Comptes rendusRégionalisme et régions - Asie

Culture and Identity in the Luso-Asian World. Tenacities & Plasticities. Portuguese and Luso-Asian Legacies in Southeast Asia, 1511-2011, vol. 2, Laura Jarnagin (dir.), Singapour, Institute of Southeast Asian Studies, 2012, 367 p.[Notice]

  • Nathalène Reynolds

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  • Nathalène Reynolds
    Sustainable Development Policy Institute (SDPI), Islamabad, Pakistan

L’Institute of Southeast Asian Studies et l’Universiti Teknologi Mara souhaitaient marquer – et non, comme tous deux l’ont précisé, commémorer ou célébrer – le cinq centième anniversaire de la conquête portugaise de Malacca (1511). Ces deux institutions répondaient à une initiative du directeur de l’iseas, l’ambassadeur K. Kesavapany, qui cherchait à promouvoir une meilleure compréhension des dynamiques sociales, en particulier en Asie du Sud-Est. Cette zone géographique est, en effet, l’héritière d’un syncrétisme politique mais surtout culturel et religieux récent né des vagues de colonisation européenne. Le lecteur qui ne disposerait pas du temps nécessaire pour se plonger dans le second volume de cette collection peut en avoir un avant-goût en prenant connaissance de son introduction. Mais il aurait tort de s’y limiter, tant la palette de thèmes évoqués bat en brèche l’idée communément admise d’une colonisation contemporaine dont les communautés ethno-religieuses se seraient gardées de tout emprunt de valeurs et de tout mélange, osons le mot, racial. Laura Jarnagin, professeure invitée à l’iseas à Singapour et professeure émérite de la Colorado School of Mines, nous rappelle tout d’abord que le premier volume de la collection Portuguese and Luso-Asian Legacies in Southeast Asia 1511-2011 – The Making of the Luso-Asian World : Intricacies of Engagement – s’est attaché à traiter du monde luso-asiatique, observant – en Asie du Sud, du Sud-Est et de l’Est – l’interaction de politiques, cultures et sociétés marquées par des différences majeures. Le second volume, Culture and identity in the Luso-Asian World. Tenacities & Plasticities, se penche sur ce que l’anglais nomme le « living spirit » (expression que le français ne permet pas de rendre) des communautés de cette même sphère culturelle. L’ouvrage comprend également une section composée d’une trentaine de cartes géographiques témoignant de l’étendue de la pénétration portugaise dans le monde. Dans l’introduction au second volume, Jarnagin aborde la problématique des « propriétés qualitatives des cultures et des identités » [Qualitative Properties of Cultures and Identities]. Faut-il le rappeler, les thèmes de la culture et de l’identité ont, depuis la chute de ce qu’on l’on nomma en Occident le bloc soviétique, suscité nombre d’analyses d’experts qui se sont volontairement confinés à l’étude de la seule évolution du fait politique contemporain, alors qu’ils se hâtaient de tirer des conclusions qui les autoriseraient à proclamer la primauté de leur analyse. Paradoxalement, l’ère de la globalisation (au sein de laquelle s’inscrivent les conséquences des drames du 11 septembre 2001) a été accompagnée par la diffusion d’un credo : celui de l’existence de quelques catégories religio-culturelles, lesquelles seraient inéluctablement figées, tandis qu’elles tendraient à l’uniformité, quelle que soit la zone géographique qui susciterait l’intérêt. Un antagonisme profond, qui aurait opposé deux grandes civilisations – l’une chrétienne et la seconde musulmane –, constitue pour les irréductibles de deux camps une grille de lecture qui, estiment-ils, conduit seule à une véritable analyse des données nationales et mondiales historiques et contemporaines. Aussi y a-t-il lieu de revenir sur l’entreprise coloniale d’États chrétiens européens, qui adhéraient fermement aux cultes catholique ou protestant. Repli communautaire de populations qui demeureraient attachées à des valeurs particulières face à une globalisation qui vanterait l’existence d’un village planétaire ? Crise économique qui opposerait les citoyens de première zone se décrivant comme détenteurs d’une véritable nationalité aux citoyens de seconde zone, car ils seraient de naturalisation récente ? Il faut, en tout état de cause, souligner que ce que nous nous flattons de nommer l’Histoire (usant d’un H majuscule) est composé de guerres, de conquêtes et d’invasions, constituant en un mot un véritable laboratoire au sein duquel les cultures naissent, s’enrichissent …