FR :
Cet article aborde le concept de triangulation, l’un des concepts méthodologiques les plus largement mobilisés en recherche. Spécifiquement associé aux phases finales d’analyse des données, il représente pour plusieurs un gage de rigueur scientifique. De fait, nos analyses montrent que la triangulation est souvent considérée comme une méthode assurant la validité des résultats ou permettant de les enrichir. Dans cet article, nous souhaitons inciter le lecteur à étendre sa compréhension de cette méthode en interrogeant la vision réductrice qu’on s’en fait ordinairement, spécialement en ce qui a trait au potentiel épistémologique qu’elle présente. En effet, en recherche qualitative, la triangulation constitue une analyse qui ne permet pas de conférer une plus grande validité aux résultats et qui ne permet pas non plus de simplement apporter une analyse de plus. C’est une analyse construite à partir de deux analyses déjà réalisées et c’est une analyse de nature distincte qui vise à obtenir des résultats impossibles à générer sans elle. De fait, si l’on tient compte de son domaine d’application d’origine, soit la géométrie, on comprend que la triangulation, en recherche qualitative, consiste à comparer une analyse ou un angle de vue – l’angle A – à un autre – l’angle B –, afin de construire un troisième angle de vue – l’angle C – qui ne sera ni l’angle A, ni l’angle B, ni la validation de l’un ou de l’autre, ni l’ajout d’une deuxième analyse, soit l’angle B, à une première analyse, l’angle A. En géométrie, et en trigonométrie, la triangulation permet, après avoir construit l’angle C, de construire plusieurs autres mesures, comme la longueur des côtés et la longueur des hauteurs. Par analogie, en recherche qualitative, la triangulation donne lieu à une discussion ou à une confrontation des désaccords émanant de deux analyses pour en arriver à une troisième, et donc à l’obtention de résultats qui n’auraient pu jaillir de la validation ni de l’addition de ces deux analyses. En d’autres mots, utiliser la triangulation pour valider ou pour additionner deux analyses, c’est se priver du potentiel qu’offre cette méthode : ouvrir les analyses déjà réalisées à une ou plusieurs analyses construites à partir de la discussion de ces analyses déjà faites.