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L’établissement de régimes démocratiques demeure un enjeu politique majeur, encore aujourd’hui, pour l’espace international. Malgré la troisième vague de démocratisation, on constate, sinon un reflux, du moins un ralentissement important des processus de transitions et de consolidations démocratiques dans de nombreuses régions du monde. Malgré tout, la volonté d’élargir la communauté des régimes démocratiques demeure bien présente parmi de nombreux acteurs. Depuis l’an 2000, il existe une organisation regroupant plus de cent États qui est dédiée à la promotion de la démocratie à travers le monde (Community of Democracies). Le groupe a été fondé en 2000, et par la suite, s’est réuni en 2002 à Séoul et en 2005 à Santiago. L’ouvrage propose les contributions de dix-sept participants à un séminaire intitulé The State of Democracy in the World qui a été organisé dans le cadre de travaux préparatoires à la rencontre de Santiago d’avril 2005. L’ouvrage comporte trois sections regroupant dix-sept courtes contributions d’auteurs venant de divers horizons : universitaires, fonctionnaires, diplomates et personnalités politiques. De plus, on retrouve en annexe les déclarations officielles des conférences de Varsovie, de Séoul et de Santiago.
En introduction, Heraldo Munoz souligne l’influence de la fin de la guerre froide et de la mondialisation dans le développement des régimes démocratiques depuis de nombreuses années. Il cite le philosophe italien Roberto Bobbio sur l’importance du gouvernement par la loi (Rule of law) comme une dimension essentielle de la démocratie. Il présente aussi l’organisation de la Community of Democracies et fait un excellent résumé des contributions qui constituent l’ensemble de l’ouvrage. La première partie qui s’intitule Democracy Today regroupe cinq textes qui cherchent à faire le point sur quatre aspects majeurs : les facteurs essentiels à la construction d’une démocratie viable, les liens entre le développement et la sécurité, la promotion de la démocratie, et enfin les réalisations et les enjeux de la gouvernance démocratique. Ainsi, dans le chapitre deux, José Miguel Insulza propose une vision traditionnelle des facteurs favorisant l’émergence d’une démocratie viable à savoir : des institutions politiques solides, l’existence d’une société civile dynamique et la présence d’un développement économique fort. Pour sa part, Mark Malloch Brown rappelle que si, depuis 1990 (selon les statistiques du Programme des Nations Unies pour le développement), la population du globe vivant dans un régime où ont eu lieu des élections multipartites a augmenté, passant de 44 % à 58 %, et de ce nombre seulement 60 % vivent dans un régime véritablement démocratique. Pour Brown, l’onu a un rôle important à jouer afin d’augmenter ce pourcentage, notamment par l’entremise des objectifs du millénaire. Ces derniers peuvent aussi bien répondre au besoin d’élargir la communauté démocratique que satisfaire aux enjeux actuels à l’égard de la sécurité. Dans le chapitre 4 Andrés Rozental s’intéresse à la fragmentation des acteurs qui promeuvent la démocratie sur la scène internationale. Pour ce dernier, il est nécessaire de recentrer cette promotion en adoptant une stratégie commune par la création d’une coalition de gouvernements, d’ong et d’organisations internationales, par la participation véritable des populations, et non pas de certains groupes privilégiés, à l’établissement de régimes démocratiques et enfin, par l’accent placé sur la coopération régionale et sur la démocratie locale, cette dernière étant trop souvent oubliée. Dans le chapitre 5, Carl Gershman fait un topo intéressant en ce qui concerne l’accroissement de l’appui à la démocratie dans les pays et les cultures non occidentales. Pour ce dernier, on peut parler depuis vingt ans d’une forme de révolution tranquille dans ce domaine par le biais des sociétés civiles et des ong. Toutefois, affirme l’auteur, il ne faut pas exagérer le tout. Il identifie quatre résistances majeures : l’islam radical, le maintien de régime dictatorial suivant la troisième vague de démocratisation, la prolifération d’États en faillite et de conflits civils et enfin, la présence de régimes semi-démocratiques.
La deuxième section du livre regroupe dix textes qui présentent un résumé des forces et des faiblesses de l’avancée démocratique dans les diverses régions du monde. Les chapitres six et sept écrits par José Ramos-Horta et Muthiah Alagappa s’attardent à tracer un bilan pour l’Asie. Les deux auteurs ne partagent pas le même point de vue. Horta est davantage optimiste et considère que la situation s’améliore sensiblement. À l’opposé, Alagappa met l’accent sur les besoins de sécurité, la faiblesse des partis politiques, etc. pour relativiser l’optimiste de Horta. Pour leur part, Hage Geingob et Abdoulie Janneh s’intéressent à l’Afrique. Si la démocratie commence à y prendre racine, des pas énormes restent à faire pour voir de vrais résultats, constate Geingob. À cet égard, les problèmes particuliers de l’Afrique, principalement la pandémie de vih/sida, méritent que l’on s’y arrête pour mieux comprendre les enjeux africains vis-à-vis de l’établissement de régimes démocratiques viables. Dans une veine différente, Janneh s’attarde au contexte historique de l’Afrique, principalement à l’expérience coloniale et à la décolonisation durant la guerre froide qui ont modulé le visage des nouveaux États naissants. L’auteur souligne aussi les conséquences néfastes des réformes économiques qui n’ont pas modifié la situation de pauvreté du continent mais, dans plusieurs cas, ont plutôt empiré la situation. Le monde arabe fait aussi l’objet d’une attention spéciale par l’entremise des textes d’Abdulkarim Al-Eryani et de Nada Al-Nashif. Les deux textes soulignent les problèmes de l’éclosion d’un véritable régime démocratique dans le monde arabe. Toutefois, ils soulignent aussi que la démocratie n’est pas une idée nouvelle et que sa présence est ancienne au Moyen-Orient. Les réformes que l’on retrouve dans plusieurs pays arabes depuis le début de la décennie 1980 permettent d’étayer cette constatation. Dans les chapitres douze et treize, Bronislaw Geremek et Kalman Mizsei analysent le cas des pays européens. Geremek survole différents aspects dans une perspective historique en constatant la difficulté de plusieurs États nés des décombres de l’urss, à mettre en place des régimes démocratiques. Mizsei souligne quant à lui, que si l’Union européenne a eu un impact positif dans la consolidation des régimes de l’Europe centrale, ce rayonnement n’est pas aussi important pour des pays nés de l’effondrement de l’urss et même des États balkaniques. Trois enjeux demeurent : la participation des citoyens à la vie publique, les rôles joués par le gouvernement central envers les démocraties locales et le comportement « prédateur » de certaines bureaucraties. Enfin, Elena Martinez et Hernando Gomez Buendia se penchent sur la réalité démocratique en Amérique latine. Martinez met l’accent sur le rapport de 2004 du Programme des Nations Unies pour le développement de l’Amérique latine. Elle y constate l’impact important de ce rapport dans les pays de la région. Cependant, Gomez Buendia tempère ces conclusions optimistes. Si depuis vingt ans, il y a bien la présence d’une démocratie politique, l’importante crise sociale qui perdure dans les États de la région rend fragile cette avancée.
La dernière partie, qui sert aussi de conclusion à l’ouvrage, offre deux textes sur le thème de l’avenir de la démocratie. L’article de Cristovam Buarque propose ni plus ni moins que huit critères de base à une démocratie globale qui, selon l’auteur, se veut le début de l’histoire, un clin d’oeil au célèbre travail de Fukuyama. En effet, Fukuyama revient sur son fameux texte sur la fin de l’histoire dans la dernière contribution à ce collectif. En soulignant les différences entre sa conception et celle de Samuel Huntington (sur le choc des civilisations), Fukuyama souligne trois enjeux pour la démocratie : l’islam politique, l’imputabilité parmi les nations démocratiques et le besoin de développement socio-économique.
Dans l’ensemble, l’ouvrage propose peu d’éléments nouveaux susceptibles d’intéresser le spécialiste des questions touchant les transitions ou les consolidations démocratiques. La brièveté des textes réduit souvent l’analyse à un mode plutôt descriptif. Au fond, dans sa facture, l’ouvrage s’adresse véritablement à ceux et celles qui souhaitent réfléchir sur l’avenir de la démocratie dans les régions du monde à l’aube du 21e siècle.