Résumés
Résumé
L’article présente les débuts du projet d’université défendu par les porte-parole franco-ontariens depuis les années 1960. D’abord, l’auteur procède à un rappel des grands moments qui ont jalonné le développement de l’enseignement supérieur en français en Ontario. Ensuite, il montre comment les gouvernements, les organismes francophones et les universités bilingues se sont engagés envers le développement de l’enseignement supérieur en français. Le texte aborde les thèmes de la francisation des universités bilingues, l’élargissement de l’accès aux programmes en français, l’autonomie administrative des francophones et le réseautage des programmes en français dans une nouvelle structure. Au tournant du 21e siècle, le projet de création d’une université par et pour les francophones est apparu comme la réponse la plus cohérente à plus de 40 ans d’expérimentation de solutions plus ou moins satisfaisantes, et ce, malgré l’augmentation de l’offre de programmes en français dans les établissements bilingues. Enfin, l’article permet de dresser un bilan de la situation et d’esquisser des pistes de réflexion pour l’avenir de l’enseignement supérieur en français en Ontario.
Mots-clés :
- Histoire de l’Ontario français,
- autonomie institutionnelle,
- universités bilingues et francophones
Corps de l’article
Introduction
Cet article explique comment les Franco-Ontariens ont débattu de la meilleure manière de développer l’enseignement supérieur en français dans leur province, avant la revendication de la décennie 2010 pour une université franco-ontarienne. Les étudiants, professeurs et militants franco-ontariens ont d’abord souhaité des universités biculturelles, à dominance française, à une époque où l’éducation bilingue continuait d’être privilégiée, en partie à cause de sa respectabilité dans l’esprit des autorités politiques ontariennes (Allaire, 2002). À partir de la fin des années 1960, le curseur des aspirations des Franco-Ontariens s’est déplacé vers de nouveaux modèles : la francisation de l’Université d’Ottawa, l’autonomisation administrative des francophones à l’Université Laurentienne et le développement d’un réseau universitaire franco-ontarien entre les établissements bilingues d’Ottawa, de Sudbury, de Toronto et de Hearst. L’anglicisation des universités bilingues et l’échec des réformes administratives pendant les années 1990 et 2000 semblent avoir marginalisé ceux qui souhaitaient un réinvestissement par les Franco-Ontariens dans l’Université d’Ottawa et créé des conditions favorables à la revendication des jeunes Franco-Ontariens pour une université gérée par et pour les francophones.
Ce texte approfondit un historique rédigé en 2015 sur les rapports entre les universités bilingues et la communauté franco-ontarienne. Il rappelle les travaux sur la dualité linguistique de Guindon (1998), de Gervais (1985, 1992) et de Gaudreau (2010a, 2010b). Il intègre aussi une histoire des débats sur la question par Bock et Dorais (2016) et d’autres essais sur la question universitaire en Ontario français. Ce texte s’inspire enfin de mémoires repérés dans les fonds d’archives de l’Association canadienne-française de l’Ontario (ACFO) et de Direction-Jeunesse (DJ), préservés au Centre de recherche en civilisation canadienne-française de l’Université d’Ottawa. Ces mémoires nous fournissent une idée des projets portés par l’élite franco-ontarienne pour le développement de l’enseignement supérieur en français en Ontario.
L’article porte sur les efforts déchus pour réformer le régime universitaire de l’Ontario français depuis les années 1940 jusqu’au début des années 2000. Il expose ce qui a précédé la revendication pour une université franco-ontarienne, lancée en 2008. L’article permettra au lecteur de comprendre la genèse de l’enseignement supérieur en français à Sudbury, le projet de réforme des universités bilingues, l’idée d’un réseau universitaire franco-ontarien, les réserves des professeurs de langue française, l’opposition des universités bilingues aux réformes proposées, ainsi que la déroute des tentatives de réforme des militants franco-ontariens.
1. L’enseignement supérieur en français : Ottawa et Sudbury
À partir de la première moitié du 19e siècle, l’éducation universitaire en Ontario est surtout offerte par des congrégations religieuses dans des collèges classiques. Puisque la population catholique de l’Outaouais est d’origine canadienne-française et irlandaise, les Oblats optent pour un enseignement en français et en anglais lorsqu’ils fondent en 1848 le Collège de Bytown – qui devient l’Université d’Ottawa en 1866. L’enseignement en français y est aboli en 1874 et réinstauré en 1901. C’est dans la foulée du règlement 17 (en vigueur de 1912 à 1927), qui interdit l’enseignement en français dans les écoles de l’Ontario, que l’Université d’Ottawa est de plus en plus associée aux Franco-Ontariens. Avec le départ d’une partie du clergé anglophone, l’Université d’Ottawa devient un lieu de vie canadienne-française : en 1915, 92 % de ses étudiants sont de langue française (Prévost, 2008). En 1923, les Oblats ouvrent leur École de pédagogie comme pied de nez au règlement 17 afin de doter les institutrices franco-ontariennes de brevets de première classe pour enseigner dans les écoles bilingues de l’Ontario. À l’époque, il n’existe pas de projet universitaire franco-ontarien à proprement parler, même si l’Université d’Ottawa dessert principalement les Canadiens français de la région.
Pour leur part, les Jésuites du Collège du Sacré-Coeur, fondé en 1913 à Sudbury, souhaitent avoir accès aux deniers publics pour les baccalauréats qu’ils offrent depuis 1927. Les Jésuites convainquent ainsi le député de Sudbury, Robert Carlin, suivant son élection en 1943, de déposer un projet de loi pour élargir les pouvoirs de la charte du Collège (Carlin, 1945). Après une deuxième lecture (Assemblée législative de l’Ontario, 1945), le projet meurt au feuilleton et ne sera pas embrassé par le gouvernement progressiste-conservateur lorsque Carlin le présente à nouveau en 1947 (Ouellette, 1994). Devant la croissance du personnel salarié, Collège est au bord du gouffre financier. Il relance les efforts pour obtenir un financement de la province en fondant l’Université de Sudbury en 1957 (The Sudbury Star, 1956). On y enseigne qu’en français pendant la première année, mais les octrois provinciaux lui sont refusés à cause de son statut confessionnel et linguistique. Le projet d’obtenir une université biculturelle, à dominance française et catholique, n’évolue pas en vase clos cependant; des pasteurs protestants à Sudbury, puis des laïcs anglophones, tant à North Bay qu’à Sault-Sainte-Marie, cherchent aussi à fonder une université (Bouchard, 1996). L’Université de Sudbury se met à enseigner des cours en anglais pour répondre à la demande, mais devant ce chaos, le premier ministre Robert Frost demande aux acteurs de lui présenter un seul projet d’université laïque.
Le gouvernement prend comme modèle pour élargir le financement public aux universités religieuses celui de l’Université de Toronto, à laquelle s’est greffée St. Michael’s, le collège religieux originel ayant présidé à la naissance de l’établissement laïc. À l’époque, seules les universités Queen’s à Kingston et Western à London sont financées en majorité par la province, qui cherche pourtant à élargir l’accès à l’université, puisqu’elle fera passer le nombre d’universités laïques financées par les deniers publics de 3 à 15 en 1970. À l’Université d’Ottawa, l’ouverture de nouvelles facultés et de programmes en français pendant les décennies 1930 à 1950 a aussi consolidé le statut d’établissement principal des Franco-Ontariens (Université Saint-Paul, 1989); les Oblats imitent de plus en plus la programmation des universités laïques et obtiennent de premières subventions publiques de l’État ontarien en 1947 et de l’État fédéral en 1952.
À Sudbury, les Jésuites concluent une entente avec des congrégations de l’Église anglicane et de l’Église unie pour fonder, en 1960, l’Université Laurentienne, université laïque et bilingue avec trois universités fédérées religieuses. Les collèges à North Bay et à Sault-Sainte-Marie deviennent des collèges universitaires affiliés, tandis que le Collège de Hearst, unilingue français, s’y greffe en 1963. Un modèle similaire est imaginé à Ottawa, où le collège catholique devient l’Université Saint-Paul, fédéré à la nouvelle Université d’Ottawa en 1965. Si les deux nouvelles universités bilingues se ressemblent, elles ne sont pas identiques, puisque la Laurentienne détient la liberté de créer des programmes en anglais et en français, tandis que l’Université d’Ottawa est dotée d’une mission particulière, celle de « favoriser le développement du bilinguisme et du biculturalisme », mais aussi de « préserver et développer la culture française en Ontario » (Loi sur l’Université d’Ottawa, 1965, 2e partie, art. 4)[1].
Pendant les années 1960, le nombre d’inscrits franco-ontariens augmente progressivement à l’Université d’Ottawa et à l’Université Laurentienne (Gaudreau, 2010b). Mais les universités bilingues et les rapports de force en leur sein n’évoluent pas dans le même sens. À l’Université d’Ottawa, les francophones continuent de constituer la majorité du personnel, des professeurs et des étudiants (Painchaud, 1968). Ils forment les deux tiers dans les sciences humaines, et les anglophones doivent pouvoir fonctionner en français pour connaître un avancement professionnel. L’Université d’Ottawa exige même, à compter de 1970, le bilinguisme pour obtenir le diplôme.
Si la formule de l’Université d’Ottawa semble plaire à l’élite franco-ontarienne, celle de l’Université Laurentienne est rejetée par la moitié des Jésuites sondés en 1960 (Pelletier, 2012). L’Association canadienne-française d’éducation de l’Ontario (ACFÉO) craint l’absence de garanties pour le développement des programmes universitaires en français et la minorisation des étudiants canadiens-français, qui n’ont pas encore accès à une éducation secondaire publique de langue française (ACFÉO, 1960). Elle aura raison, car la proportion d’étudiants francophones à la Laurentienne chute de 52 % en 1960 à 14 % en 1967, puis l’établissement abandonne l’exigence du bilinguisme pour obtenir le diplôme à la même époque (Dupuis, 2010)[2].
Le bilinguisme maintient cependant sa puissance symbolique à une époque où il s’inscrit dans l’identité canadienne, comme en atteste la création du Collège universitaire Glendon en 1966. Le diplomate Escott Reid fonde ce collège d’arts libéraux dans l’intention de créer des cohortes de fonctionnaires bilingues. Si Reid espérait que des francophones s’inscriraient à son établissement, ils ne forment que 5 % des étudiants en 1969 (Reid, 1989). Les étudiants bilingues sont insuffisamment nombreux pour continuer d’exiger le bilinguisme pour obtenir le diplôme, exigence qui est abandonnée en 1971 (Trépanier & Englebert, 2014).
Ce niveau différencié de bilinguisme n’est pas sans conséquence. À l’Université Laurentienne, certains professeurs jugent que la relative absence des Franco-Ontariens parmi les administrateurs et les professeurs ainsi que la brochette restreinte de cours en français freinent leur mobilité sociale (Gaudreau, 2010b). Ils proposent ainsi que les francophones composent au moins le tiers des étudiants afin de pouvoir faire de l’université un certain foyer de vie française. Cette représentation asymétrique préconisée à la fin des années 1960 doit assurer la représentation d’une masse critique de francophones dans un établissement partagé.
L’ACFÉO est d’accord avec ces propositions, car elles correspondent à la vision qu’elle entretient pour l’Université d’Ottawa, qui peut agir comme lieu de rencontre entre le Canada français et le Canada anglais tout en favorisant le développement des Franco-Ontariens si le fardeau du bilinguisme ne repose pas seulement sur eux. Appelé à se pencher sur la question universitaire, le Comité franco-ontarien d’enquête culturelle (1969)[3], dirigé par le professeur Roger Saint-Denis, juge que l’université bilingue « dans une province à grande majorité unilingue anglaise » devrait, avant tout, offrir à « l’étudiant canadien-français […] un milieu favorable à l’épanouissement de sa culture » et parvenir à « former des chefs de file franco-ontariens » (St-Denis, 1969, pp. 155-156).
2. Le projet de réformer les universités bilingues
Tandis que les énergies de l’ACFÉO sont consacrées à l’ouverture d’écoles secondaires publiques de langue française, l’on assiste à l’augmentation des inscriptions et des cours en français dans les universités bilingues ainsi qu’à l’offre de cours en français dans les collèges communautaires, fondés en 1967 à Sudbury, à Timmins, à Ottawa, à Cornwall et à Welland. De façon concomitante, les groupes porte-parole de la francophonie ontarienne commencent à penser à un projet d’autonomie institutionnelle dans le domaine postsecondaire[4]. En mars 1969, les participants au congrès de l’Association canadienne-française de l’Ontario (ACFO) adoptent une résolution pour qu’elle travaille à la « francisation complète éventuelle » (ACFO, 1969, citée dans Conseil de l’éducation et de la formation franco-ontariennes [CÉFFO], 1995, p. 2) de l’Université d’Ottawa. Tandis que le poids des inscriptions francophones a glissé de 64 % à 51 % en une décennie, les porte-parole franco-ontariens espèrent franciser l’établissement qui, historiquement, les a desservis, comme on l’a fait avec certains high schools bilingues à majorité française qui, à la rentrée en 1968, sont devenus des écoles publiques de langue française. L’horizon d’une « francisation totale de l’Université d’Ottawa » (Aubé & Sylvestre) est reconduit en octobre 1969 lors du congrès fondateur de l’Assemblée provinciale des mouvements de jeunes de l’Ontario français (APMJOF). Les 175 délégués jugent alors que l’université fréquentée par les Franco-Ontariens devrait dépasser « la salle de cours » pour s’étendre vers « le campus, l’atmosphère et les activités », qui « dans une province anglophone », devraient agir comme contrepoids en offrant « un milieu homogène français » (Aubé & Sylvestre, 1970, pp. 7-8). L’APMJOF prend position contre l’anglicisation perçue et réelle de l’espace universitaire ottavien et veut renverser la tendance, sans en exclure les anglophones.
À l’Université Laurentienne, l’étudiant sudburois Donald Obonsawin critique aussi le bilinguisme institutionnel comme un milieu qui n’offre qu’un français « torturé » par une administration qui « ne connaît pas nos besoins », puis ne réserve qu’« un “coin” français » (1969, p. 1) pour les activités culturelles des étudiants canadiens-français. Obonsawin préconise « une administration et une faculté française[s] » qui rassembleraient les étudiants de « trois universités où nous sommes une minorité méprisée […] en une majorité où les besoins seront satisfaits » (1969, p. 1). D’abord perçue par les administrateurs comme radicale, la proposition d’un « collège français » est pourtant présentée comme solution par l’ex-recteur de l’Université de Waterloo, J. G. Hagey, invité en 1970 à proposer un mécanisme pour assurer une meilleure coexistence des groupes linguistiques. Le Conseil des gouverneurs de l’Université Laurentienne rejette toutefois la proposition, en disant craindre l’apparition d’un « ghetto » (Gaudreau, 2010b) en son sein et préférer un réinvestissement de la dualité linguistique. Passant de la parole aux actes, le Conseil inaugure un programme de traduction et d’interprétation (Comité conjoint du bilinguisme et du biculturalisme de l’Université Laurentienne, 1971) et crée un Comité consultatif des affaires francophones en 1973 pour conseiller les autorités sur la manière de dépenser les nouvelles subventions fédérales affectées au bilinguisme (Dorais, 2013). Pour sa part, la Commission sur l’éducation postsecondaire de l’Ontario recommande au gouvernement en 1972 d’investir pour augmenter la participation des Franco-Ontariens à l’université, sans toutefois l’inviter à mesurer l’efficacité du bilinguisme institutionnel (Gervais, 1992).
Un peu plus au nord de Sudbury, après avoir rompu avec la confessionnalité en 1972, le Collège universitaire de Hearst obtient un Conseil des gouverneurs pour gérer sa demi-douzaine de programmes et devient, du coup, le premier établissement universitaire français de la province (Joly, 2009). Pour sa part, l’Université d’Ottawa continue d’être administrée principalement en français – ou du moins dans les deux langues suivant l’adoption de son premier Règlement sur le bilinguisme en 1974 (Larocque et al., 2012). Par ailleurs, à la même époque, l’étudiant Alain Massot (1973) révèle, dans sa thèse de maîtrise, que les étudiants franco-ontariens subissent des formes d’anglicisation pendant leur passage et demeurent sous-représentés dans les sciences naturelles, où les cours en français sont pratiquement inexistants.
Au sein du milieu communautaire, l’ACFO est submergée par les crises pour l’obtention d’écoles secondaires de langue française, le développement de services provinciaux en français, les débats sur la gestion scolaire et des tensions sur la légitimité de l’organisme d’agir en tant que porte-parole de l’ensemble des Franco-Ontariens. Le congrès de l’ACFO de 1972 résout de « commence[r] immédiatement à étudier le besoin et les moyens de fonder une université francophone en Ontario » (Bureau, 1989, p. 49). Par contre, l’ACFO ne prend pas les moyens afin de faire avancer le dossier pendant toute la décennie. C’est l’organisme Direction-Jeunesse (DJ), fondé en 1970, qui effectue des consultations à l’automne 1978 sur les aspirations des jeunes en matière d’études postsecondaires. Son rapport, Le complexe des différents, fait la lumière sur le manque de ressources pour la vie étudiante et les études en français dans les universités bilingues. En février 1979, l’Association des étudiants francophones (AEF) de l’Université Laurentienne occupe pendant deux jours les bureaux administratifs pour exiger la centralisation des services en français (Bock & Dorais, 2016). L’assemblée générale de DJ, tenue en avril 1979, résout d’obtenir un appui financier fédéral pour « l’obtention d’un collège communautaire francophone avec différents campus à travers la province et d’une université unilingue française qui réponde aux besoins [des Franco-Ontariens] » (DJ & Fédération des élèves du secondaire franco-ontarien [FESFO], 1988, p. 6). En février 1980, l’AEF, accompagnée par des professeurs et l’ACFO régionale, met sur pied un Comité d’action pour une université franco-ontarienne pour qu’elle voie le jour dans le Nord-Est. À Ottawa, l’ACFO provinciale hésite devant cette ambition; elle favorise plutôt une université franco-ontarienne « à long terme » et se montre ouverte à une étape intermédiaire, soit « un réseau de services organiquement constitués suivant le vouloir de la collectivité » (ACFO, 1983a, p. 5). L’horizon demeure néanmoins celui d’« un réseau complet de services universitaires […] administrés par les intéressés eux-mêmes de manière à ce qu’ils soient les plus souples et les mieux adaptés » (ACFO, 1983a, p. 6). En avril 1982, DJ mène une campagne pour dénoncer « la situation précaire des cours et programmes en français », le « milieu de vie francophone presque inexistant » et les « lacune[s] au sein de la représentation francophone » (DJ & FESFO, 1988, p. 1) dans les collèges et universités bilingues. Or la consultation que DJ mène révèle que la question de l’élargissement de l’accès aux programmes en français fait le plus consensus. Cela mène à la création de nouveaux programmes en français, dont la common law à l’Université d’Ottawa en 1977 et le commerce à l’Université Laurentienne en 1983. Enfin, à l’Université d’Ottawa, la proportion de Franco-Ontariens parmi les étudiants francophones augmente de 23 % à 27 % entre 1980 et 1984 (Carrier et al., 1985).
À la même époque, le Comité de restructuration des universités du Nord-Est de l’Ontario, le Comité Parrot, créé par le gouvernement de Bill Davis, incite les porte-parole des groupes franco-ontariens d’exiger davantage de programmes universitaires en français – de même que des subventions et des structures universitaires à l’intention des étudiants francophones. Au début de janvier 1983, les ACFO régionales du Nord-Est organisent une consultation à Timmins, auprès d’une quarantaine de participants d’horizons variés, pour produire un mémoire qui rappelle les difficultés de l’Université Laurentienne à « offrir une gamme satisfaisante de cours en langue française » ainsi que la « conception bilingue qui […] ne fonctionne toujours pas en faveur des Franco-Ontariens » (ACFO, 1983b, pp. 1-2). La sous-représentation chronique des Franco-Ontariens parmi les cadres et les professeurs et un pouvoir anglophone « dans les organismes décisionnels » (Dignard & Raymond, 1983, p. 2) expliquent ces difficultés. Lors des audiences du Comité Parrot, des représentants répètent ces griefs et recommandent une « présence francophone paritaire dans les organismes décisionnels » (Rheault, 1983), comme « expression concrète du bilinguisme intégral […], selon l’esprit de la nouvelle constitution canadienne » pour atteindre une « cohabitation sereine des groupes » (ACFO, 1983a, p. 1). La démarche permettrait à l’Ontario français d’obtenir « sa place », dans une optique d’« égalité des chances ». Selon cette logique, il ne suffirait pas que les Franco-Ontariens développent leurs « compétences » à l’université; pour atteindre un « épanouissement », il faudrait aussi qu’ils apprennent à administrer une université. Enfin, dès que « le bassin de population franco-ontarienne dans le nord-est » serait suffisant, cette étape intermédiaire donnerait lieu à la mise en place d’« une université unilingue française » (ACFO, 1983a, p. 1). Pour l’ACFO, la collectivité franco-ontarienne doit pouvoir « compter sur l’enseignement et sur la recherche universitaire pour [se] développer » et avoir « les instruments essentiels à la connaissance d’elle-même » pour mieux « se prendre en main » (1983b, p. 2). Aux audiences du même Comité, DJ parle d’une restructuration du milieu de l’enseignement supérieur afin d’obtenir un « traitement équitable » (DJ, 1983, p. 2) à celui des Acadiens et des Anglo-Québécois – qui détiennent des universités – pour pouvoir « échapper au pouvoir inquiétant de l’assimilation » (p. 1). Sans surprise, les étudiants expliquent que la vie étudiante doit constituer « un lieu de socialisation […] susceptible d’assurer la préservation et la perpétuation du patrimoine linguistique et culturel » (DJ, 1983, p. 1). DJ veut aussi « rehausser le niveau d’éducation » (1983, p. 2) du Franco-Ontarien, lui permettre de participer plus « activement au mieux-être de sa communauté » et aboutir à « l’amélioration de leurs conditions de vie » (p. 4).
Le Comité Parrot a toutefois pour mandat d’identifier des économies d’échelle, ce que les mémoires de l’ACFO et de DJ n’abordent pas. Pire, Parrot ne prend pas au sérieux leur quête d’égalité, pas plus que la volonté des populations anglophones de North Bay et de Sault-Sainte-Marie d’autonomiser leurs collèges universitaires affiliés à la Laurentienne ou celle des gens de Timmins d’ouvrir un premier collège universitaire (AEFO Unité Timmins-élémentaire, 1983). La division entre les militants franco-sudburois qui veulent une parité administrative, les franco-ottaviens ambivalents vis-à-vis de la création d’une nouvelle université et les franco-timminois qui voudraient l’ouverture d’un campus universitaire bilingue pouvant se greffer au Collège Northern (bilingue), sans modifier l’autonomie du Collège universitaire de Hearst (ACFO, 1985), contribue à l’impasse provoquée par le Comité Parrot, qui ne recommandera aucune réforme. Néanmoins, il recommande l’élargissement des programmes en français. Les universités bilingues sont soulagées et réagissent avec un certain enthousiasme à la proposition. Selon Philippe Garigue (1983), le principal de Glendon, l’accès aux études postsecondaires a « toujours été le premier souci de la communauté franco-ontarienne » (p. 8). Par contre, les universités bilingues exigent aussi des « octrois spéciaux » (Garigue, 1983, p. 1) pour le faire. Garigue aimerait bien que Glendon passe d’un statut de faculté à un collège universitaire autonome et se rapproche des organisations franco-ontariennes afin d’augmenter la participation des Franco-Ontariens à ses programmes bilingues, au-delà de la centaine qui s’y trouve au moment de son mandat (1983).
3. L’idée d’un réseau universitaire franco-ontarien
Depuis l’automne 1982, sept associations franco-ontariennes en éducation se réunissent et créent le Comité de coordination interuniversitaire, qui doit « échanger, dialoguer et collaborer dans la planification, la mise en oeuvre et la coordination des services universitaires en langue française » (Conseil de l’éducation franco-ontarienne [CÉFO], 1984, p. 1). Le Comité s’ajoute aux travaux du Conseil de l’éducation franco-ontarienne (CÉFO)[5], qui existe depuis 1979 et auquel siègent six Franco-Ontariens, pour conseiller la ministre de l’Éducation, des Collèges et des Universités, Bette Stephenson, aux prises avec différentes « crises scolaires » (CÉFFO, 1995, p. 6) pour le développement d’écoles secondaires franco-ontariennes. En 1984, le CÉFO juge que « l’engagement et la participation de la collectivité franco-ontarienne aux affaires universitaires sont plutôt minimes », ce qui « suscite l’apathie, voire même l’hostilité » (1984, p. 4) des Franco-Ontariens envers l’université. Le CÉFO critique l’absence de « mécanisme provincial » pour « assurer de façon systématique une évaluation des besoins », d’une « parité de services universitaires offerts aux deux groupes de langues officielles » ou de « traitement équitable des besoins de la minorité » (1984, p. 4). Comme le souligne également le rapport Carrier, les retards éducatifs chez les Franco-Ontariens continuent d’être considérables même si la proportion ayant au moins neuf ans de scolarité a cru de 32 % à 80 % entre 1961 et 1981 (Carrier et al., 1985). Un rapport de l’Office des Affaires francophones (OAF), en 1986, souligne que le taux de participation à l’université est la moitié de la moyenne provinciale et que dans les programmes des sciences naturelles et technologies, particulièrement prisés par les jeunes hommes et presque jamais offerts en français, les Franco-Ontariens sont deux à dix fois sous-représentés (OAF, 1986). Enfin, si la participation augmente au premier cycle, le CÉFO (1984) précise qu’« aux deuxième et troisième cycles, l’écart dans le taux de participation est tellement grand qu’il met en danger la survie de la collectivité franco-ontarienne » (p. 5). S’il y a réseau, il faudrait qu’il soit mis sur pied par le ministère des Collèges et Universités, une autorité supérieure aux universités bilingues, pour agir comme « une suite logique » des « paliers primaire et secondaire », où les Franco-Ontariens parviennent à « jouer le rôle qui leur revient dans les prises de décisions vitales […] à leur épanouissement […] tant au plan académique qu’au plan administratif » (pp. 5-6). Ce « programme d’action positive », également financé par le ministère et le Secrétariat d’État fédéral, aurait pour but « d’augmenter considérablement le nombre de cours et de programmes en langue française » et de rapprocher « la participation de la population franco-ontarienne » au « taux de participation de la population de langue anglaise » (p. 6). Ce serait un moyen « pour que les Franco-Ontariens puissent envisager l’avenir avec confiance, fiers de leurs origines et doublement fiers d’être citoyens à part entière de cette belle province » (p. 7).
En 1984, la Commission chargée d’étudier l’avenir des universités de l’Ontario, la Commission Bovey, constitue une nouvelle occasion pour DJ et l’ACFO de faire avancer la réforme du système universitaire bilingue. Puisque la Cour d’appel de l’Ontario a statué, en 1983, que les Franco-Ontariens ont droit à des établissements scolaires homogènes, gérés par les parents francophones, les deux groupes veulent transposer ce gain au secteur postsecondaire. DJ met l’accent sur le besoin d’un coup de barre pour contrer la privation historique d’un accès à une éducation primaire et secondaire, la dévalorisation des études supérieures, l’infériorité économique, ainsi que le faible accès aux programmes en français, qui se traduit par une participation plus faible qui persiste – à la rentrée en 1984, 800 diplômés franco-ontariens se sont inscrits à l’université, alors qu’ils auraient été 1 450 si leur participation avait été égale à celle de la moyenne provinciale (DJ, 1984).
L’élargissement de l’accès aux cours en français dans les programmes de sciences naturelles et de technologie serait la voie à privilégier, mais il faudrait plus, selon DJ, pour briser le « cercle vicieux […] qui maintient les Franco-Ontariens au sein des établissements anglo-dominants […] à l’écart » (1984, p. 6) des instances de gouvernance universitaire. DJ propose que l’Université d’Ottawa, le CÉFO, la sous-ministre adjointe à l’éducation franco-ontarienne, un représentant du gouvernement fédéral, l’ACFO et DJ dirigent un « réseau universitaire voué aux intérêts des francophones de la province » (DJ, 1984, p. 10) avec l’Université Laurentienne, le Collège de Hearst et le Collège Glendon pour élaborer une « structure qui permettrait aux Franco-Ontariens […] de jouir d’une pleine autonomie administrative et pédagogique » (p. 11). Pour sa part, l’ACFO remet en question cette idée de « réseau », qui pourrait s’avérer impuissant vis-à-vis de la compétition entre les universités et leurs raisonnements comptables. Afin d’« élaborer un modèle original de système universitaire à l’usage des francophones » (ACFO, 1984, p. 3) et d’obtenir « un système universitaire qui leur soit propre […] contrôlé et géré par les Franco-Ontariens eux-mêmes » (p. 1), l’association provinciale demande au gouvernement de créer une Commission d’étude sur l’enseignement postsecondaire en langue française. L’ACFO n’entre cependant pas dans les détails de la manière dont on pourrait rapatrier des programmes, des installations, des ressources et des employés, prolongeant ainsi une confusion dans l’esprit des décideurs sur la praticabilité de sa proposition. Le gouvernement ontarien n’acquiesce pas à la demande de l’association. Toutefois, le rapport de la Commission Bovey, Options pour l’avenir (Bovey, 1984), recommande la mise sur pied d’un réseau de coordination géré par la collectivité franco-ontarienne, notamment pour augmenter le nombre de programmes professionnels offerts en français. Par contre, le rapport ne se prononce pas sur son pouvoir décisionnel ni sur la provenance de son financement. L’ACFO trouve que ce sont « des mesures vagues inefficaces, des voeux pieux une nouvelle fois » qui « ne font aucunement progresser le dossier » (1985, p. 2) d’une équité de services universitaires pour les Franco-Ontariens. Le réseau de coordination ne verra pas le jour, en partie à cause du lobbying de l’Université d’Ottawa, qui juge que le financement adéquat de la programmation en français serait plus efficace pour rattraper le retard historique des Franco-Ontariens dans leur accès aux études universitaires qu’une réforme de ses structures administratives (Carrier et al., 1985). Pour augmenter la propension d’une université bilingue à créer des programmes, l’Université d’Ottawa préconise la concentration des effectifs franco-ontariens en son sein, ainsi que la création d’un ambitieux régime d’enseignement à distance pour mieux répondre aux besoins des gens éloignés des capitales régionales, incapables de s’y déplacer.
De 1985 à 1990, l’on assiste à l’augmentation des octrois provinciaux pour les programmes en français par le gouvernement libéral de David Peterson. Ainsi, le Collège universitaire Glendon inaugure de nouvelles formations en informatique, en mathématiques et en études internationales, qui augmentent le nombre d’étudiants francophones à 21 % (Reid, 1989). Les programmes de sciences infirmières, de service social et d’éducation physique de l’Université Laurentienne augmentent quant à eux de près de 2 000 étudiants (Gaudreau, 2010a). Pour sa part, le Collège universitaire de Hearst crée un nouveau programme d’administration des affaires (CÉFO, 1986). Ces nouveaux programmes font augmenter la proportion et le nombre de Franco-Ontariens inscrits à l’université (Faucher, 1999).
Toutefois, les organismes jeunesse, DJ et la FESFO, ne démordent pas de leur intention de réformer le régime. La Loi sur les services en français qui vient d’être adoptée en 1986 inclut les collèges des régions désignées dans les institutions devant offrir des services équitables dans les deux langues officielles. La nouvelle loi ne parle pas de créer une université de langue française, mais elle laisse entrevoir la possibilité que des collèges de langue française soient constitués. La bataille de l’enseignement supérieur en français se reporte donc sur le milieu collégial. Menée par DJ et la FESFO en 1986-1987, la consultation Orient-Action I sillonne les écoles secondaires de langue française, les collèges bilingues et les universités bilingues pour sensibiliser les jeunes au milieu postsecondaire et, à la lumière des recherches du CÉFO, à la place qu’ils occupent dans les « processus décisionnels » (DJ & FESFO, 1988, p. 2). À l’occasion de l’élaboration d’un plan directeur par le CÉFO, la suite logique, Orient-Action II vise à cerner les attentes des jeunes en matière d’accès et à « définir la structure qui serait la mieux assortie aux objectifs identifiés » (DJ & FESFO, 1988, p. 2). On aboutit à une réflexion selon laquelle l’avancement professionnel et économique des Franco-Ontariens comprend des dimensions individuelles et collectives; il serait favorisé par l’existence d’« une éducation postsecondaire complète […] en français » et d’un « milieu d’étude [qui] véhiculera la culture franco-ontarienne et permettra une ouverture sur le monde » (DJ & FESFO, 1988, p. 4). Ainsi, Orient-Action II recommande la création de « trois collèges autonomes francophones » dans le Nord, l’Est et le Sud, chapeautés par un Conseil des régents, ainsi que « la création d’une université francophone autonome avec multi-campus ou avec multi-universités » pour « que les portes de ces institutions de haut savoir soient grandes ouvertes aux francophones » (DJ & FESFO, 1988, p. 5).
Élue à la présidence de l’ACFO en 1988, Rolande Soucie veut persuader le ministre des Collèges et Universités, Sean Conway, et le secrétaire d’État à Ottawa, Gerry Weiner, de l’urgence de mettre sur pied une université française. Or les municipalités et les universités sont exclues de la Loi sur les services en français. Selon Conway, l’ouverture de La Cité collégiale, prévue à Gloucester en septembre 1990, coûtera cher. Malgré le financement paritaire de l’État fédéral, le ministre se dit plus en mesure de diminuer les problèmes d’accès en augmentant la programmation universitaire en français (Bock, 2019). Le congrès de l’ACFO, en juillet 1989, résout tout de même d’entamer des « démarches immédiates pour la création, à brève échéance, d’une université ontarienne de langue française », dotée d’une « pleine charte universitaire ayant un mandat provincial » (dans Bock, 2019, p. 271). La position de l’ACFO devient plus étoffée avec des recherches et études menées par les consultantes Anne Gilbert et Frédérique Lester (1990) sur « les ressources » déjà à la disposition d’une potentielle université, soit 650 professeurs qui enseignent en français dans les universités bilingues, 10 000 étudiants francophones inscrits à temps plein dans un programme en français et 70 millions de dollars par année qui y sont consacrés, en plus des 134 millions perçus en frais de scolarité (Tremblay, 1992).
Le recteur de l’Université de Hearst Raymond Tremblay et le professeur d’histoire Gaétan Gervais jugent qu’un rapatriement de ressources vers une université provinciale de langue française pourrait s’autofinancer en augmentant la participation des Franco-Ontariens à l’université, puis en réduisant les « dédoublements inutiles de services » (Gervais, 1992, p. 40), la concurrence entre les universités bilingues pour les effectifs francophones et la sous-utilisation de ressources et les déplacements d’étudiants. Ils comptent parmi les professeurs qui forment, en juin 1989, la Société des universitaires de langue française de l’Ontario (SULFO) pour « appuyer la communauté franco-ontarienne dans sa poursuite de l’égalité des chances » (Bock & Dorais, 2016, p. 157). Selon Gaétan Gervais, seule l’autonomie institutionnelle soutiendrait une intégration différenciée dans l’espace politique ontarien et canadien. Cette autonomie maintiendrait les « relations permanentes entre les personnes », « la continuité des valeurs et de la culture [ainsi que] l’adaptation à la modernité » (Gervais, 1994, p. 166). Selon Tremblay (1992),
l’université n’est pas une institution neutre ne transmettant que des valeurs universelles par le biais d’un modèle scientifique épuré de toute objectivité et de toute association à une culture particulière » [mais] « véhicule un système de valeurs qu’elle diffuse vers toutes les sphères de l’activité sociale
p. 57
En 1991, l’ACFO du grand Sudbury organise le congrès Franco-Parole II, qui rassemble 160 participants des milieux universitaire, communautaire, professionnel et politique du grand Sudbury. Pour ces derniers, l’université française constitue « une stratégie de rattrapage pour pallier les taux supérieurs d’analphabétisme et de décrochage chez les francophones », mais aussi « pour participer pleinement à la vie culturelle, sociale, politique et économique » (ACFO du grand Sudbury, 1991, p. 2). Le congrès propose de procéder par étapes : l’instauration d’un bicaméralisme linguistique dans les départements où cela est possible mènerait à la fondation d’un collège français à la Laurentienne et d’un conseil des gouverneurs indépendant.
4. Les réserves des professeurs de langue française
Pendant que les organismes francophones interviennent sur la place publique, qu’en est-il des professeurs francophones? En 1993, à l’Université Laurentienne, certains commencent à tenir des rencontres départementales séparées de leurs collègues anglophones. Par contre, d’autres craignent que toute réforme administrative pour autonomiser les francophones les sépare de leurs groupes disciplinaires au profit de départements pluridisciplinaires (Gaudreau, 2010a). L’arrivée de nouveaux professeurs dans les sciences naturelles, où les francophones ont déjà l’habitude de travailler en anglais, diminue le militantisme de l’Association des professeurs francophones de l’Université Laurentienne. Le Sénat de l’Université Laurentienne juge la parité administrative trop complexe à instaurer. Entretemps, le président de l’ACFO, Jean Tanguay, invite les Jésuites à réactiver la charte du Collège du Sacré-Coeur pour fonder l’université française sur les actifs de l’Université de Sudbury, mais ceux-ci refusent l’invitation (Bock, 2019).
Au même moment, en juillet 1989 à l’Université d’Ottawa, 24 professeurs, dont Joseph Yvon Thériault et Linda Cardinal du Département de sociologie, et Robert Choquette du Département d’histoire, expédient à Rolande Soucie une lettre exhortant l’ACFO de réinvestir l’Université d’Ottawa, qui a jusque-là fourni un « milieu universitaire francophone […] indispensable au maintien et au développement de solidarités franco-ontariennes ». (Collectif, 1989, cité dans Bock & Dorais, 2016, pp. 176-177). La collectivité franco-ontarienne « a déjà établi des rapports importants avec des institutions postsecondaires, de telle sorte qu’elle n’est pas dans la situation où il lui faudrait faire surgir du néant ses liens avec l’université » (Bock & Dorais, 2016, pp. 176-177). Le collectif revendique des « ressources importantes sur lesquelles [la collectivité] peut solidement s’appuyer » pour définir son rapport à l’université. L’Université d’Ottawa « occupe une place capitale » et la communauté « devrait tabler sur le patrimoine déjà existant et disponible », sur « ce qui déjà se réalise en français », dans « la création d’une nouvelle université », car la communauté « ne peut se payer le luxe de recommencer à zéro » et aurait intérêt à passer « par une redéfinition du mandat de l’Université d’Ottawa » (Collectif, 1989, cité dans Bock & Dorais, 2016, pp. 176-177). En octobre 1989, Cardinal et Thériault organisent un colloque pour débattre de la question universitaire franco-ontarienne. Selon Thériault, la communauté aurait intérêt à voir dans l’université plus qu’un « milieu d’animation sociale » et à y voir aussi un « lieu d’enseignement supérieur » (Thériault, 1989, dans Le Droit, 1989) devant transcender les impératifs du moment et dont il est essentiel de préserver l’indépendance, même si elle y est liée et en partage le destin.
5. L’opposition des universités bilingues aux réformes proposées
Les promoteurs de l’université française sont aussi confrontés aux administrateurs des universités bilingues, qui défendent le bilinguisme institutionnel et leur tradition de service envers la francophonie ontarienne. Le principal du Collège Glendon, Philipe Garigue, voit dans ce dernier l’incarnation d’un idéal pour l’enseignement en français dans une ville multiculturelle de langue anglaise comme Toronto (Normand, 2012). Selon lui, la libération des Franco-Ontariens de leur marginalisation historique passe par l’acquisition d’un bilinguisme plus développé et leur insertion dans la mondialisation en cours. Hors de question pour lui que Glendon se transforme en établissement exclusivement francophone; toutefois l’exigence du bilinguisme est réintroduite pour obtenir le diplôme en 1990 (Trépanier & Englebert, 2014).
Pour sa part, le vice-recteur adjoint à l’enseignement et à la recherche de l’Université d’Ottawa, Denis Carrier, trouve que le bilinguisme institutionnel fournit « plus rapidement et plus économiquement que [quelque] autre arrangement » une variété de cours et de programmes en français pour les Franco-Ontariens, soit le « plus riche [éventail] hors Québec » (1992, p. 52) de programmes en français, dont des programmes exclusifs aux cycles supérieurs et l’élargissement se poursuit avec l’introduction de la médecine en français en 1991. L’expansion dans les sciences peut se faire plus rapidement, grâce à l’existence de « l’équipement nécessaire […] lourd et dispendieux » (Carrier, 1992, p. 54). Selon l’ex-recteur Roger Guindon (1998), les universités bilingues peuvent former des Franco-Ontariens critiques et sensibles aux besoins de leur communauté, puis des sondages confirment que le bilinguisme fait partie de l’identité d’une proportion grandissante d’entre eux. La vice-rectrice à l’enseignement et à la recherche Susan Mann Trofimenkoff juge que « les Franco-Ontariens ont tout à gagner avec le principe du bilinguisme » de l’Université d’Ottawa, puisqu’ils sont « les plus bilingues au pays » (Trofimenkoff, citée dans Bousquet, 1989, p. 11), soit l’incarnation de l’utopie canadienne. De plus, en avril 1995, l’ancien vice-recteur adjoint à la recherche de l’Université d’Ottawa, Jean-Marie Joly, s’en prend dans Le Droit à la « pensée magique » des promoteurs du projet d’université française, qui conduirait selon lui à la « création d’un petit collège qui prodigue une formation médiocre dans un petit nombre de disciplines, toutes au niveau du premier cycle ou à peu près » (1995, p. 25). Le rendement scolaire des Franco-Ontariens, selon lui, serait trop faible pour qu’ils puissent détenir une université à part entière[6].
De plus, selon le recteur de l’Université Laurentienne John Daniel, l’université bilingue « est logique dans une région comme le Nord-Est de l’Ontario »[7] [traduction libre] (Daniel, 1989, p. 4). Les « forces séparatistes », auxquelles Daniel associe les militants pour une université franco-ontarienne, viseraient à briser le modèle canadien, qui se distingue du « melting pot » américain, voire même du « separate development » (Daniel, 1989, p. 4) de l’Afrique du Sud. Quelques professeurs rejettent cette insinuation que les défenseurs de l’université française seraient des barbares en rappelant qu’il existe une tradition de dualité nationale et institutionnelle au Canada (Bock & Dorais, 2016).
Entourée de certains professeurs à Glendon, la principale Dyane Adam mène un combat pour rendre le collège « bilingue pour vrai ». La relation de Glendon, une faculté, avec l’Université York est selon Yves Frenette une « relation très, très difficile » (dans Regroupement étudiant franco-ontarien [RÉFO], 2017b). Certains professeurs anglophones sont attirés par l’ambiance qu’offre un collège d’arts libéraux et voient souvent le bilinguisme comme un « mal nécessaire » pour justifier l’existence continue du collège. Certains départements résistent à embaucher des francophones et certains coopérants franco-européens tendent à être peu sensibles à la question franco-ontarienne. On tente, pendant les années 1990, d’offrir des cours à la baie Georgienne, mais la question de la norme linguistique se pose assez tôt, et le projet s’avère un échec. Avec un petit groupe, Adam essaie de faire en sorte qu’il y ait « au moins le même nombre de cours en français qu’en anglais », mais ils sont accusés « d’être des ethnic cleansers dans le contexte des génocides de la Bosnie et du Rwanda » (Frenette, dans RÉFO, 2017b). Selon Frenette :
Notre prémisse, c’était que ce qu’on bâtissait dans le cadre de cet établissement bilingue servirait un jour à une université francophone. Dyane Adam a réussi à faire tomber un peu la méfiance des communautés francophones par rapport à Glendon. Quand elle est partie en 1999, son successeur Kenneth McRoberts avait d’autres priorités. Glendon est demeuré bilingue, mais sa priorité de desservir la communauté franco-ontarienne est partie
dans RÉFO, 2017b
6. La déroute des réformes imaginées
En campagne électorale, le chef néo-démocrate Bob Rae s’engage, si son parti obtient un mandat pour former un gouvernement, à ouvrir des collèges de langue française dans le Nord et le Sud, puis se dit en faveur d’une université française (Gervais, 1992). Élu en septembre 1990, le gouvernement Rae demande à la communauté franco-ontarienne de confirmer l’existence d’un consensus sur la question. Le CÉFO est présidé par Gaétan Gervais et Dyane Adam dirige un comité consultatif aux affaires francophones pour conseiller le ministre de la Formation, des Collèges et Universités (MFCU). Gervais et Adam sont convaincus de la nécessité d’élaborer des structures distinctes pour aborder en priorité les défis particuliers des Franco-Ontariens, à l’abri des tiraillements que vivent les universités bilingues (Dorais, 2013).
Or la récession qui frappe l’Ontario à partir de 1991 rend le gouvernement néo-démocrate frileux à toute nouvelle dépense publique; ils repoussent l’ouverture des collèges régionaux des Grands Lacs (Centre-Sud) et Boréal (Nord-Est) à 1995 et la part des octrois provinciaux dans le financement des universités recule de 62 % en 1989 à 53 % en 1995 (Shanahan et al., 2014). Par ailleurs, le nombre de programmes complets en français à l’Université d’Ottawa passe de 87 en 1986) à 139 en 1993, étant donné la création de nouveaux programmes de formation dans le domaine des professions de la santé (Guindon, 1998); cela s’ajoute à la trentaine de programmes complets offerts à la Laurentienne et à la quinzaine de programmes bilingues offerts à Glendon (Power, 1992). Malgré ces avancées, en 1993, le poids des étudiants francophones à l’Université d’Ottawa recule à 38 % (Guindon, 1998). De plus, l’établissement abandonne le test de compétences linguistiques. Selon Joseph Yvon Thériault, la mesure est prise « dans une volonté explicite d’attirer plus d’anglophones » (dans RÉFO, 2017a), mais elle vient miner l’idéal biculturel, sans que « Toronto l’ait demandé » (dans RÉFO, 2017a).
En décembre 1993, le CÉFO devient le Conseil de l’éducation et de la formation franco-ontariennes (CÉFFO). Entre autres, l’organisme doit mieux définir les liens entre les collèges, les universités et le monde du travail. Passée de l’ACFO au CÉFFO, sa présidente Rolande (Soucie) Faucher croit qu’il faut prendre un certain recul « pour [que le ministre puisse] analyser à son aise les situations qui sont portées à son attention » (CÉFFO, 1995, p. 4). Le CÉFFO détient la responsabilité du volet français du dossier de l’harmonisation des mécanismes variés de formation avancée, « généralement élaborés à la pièce » (1995, p. 16). Pour sa part, Faucher n’hésite pas à signaler que « le besoin d’une université franco-ontarienne se fait de plus en plus pressant » (CÉFFO, 1995, p. 5). Le 25 novembre 1994, elle recommande
la mise sur pied d’une Commission royale d’enquête sur l’éducation universitaire en français en Ontario [ayant] pour mandat d’examiner la situation actuelle, la question des universités bilingues ainsi que la proposition d’un régime universitaire en français fondé sur les principes de l’équité, du droit à l’éducation en français et de la gestion du système par et pour les Franco-Ontariennes et Franco-Ontariens
CÉFFO, 1995, p. 18
Le CÉFFO rappelle la sous-représentation des Franco-Ontariens à l’université, attribuable en partie au manque « de choix et de variété » (1995, p. 30) à comparer à l’offre du côté anglophone, et de transparence, où il est impossible de déterminer les revenus, les coûts et les dépenses pour l’éducation universitaire en français. Or, alors que l’Ontario est en période électorale, le 16 mai 1995, le conseiller du ministre, Charles Pascal, réplique que « le Ministère n’envisage pas la création d’une université de langue française en Ontario pour l’instant », puis qu’il « favorise le maintien et l’expansion des programmes en français dans les universités bilingues » (dans CÉFFO, 1995, p. 31).
Suivant l’élection du parti progressiste-conservateur, dirigé par Mike Harris, le CÉFFO est aboli en 1996, puis la fermeture proposée de l’hôpital Montfort mobilisera beaucoup l’énergie des porte-parole franco-ontariens à compter de 1997. Pour sa part, la diminution draconienne de ses subventions par le gouvernement fédéral et la mise sur pied en 1999 d’une Direction de l’Entente Canada-communauté affaiblissent financièrement et moralement l’ACFO, qui ferme son siège social en décembre 2003 (Gilbert & Forest, 2019). Pour sa part, DJ baisse les bras en 2001, tandis que la FESFO fait le choix de se désinvestir du dossier de l’université. Ainsi, le projet de réforme du régime universitaire entre en « rémanence » (Normand, 2016) et le réseau associatif amorce sa réorganisation pendant la décennie 2000. Selon Normand, l’action se poursuit, mais différemment. Les groupes se concentrent sur les collèges et les conseils scolaires qui sont dorénavant gérés par et pour les francophones. Ainsi, ils apprennent les enjeux de la gouvernance scolaire, ce qui nécessite beaucoup d’énergie pour négocier l’échange d’édifices, apprendre à travailler à l’intérieur des instances publiques et informer la population de ses droits (Normand, 2016).
Selon Bock et Dorais, « le poids du capital symbolique de l’Université d’Ottawa, véritable lieu de mémoire(s), [demeure] colossal » (2016, p. 184). La fracture interrégionale entre l’engagement des professeurs sudburois, vis-à-vis d’une charte de la Laurentienne accordant beaucoup de liberté dans l’interprétation du bilinguisme, et l’hésitation de professeurs ottaviens, oeuvrant dans une université avec un engagement plus explicite envers le développement de la francophonie ontarienne, compte en partie. Les différentes formes de bilinguisme institutionnel entre Glendon, la Laurentienne et l’Université d’Ottawa contribuent aux interprétations divergentes que font les Franco-Ontariens de sa capacité à servir les intérêts de la collectivité franco-ontarienne. Gaétan Gervais associe l’essoufflement d’une réforme d’envergure du régime à un « manque de pédagogie » des promoteurs de l’université franco-ontarienne auprès des collègues qui craignent le sort des « affinités disciplinaires » quant aux « avantages certains à conjuguer les forces du leadership universitaire franco-ontarien » (Gervais, cité dans Arsenault, 2012, pp. 80-81). Thériault (2007) voit dans la démobilisation des militants franco-ontariens un reflet de la tendance, grandissante en Ontario français, de percevoir la collectivité comme un élément de la mosaïque canadienne, ce qui mine le besoin perçu pour une autonomie institutionnelle et référentielle.
Il faudrait ajouter des explications structurelles pour expliquer l’impasse : pendant le règne des progressistes-conservateurs, la part des octrois provinciaux dans l’assiette fiscale des universités fond de 53 % à 37 % entre 1995 et 2003, tandis que la part des frais de scolarité passe de 18 % à 27 % (Shanahan et al., 2014). Pour ce qui est de la subvention d’appui au bilinguisme, elle est réduite de 36 à 28 millions de dollars entre 1995 et 1997 (Lauzon & de Blois, 2007). Puisque la population de langue maternelle française ne croit presque plus en Ontario – elle passe de 503 000 en 1991 à 509 000 en 2001, l’effectif francophone a cessé de croître – passant de 9 026 en 1995 à 8 980 en 2002 (Université d’Ottawa, 2006). Malgré tout, l’établissement ottavien crée quelques nouveaux programmes en français, dont le doctorat en science politique, ainsi que huit chaires de recherche sur la francophonie canadienne. À l’Université Laurentienne, on instaure un second projet pilote de bicaméralisme. Le Conseil de la Faculté des sciences sociales crée une chambre française en 1997, mais elle sera abandonnée en 2000, les résultats étant jugés décevants selon la Faculté (Gaudreau, 2010a). Quelques nouveaux programmes en français voient le jour, dont les arts d’expression, la comptabilité, les études de sage-femme et – conjointement avec l’Université d’Ottawa – l’orthophonie. Pourtant, le nombre d’étudiants francophones chute de 1 951 à 1 173 entre 1990 et 2000. L’exode du Nord, la dénatalité, l’assimilation et la concurrence de l’Université d’Ottawa expliquent en partie ce recul. Quant au Collège universitaire de Hearst, il ouvre des campus à Timmins en 1988 et à Kapuskasing en 1996, et offre la quatrième année de ses baccalauréats en psychologie et en administration (Joly, 2009). La revendication pour une université de langue française est mise en veilleuse. La FESFO ne reviendra à la question qu’en 2008, grâce à un mouvement qu’elle contribuera à faire naître, le Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO), formé principalement d’anciens représentants et animateurs de la FESFO dans le cadre de l’élaboration d’une Politique d’aménagement linguistique pour le postsecondaire.
Conclusion
Situés sur le spectre des groupes « nationalitaires » (Thériault, 1994), quelque part entre un groupe ethnique et une nation, les Franco-Ontariens formeraient une « petite communauté politique » engagée « principalement envers le développement d’institutions gérées par et pour ses membres afin d’assurer leur pérennité dans le temps et dans l’espace » (Cardinal, sous presse). Ceux qui prennent la parole sur la question universitaire franco-ontarienne prolongent une « intention vitale » (Meunier & Thériault, 2008) canadienne-française, mais réarticulent leur projet en fonction des « conditions de possibilité de l’identité en milieu minoritaire » (Cardinal, 2012, p. 57). Autrement dit, la conscience historique canadienne-française et l’attachement à la dualité nationale sont conjugués à une participation accrue à une culture politique ontarienne, marquée par les avancées « à petits pas ». C’est en s’inspirant de la « complétude institutionnelle » (Breton, 1983), mais aussi des idéologies de la décolonisation et de la quête de l’égalité, ainsi que « des luttes qui ont jalonné leur intégration au sein de la vie politique, sociale et économique de leur province » (Cardinal, sous presse) que les Franco-Ontariens revendiquent un nouveau modèle de services universitaires en français. Le sociologue Joseph Yvon Thériault a déjà écrit, en parlant de l’Acadie du Nouveau-Brunswick, qu’on doit se croire un peuple pour avoir « la prétention de pouvoir s’offrir une université » (Thériault, 2007, p. 228).
Comment ces connaissances se transposent-elles en Ontario français? Dans le cas de l’Ontario français, la conclusion à tirer semble moins claire, résument les historiens Michel Bock et François-Olivier Dorais (2016), vu l’ambivalence identitaire et les aspirations politiques des Franco-Ontariens.
L’augmentation de la programmation universitaire en français, une difficile conjoncture économique et politique, ainsi que l’absence de consensus parmi ceux qui prennent la parole au nom de la collectivité franco-ontarienne expliquent en partie l’échec de réformer le régime d’éducation universitaire en français au 20e siècle. Ce texte a montré qu’il n’existe pas de véritable revendication pour une université franco-ontarienne avant la décennie 2010. Il existe plutôt plusieurs tentatives de réformer les universités bilingues. Ainsi, les militants de DJ et de l’ACFO proposent d’approfondir le biculturalisme à l’Université d’Ottawa, d’accroître l’accès des étudiants aux programmes en français, d’augmenter la représentation des Franco-Ontariens dans les structures universitaires, d’établir un « collège français » au sein d’une université bilingue, de créer un réseau franco-ontarien de programmes et de ressources universitaires en français. Hormis l’augmentation des programmes en français, tous ces projets ont échoué. Par contre, au même moment, l’on constate que le poids des francophones dans les universités bilingues diminue ainsi que le nombre de cours en français.
Devant tous ces échecs, on comprend mieux l’hésitation des Franco-Ontariens de revenir à l’enjeu et le temps qu’il a fallu pour remettre une revendication sur les rails à compter de 2008. Or, dans cette deuxième manche d’un combat pour un milieu universitaire plus équitable pour les Franco-Ontariens, les militants et même les professeurs ayant défendu l’héritage de l’Université d’Ottawa, ne croient plus tellement au potentiel des réformes administratives des universités bilingues, en grande partie à cause des impasses vers lesquelles les efforts du 20e siècle ont mené.
Parties annexes
Notes
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[1]
Selon Joseph Yvon Thériault, il s’agit d’une concession du gouvernement provincial, qui a « donné aux francophones […] une université », son « caractère bilingue [étant] secondaire » (Thériault, dans RÉFO, 2017a) selon lui, les trois quarts des gouverneurs étant franco-ontariens. De résumer Thériault, il s’agit d’un bilinguisme où le « fardeau repose sur la majorité » (dans RÉFO, 2017a).
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[2]
Louis Painchaud, chercheur à la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme constate que l’élite franco-sudburoise ne voit pas « un milieu culturel favorable à son épanouissement » (1968, p. 108) à l’Université Laurentienne, mais du même souffle, puisque seuls 3 % des Franco-Ontariens accèdent alors aux études postsecondaires, il serait difficile de justifier la création d’une université qui leur serait spécifiquement consacrée.
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[3]
Créé par le gouvernement de l’Ontario en 1967, le Comité franco-ontarien d’enquête culturelle a pour mandat de faire le point sur la participation des Franco-Ontariens à la vie artistique et culturelle de leur province. Le Comité est composé de quelques professeurs de l’Université d’Ottawa, dont Roger Saint-Denis, et certains militants, dont le président de l’ACFÉO, Roger N. Séguin.
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[4]
Bock et Dorais considèrent que la recherche sur la francophonie ontarienne, au tournant de la décennie 1970, contribue à l’émergence d’« une réflexion plus substantielle sur le système universitaire franco-ontarien lui-même, sur son principe instituant et, par là, sur sa finalité » (2016, p. 143).
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[5]
Le CÉFO a le pouvoir d’émettre des avis, mais aussi de commander des recherches, comme il le fera à plusieurs reprises pendant les années 1980.
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[6]
Le sociologue Roger Bernard voit en M. Joly « l’ange gardien de Lord Durham » et le porte-étendard du « darwinisme social », qui déresponsabilise l’Université d’Ottawa de sa part dans le prolongement de leur « analphabétisme endémique et de leur infériorité socio-économique » (Bernard, 1995, p. 25).
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[7]
« makes sense in a region like Northeastern Ontario » (Daniel, 1989, p. 4).
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