ChroniquesRoman

Éviter les clichés

  • Pierre-Olivier Bouchard

…plus d’informations

  • Pierre-Olivier Bouchard
    Memorial University of Newfoundland and Labrador

L’accès à cet article est réservé aux abonnés. Seuls les 600 premiers mots du texte seront affichés.

Options d’accès :

  • via un accès institutionnel. Si vous êtes membre de l’une des 1200 bibliothèques abonnées ou partenaires d’Érudit (bibliothèques universitaires et collégiales, bibliothèques publiques, centres de recherche, etc.), vous pouvez vous connecter au portail de ressources numériques de votre bibliothèque. Si votre institution n’est pas abonnée, vous pouvez lui faire part de votre intérêt pour Érudit et cette revue en cliquant sur le bouton “Options d’accès”.

  • via un accès individuel. Certaines revues proposent un abonnement individuel numérique. Connectez-vous si vous possédez déjà un abonnement, ou cliquez sur le bouton “Options d’accès” pour obtenir plus d’informations sur l’abonnement individuel.

Dans le cadre de l’engagement d’Érudit en faveur du libre accès, seuls les derniers numéros de cette revue sont sous restriction. L’ensemble des numéros antérieurs est consultable librement sur la plateforme.

Options d’accès
Couverture de Démarches de recherche-création, Volume 48, numéro 3 (144), printemps–été 2023, p. 9-104, Voix et Images

Le lompe (cyclopterus lumpus) n’est pas pêché pour sa chair, mais pour ses oeufs, particulièrement appréciés en France, auxquels on ajoute un colorant et que l’on surnomme le caviar des pauvres. Commune partout en Atlantique Nord, la grosse poule de mer – c’est ainsi qu’on surnomme ce poisson, bien que l’on parle aussi du cyclope ou encore de nipisa ou lepisuk en inuktitut – possède une ventouse qui lui permet de s’accrocher aux rochers et aux cages de homards pour ne pas dériver. Non, ceci n’est pas un documentaire animalier : c’est que j’ai appris dans le premier roman de Romane Bladou, Atlantique Nord (52-53). Contrairement au lompe qui est chez lui des deux côtés de l’océan, personne n’est à sa place dans Atlantique Nord. Camille est à Terre-Neuve, mais elle va rentrer au Québec ou ailleurs, elle n’a pas de plan. William n’a que huit ans, il vit avec sa mère à Fionnphort, sur l’île de Mull, mais il rêve de gravir les différentes montagnes d’Écosse. Lou est venu en Islande pour trouver des traces de son frère mort noyé en mer sur un bateau de pêche. Il ne sait pas combien de temps il restera. Clélia est de retour chez ses parents, en Bretagne, pour neuf jours. Elle prépare ses examens de fin d’année en littérature. Ces quatre récits brefs sont entrecoupés d’un poème en calligramme dont les différentes sections constituent une sorte d’intermède. Ce genre de recueil pose toujours la question de l’unité : qu’est-ce qui justifie de réunir ces textes ? En quoi leur assemblage est-il signifiant ? La réponse est souvent évidente – je pense par exemple à Faunes, de Christiane Vadnais, qui met en scène les mêmes personnages et une même localité d’un texte à l’autre, ou encore à Indice des feux, d’Antoine Desjardins, où les enjeux climatiques font office de fil conducteur tout au long du recueil. La cohésion du livre de Romane Bladou est plus ambiguë. Comme le laisse supposer le titre, cette cohérence découle notamment du rapport entre les personnages et les espaces qu’ils habitent, ou plutôt, qu’ils traversent. Car aucun personnage n’est vraiment attaché aux lieux et ces derniers ne sont pas particulièrement signifiants. Les localités où se déroulent les intrigues semblent avant tout choisies pour leur emplacement autour de l’Atlantique Nord. Cela s’explique sans doute par le fait que les textes ont en commun de montrer des personnages en transition, pour qui les paysages ne sont qu’une toile de fond ou une étape au sein d’un plus long voyage. Cela est clair dès la première nouvelle, lorsque le personnage de Camille arrive à St. John’s, où la population locale semble avoir disparu : Comme l’illustre cet extrait, il reste parfois une impression de superficialité en ce qui concerne les lieux, qui sont, pourtant, tout sauf génériques – vous êtes-vous déjà retrouvé, par hasard, à Bonavista ou à Skagaströnd ? – et que l’on aimerait voir jouer un rôle plus important dans les textes. Malgré cette réserve, on peut saluer la manière dont Bladou arrive à décrire un certain rapport aux paysages, en faisant d’eux les écrans des pensées des personnages, mais aussi en les liant à une certaine expérience du temps qui passe. C’est effectivement dans les passages décrivant des moments de flottement, de passivité méditative, de transitions entre différents lieux que la romancière brille le plus : Ce rapport passif au paysage ne se trouve pas dans les quatre chapitres. Le deuxième aborde autrement la relation au territoire, puisque les montagnes d’Écosse occupent bel et bien une place dans l’imaginaire du personnage de …

Parties annexes