Résumés
Résumé
Le projet Anthologie Palatine de la Chaire de recherche du Canada sur les écritures numériques cherche à établir une visualisation de l’univers anthologique et de sa richesse. Dans le cadre de ce projet a été conçue la plateforme Anthologia, qui permet à l’utilisateur·trice de participer à la constitution d’un imaginaire collectif en associant le matériel anthologique à d’autres références. Cette édition collaborative numérique interroge les phénomènes de remédiation et la figure du palimpseste.
Abstract
The Canada Research Chair on Digital Textualities's Anthologie Palatine project aims to demonstrate the anthology universe and its richness. Within the framework of this project, the Anthologia platform was designed, which allows the user to participate in the constitution of a collective imaginary by associating anthological material with other references. This collaborative digital edition questions the phenomena of remediation and the figure of the palimpsest.
Corps de l’article
Alors que les formations d’études supérieures consacrées à la littérature, aux langues et aux cultures de l’Antiquité se raréfient, cloisonnant la discipline, certain·e·s chercheur·se·s de la communauté des humanités — dont les Humanités numériques — oeuvrent à l’établissement d’un dialogue avec ces langues dites « mortes », considérant l’Antiquité comme un répertoire offrant un large éventail de discours qui résonnent avec notre expérience contemporaine. Les environnements numériques deviennent ainsi des espaces de médiation de corpus antiques. Ils permettent de décupler les possibilités éditoriales (hypertextualité, fluidité de la navigation, enrichissement multimédia, mise en réseau) et de révéler certaines caractéristiques de l’objet que l’édition papier n’avait pu complètement retranscrire (intertextualité, superpositions d’écritures, versionnage). Les projets d’édition numérique de contenus antiques se proposent donc comme de possibles remédiations (Bolter, 2003; Monjour, 2018) d’un héritage et d’une tradition (la culture du papier) vers un nouvel héritage en développement (la culture du numérique).
Le projet Anthologie Palatine (AP) de la Chaire de recherche du Canada sur les écritures numériques (CRCEN) est une édition numérique collaborative de l’Anthologie palatine, un recueil de poèmes grecs, essentiellement des épigrammes, allant de la période classique à la période byzantine. Dans le cadre de ce projet, dirigé par Marcello Vitali-Rosati, une plateforme éditable par l’utilisateur·trice (API) a été développée. Elle lui permet d’associer l’épigramme anthologique à une référence (littéraire, iconographique, cinématographique ou personnelle). Ce principe est exprimé par la notion de « lien faible », qui, pour les besoins du projet, a été resémantisée. En effet, si la notion est utilisée dans les théories de l’information et des communications pour qualifier les « simples connaissances » d’un individu dans le contexte des réseaux sociaux (Casilli, 2010; Granovetter, 1973), elle désigne ici les associations libres, faites par l’utilisateur·trice, de contenus divers à un contenu édité et figé, qui est celui de l’Anthologie palatine.
Le lien faible relève ainsi d’une écriture autre — pouvant être étrangère au corpus épigrammatique en termes d’époque, de thématique, d’auteur·e et parfois de format — s’ajoutant à la structure éditoriale fixe et y participant par un geste de recouvrement. Cependant, la source anthologique ne disparaît pas : elle demeure visible et sa constance est d’autant plus évidente que le lien faible se fait le témoin d’un dialogue entre texte-source et texte-ajouté (Battles, 2016). L’espace d’édition des liens faibles constitue de ce fait le lieu d’une sur-inscription, un palimpseste au sens « où l’on voit, sur le même parchemin, un texte se superposer à un autre qu’il ne dissimule pas tout à fait, mais qu’il laisse voir par transparence. » (Genette, 1982: 439) La question se pose alors : de quelle façon le recours aux liens faibles relève-t-il d’une structure de type palimpsistique? Comment cette structure permet-elle de repenser non seulement le modèle anthologique, mais également la transmédiation du support papier au support numérique, de l’espace de la page à celui de l’écran?
Les fondements théoriques du projet AP : l’Anthologie palatine comme réseaux d’imaginaires
L’édition numérique de l’Anthologie palatine propose une réponse aux défis éditoriaux — techniques ou théoriques — générés par un objet d’étude dont la complexité philologique (il y a plusieurs sources identifiées), l’hétérogénéité (on lui reconnait plus de cent auteur·e·s) et l’économie (du fait de la structure dialogique entre les topoï) désarment les configurations éditoriales classiques. Dans le projet AP, l’Anthologie palatine ne se conçoit plus comme « un objet clos, achevé, absolu » (Genette, 1972: 10), mais comme un objet littéraire dont la cohérence interne est dépositaire d’un réseau d’imaginaires.
L’édition de la CRCEN se fonde sur l’édition Loeb et Paton (1916), qui est une édition savante de l’Anthologie palatine disponible sur le site Perseus[1]. Le projet AP vise la traduction et l’édition de l’ensemble des épigrammes de l’Anthologie palatine à l’exception du dernier livre, le livre XVI, qui rassemble les épigrammes descriptives de Planude. La compilation de Maxime Planude présente une version censurée, qui se distancie de ce fait des visées anthologiques d’origine (Aubreton, 1968: 43). Pour cette raison, elle n’a pas été intégrée au corpus du projet. L’Anthologie palatine, en tant que matériau textuel, se compose de 3698 épigrammes réparties en 15 livres[2]. À ce jour, 580 épigrammes ont été traduites et éditées, et sont disponibles sur l’API — l’interface de programmation — ainsi que sur les autres plateformes de l’édition. Ces épigrammes sont majoritairement issues des livres IV, V, VI et VII. Celles du livre II sont en cours de traduction et d’édition, notamment dans le cadre d’un partenariat international avec des lycées italiens. Les épigrammes sont disponibles sur la plateforme et éditables par les utilisateur·trice·s ayant créé un compte gratuit.
La plateforme Anthologia présente plusieurs types d’informations, qui peuvent faire l’objet d’une édition individuelle : les métadonnées de l’épigramme (auteur·e, URI [Uniform Resource Identifier] pour moissonner la version grecque depuis le site Perseus, images du manuscrit), son texte (versions en plusieurs langues et alignements de versions), son enrichissement (mots-clefs thématiques, images, scholie, notes, références internes vers d’autres épigrammes, références externes vers des contenus étrangers à l’Anthologie) et des informations concernant sa création et sa mise à jour sur la plateforme. Certaines épigrammes ont été organisées en parcours de lecture thématiques, actuellement 19 parcours sont proposés sur le site POP (Plateforme Ouverte des Parcours d’imaginaires)[3] la plateforme de visualisation des épigrammes éditées sur Anthologia.
Si les éditions scientifiques de l’Anthologie palatine se fondent sur le Codex Palatinus 23, un manuscrit byzantin datant de 940 apr. J.-C., il existe une version qui lui est antérieure, constituée en 900 apr. J.-C. par Constantin Céphalas. Les recherches ont montré que cette dernière a été élaborée à partir de trois sources principales : un recueil établi vers l’an 100 av. J.-C. par Méléagre de Gadara (La couronne de Méléagre), un autre datant du Ier siècle av. J.-C. conçu par Philippe de Thessalonique (La couronne de Philippe) et un recueil réalisé par Agathias datant de 553 apr. J.-C. (Le cycle d’Agathias de Myrina) (Gutzwiller, 1997). La couronne de Méléagre se fonde sur une source plus ancienne : le recueil de Simonide de Céos datant du Ve siècle av. J.-C., qui constitue la source la plus ancienne de l’Anthologie palatine. Dans ce « labyrinthe philologique » (Beta, 2019: 173), La Couronne de Méléagre est la première collection d’épigrammes réunies en un seul volume et s’impose donc comme le canon du genre littéraire anthologique (Waltz, 1929: XI). Or, bien qu’il soit possible de retracer un schéma de relations entre les versions composant l’Anthologie, un écueil fondamental demeure, empêchant toute réelle stemmatique : hormis le Codex Palatinus 23, aucune des sources précédemment citées n’est parvenue jusqu’aux philologues. De l’héritage anthologique, il ne reste aujourd’hui que deux manuscrits : le Codex Palatinus 23 et l’Anthologia Planudea[4].
Ainsi, malgré l’institution d’une version comme source principale, l’Anthologie palatine est une oeuvre de composition[5] et la somme d’évènements éditoriaux — de traductions, d’ajouts, de retraits ou de pertes successives par les compilateur·trice·s au cours de plus de seize siècles. Elle demeure une co-construction éditoriale dont la vérité se situe moins dans l’autorité d’une version que dans la somme de ses différentes versions possibles. Cette conception de l’Anthologie palatine comme mouvement davantage que comme monument se retrouve dans la dimension collaborative de l’édition numérique, qui permet à l’utilisateur·trice d’éditer des traductions et des versions grecques des épigrammes. À la différence de Perseus, qui propose à l’utilisateur·trice une version unique de l’anthologie, le projet AP offre des versions possibles sans en établir aucune dans une autorité scientifique.
Le corpus du projet AP est donc une co-construction éditoriale, résultat de séries de compilations à partir d’éditions — présentes et perdues, antiques et modernes — rendant chacune compte d’une perception spécifique du genre anthologique et de la forme épigrammatique grecque. L’étymologie même du terme « anthologie » résonne avec cet aspect : en grec ancien, le mot « ἀνθολογία » (« florilegium » en latin) désigne une composition florale et, par extension, une couronne tressée à partir de végétaux divers. C’est sur cette poétique de l’hétérogénéité et du rassemblement des disjoints que se fonde l’Anthologie palatine en structure et en sémantique[6].
Si le genre anthologique se conçoit comme un recueil de textes, en prose ou en vers, réunis autour d’une caractéristique (thème, genre, style, auteur·e, etc.), l’Anthologie palatine déroge à cette règle et défie la notion d’unité éditoriale par son hétérogénéité pluridimensionnelle[7]. Cette hétérogénéité est tout d’abord historique puisque ses épigrammes couvrent une période allant du VIe siècle av. J.-C. au Xe siècle apr. J.-C. (Cameron, 1993); auctoriale ensuite, car elle compte plus de cent auteur·e·s[8]; et enfin formelle, étant donné que la forme poétique de l’épigramme n’est pas encore stable dans les premiers recueils. C’est Méléagre de Gadara qui l’institue comme une pratique littéraire, en insérant notamment des épigrammes écrites de sa propre main dans son recueil (Gutzwiller, 2007: 116). Par conséquent, certaines des épigrammes de l’Anthologie ne le sont pas au sens poétique.
L’Anthologie palatine se compose ainsi de plusieurs « types » d’épigrammes. L’épigramme 7.249 de Simonides se présente comme une épigramme au sens étymologique du terme (une inscription gravée sur un monument, une statue, un tombeau ou un trophée pour perpétuer le souvenir d’un héros ou d’un événement) :
ὦ ξεῖν᾽, ἄγγειλον Λακεδαιμονίοις ὅτι τῇδε κείμεθα, τοῖς κείνων ῥήμασι πειθόμενοι.
Étranger, va dire aux Lacédémoniens que nous sommes couchés ici dociles à leurs ordres[9].
Méléagre de Gadara, pour sa part, repense la forme de l’épigramme en reprenant la brièveté des inscriptions, mais en valorisant l’ingéniosité des images poétiques, comme dans l’épigramme 7.13 :
Παρθενικὰν νεαοιδὸν ἐν ὑμνοπόλοισι μέλισσαν Ἤρινναν, Μουσῶν ἄνθεα δρεπτομέναν, Ἅιδας εἰς ὑμέναιον ἀνάρπασεν. ἦ ῥα τόδ᾽ ἔμφρων εἶπ᾽ ἐτύμως ἁ παῖς. ‘βάσκανός ἐσσ᾽, Ἀίδα.’
Vierge abeille au chant neuf parmi les faiseurs d’hymnes, Érinna butinait les fleurs des Muses, quand Hadès la ravit pour l’hymen. Ah! certes, elle avait dit vrai, la sage enfant : « Tu es un jaloux, Hadès! »
L’épigramme 7.33 de Julianus semble rompre avec la tradition poétique en se présentant davantage comme un dialogue court usant de mots d’esprit :
α. πολλὰ πιὼν τέθνηκας, Ἀνάκρεον. β. ἀλλὰ τρυφήσας: καὶ σὺ δὲ μὴ πίνων ἵξεαι εἰς Ἀίδην.
— Tu as beaucoup bu, te voilà mort, Anacréon.
— Mais j’ai beaucoup joui; et toi aussi, ne buvant pas, tu viendras dans l’Hadès[10].
On retrouve ainsi, au sein d’un même livre de l’Anthologie palatine, plusieurs poétiques de l’épigramme qui cohabitent, se répondent et se complètent.
La cohérence anthologique est donc moins affaire de similitudes que de dialogues : en couronne épigrammatique, l’Anthologie palatine tresse ses éléments autour de noeuds (les topoï) qui génèrent un réseau de connivences d’imaginaires. Refusant l’idée d’une vérité du texte, le projet AP se propose de rendre compte de l’imaginaire anthologique, soit de « la place que [l]es textes [anthologiques], dans toutes leurs manifestations, ont eu et continuent à avoir dans l’imaginaire collectif. » (Vitali-Rosati, 2017) S’inspirant de la notion d’« intelligence collective » — intelligence « partout distribuée, sans cesse valorisée, coordonnée en temps réel, qui aboutit à une mobilisation effective des compétences » (Lévy, 1994: 29) —, Vitali-Rosati propose celle d’« imaginaire collectif » pour désigner les dynamiques d’association et d’appropriation transhistoriques de contenus classiques. L’imaginaire collectif est, comme l’intelligence collective, un commun fondé sur un principe de partage continu de savoirs en réseau[11]. Affirmant, à la suite de Pierre Lévy, que la structure du média numérique offre des espaces et des outils permettant, voire renforçant ce système de partage et de co-construction (1994: 33), le projet AP poursuit l’idée d’une structure réticulaire de l’information, celle d’une « cinécarte ». Définie par Lévy comme une « cartographie de l’espace du savoir » (183), la cinécarte rend possible une navigation hyperliée, fluide, soit constamment mouvante et transhistorique entre les différents contenus ajoutés par le collectif.
L’architecture en réseau de l’édition numérique cherche à retranscrire l’imaginaire anthologique par l’édition collective de ce qui concerne directement (version, alignements de versions), de ce qui entoure (métadonnées) et de ce qui compose l’extension (les liens faibles ou external references) d’une épigramme. Le lien faible témoigne de la récurrence de topoï : existant dans la répétition, le topos structure l’Anthologie palatine (intertextualité entre les épigrammes) et révèle sa participation à un imaginaire collectif (hypertextualité). Par exemple, le topos « carpe diem » est présent dans certaines épigrammes (notamment celles d’Asclépiade[12]), mais est originairement associé à un poème d’Horace (Odes, I, 11). Devenu maxime épicurienne, l’impératif se retrouve dans les arts : en poésie (Pierre de Ronsard, Sonnets pour Hélène, 1578), en musique (Georges Brassens, « Saturne », 1996; Metallica, « Carpe Diem Baby », 1997), en architecture (la tour Carpe Diem [2013] dans le quartier de La Défense à Paris), etc. Il est donc possible de comprendre ce topos comme un réseau constituant un imaginaire commun que la structure de la plateforme de visualisation du projet AP donne à voir. Plus singulièrement, au sein du livre VII, le topos de la catabase se répète, en particulier la figure du cerbère que l’on retrouve dans les épigrammes 7.69 et 7.70 de Julianus :
Κέρβερε δειμαλέην ὑλακὴν νεκύεσσιν ἰάλλων, ἤδη φρικαλέον δείδιθι καὶ σὺ νέκυν : Ἀρχίλοχος τέθνηκε : φυλάσσεο θυμὸν ἰάμβων δριμύν, πικροχόλου τικτόμενον στόματος. Οἶσθα βοῆς κείνοιο μέγα σθένος, εὖτε Λυκάμβεω νηῦς μία σοι δισσὰς ἤγαγε θυγατέρας.
Cerbère, qui lances aux morts ton aboiement épouvantable, à ton tour d’avoir peur, toi, d’un mort effrayant. Archiloque est trépassé : gare à l’âpre colère des iambes qu’engendre une bouche amère de fiel. Tu as de sa clameur appris à connaître la grande force, lorsqu’un même bateau t’amena les deux filles de Luycambès.
νῦν πλέον ἢ τὸ πάροιθε πύλας κρατεροῖο βερέθρου ὄμμασιν ἀγρύπνοις τρισσὲ φύλασσε κύον. Εἰ γὰρ φέγγος ἔλειπον ἀλυσκάζουσαι ἰάμβων ἄγριον Ἀρχιλόχου φλέγμα Λυκαμβιάδες, πῶς οὐκ ἂν προλίποι σκοτίων πυλεῶνας ἐναύλων νεκρὸς ἅπας, φεύγων τάρβος ἐπεσβολίης;
Maintenant plus qu’auparavant, garde, triple chien, les portes du puissant abîme et que tes yeux soient sans sommeil. Car si, pour échapper à la bile sauvage des iambes d’Archiloque, les filles de Lycambès renoncèrent à la clarté, comment ne verrait-on pas, franchissant les portes du séjour ténébreux, les morts jusqu’au dernier fuir l’affre de son attaque?
Cette proximité thématique entre plusieurs épigrammes traitant de la catabase, du nocher ou des Enfers a permis, selon le principe de continuité évoqué précédemment, la constitution d’un parcours de lecture intitulé « Traversée vers la mort » qui rassemble quatorze épigrammes.
La notion de lien faible
L’objectif d’une restitution de l’imaginaire anthologique, qui est au coeur du projet AP, doit se faire en refusant tout système de hiérarchisation de contenus. L’édition d’un lien faible par l’utilisateur·trice est le résultat d’une appropriation et constitue ainsi un témoin de l’imaginaire anthologique. Il ne s’agit pas, dans le cadre de cette étude, de comprendre le lien faible comme un type de relation sociale (bridging ou contact occasionnel avec d’autres individus issus d’un cercle social différent) s’opposant au lien fort (bonding ou rapports fréquents entretenus avec l’entourage proche) au sein des théories de l’information et des communications dans le contexte des réseaux sociaux (Casilli, 2010; Granovetter, 1973). La thèse d’Antonio Casilli, affirmant que ce sont les liens faibles qui assurent la force et le maintien d’une structure sociale au sein des liaisons numériques (2010: 248), est ici transposée à un contexte et à un objet d’étude culturels : nous avançons que la force de la dynamique anthologique est fondée sur les associations libres rendues possibles par l’édition numérique.
Cette théorie façonne la structure du projet AP. Aux liens forts — qui auraient été des associations de l’Anthologie palatine à des corpus contemporains appartenant au même cercle de proximité, justifiées par un passé commun (phénomène de la chambre d’écho) — sont privilégiés les liens faibles, qui constituent une sortie du contexte spatio-temporel de l’Anthologie palatine mais témoignent de son impact. Aussi, il ne s’agit pas d’évaluer la pertinence des liens proposés par l’utilisateur·trice, mais de considérer que tout lien faible (de celui du classiciste à celui de l’amateur·trice) est une émergence de l’imaginaire anthologique. Estimant que le sens anthologique émerge du processus d’associations libres et populaires, du recouvrement du matériau antique par une édition actuelle, le projet AP présente l’Anthologie palatine comme une oeuvre fondamentalement ouverte (Eco, 2015 [1962]), une « oeuvre-palimpseste » qui se reconstruit par réécritures successives tout en gardant les traces anciennes de son historicité. Les imaginaires anthologiques sont structurés par des liens entre les topoï, des liens entre les textes, qui fondent des dynamiques intertextuelles (Vitali-Rosati, 2017).
Un texte s’inscrit dans un réseau stratifié de relations par lesquelles il intègre d’autres textes (Delaplace, 2012). Bien que pouvant être associé au commentaire — de par la dimension universelle d’appropriation —, le lien faible ne relève pas de la métatextualité comme relation critique (Genette, 1982: 15), mais est un agent actif dans l’édition des épigrammes. Il est conçu et pensé comme participant pleinement de l’identité anthologique, et se rapproche donc davantage des notions d’hypertextualité, d’intertextualité et de transtextualité. Ces dynamiques de relations d’un texte à l’autre ont été l’objet des théories genettiennes sur la littérature comme palimpseste (1982).
Hypertextualité
Genette définit ainsi l’hypertextualité : « toute relation unissant un texte B (que j’appellerai hypertexte) à un texte antérieur A (que j’appellerai, bien sûr, hypotexte) sur lequel il se greffe d’une manière qui n’est pas celle du commentaire. » (1982: 16) L’hypertextualité de l’Anthologie palatine provient de son héritage, d’une dérivation de textes antérieurs (hypotextes) par action de transformation simple ou indirecte. Parce qu’il est relation entre textes, l’hypertexte invite à ce que Gérard Genette, à la suite de Philippe Lejeune, nomme une lecture « palimpsestueuse », soit une lecture des deux textes comme cohérence (Genette, 1982: 440). Le lien faible peut, dans ce schéma, constituer un hypertexte à l’hypotexte anthologique dans la mesure où sa texture apparaît comme une dérivation. Il s’inscrit dans la continuité d’un imaginaire commun et résulte d’un geste ludique (celui de l’association d’hyperlien). Il se définit ainsi par une double perspective « d’accomplissement intellectuel et de divertissement » (Riguet, 2017: 7).
On peut remarquer la présence d’une seconde acception d’« hypertexte » dans le dispositif technique des liens faibles. En effet, parce que son fonctionnement est fondé sur le renseignement d’hyperliens, le lien faible se rattache à la notion d’« hypertexte numérique ». L’expression — instituée en 1965 par le sociologue américain Ted Nelson avec son projet Xanadu (un système d’information qui permettait le partage instantané et universel de données informatiques) — désigne un réseau constitué par un ensemble de documents numériques de type littéraire (originaux, citations, annotations) liés entre eux par une adresse HTTP (Angé, 2008: 16).
Le renseignement d’un lien faible (ou external reference) requiert deux types d’informations : le titre de la référence et un hyperlien pour moissonner et visualiser sa source dans la POP. Ainsi, le lien faible est un contenu hypertextuel, témoin d’un imaginaire anthologique que l’on peut définir comme hyperlié. Cependant, l’hypertextualité semble induire un rapport hiérarchique et chronologique. Or, dans le cadre du projet, l’association de liens faibles se fait davantage suivant une visée d’alignement des sources, un co-enrichissement sans hiérarchisation et une ouverture transdisciplinaire : les liens faibles participent de l’imaginaire anthologique au même titre que les épigrammes et peuvent être non-littéraires.
Intertextualité
Dans sa définition de l’intertextualité (« une relation de coprésence entre deux ou plusieurs textes » [1982: 8]) Genette pense la coprésence comme eidétique : la relation se situe entre les idées des textes. L’intertextualité genettienne considère les membres de la relation en synchronie, et ce, non pas en reniant leur historicité, mais en l’envisageant sous forme de liens en perpétuelles expansion et circulation. L’intertextualité permet d’associer le lien faible à un réseau horizontal régi par des rapports d’équité, davantage qu’à une structure généalogique verticale et à une notion d’héritage (hypertextualité). Parmi les formes d’intertextualité présentées par Genette, celle qui correspond le mieux au lien anthologique est certainement la moins explicite et littérale dans la pensée genettienne, à savoir l’allusion, que le théoricien définit ainsi : « un énoncé dont la pleine intelligence suppose la perception d’un rapport entre lui et un autre auquel renvoie nécessairement telle ou telle de ses inflexions, autrement non recevable. » (13) Cette notion d’intelligence, qui n’est pas sans rappeler celle d’intelligence collective (Lévy, 1994), fonde la pensée d’une édition libre et collaborative, sans contrôle ou censure de la part des administrateur·trice·s du projet. Les liens faibles apparaissent en bandeau latéral en bas de la page consacrée à l’épigramme sur Anthologia. L’utilisateur·trice peut faire défiler cette bande et est en mesure d’enrichir infiniment l’épigramme en y associant des références, et ainsi de perpétuer l’imaginaire anthologique.
La part active du lectorat dans la relation intertextuelle se retrouve aussi dans la définition du terme par Riffaterre : « L’intertexte est la perception, par le lecteur, de rapports entre une oeuvre et d’autres qui l’ont précédée ou suivie. » (1979: 4)[13] À la différence de Genette, Riffaterre définit l’intertextualité comme relevant presque exclusivement de microstructures sémantico-stylistiques et comme étant toujours liée à l’espace syntaxique de la phrase ou du fragment. L’intertextualité genettienne présente cet avantage de se concevoir par rapport à l’ensemble d’une oeuvre, qui est perçue dès lors comme structurée suivant des relations internes mais également externes. Les liens faibles amènent à penser et visualiser l’intertextualité de l’Anthologie palatine. Et puisqu’ils peuvent aussi renvoyer à d’autres structures d’inscription que la textualité, ils génèrent des liens relevant davantage d’une transtextualité.
Transtextualité
Hypertextualité et intertextualité appartiennent dans la pensée genettienne à la transtextualité de la littérature, comprise comme un aspect de la textualité et de la littérarité (1982: 20-21). En tant que transcendance textuelle, la transtextualité comprend les relations entre textes (hypertextualité et intertextualité), ainsi que les relations entre un texte et une extratextualité (18). Les liens faibles, parce qu’ils se fondent sur un geste d’association libre — c’est-à-dire sans limitation de forme, de source ou de contenu —, peuvent être des hypertextes, des intertextes, ou ne pas être des textes et participer d’une relation de transtextualité avec l’épigramme source. Ainsi, pour l’épigramme 7.68, qui présente la figure de Charon, les liens faibles sont du contenu littéraire (La Divine Comédie de Dante [1472]), cinématographique (Orphée de Jean Cocteau [1950]), pictural (Charon traversant le Styx de Joachim Patinir [1520-1524]), musical (« The Sail of Charon » de Scorpions [1977]) ou graphique animé (GIF Art Windsurfing par Scorpion Dagger).
La possibilité d’associer l’épigramme à un hors-texte rend compte d’un imaginaire anthologique qui n’est pas limité à la textualité. La transdisciplinarité fondamentale des liens faibles est conjointe d’une accessibilité : parce qu’ils peuvent être proposés par quiconque, se présenter comme des références directes (la reprise claire d’un topos) ou indirectes (l’appropriation personnelle de ce topos), les liens faibles se situent au-delà des critères d’objectivité (Vitali-Rosati, 2017). En réalité, dans le lien faible, le contenu associé compte moins que le geste de l’association. La transtextualité est aussi le propre du texte source dans la mesure où, bien que recouvert par le lien faible, il demeure, et transcende ce geste palimpsistique. La figure du palimpseste, utilisée chez Genette comme une métaphore-modèle pour illustrer et unir sous une même image les différents schémas de textualités de la littérature, devient concrète en tant que gestuelle procédant d’une action sur le support, numérique mais matériel, d’édition.
Palimpseste intermédial
Matérialité des liens faibles
Le palimpseste, qui avait un rôle de métaphore illustrative dans les théories de la textualité, est ici un processus intermédial et amène à penser les liens faibles du projet AP en termes d’herméneutique des supports, et ce, afin de comprendre les rapports entre média et discours. Le geste d’association d’un lien faible à une épigramme, en ce qu’il consiste en une sur-inscription dans l’espace éditorial de l’épigramme anthologique, implique de penser la matérialité du support. Autant que les relations transtextuelles, la matérialité de l’inscription participe d’une construction de sens, c’est ce qu’affirment notamment les études intermédiales : « Il ne faut pas croire que les matérialités ou les formes institutionnelles de [la] transmission soient sans nul effet sur les idées et les discours : l’étanchéité des deux est loin d’être évidente. » (Méchoulan, 2010: 17) Ainsi, les liens faibles, en tant que gestes d’inscription, influent sur l’imaginaire autant qu’ils le retranscrivent. Ils représentent en ce sens une strate de la réalité identitaire anthologique (Vitali-Rosati, 2015). C’est pourquoi leur visualisation se pose en avant de la page-identité de l’épigramme : afin d’illustrer la structure stratifiée de l’imaginaire anthologique. Dans une perspective intermédiale — en tant qu’herméneutique des supports et des relations entre les supports — l’espace numérique de la page propose une nouvelle médiation de cet imaginaire : « As we know, the palimpsest never fully effaces what has been scribbled before but intimately puts new words into play with the old. » (Battles, 2016: 70) Le résultat de la superposition peut se comprendre comme un palimpseste dans la mesure où il retranscrit une relation entre deux inscriptions.
Code-palimpseste
Le projet AP se fonde essentiellement sur deux espaces : celui de l’API (la base de données éditable par l’utilisateur·trice) et celui de la POP (qui permet la visualisation des données). Ces espaces sont structurés sur du code permettant les fonctionnalités de renseignement, d’enregistrement et d’affichage des liens faibles. Or, le code lui-même agit comme un agent du processus palimpsistique : parce qu’il est une inscription en deçà du visible et qu’il conditionne la page finale, il constitue « a movable palimpsest, animated and articulate, the deeper layers of which undergird, energize, and enable the expressive surface. » (Battles, 2016: 79) Un affichage en transparence permet de visualiser les différentes strates qui composent la page d’un lien faible. La sur-inscription est triple : la page du code source, celle de visualisation de l’épigramme et la page de visualisation du lien faible (elle-même interprétée à partir du code source). Les options « Inspect Element » ou « View Page Source », qui permettent de visualiser le code source, opèrent comme des rayons ultraviolets en ce qu’elles révèlent les strates sous-jacentes. Le palimpseste fonctionne ainsi dans un réseau de supports mêlés.
La question de la pérennité
Le modèle du palimpseste, parce qu’il mêle trace et recouvrement, est lié à la question de la pérennité de l’inscription et donc à sa matérialité. Nous proposons ici un parallèle avec la théorie freudienne de la rémanence. Freud, dans son texte « Note sur le bloc magique » (2010 [1925]), développe un modèle pour rendre compte des liens entre perception et mémoire au sein de l’esprit humain à partir de la métaphore de l’« ardoise magique ». Il explique par cette image le processus de mémorisation et le phénomène de rémanence : l’ardoise magique est un espace d’inscription infini, si les inscriptions peuvent être effacées de la surface visible, elles restent conservées dans une strate inférieure et cachée[14]. C’est cette même structure en strates que l’on retrouve dans le principe du palimpseste : les gestes d’inscriptions qui le définissent (au minimum de deux) divisent le support en plusieurs niveaux d’écriture et de lecture, et dès lors de conservation. Ainsi, faire table rase, au sens de procéder à un effacement radical, est impossible : « a trace always remains — beneath the superficial layers, down in the dark wax, there remembered inscriptions mingle indelibly. » (Battles, 2016: 8)
Ce qui demeure après le geste d’effacement fait du processus du palimpseste moins une abrogation qu’une pérennisation :
Cependant, comment parler de ces textes qui « durent » sans en escamoter la singularité justement? Comment décrire des continuités qui ne sourdent pas des oeuvres comme si elles s’y trouvaient d’office incluses? […] C’est la notion de « rémanence » qui fait la jonction : « Dire que les énoncés sont rémanents, ce n’est pas dire qu’ils restent dans le champ de la mémoire ou qu’on peut retrouver ce qu’ils voulaient dire; mais cela veut dire qu’ils sont conservés grâce à un certain nombre de supports et de techniques matériels (dont le livre n’est, bien entendu, qu’un exemple), selon certains types d’institutions (par [sic] bien d’autres, la bibliothèque), et avec certaines modalités statutaires (qui ne sont pas les mêmes quand il s’agit d’un texte religieux, d’un règlement de droit ou d’une vérité scientifique). »
Méchoulan, 2010: 20; l'auteur cite Foucault, 1984 [1969]: 162
Cette conception du palimpseste est concomitante d’une dimension collaborative dans la mesure où elle implique une écriture, une action de rémanence de la part d’un autre (« l’autre face — ou le repli — d’un présent en train de s’effacer » [Méchoulan, 2010: 21]) pour assurer une pérennité, dans notre cas de l’Anthologie palatine. Ainsi, le lien faible fait écho à cette dynamique paradoxale de conservation par retrait.
Avec le projet AP, l’imaginaire anthologique est affaire d’édition collaborative et continue. La notion de lien faible nous permet de considérer l’espace numérique non plus comme un outil restaurant le premier texte d’un manuscrit palimpseste, mais comme un lieu de création de nouvelles dynamiques palimpsistiques. Le texte anthologique, remédié au support numérique, devient un support matériel et conceptuel destiné à des recouvrements infinis. Le principe du palimpseste se présente autant comme un modèle de sur-inscription que comme un modèle de relation intermédiale.
Parties annexes
Notes
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[1]
Perseus est une banque de données en accès libre de la littérature grecque créée en 1985 dirigée par Gregory Crane. L’interface de programmation API en moissonne les versions grecques.
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[2]
Livre I (120 épigrammes); livre II (1 épigramme de 416 hexamètres); livre III (20 épigrammes); livre IV (5 épigrammes); livre V (310 épigrammes); livre VI (355 épigrammes); livre VII (748 épigrammes); livre VIII (254 épigrammes); livre IX (827 épigrammes); livre X (126 épigrammes); livre XI (442 épigrammes); livre XII (258 épigrammes); livre XIII (31 épigrammes); livre XIV (150 épigrammes); livre XV (51 épigrammes).
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[3]
Si l’hyperlien ne fonctionne pas sur votre fureteur, copiez l’URL suivant directement dans la barre d'adresse : http://pop.anthologiegrecque.org/#/
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[4]
Compilation byzantine du XIIIe siècle, l’Anthologia Planudea de Maxime Planude reprend le manuscrit de Constantin Céphalas (préservé dans un manuscrit autographe conservé à Venise [Marc. gr. 481, de 1299]) et deux apographes, révisés en 1300 ou 1305 sous la supervision de Planude (l’un se trouve à Londres [B.M. Add. 16409] et l’autre à Paris [B. N. gr. 2744]).
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[5]
Les éditeurs (notamment Paton [1916] et Waltz [1929]) composent l’Anthologie palatine à partir des quinze livres issus du Codex Palatinus 23 et de la version de Planude désignée alors sous le titre d’Appendix Planudea.
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[6]
Dans le proème de sa couronne — au début du livre IV du Codex Palatinus 23 — Méléagre de Gadara répertorie les poètes en les associant chacun à une fleur identitaire : « Μοῦσα φίλα, τίνι τάνδε φέρεις πάγκαρπον ἀοιδάν; / ἢ τίς ὁ καὶ τεύξας ὑμνοθετᾶν στέφανον; / Ἄνυσε μὲν Μελέαγρος, ἀριζάλῳ δὲ Διοκλεῖ / μναμόσυνον ταύταν ἐξεπόνησε χάριν, / πολλὰ μὲν ἐμπλέξας Ἀνύτης κρίνα, πολλὰ δὲ Μοιροῦς / λείρια, καὶ Σαπφοῦς βαιὰ μέν, ἀλλὰ ῥόδα. » (« To whom, dear Muse, do you bring these varied fruits of song, or who was it who also wrought this garland of poets? The work was Meleager’s; he produced this gift as a keepsake for the illustrious Diocles. He wove in many red lilies of Anyte, and many white lilies of Moero; a few of Sappho, but they are roses. » [Paton, 2014 [1916]: 175])
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[7]
À la différence, par exemple, de l’Anthologie latine qui contient essentiellement les écrits de poètes composés en Afrique romaine au VIe siècle.
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[8]
Parmi lesquel·le·s Platon (épigramme 265 du livre VII), Sappho (épigramme 489 du livre VII), Asclépiades (épigramme 85 du livre V), Simonide (épigramme 77 du livre VII) et Méléagre (épigramme 182 du livre VII).
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[9]
Les traductions françaises des épigrammes sont toutes issues de la plateforme Anthologia.
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[10]
Cette épigramme fait partie du parcours de lecture « Banquet » qui réunit de courtes épigrammes, comme des bribes de conversations lors d’un festin.
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[11]
« Personne ne sait tout, tout le monde sait quelque chose, tout le savoir est dans l’humanité. » (Lévy, 1994: 29)
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[12]
Par exemple, l’épigramme 7.217 où le motif de la fleur est associé à l’âge de la jeunesse : « Ἀρχεάνασσαν ἔχω, τὰν ἐκ Κολοφῶνος ἑταίραν, / ἇς καὶ ἐπὶ ῥυτίδων ὁ γλυκὺς ἕζετ᾽ Ἔρως. / ἆ νέον ἥβης ἄνθος ἀποδρέψαντες ἐρασταὶ / πρωτοβόλου, δι᾽ ὅσης ἤλθετε πυρκαϊῆς. » (« Je (con)tiens Archéanassa, la courtisane de Colophon. Sur ses rides même siège [siégeait?] le doux Éros. Ô vous amants qui avez cueilli la fleur fraîche de sa jeunesse, les premiers frappés, à travers quel bûcher êtes-vous passés! »).
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[13]
Cette perception correspond, dans la pensée genettienne, à la notion de transtextualité.
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[14]
Cette réflexion liant mémoire et structure de strates communicantes se retrouve également dans le memex (contraction de « memory extender ») de Vannevar Bush (1945). Il s’agit d’un projet de liaisons de documents au sein d’un même objet, qui influencera la notion de « navigation hypertextuelle » de Ted Nelson (1965).
Bibliographie
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