Comptes rendus de lecture

Dynamiser le développement régional par l’entrepreneuriat, Pierre-André JULIEN et Josée ST-PIERRE, Presses de l’Université du Québec 2015, 479 p.[Notice]

  • Muriel Maillefert

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  • Muriel Maillefert
    Professeure en aménagement et urbanisme, Université Jean Moulin, Lyon 3

Ce volumineux ouvrage cherche à comprendre la dynamique entrepreneuriale des petites et moyennes entreprises en s’appuyant sur de nombreux exemples tirés du contexte québécois. Très documenté (les références citées en fin d’ouvrage s’étendent sur presque 50 pages), il s’inscrit en trois parties et onze chapitres pour défendre une problématique du renouveau possible du développement territorial par les petites entreprises. La première partie pose le décor, justifie le choix des petites entreprises et définit les clés principales du développement territorial : des opportunités saisies par l’entreprise et l’appui sur l’innovation. Les petites entreprises, qui se caractérisent à la fois par leur taille (moins de 300 salariés) et la forme de propriété (l’absence de dispersion du capital) sont par la création ou la reprise d’une entreprise existante susceptibles de promouvoir une dynamique territoriale se traduisant par davantage de croissance et d’emploi. La seconde partie propose un bilan théorique et empirique des variables qui déterminent l’entrepreneuriat. On retrouve finalement les résultats issus des variables traditionnelles (du modèle de Solow) pondérées de manière plus ou moins spécifique suivant les modèles. La dernière partie s’intéresse plus particulièrement à la question régionale, question peu abordée par les modèles principalement tournés vers le comportement des entrepreneurs, la question du contexte, celle du management et des innovations et enfin celle des réseaux (p. 166-168). Un des apports de l’ouvrage est incontestablement de fournir des clés de lecture pour comprendre le phénomène de l’entrepreneuriat autant du point de vue des individus que des dynamiques territoriales. Par exemple, le chapitre 3 passe en revue les « modèles » ou cadres conceptuels qui peuvent expliquer la dimension entrepreneuriale (et aussi permettre de comprendre pourquoi certains territoires ont plus ou moins d’activité d’entrepreneuriat). Évidemment, il faut différencier deux éléments, souvent confondus, la logique de création d’entreprise (dont le moteur est l’innovation selon les critères schumpétériens) et la pérennisation de celles-ci (ce critère étant lié au développement territorial). Les modèles les plus intéressants distinguent bien deux temps : ce qui motive l’entrepreneur (par exemple les motivations individuelles, organisationnelles ou environnementales liées à l’entrepreneur et l’action d’entreprendre) et les effets de la décision d’entreprendre de l’ensemble des entreprises pour le territoire. Là se trouve la compréhension de la dynamique territoriale que le modèle de Julien (2005) aborde à travers quatre éléments : l’information, les réseaux, le capital social et la confiance. Cette caractérisation du milieu (ou de l’écosystème) permet aux entreprises de devenir potentiellement proactives sur le territoire. Un des enjeux du développement de l’entrepreneuriat et des PME est bien, au Québec comme en France, de trouver des leviers face au déclin des entreprises et du tissu industriel. On connaît en France la question récurrente de la fragilité du tissu des entreprises de taille intermédiaire face à la structuration des entreprises allemandes. Les entreprises françaises ayant atteint un stade de développement stabilisé sont fréquemment rachetées par les grands groupes alors qu’en Allemagne elles demeurent autonomes, continuent d’innover et peuvent exporter. Pour parler comme l’ouvrage, un des enjeux de la compréhension de développement territorial est le passage entre la configuration de firme « banale » à une forme plus avancée. À ce titre, la distinction entre type d’entreprise (reproduction, imitation aventure ou valorisation) et type d’environnement (turbulent ou non) par exemple est assez intéressante. Par contre, contrairement aux travaux français, l’ouvrage met un poids beaucoup plus important sur les dimensions microéconomiques (liées à l’entreprise) plutôt que les variables de réseau (par exemple les configurations sectorielles, les modes d’organisation, etc.) ou institutionnelles (les politiques publiques, les régulations sectorielles ou de branche, les arrangements institutionnels). C’est pourquoi il peut être très instructif de s’intéresser à la question …