Résumés
Résumé
Dans nos sociétés contemporaines, la mobilité est élevée au rang de qualité cardinale et, à l’inverse, l’ancrage renvoie au lexique négatif du manque de dynamisme. Les parcours des jeunes de milieux populaires que nous avons enquêtés par entretiens laissent distinctement entrevoir que la mobilité n’est pas une posture individuelle et sociale plus positive que l’ancrage. Les jeunes mobiles, à la différence des ancrés, sont plutôt en situation de rupture familiale et ne disposant pas de soutiens rapprochés sur lesquels s’appuyer, leurs pratiques de mobilité procèdent bien plus de contraintes que d’un choix construit et anticipé. Inversement, les jeunes de milieux populaires qui ne sont pas mobiles et prolongent la cohabitation au domicile parental sont en situation de pouvoir bénéficier des solidarités familiales qui leur permettent, faute d’accéder à l’indépendance économique et résidentielle par l’entrée dans l’activité professionnelle stable, d’attendre en étant sécurisés matériellement et affectivement. L’article souligne par ailleurs les ambivalences attachées tant aux pratiques de mobilité qu’à l’ancrage territorial.
Mots-clés :
- Mobilité,
- ancrage,
- jeunes,
- classes populaires,
- cohabitation et décohabitation,
- famille
Abstract
Within contemporary society 'mobility' has been upgraded to the point where it is a cardinal quality, while 'anchorage' simply refers to the negative concept of a lack of dynamism. However, the pathways taken by the young working-class people we have interviewed, make it quite clear that such mobility does not constitute a more positive individual and social stance than that of anchorage. Unlike 'anchored' young people, those who are 'mobile' are more likely to have broken up with their families and, due to the fact that they have no close support to rely on, their mobile practices result more from constraints than from structured, prepared choices. At the other extreme, young people from the working classes who extend their stay at home with their parents, are able to take advantage of family solidarity, which allows them, rather than achieving economic and residential independence through entry into some stable professional activity, to wait out their time, while enjoying material and emotional stability. This article also stresses the ambivalent nature both of mobility practices and of territorial anchorage.
Keywords:
- Mobility,
- anchorage,
- young people,
- working classes,
- living together and living apart,
- family
Parties annexes
Bibliographie
- Bacqué, M.-H. et S. Fol. 2007. « L’inégalité face à la mobilité : du constat à l’injonction », Revue suisse de sociologie, vol 33, no 1, p. 89-104.
- Beaud, S. 1997. « Un temps élastique. Étudiants des « cités » et examens universitaires », Terrain, no 29, p. 43-58.
- Blöss, T., A. Frickey et F. Godard. 1990. « Cohabiter, décohabiter, recohabiter. Itinéraires de deux générations de femmes », Revue française de sociologie, vol 31, no 4, p. 553-572.
- Bolzman, C. 2007. « Familles espagnoles et italiennes en Suisse et transition vers la vie adulte », Enfances, Familles, Générations, no 6, p. 38-53.
- Bonnet, E., B. Collet et B.Maurines. 2006. « Carrière familiale et mobilité géographique professionnelle », Cahiers du genre, no 41, p. 75-98.
- Bourdieu, P. 1980. « Le capital social. Notes provisoires », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 31, p. 2-3.
- Castel, R. 2009. La montée des incertitudes, Paris, Seuil.
- Castel, R. et C. Haroche. 2001. Propriété privée, propriété sociale, propriété de soi. Entretiens sur la construction de l’individu moderne, Paris, Fayard.
- Castel, R. 1994. Les métamorphoses de la question sociale. Une chronique du salariat, Paris, Fayard.
- Cuche, D. 2001. La notion de culture dans les sciences sociales, Paris, La Découverte.
- Déchaux, J.-H. et N. Herpin. 2004. « Entraide familiale, indépendance économique et sociabilité », Économie et Statistique, no 373, p .3-32.
- Debrand, T. et C. Taffin. 2005. « Les facteurs structurels et conjoncturels de la mobilité résidentielle depuis 20 ans », Économie et Statistique, no 381-382, p. 125-146.
- Demazière, D. et C. Dubar. 1997. Analyser les entretiens biographiques. L’exemple de récits d’insertion, Paris, Nathan.
- Didry, C. 2002. « Misère de la sociologie et sociologie de la misère. Réflexion sur la précarité relative dans le capitalisme néolibéral », dans Les sociologies critiques du capitalisme. En hommage à Pierre Bourdieu, Espace Marx, Paris, PUF, p. 81-104.
- Dubar, C. 2006. Faire de la sociologie. Un parcours d’enquêtes, Paris, Belin.
- Eckert, H. 2010. « "Précarité" dites-vous ? », SociologieS, [En ligne], Débats, La précarité.
- Fol, S. 2009. La mobilité des pauvres, Paris, Belin.
- Friot, B. 1999. Puissances du salariat. Emploi et protection sociale à la française, Paris, La Dispute.
- Galland, O. 1995. "Une entrée de plus en plus tardive dans la vie adulte", Économie et Statistique, no 283-284, p. 33-52.
- Jakse, C. 2012. L’enjeu de la cotisation sociale, Paris, Editions Le Croquant.
- Lagier, E. 2012. « Quitter le quartier et habiter la ville. Parcours résidentiels de jeunes femmes d’origine étrangère », Agora Débats/Jeunesses, no 61, p. 93-104.
- Mendel, G. 1992. La société n’est pas une famille. De la psychologie à la socio-psychologie, Paris, La Découverte.
- Moguérou, L. et E. Santelli. 2012. « Modes de (déco)habiter des jeunes descendants d’immigrés », Agora débats/jeunesses, no 61, p. 79-92.
- Paugam, S. 1993. La société française et ses pauvres. L’expérience du revenu minimum d’insertion, Paris, PUF.
- Pinçon, M. et M. Pinçon-Charlot. 2002. Voyage en grande bourgeoisie, Paris, PUF.
- Renahy, N. 2010. « Classes populaires et capital d’autochtonie. Genèse et usages d’une notion », Regards sociologiques, no 40, p. 9-26.
- Renahy, N. 2009. « Les problèmes, ils restent pas où ils sont, ils viennent avec toi ». Appartenance ouvrière et migration de précarité », Agora débats/Jeunesses, no 53, p. 135-147.
- Retière, J.-N. 2003. « Autour de l’autochtonie. Réflexions sur la notion de capital social populaire », Politix, vol 16, no 64, p. 121-143.
- Richardeau, J. 2010. Une Mission locale de quartier populaire. Des normes de la relation à une typologie des rapports à l'institution, Mémoire de Master 1 en sociologie, Lyon, Université Lumière Lyon 2.
- Simard, M. 2011. « Quand la famille pèse dans la balance dans la décision d’aller vivre en milieu rural ou de le quitter », Enfances, Familles, Générations, no 15, p. 131-157.
- Vignal, C. 2005. « Les espaces familiaux à l’épreuve de la délocalisation de l’emploi : ancrages et mobilités de salariés de l’industrie », Espaces et Sociétés, no 120-121, p. 179-197.
- Villeneuve-Gokalp, C. 2005. « Conséquences des ruptures familiales sur le départ des enfants », dans Histoires de familles, histoires familiales : les résultats de l'enquête Famille de 1999, sous la dir. de C. Lefèvre et A. Filhon. Paris, Ined, p. 235-249.
- Wagner, A.-C. 2010. « Le jeu de la mobilité et de l’autochtonie au sein des classes supérieures », Regards sociologiques, no 40, p. 89-98.
- Young, M. et P. Willmott. 2010 (1957, 1ère éd.). Le village dans la ville. Famille et parenté dans l’Est londonien, Paris, PUF.
- Zunigo, X. 2008. « L’apprentissage des possibles professionnels. Logiques et effets sociaux des Missions locales pour l’emploi des jeunes », Sociétés Contemporaines, no 70, p. 115-131.