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Malgré l’importante énergie déployée par les institutions et la recherche, les taux de réussite n’augmentent pas significativement dans les premières années de l’enseignement supérieur et peuvent même être considérés comme stables depuis plus de 20 ans (Perret et De Clercq, 2022).

Deux pistes peuvent expliquer cet apparent paradoxe entre important déploiement de moyens et relative inertie des effets. D’une part, l’accompagnement à la réussite est encore majoritairement cantonné à la mise en place de dispositifs d’accompagnement ne faisant pas partie intégrante du programme de formation et visant à soutenir l’étudiant·e uniquement dans le développement de ses compétences académiques et disciplinaires (De Clercq et al., 2023), et non pas dans son épanouissement personnel et vocationnel. D’autre part, la diversité du public étudiant est encore peu considérée dans l’accompagnement : la majorité des dispositifs proposent une approche unique pour toutes et tous qui peut ne pas correspondre aux besoins spécifiques de chacun·e (De Clercq et al., 2020).

La visée générale de ce numéro thématique est de répondre à ces deux limites en mettant en lumière une perspective intégrée de l’accompagnement étudiant. Les initiatives présentées proposent ainsi une vision diversifiée de l’accompagnement à la réussite intégré au sein du programme de formation. Les travaux exposés par Huart et son équipe sont focalisés sur l’identification des freins et des leviers à la participation étudiante à un programme de tutorat. Philion et ses collègues se sont penchés sur les besoins en accompagnement des étudiant·es en situation de handicap lorsqu’elles ou ils sont en stage. L’étude présentée par Bournaud et son équipe concerne l’accompagnement au développement des compétences de gestion des émotions et d’études auprès d’étudiant·es en 1re année à l’université. Enfin, Jacquemart et ses collègues proposent un cadre de référence pour l’analyse des pratiques enseignantes dans l’enseignement supérieur au regard de leurs effets sur la réussite étudiante à l’université.

Dans la littérature et sur le terrain, les actions de soutien aux étudiant·es sont souvent présentées sous le terme d’aide à la réussite. Dans ce numéro thématique, le choix a été fait de s’écarter de ce terme pour lui préférer celui d’accompagnement à la réussite. En effet, sémantiquement, la notion d’aide s’oppose à l’objectif d’autonomisation de l’étudiant·e qui sous-tend la transition vers l’enseignement supérieur. A contrario, la notion d’accompagnement renvoie davantage à une notion de collaboration ou de co-construction d’un parcours ou projet de formation. Comme le précise Paul (2009 ; p.100) : « Là où ont prévalu les savoirs à transmettre dans le cadre d’une relation verticale maître-élève, il s’agit désormais, et sur la base d’une relation plus symétrique, d’aider un adulte en formation à construire son expérience ». Verzat et ses collègues (2021) définissent l’accompagnement comme une action visant à « soutenir l’étudiant dans le développement de ses talents propres dans un but d’accomplissement… à faciliter le processus de construction d’un savoir-faire autonome capable d’évoluer en fonction du contexte » (p.15). Dans cette perspective, l’accompagnement à la réussite s’inscrirait donc au même niveau que l’accompagnement pédagogique (De Clercq et al., 2022). Comme pour ses apprentissages, l’étudiant·e gère avant tout son ajustement académique de façon autonome ; néanmoins, les pratiques d’accompagnement lui permettent de trouver des ressources pour faciliter et améliorer sa progression ainsi que reconnaitre ses difficultés. Finalement, le choix de terminologie permet de concevoir l’accompagnement pédagogique et à la réussite comme deux facettes de l’accompagnement étudiant. Le premier serait avant tout mû par des objectifs de maitrise des compétences et connaissances disciplinaires de la formation : l’accompagnement pédagogique. Le second, l’accompagnement à la réussite, serait guidé par des objectifs de réussite au sens large du terme (réussite, performance, bien-être, ajustement académique et orientation vocationnelle). Il apparait évident que les frontières entre les deux formes d’accompagnement sont loin d’être opaques. Les recouvrements montrent d’ailleurs l’intérêt de les penser de façon conjointe.

Les textes combinés de ce numéro thématique soutiennent que l’accompagnement étudiant ne devrait plus être un ensemble d’actions isolées et externes, mais plutôt une composante légitime à intégrer dans la conception même du programme de cours et des pratiques enseignantes, et à adapter aux profils variés du public étudiant.