Hors-dossierRecensions

Dan Horner, Taking to the Streets : Crowds, Politics, and The Urban Experience in Mid-Nineteenth-Century Montreal, Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2020, 352 p.[Notice]

  • Marjolaine Poirier

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  • Marjolaine Poirier
    UQAM

Dans Taking to the Streets : Crowds, Politics, and The Urban Experience in Mid-Nineteenth-Century Montreal, l’historien de l’Université Ryerson Dan Horner s’adonne au périlleux exercice de la transformation d’une thèse en un volume édité. Constituant sans contredit un apport à l’étude de Montréal, ce livre descriptif et analytique a remporté le prix Clio en 2021. Il se penche sur l’utilisation de la rue à des fins politiques à Montréal et, plus spécifiquement, aux mouvements de foules et à leur occupation de l’espace. Deux évènements à caractère national délimitent la période scrutée, soit la parade militaire qui vise à souligner l’Acte d’Union en 1841 et l’incendie du parlement en avril 1849. Pour Horner, la ville est alors en proie à de vives tensions sociales et politiques. Ces tensions servent de trame de fond à des chapitres qui sont majoritairement structurés de façon chronologique et, simultanément, thématique. De fait, seul le premier des six chapitres échappe à cette organisation. Il est consacré à un état des lieux où les principaux courants idéologiques qui ponctuent le livre sont annoncés. L’auteur y défend une position intéressante qui n’est pas pleinement mobilisée par la suite : la méfiance que les autorités développent envers les rassemblements populaires à la suite des troubles de 1837-1838. La deuxième partie de l’ouvrage débute par un examen de la résistance manifestée par les vendeurs de muffins en 1844, lorsque le conseil municipal cherche à circonscrire leur utilisation des cloches, considérées trop bruyantes. Pour l’auteur, la volonté réglementaire qui émane de la nouvelle institution résulte d’un désir de transformer la ville en un espace ordonné, aéré et éclairé. Cet aménagement urbain favorise, pour ces réformateurs, la circulation des personnes et des biens et il restreint les comportements jugés acceptables au détriment, le plus souvent, des moins nantis. Pour mieux comprendre les stratégies mises en place par les tenants du discours libéral, le chapitre s’attarde aux tentatives de contrôle qui affectent surtout de petits métiers : les vendeurs itinérants, les charretiers ainsi que les jeunes garçons travaillant en tant que camelots ou jouant dans la rue. Il examine également les frictions engendrées par le mouvement de tempérance et les efforts déployés pour réguler la prostitution. En plus de démontrer que l’emploi d’un vocabulaire hostile et moralement connoté est une des tactiques retenues par les réformateurs, Horner établit que leurs menées visent le plus souvent des activités privées qui déclenchent des rassemblements. Selon lui, elles échouent, car elles se heurtent à des habitudes quotidiennes socialement ancrées et à l’opposition subtile de certains groupes dont les intérêts économiques sont menacés. Dans le chapitre trois, cet affrontement pour l’espace urbain montréalais prend une nouvelle tournure puisqu’il porte sur les travailleurs migrants d’origine irlandaise qui oeuvrent à la construction du canal de Lachine. Il brosse spécifiquement un portrait des grèves de 1843 et des coutumes protestataires agraires (charivaris, parades nocturnes, etc.) qui dérivent souvent en actes de violence et auxquelles les ouvriers font appel pour obtenir une augmentation des salaires et de meilleures conditions de travail. Horner souligne que cette communauté reste marginalisée, malgré les mesures adoptées pour s’allier aux Irlandais déjà installés. Ce chapitre se penche en outre sur leur rejet par les élites montréalaises. Il révèle leur inhabilité à maintenir l’ordre qu’elles préconisent face à une foule qui lutte contre les inégalités engendrées par l’industrialisation et un capitalisme sauvage. Par la suite, le chapitre quatre explore les rapports entre foule et évènements, des émeutes électorales en passant par les défilés des sociétés nationales, les cortèges funéraires et les célébrations publiques. Ces cas permettent d’aborder les pratiques culturelles …