Comptes rendus

MORIN-PELLETIER, Mélanie, Briser les ailes de l’ange. Les infirmières militaires canadiennes (1914-1918) (Montréal, Athéna éditions, coll. « Histoire militaire », 2006), 185 p.[Notice]

  • Susan Mann

…plus d’informations

  • Susan Mann
    Université York

Voici un autre sujet à ajouter à l’ambitieuse collection d’histoire militaire de la maison d’édition Athéna. Grâce à la toute jeune historienne Mélanie Morin-Pelletier, l’histoire des infirmières militaires canadiennes vient enrichir la quinzaine de titres d’Athéna. Briser les ailes de l’ange est le premier livre en français au Canada à traiter des infirmières de la Première Guerre mondiale. Treize infirmières parmi les 2500 Canadiennes qui ont servi outre-mer sont au coeur de ce livre. Six d’entre elles ont laissé trois journaux intimes et trois mémoires, tous déjà publiés, mais difficiles d’accès, à part le journal de Clare Gass. C’est sans doute cette difficulté d’accès qui explique l’absence des mémoires de Constance Bruce, Humour in Tragedy (1918) qui aurait ajouté du poids et de la couleur, notamment le rire, aux beaux portraits d’infirmières que nous livre Mélanie Morin-Pelletier. Le destin des sept autres infirmières est caché dans les dépôts d’archives que l’auteure a scrutés à travers le Canada. N’y manquent, à ma connaissance, que les lettres de Berthe Merriman à sa famille qui se trouvent aux archives de l’Ontario. Toutes ces sources, publiées ou non, sont en anglais. L’auteure s’est donc donné la double tâche de les trouver et d’en traduire les richesses. On ne connaît aucune source de cette nature pour la centaine d’infirmières canadiennes-françaises. Un mémoire de maîtrise intitulé « Lire entre les lignes : témoignages d’infirmières militaires canadiennes en service outre-mer pendant la Première Guerre mondiale » est à l’origine des quatre chapitres de ce livre. Lisant soigneusement « entre les lignes », Morin-Pelletier nous présente dans les chapitres deux et trois un portrait détaillé du travail des infirmières militaires sur le front ouest, en Méditerranée et même, dans un cas, jusqu’en Russie. Grâce à ces chapitres, on saisit la grande capacité d’adaptation des infirmières face à leurs conditions de travail, aux maladies et surtout aux blessures atroces qu’elles n’ont jamais rencontrées au Canada. Leur courage dans les salles d’opération dépasse même parfois celui de leurs collègues masculins. Le premier chapitre s’appuie sur un large éventail d’études permettant de comprendre l’apport des journaux intimes et des mémoires à l’histoire et explorant la mise en place de la profession d’infirmière et ses premiers balbutiements dans le domaine militaire. Le dernier chapitre présente les autres facettes de l’expérience de guerre de ces infirmières, leurs relations entre elles, leur vie en dehors de l’hôpital et la « représentation » qu’elles se font de leurs expériences. Dans ce chapitre, tout comme pour le livre lui-même, les titres nous laissent sur notre faim. Le « modèle » de l’infirmière–ange, dont les « ailes » seraient « brisées » par la guerre n’est ni expliqué ni suivi tout au long de l’ouvrage. Un tel « modèle », tiré de deux études britanniques, ne reflète nullement les écrits des infirmières. Si l’une d’entre elles fait allusion à Florence Nightingale, ce n’est pas au mythe angélique de la dame de Crimée qu’elle fait référence, mais plutôt à ses immenses capacités d’organisation, capacités qui font terriblement défaut, d’après la Canadienne, au service médical anglais sur l’île de Lemnos en 1915. Loin d’être sous le poids d’un modèle d’« ailes brisées », nos infirmières canadiennes indiquent clairement que la guerre leur a permis de prendre leur envol. S’il n y a pas d’anges dans ce livre, il y a pourtant un diable, celui qui se cache dans les détails. Les erreurs de faits, de dates, de lieux, de noms, de sources et même de traduction sont en fait trop nombreuses pour être considérées comme de simples coquilles. Il en découle des jugements hâtifs qui minent la confiance du …