’accès aux biens de consommation. Une seule contribution pose directement cette question en s’interrogeant sur l’accession ou non au logement neuf pour les ménages dont les revenus les situent au bas de l’échelle sociale. Les deux autres axes envisagés ont reçu une plus grande attention. Le deuxième ciblait les conditions de vie matérielles et les attitudes des catégories populaires par rapport à la mobilité sociale. Il s’agissait de s’interroger sur les ressources, les conditions d’habitat, le rapport au travail, à la famille, à la consommation et aux …

Parties annexes