Journal of the Canadian Historical Association
Revue de la Société historique du Canada
Volume 4, numéro 1, 1993
Sommaire (16 articles)
Ottawa 1993
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Presidential Address: Whatever happened to the British Empire?
Phillip Buckner
p. 3–32
RésuméEN :
Since the 1960s historians of the second British Empire have been seeking to redefine their field in ways that would give it continuing relevance. Unfortunately, in the process, they have lost sight of one of the most important components of the nineteenth-century empire. Even the most promising of the new approaches — the effort to reintegrate imperial history with domestic British history — is flawed by the failure to recognize, as J.C.A. Pocock has insisted, that Greater Britain included not only the British Isles but also the British colonies of settlement. Because historians of the second British Empire no longer have much interest in colonization, they have glossed over the differences between the colonies formed in the first wave of European expansion prior to 1783 and those formed during the much larger second wave that commenced in 1815 and they have underestimated the long-term significance of those colonies in helping to shape the sense of identity held by the British at home. But historians of the colonies of settlement must also take some of the responsibility for this myopia because they have lost sight of the significance of the empire to those Britons who established themselves abroad in the nineteenth century. In fact, Canadian historians have locked themselves into a teleological framework which is obsessed with the evolution of Canadian autonomy and the construction of a Canadian national identity and thus downplayed the significance of the imperial experience in shaping the identity of nineteenth-century British Canadians. It is time now not only to place the nineteenth-century colonies of settlement back on the agenda of imperial historians but also to put the imperial experience back where it belongs, at the centre of nineteenth-century Canadian history.
FR :
Depuis les annés 1960, les historiens du Second Empire britannique ont tenté de redéfinir leur champs de façon à en perpétuer la pertinence. Ce faisant, ils ont malheureusement perdu de vue l'un des éléments les plus importants de l'Empire du XIXe siècle. Même la plus prometteuse de ces approches — celle qui tente de replacer l'histoire impériale au sein de l'histoire domestique de la Grande-Bretagne — n 'échappe pas à cet insuccès à reconnaître que la Grande-Bretagne, comme l'a souligné J.G.A. Pocock, comprenait non seulement les îles britanniques mais encore les colonies de peuplement. Comme les historiens du Second Empire britannique ne s'intéressent plus beaucoup à la colonisation, ils ont atténué les différences entre les colonies formées au cours de la première vague d'expansion précédant 1783 et celles qui se sont constituées au cours d'une deuxième vague, beaucoup plus longue. De même, ils ont sous-estimé la signification des colonies, au pays même, dans le long processus de construction de l'identité britannique. Mais les historiens des colonies de peuplement ont eux-mêmes contribué à cette myopie en oubliant à quel point l'Empire comptait pour les Britanniques qui s'établirent à l'étranger au cours du XIXe siècle. Défaits, les historiens canadiens, en s'enfermant dans un cadre d'analyse téléologique obsédés par l'évolution de l'autonomie canadienne et par la constitution d'une identité nationale, ont relégué à l'arrière plan la signification de l'expérience impériale dans la construction de l'identité des Canadiens d'origine britannique au XIXe siècle. Dorénavant, il est temps de replacer les colonies de peuplement du XIXe siècle sur la planche des historiens de l'Empire et de situer cette expérience au centre de l'historié canadienne du XIXe siècle, à laquelle elle appartient de plein droit.
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The Reconstruction of Rural Society in the Aftermath of the Mayan Rebellion of 1847
Barbara A. Angel
p. 33–53
RésuméEN :
In 1847, Mayan peasants under the leadership of their traditional caciques rose up against the creole authorities of the state of Yucatán. This rebellion, known to contemporaries and later historians as the Caste War, has been described as the most prolonged and bloody resistance on the part of an indigenous group in the Americas since the Spanish conquest. While the rebellion itself poses challenging questions regarding the nature of peasant involvement in movements for social change, this paper deals with the government's efforts to restore order in the countryside, and the response of the Mayan campesinos as they found themselves caught up in a struggle which they could not avoid. The study focuses on a specific region of the Yucatán peninsula, the Sierra or Puuc, which, because of its strategic location between the northwest region dominated by the government and the hinterland controlled by various rebel groups, played a pivotal role in the war.
The paper assesses the results of the government's pacification policy, examines the question of migration and flight of refugees into zones of refuge, and discusses the survival strategies adopted by Mayan peasants in the communities of the Puuc. The study also addresses the role of non-combatants in guerrilla warfare, and their ambiguous relationship with both sides in the conflict, as potential allies or enemies.
FR :
En 1847, sous Ia direction de leurs caciques traditionnels, des paysans maya se sont révoltés contre les autorités de l'État du Yucatán. Cette rébellion, que les contemporains et les historiens après-eux ont désignée par la Guerre des Castes, est considérée comme la plus longue et la plus sanglante instance de résistance de la part d'un groupe indigène des Amériques depuis la conquête espagnole. Bien que le soulèvement appelle d'importantes questions sur la nature de la participation paysanne aux mouvements de changement social, cet article s'attache plutôt aux efforts du gouvernement pour rétabilir l'ordre dans les campagnes et à la réponse des campesinos maya qui se retrouvèrent impliqués dans un conflit malgré eux. L'étude concerne une région particulière de la péninsule du Yucatán, la Sierra ou Puuc qui a joué un rôle de pivot au cours de la guerre, en raison de son emplacement stratégique entre la région du nord-ouest dominée par le gouvernement et celle de l'intérieur contrôlée par les différents groupes rebelles.
En plus d'une évaluation des résultats de la politique gouvernementale de pacification, cet essai propose un examen de la question des migrations et des fuites des réfugiés dans des zones de refuge, du même qu'une discussion des stratégies de survie qu'adoptèrent les paysans maya des communautés du Puuc. L'étude se penche aussi sur le rôle des non-combattants dans la conduite de la guérilla.
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Fair Wind: Medicine and Consolation on the Berens River
Jennifer S.H. Brown et Maureen Matthews
p. 55–74
RésuméEN :
Fair Wind (Naamiwan) was an Ojibwa healer and leader widely known along the Berens River of Manitoba and northwestern Ontario in the early to mid-twentieth century. In the 1930s he became acquainted with the American anthropologist, A.Irving Hallowell, whose writings and photographs first drew our attention to Fair Wind's life and to the significance of his distinctive drum ceremonial, the roots of which extended to the Drum Dance that originated in Minnesota in the 1870s. This paper traces his life and explores the nature of his religious leadership, drawing upon the recollections of his descendants as well as on the records left by Hallowell and the numerous fur traders, missionaries, and others who visited the region during his long lifetime ( 1851-1944).
FR :
Au cours de la première moitié du vingtième siècle, la réputation de l'Ojibwa Fair Wind (Naamiwan), guérisseur et chef spirituel vivant le long de la rivière Berens, qui s'écoule entre le Manitoba et le nord-ouest de l'Ontario, prit un un essor considérable. C'est dans les années 1930 qu'il fit la connaissance de l'anthropologue américain A. Irving Hallowell dont les écrits et les photographies attirèrent pour la première fois notre attention sur sa vie et sur la signification d'un rituel du tambour particulier, originaire du Minnesota des années 1870s. Ce portrait de la vie de Fair Wind utilise les souvenirs de ses descendants de même que les notes laissées par Hallowell, par les nombreux missionnaires, trafiquants de fourrures, et autres personnes qui visitèrent la région durant sa longue vie (1851-1944) pour étudier la nature de son autorité religieuse.
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Science and Sentiment: Social Service and Gender at the University of Toronto, 1888-1910
Sara Z. Burke
p. 75–93
RésuméEN :
By examining forms of social thought articulated by members of the University of Toronto between 1888 and 1910, this paper argues that the University's first response to urban poverty was shaped by a combination of assumptions derived from British idealism and empiricism. Although many women at Toronto were pursuing a new interest in professional social work, the University's dominant assumptions conveyed the view that social service was the particular responsibility of educated young men, who were believed to be uniquely suited by their gender and class to address the problems of the city. This study maintains that during this period the construction of gender roles in social service segregated the reform activities of men and women on campus, and, by 1910, had the effect of excluding female undergraduates from participating in the creation of University Settlement, the social agency officially sanctioned by their University.
FR :
À partir d'une étude des formes de la pensée sociale des membres de l'Université de Toronto entre 1888 et 1910, cet article montre que, face à le pauvreté urbaine, la réponse initiale de l'Université fut modelée par des préjugés provenant de l'idéalisme et de l'empirisme britanniques. En dépit du fait que plusieurs femmes de l'institution partageaient le nouvel intérêt pour le travail social professionnel, les valeurs dominantes de l'Université continuèrent de charrier l'idée que la responsabilité du travail social moderne incombait aux jeunes hommes instruits, leur sexe et leur classe les habilitant, croyait-on, à régler les problèmes de la ville. La présente étude avance qu'au cours de cette période, la construction des rapports sociaux de sexe au sein du service social s'effectua de manière à séparer les activités réformistes des hommes et des femmes si bien que, dès 1910, les femmes inscrites premier cycle universitaire ne purent participer à la création de I’University Settlement, l'agence sociale officiellement sanctionnée par l'institution.
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Artisans in a Merchant Town: St.John’s, Newfoundland, 1775-1816
Sean Cadigan
p. 95–119
RésuméEN :
Artisans who specialized in the production of consumer goods in St. John's during the American Revolutionary and Napoleonic eras became neither proletarians nor industrial capitalists as historiography suggests was the fate of others in the Anglo-American world. While limited proletarianization was important among carpenters, and merchant credit dominated artisans in maritime trades, some producers of consumer goods made the transition from artisan to merchant. Evidence drawn from court records, newspapers and government correspondence suggests that some St. John's artisans found greater opportunities in building on the accounting and trading skills they acquired from the retail and importing aspects of their trade rather than in manufacturing as such. Mercantile activity rather than manufacture offered the best chance for capital accumulation in an economy characterized by the resource and structural impediments of monostaple production.
FR :
Les artisans occupés à la production de biens de consommation à Saint-Jean, à l'époque de la révolution américain et des guerres napoléoniennes, ne devinrent ni prolétaires ni industriels capitalistes comme le suggère l'historiographie de leurs semblables, ailleurs dans le monde anglo-américain. S'il est vrai qu 'un mouvement partiel de prolétarisation advint chez les charpentiers et que le crédit marchand en vint à dominer les artisans des métier reliés à la navigation, il est aussi vrai que des producteurs de biens de consommations se convertirent en marchands plutôt qu'en manufacturiers. Les archives judicaires, les journaux et la correspondance gouvernementale suggèrent en effet que certains artisans de Saint-Jean choisirent, pour augmenter leurs activités, de miser davantage sur le savoir comptable et marchand que leur avait procuré le commerce de détail et l'importation liés à leur métier et de laisser de côté la fabrication proprement dite. L'exploitation d'une ressource unique limtant les structures et les ressources de l'économie, l'activité marchande offrait une meilleure chance d'accumulation du capital.
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Paradise Postponed: A Re-examination of the Green Book Proposals of 1945
Alvin Finkel
p. 120–142
RésuméEN :
During World War Two, all federal political parties sought to accommodate the growing demand for "welfare state" programs. Mackenzie King's Liberals successfully checked the growth of the CCF by promising a comprehensive program of cradle-to-grave security. After the 1945 election the Liberal government prepared such a program and brought it to a dominion-provincial conference whose purpose was to determine the taxation and administrative arrangements necessary for its implementation. The "conference", which became a series of mini-conferences stretched over nine months, ended without agreement. The federal government blamed recalcitrant premiers in Ontario and Quebec for the conference's failure and abandoned much of the reform program. This article argues that the federal government, in fact, wanted the conference to fail because it did not want to undertake the expenses implied in the reform proposals. After proving inflexible in dealing with provincial criticisms, it cynically and successfully manipulated events to make it appear that the provinces had killed hopes for reform. Post-war prosperity and a declining interest in reform, particularly on the part of the corporate and medical elites, contributed to the federal government's unwillingness to pursue reform vigorously.
FR :
Au cours de la Seconde guerre mondiale, il n'est pas un parti politique fédéral qui n'ait pas tenté de répondre à la demande croissante pour un « État providence ». Mackenzie King parvint à freiner la poussée de popularité du CCF en promettant un système compréhensif de sécurité sociale qui suivrait les citoyens « du berceau à la tombe ». Après sa réélection de 1945, le gouvernemnt Libéral prépara le programme. Il le proposa aux provinces à l'occasion d'une conférence du Dominion et des provinces, dont la fonction aurait dû être de voir aux arrangements fiscaux et administratifs requis pour la mise en vigueur d'une telle mesure. La « conférence » se transforma de fait en une série de mini-conférences, étalées sur neuf mois, sans que les participants ne puisse parvenir à aucune entente. Dès lors, le gouvernement fédéral accusa les premiers ministres ontarien et québécois d'être responsables de l'échec et il abandonna le plus gros du projet du réforme. Cet article veut montrer qu'en fait le gouvernement de King voulait que la conférence se solde par un échec car il n 'était pas prêt à encourir les dépenses requises. Après avoir repoussé les critiques des provinces sans broncher, le gouvernement parvint même à faire croire que la responsabilité de l'échec de la rencontre incombait aux provinces. Ce sont la prospérité de l'après-guerre de même que le déclin des pressions des élites médicales et entrepreneuriales qui contribuèrent avant tout à ralentir l'ardeur réformiste du gouvernement.
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I, Elena de la Cruz: Heresy and Gender in Mexico City, 1568
Jacqueline Holler
p. 143–160
RésuméEN :
In July 1568, a nun was denounced to the episcopal inquisition of Mexico City. Elena de Ia Cruz, was a professed nun in the prestigious Nuestra Senora de la Concepción and a member of one of Mexico's most important families. She was charged with heretical propositions: namely, that she proposed limits to the powers of the papacy and church hierarchy, including Alonso de Montúfar, the archbishop of Mexico.
Elena's heretical words also took added meaning from contemporary religious crisis and reform. Some of the nun's conceptions vaguely suggested Lutheranism. More importantly, she seemed to deny the ability of the Council of Trent to carry out its programme of reform. Tridentine reformers were attempting to bring monasteries of women under the control of male religious leaders — and Montúfar was trying to bring regular clergy in general under episcopal governance. Elena's views threatened these efforts.
The essay argues that Elena's daring to speak on matters of doctrine was a form of gender treason; she also read forbidden books and attempted to find her own path to salvation. In the late sixteenth century, a woman who took this path was immediately suspect. Beatas, nuns, and laywomen had paid dearly for this error in Spain. Unlike many heretic nuns, though, Elena renounced her beliefs almost immediately when challenged by her abbess, and she showed no courage of conviction before the male inquisitors. Nonetheless, formal charges were prepared and followed through in meticulous detail. In charging Elena, Montúfar was nipping womanly insubordination in the bud, before it could infect the entire convent.
But if gender was part of what made Elena so dangerous, it was also what saved her skin. Elena's lawyers were able to use the topos of the weak, ignorant, misled woman to explain their client's deviation from the path of order and obedience. Hispanic gender ideologies made it possible to frame Elena's crime in terms of treason and disorder, but also provided an opportunity for the nun's reincorporation into society. The paper argues that Elena's trial provides an opportunity to examine the ambiguities of gender prescription and what we might call "rôle enforcement". The tension between corporate protection of women and fear of their potential for disorder is played out throughout the trial. Elena's triumph, if such it can be called, is to appeal to the former.
FR :
En juillet 1568, une religieuse dénonça l'inquisition épiscopale de Mexico. Elena de la Cruz, membre du prestigieux couvent de Nuestra Senora de la Conceptión et de l'une des familles les plus importantes de la ville, fut alors accusée d'hérésie pour avoir proposé des limites aux prérogatives du pape et à celles de la hiérarchie catholique, l'archevêque de Mexico compris.
Dans le context de réforme et de crise religieuse de l'époque, les propos hérétiques d'Elena détenaient une large signification. Certaines notions abordées par la religieuse avaient des relents luthéranisme. Plus encore, elle paraissait refuser l'habilité du concile de Trente à accomplir un programme de réforme par lequel les monastères de femmes passeraient sous contrôle masculin. De plus, Montúfar tentait de placer le clergé régulier sous la gouvernance de l'épiscopat, autant d'efforts que menaçaient les croyances d'Elena.
Cet article avance que la religieuse se trouvait à trahir les rôles sociaux de sexe contemporains, non seulement en ayant l'audace d'affronter des points de doctrine, mais encour parce qu'elle lisait des ouvrages interdits et qu'elle tentait de découvrir sa propre voie vers le salut. L'Église de la fin du XVIe siècle suspectait sur le champ toute femme qui empruntait des directions. En Espagne, religieuses et laïques avaient payé chèrement pour ces erreurs. Cependant, à l'encontre de plusieurs de ces religieuses hérétiques, Elena abandonna ses propositions presqu'aussitôt qu’elles furent questionnées par son abbesse. De même, elle ne montra aucun courage de conviction devant les inquisiteurs mâles. Il n 'en demeure pas moins que les accusations formelles portées contre elle enclanchèrent un processus méticuleux de prosécution. En poursuivant ainsi le procès, Montúfar tenta d'étouffer l'insubordination féminine avant qu'elle ne gagne la reste du couvent.
Si le fait d'être une femme contribua à rendre Elena dangereuse aux yeux de la hiérarchie catholique, c'est aussi ce qui l'aida à sauver sa peau. Ses avocats purent utiliser le topos de la femme faible, ignorante et mal guidée pour rendre compte de ses égarements hors du sentier de l'ordre et de l'obéissance. Ainsi, les mêmes idéologies hispaniques liées aux rapports sociaux de sexe qui permettaient de présenter le crime d'Elena en termes de trahison et de désordre permirent la réintégration de la religieuse dans la société. Le procès d'Elena fournit l’opportunité d'examiner les ambiguïtés des prescriptions liées au sexe et les façons dont on amenait la population à s'y conformer. Ce sont les tensions entre la volonté de protéger les femmes et la peur de leur potentiel de désordre qui se jouèrent tout au long du procès. Le triomphe d'Elena, si l'on peut le désigner ainsi, constitue un appel au premier terme de ce paradoxe.
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Rurality, Ethnicity, and Gender Patterns of Cultural Continuity during the “Great Disjuncture” in the R.M. of Hanover, 1945-1961
Royden Loewen
p. 161–182
RésuméEN :
Rural Canadian communities underwent profound changes as they adapted to the economic and social context after World War II. Those changes, may be described, using John Shaver's phrase, as a "Great Disjuncture". From a "centrist" point-of-view Canadian farms became more fully mechanized, products commodified and farm goals integrated with government policy. This paper focuses on the "local experience" of the "Great Disjuncture". Its subject is the Rural Municipality of Hanover in Manitoba, an ethnic community, dominated by Low German-speaking Mennonites. In Hanover traditional social relations, both on the primary level affecting gender and on the community level affecting the very idea of rurality, entered a dialectical relationship with the forces for change to create a particular localized culture. Here was an instance of cultural re-creation.
FR :
Les communautés rurales canadiennes se sont transformées en profondeur à mesure qu'elles ont tenté de s'adapter au contexte économique et social de l'après Seconde guerre mondiale. Dans le sillage de John Shover, ces changements peuvent être décrits comme une « Grande disjonction » (« Great Disjuncture »). Cet auteur du Canada central a montré tout à la fois comment les fermes complétèrent leur mécanisation, comment leurs produits rencontrèrent davantage les attentes du marché et les voies par lesquelles les buts des fermiers s'intégrèrent aux demandes des politiques gouvernementales. Cet article s'attache à la dimension locale de ce phénomène. Il étudie la municipalité rurale de Hanover au Manitoba, une communauté ethnique dominée par des Mennonites germanophones. À Hanover, les relations sociales traditionnelles, à la fois au niveau primaire des rapports de sexe et au niveau communautaire où se situe l'idée même de ruralité, entrèrent en relation dialectique avec les courants de changement pour créer une culture locale, particulière, un véritable phénomène de re-création culturelle.
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Un espace de vie : les charniers du cimetière des SS. Innocents à Paris, sous l’Ancien Régime
Christine Métayer
p. 183–206
RésuméFR :
Dans la cité médiévale, les cimetières arboraient communément le profil d'une place publique. Bien que frappée d'impiété et pour cette raison condamnée au XVIIe siècle, cette situation ne disparut que très tardirement en France. À Paris, le cas du cimetière des Saints-Innocents permet de porter un éclairage accru sur cette réalité et témoigne de la victoire des milieux populaires sur la politique officielle de sacralisation des champs des morts.
Sous l'Ancien Régime, les Saints-Innocents désignait, outre le plus important site sépulcral de la capitale, l'une des places marchandes les plus animées de la ville. Lieu de commerce, de loisirs et de rencontres, il constituait, dans le voisinage de la mort, un véritable espace de vie. Tant au-dessous (où se succédaient les échoppes) qu'au-dessus (où se dressaient des corps de logis) des galeries des charniers, dans un espace confusément sacré, public et privé, une part de la population laborieuse de Paris trouvait non seulement son gagne-pain et son toit, mais encore un dense réseau d'appartenance sociale et professionnelle. La réalité des Saints-Innocents recouvrait en effet à la fois une forme d'organisation sociale originale — que traduit l'affirmation d'une microsociété, la communauté du cimetière — et un mode d'existence particulier — dont rend compte la « vie des charniers » —, qui permettaient à chacun de se dire et de se définir dans un rapport à la fois intime et collectif au cimetière.
C'est ce phénomène que met en valeur la présente communication, pour mieux comprendre comment un espace, en conséquence de l'occupation qui en est faite, peut devenir le support et le vecteur d'une identité singulière — en l’occurrence celle du « Paris populaire des charniers ». Les archives du Chapitre de Saint-Germain-l'Auxerrois (responsable de la nécropole) et les dossiers des commissaires du quartier sont les principales sources qui furent analysées à cette fin.
EN :
In the medieval town, cemeteries were commonly treated as public places. Though tainted as impious and for this reason condemned in the 17th century, this state of affairs disappeared only slowly in France. In Paris, the case of the Saints-Innocents cemetery sheds some light on the issue and exemplifies the victory of popular culture over the official policy sanctifying burial grounds.
During the Ancien Régime, the Saints-Innocents was not only the most sepulchral space in the capital, but also one of its most animated market-places. As a site of commerce, leisure, and gatherings, it constituted, next door to death, a real place for the living. Both below the galeries des charniers, where market stalls competed for space, and above these ossuaries, where the main buildings stood, was a confusedly sacred, public, and private space, where part of the working population of Paris not only made a living and a home, but also created a dense social and professional network. The Saints-Innocents was thus an original form of social organization — a micro-society, the cemetery community — as well as a particular style of life which, as exemplified by the vie des charniers, permitted each individual to proclaim and define himself or herself in a relationship to the cemetery that was both intimate and collective.
The present paper explores this phenomenon in order to better understand how a space and the way people occupy it can support and define a unique identity: in this case that of the popular ossuaries of Paris. To this end, the main sources analyzed are the archives of the Chapitre de Saint-Germain-l'Auxerrois, responsible for the necropolis, and the records of the commissaires du quartier.
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Ontario Retailers in the Early Twentieth Century: Dismantling the Social Bridge
David Monod
p. 207–227
RésuméEN :
This article explores the theory that late-nineteenth century and eary-twentieth century retailing served as an avenue to upward mobility. An examination of retailing in Ontario suggests two things: first, that shopkeeping was a deeply stratified occupation in which the poor remained marginalized at the bottom: and second, that over the course of the early twentieth century interest in retailing declined among working people as the business of storekeeping “professionalized”.
FR :
Cet article explore la théorie que la vente au détail de la fin du XIXe siècle et le debut du XXe servit comme route d'accès au mouvement ascendant de la population. Un examen de la vente au détail en Ontario suggège deux choses : premièrement, que le commerce était une occupation très stratifiée où les pauvres étaient marginalisés au bas de l'échelle ; et deuxièmement, que tout au long du début du XXe siècle, l'intérêt dans le commerce déclina parmi les travailleurs au fur et à mesure que le métier de commerçant prenait une orientation professionnelle.
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Women Policing Women: A Patrol Woman in Montreal in the 1910s
Tamara Myers
p. 229–245
RésuméEN :
The policewoman movement in England, Canada, and the United States begun in the 19th century with the prison reform movement. Just as separate prisons for women would protect them from the sexual danger of incarceration so would police matrons save the detained woman from the threat posed by male criminals and station officials. The next step in the evolution of the movement in the 1910s propelled women onto the streets as safety workers, patrol women, and policewomen, ostensibly to protect young women from lecherous males and to prevent the moral downfall of working-class women. The first generation of policewomen were a combination of social workers and cops, their duties being to chaperon the city's young women at dance halls, in parks and on urban streets.
In 1918, Montreal hired its first policewomen to investigate women criminals. Using the files of one of the protective officers (Elizabeth Wand), Myers analyses the impact of this new disciplinary force. As a pioneer policewoman, whose job it was to patrol women and keep them safe from sexual danger and immorality, Wand expanded the meanings of crime, policing, and discipline. For this she encountered resistance from male officers and judges and from the policed women as well.
FR :
Le mouvement pour la création de forces policières féminines en Angleterre, au Canada, et aux États-Unis, trouve sa source dans l'élan de réforme pénitentiaire du XIXe siècle. On croyait que, de la même façon que des prisons spéciales pourraient protéger les femmes des dangers sexuels de l'incarcération, des gardiennes de leur sexe les préserveraient de la menace que posaient les hommes, qu'ils soient criminels ou policiers. L'étape suivante de cette avancée fut l'envoi dans les rues d'agents de sécurité, de patrouilleurs et de policiers de sexe féminin pour voir à la fois à la protection des jeunes femmes contre les hommes au comportement suspect et pour empêcher la déchéance morale des femmes de la classe ouvrière. Ainsi, la première génération de femmes à entrer dans le corps policier représentaient une sorte d'hybride entre la travailleuse sociale et l'agent de police, leur devoir les amenant à chaperonner les jeunes femmes dans les salles de danse, les parcs et les rues de la ville.
C'est en 1918 que le corps de police de Montréal employa pour la première fois des femmes pour mener des enquêtes sur les femmes criminelles. En se basant sur les dossiers des nouvelles recrues dont le rôle était de patrouiller pour les femmes et de les protéger des dangers sexuels, cet article analyse l'impact de la nouvelle force disciplinaire. Le travail pionnier d'Elizabeth Wand contribua à étendre la signification du crime, de la police et de la discipline. Ce faisant, elle rencontra la résistance de la part de collègues masculins, de juges de même que la part des femmes policées.
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Pigott’s Private Eye: Radicalism and Sexual Scandal in Eighteenth-Century England
Nicholas Rogers
p. 247–263
RésuméEN :
Charles Pigott hailed from a Shropshire gentry family that made the transition from Jacobitism to Jacobinism in the eighteenth-century. A bon vivant and man of the turf, Pigott scandalised the establishment by exposing the decadent habits of the landed aristocracy in the Jockey Club and the Female Jockey Club. These scurrilous exposés brought Pigott fame and persecution; they also established him as one of the first radical writers to make political capital out of the "boudoir politics" of the aristocracy.
This paper examines the language of defamation in these pamphlets, their antecedents and their political purchase. Although the Jockey Club proved a resounding success, its sequel was less so; and this fact raises the question of why sexual scandal ultimately proved a more potent weapon of political criticism in late-eighteenth century France than in Britain. One reason is related to Britain's counter-revolution, to the reaction of the propertied classes towards French revolutionary violence, however critical they may have been to aristocratic libertinism. But another has to do with the nature of political society in France, the closer articulation between the “noble body” and the body politic. In Britain's more pluralist society, dominated by Parliament rather than the Court, attacks on the morals of the aristocracy were less politically damaging than they were in the France of the ancien regime.
FR :
Charles Pigott était originaire d'une famille de la haute-bourgeoisie du Shropshire qui avait fait la transition du Jacobitisme au Jacobinisme. Bon vivant, habitué des course de chevaux, il réussit à scandaliser l'establishment en dépeignant les moeurs décadentes de l'aristocratie foncière dans deux ouvrages intitulés Jockey Club et Female Jockey Club. Ces exposés injurieux lui apportèrent à la fois gloire et poursuite judiciaire ; ils en firent aussi I’un des premiers auteurs à se constituer un capital politique en utilisant la « politique de boudoir » de l'aristocratie. Cet article étudie la langue diffamatoire de ces pamphlets, leurs antécédents et leurs conséquences politiques. Si Jockey Club rencontra un triomphe percutant, ses séquelles ne subirent pas la même sort, un fait qui porte à se demander pourquoi le scandale de moeurs pouvait, dans la France de la même époque, constituer une arme plus puissante de critique politique. Certes, l'une des explications relève de la contre-révolution britannique, la réaction des classes nanties à la violence révolutionnaire française les portant à mettre de côté leur désapprobation du libertinage des arisocrates. Mais il est une autre qui renvoie cette fois à la nature de la société politique en France, à l'articulation plus étroite entre le « corps noble » et le corps politique. En Grande-Bretagne où la société, davantage pluraliste, était dominée par le Parlement plutôt que par la cour, les dénonciations des moeurs de l'aristocratie se révélèrent moins préjudiciables pour l'ordre politique qu'elles ne le furent dans la France de l'Ancien Régime.
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L’arme favorite de l’épicier indépendant : éléments d’une histoire sociale du crédit (Montréal, 1920-1940)
Sylvie Taschereau
p. 265–292
RésuméFR :
À Montréal, dans la première moitié du 20e siècle, les détaillants indépendants de l'alimentation ont l'habitude de faire crédit à leur clientèle des milieux populaires, en leur permettant d'ouvrir un compte courant, réglé en principe à intervalles réguliers. À cette époque, pour une large part de la population, le revenu familial suffit à peine à couvrir les besoins de base et ne permet pas de faire face aux impondérables. Le crédit qu’accordent les détaillants de quartier donne au budget familial un peu de la souplesse qui lui manque et représente en quelque sorte un filet de sécurité à une époque où les revenus des familles ouvrières sont peu élevés et instables. Aussi, en dépit du danger d'endettement qu'il représente, il est activement recherché par les résidents des quartiers populaires.
Dans le contexte économique et social des années 1920 à 1940, et à ce moment de l'évolution du commerce de l'alimentation, les détaillants indépendants qui accordent crédit se trouvent placés dans une situation paradoxale. D'abord, le progrès important des chaînes de magasins dans le secteur de l'alimentation les inquiète vivement. Or tandis que les chaînes appliquent en principe la règle du « cash & carry », le crédit qu'accordent les détaillants indépendants leur permet de se distinguer de leurs concurrents et de retenir leur clientèle des quartiers populaires. Dans ce sens, cette pratique devient leur « arme favorite », suivant l'expression d'un contemporain. Il s'agit cependant d'une arme à deux tranchants. Pour la majorité des petits commerçants, dont les entreprises sont fragiles et manquent de capital, le crédit représente une charge considérable. Les détaillants les mieux établis se trouvent eux aussi partagés entre la crainte de perdre leur clientèle au profit des chaînes et le désir d'éliminer cette forme de crédit qu'ils ne gèrent pas nécessairement à profit.
EN :
In Montreal in the first half of the 20th century, independent food retailers commonly extended credit to their working-class customers. The merchants allowed them to establish current accounts, which they settled (in theory at least) at regular intervals. During this period, for a large part of the population, family income was barely sufficient to cover the basic necessities and left little for unforeseen circumstances. The credit that neighbourhood grocers extended allowed family budgets a degree of flexibility and represented a sort of safety net during a period before the introduction of state welfare programmes. Despite the danger of falling deeper and deeper into debt, residents of working-class neighbourhoods actively searched out merchants who would provide credit.
In the socio-economic context of the years between 1920 and 1940, and at this stage in the history of food retailing, independent grocers who extended credit found themselves in a paradoxical situation. In the first place, they were worried by the rapid expansion of chain grocery stores. While the chain stores applied the principle of "cash and carry", independent retailers used credit to differentiate themselves from their competitors and to retain their working-class clientele. This practice became their "favorite weapon", as one contemporary put it. It was, however, a double-edged sword, particularly for the majority of small retailers, whose businesses were fragile and lacked capital. Credit was a considerable financial burden for these shopkeepers. For their part, the most stable grocers were torn between the fear of losing their customers to the chains or to their competitors and their desire to eliminate this form of credit which they had difficulty managing profitably.
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Italian Immigrants and Working-Class Movements in the United States: A Personal Reflection on Class and Ethnicity
Rudolph J. Vecoli
p. 293–305
RésuméEN :
The article argues that the locus of the most interesting and important work in the fields of immigration and labor history lies precisely at the intersection of class and ethnicity. In developing this thesis, particularly with respect to Italian immigrant working-class movements in the United States, the author draws on his experiences as a working-class ethnic and historian as well as his readings of the literature.
In the course of his research on Italian immigrants in Chicago, the author stumbled upon the submerged, indeed suppressed, history of the Italian American left. Italian-American working-class history has since been the focus of his work. Since mainstream institutions had neglected the records of this history, the recovery of rich documentation on Italian American radicalism has been a source of particular satisfaction. These movements had also been "forgotten" by the Italian Americans themselves. Despite important work by a handful of American scholars, relatively few Italian American historians have given attention to this dimension of the Italian American experience. Curiously the topic has received more attention from scholars in Italy.
Mass emigration as much as revolutionary movements was an expression of the social upheavals of turn-of-the-century Italy. As participants in those events, the immigrants brought more or less inchoate ideas of class and ethnicity to America with them. Here they developed class and ethnic identities as Italian-American workers. The construction of those identities has been a process in which the Italian immigrants have been protagonists, filtering cultural messages through the sieve of their own experiences, memories, and values. Historians of labor and immigration need to plumb the sources of class and ethnic identity more imaginatively and sensitively, recognizing that personal identity is a whole of which class and ethnicity are inseparable aspects. The author calls upon historians to salvage and restore the concepts of class and ethnicity as useful categories of analysis.
FR :
Cet article avance que les questionnements les plus intéressants dans les domaines de I’histoire de l'immigration et de l'histoire ouvrière se situent précisément à l'intersection des problèmes de classe et d'ethnicité. Pour développer son propos, l’auteur met à profit son expérience, comme membre de la classe ouvrière et d'un group ethnique, de même que sa formation d'historien et sa lecture de littérature.
C'est au cours de recherches sur les immigrants italiens de Chicago que l'auteur a trébuché sur l'histoire de la gauche italo-américaine, un tranche du passé étouffée, pour ne pas direr supprimée. Depuis lors, l'histoire de la classe ouvrière italo-américaine occupe le centre de son attention. Ces mouvements avaient disparu de la mémoire même des italo-américains et, malgré les importantes études de quelques professeurs américains, peu d'histoire italo-américains se sont penchés sur cette dimension de l'expérience de leur groupe. Le sujet, curieusement, a reçu davantage d'attention de la part auteurs italiens. Comme les sources de cette histoire avaient souffert d'un manque d'intérêt de la part des institutions importantes, la récupération d'une riche documentation sur le radicalisme italo-américain lui a procuré une source de satisfaction particulière.
Pour l'Italie du tournant du siècle, autant que les mouvements révolutionnaires, l'émigration de masse a contitué l'expression de bouleversements. En tant que participants à ces événements, les immigrants ont glissé, dans leurs bagages pour l'Amérique, des idées plus ou moins cohérentes sur les classes et sur l'ethnicité. Arrivés ici, ils ont construit des identités de classe et d'ethnie le long d'un processus par lequel ils ont reçu les messages culturels à travers le filtre de leurs propres expériences, leurs souvenirs et leurs valeurs. Les historiens du travail et de l'immigration devraient mettre à profit les sources de l'identité de classe et d'ethnie de façon plus imaginative et sensible en reconnaissant que l'identité est un tout dont ces deux dimensions constituent des aspect inséparables. L'auteur en appelle à la réhabilitation des concepts de classe et d'ethnicité comme d'utiles et d'importantes catégories d'analyse.