PrésentationBoris Diop, au-delà de la vanité d’écrire[Notice]

  • Josias Semujanga

Notre titre résume bien le propos de la génération de Boubacar Boris Diop, à qui ce dossier d’Étudesfrançaises est consacré, pour faire mieux connaître l’oeuvre de cet écrivain majeur de la littérature africaine, né au Sénégal en 1946, qui a reçu en 2000 le Grand Prix littéraire d’Afrique noire. Boubacar Boris Diop, dit Boris Diop, appartient à la génération des écrivains venus à la plume dans les années 1980 – que le critique Séwanou Dabla appelle les « romanciers de la seconde génération » – qui posent des questions nouvelles et différentes de celles auxquelles a eu à faire face la génération de la Négritude aux prises avec d’autres problèmes culturels, politiques et sociaux, ceux que le régime impérial colonial imposait. En effet, la génération de Boris Diop affronte de nouveaux défis, notamment celui de savoir ce que peut, ou fait, la littérature africaine contemporaine pour des pays officiellement libérés de la tutelle coloniale, qui demeurent toutefois dépendants des anciennes métropoles, qu’il s’agisse de leur vie économique et politique, ou de leur langue d’enseignement et d’écriture. Comme nous le verrons dans les études qui constituent notre livraison, cette question, et plusieurs autres qui lui sont liées, reviennent constamment dans l’oeuvre de l’écrivain sénégalais. Elles exigent évidemment des réponses distinctes car elles suggèrent le dépassement des dualités simples de la vérité et du mensonge, elles disent combien la littérature – la fiction – pose la question du sens des êtres et des choses du monde. En 1981, Boris Diop publie son premier roman, Le temps de Tamango, écrit dans une langue classique et conventionnelle, mettant en scène l’époque des régimes dictatoriaux instaurés en Afrique après la période des indépendances. Le lecteur découvre un auteur ayant le goût des récits complexes et polyphoniques, et celui de la déconstruction de l’illusion réaliste auquel le roman africain avait habitué ses lecteurs. Le temps de Tamango est, en effet, une uchronie : son narrateur met en scène des personnages africains s’interrogeant, en 2063, sur ce qu’était la situation politique en Afrique dans les années 1970. Neuf ans plus tard, en 1990, paraît le deuxième roman de Boris Diop, Les tambours de la mémoire, qui aborde le thème de la mémoire grâce au personnage de Fadel Sarr inquiété par le souvenir d’événements qu’il n’a pourtant pas vécus lui-même. Ce récit, qui mêle les moments et les événements, qui va de l’époque précoloniale au temps présent en passant par la colonisation, révèle le sens aigu du drame politique qui caractérise déjà la thématique romanesque de Boris Diop. S’il dénonce férocement les rois de l’Afrique précoloniale, Diop fustige tout autant l’incurie des régimes chaotiques des dictateurs modernes, sans oublier de parodier les discours coloniaux qui insistent sur la prétendue oeuvre de civilisation qu’aurait été la domination européenne. De ce roman tragique et féroce, un personnage positif émerge, Johanna Simentho, résistante anticoloniale très connue au Sénégal, qui incarne la figure de l’espoir, bien que le narrateur se garde d’en faire une héroïne messianique. En 2006, Kaveena, roman très dense et protéiforme, s’inscrit aussi dans le registre de l’enquête. Asante Kroma, chef de police d’un pays africain sans nom, découvre dans une forteresse le cadavre du chef de l’État disparu depuis quelques jours, N’Zo Nikiema. Il commence une investigation personnelle pour comprendre les relations qu’entretenaient Nikiemea avec Castaneda – le Français qui dirige officieusement le pays – et Mumbi Awele, une femme de son entourage dont la fille a été violée puis tuée. L’enquête sur la mort annoncée de la fille sert de prétexte à une enquête approfondie sur les aspects mafieux des rapports entre les …

Parties annexes