Résumés
Résumé
Les « Albums de la Pléiade », collection destinée à promouvoir la célèbre « Bibliothèque de la Pléiade » de Gallimard, présentent une série de volumes dédiés à la vie d’écrivains précédemment publiés par la Pléiade qui s’appuient sur une riche iconographie, accompagnée d’un texte biographique. Pourtant, dans de nombreux textes introducteurs des « Albums », leurs auteurs vont à l’encontre de l’attente lectoriale et réfutent explicitement l’appartenance de leurs ouvrages au genre biographique. Cet article examine les raisons d’un tel rejet de la biographie au sein de la collection, en tenant compte de la position de la biographie en tant que genre largement marginalisé au sein du champ littéraire, ainsi que de son rapport à l’iconographie, revendiquée comme élément central de la composition générique des « Albums de la Pléiade ».
Abstract
The collection “Albums de la Pléiade”, intended to promote Gallimard's renowned “Bibliothèque de la Pléiade”, includes a series of volumes dedicated to the life of writers formerly published by the Pléiade, who are supported by a rich iconography accompanied by a biographical text. However, the authors of many introductory texts in the “Albums” defy reader's expectations and explicitly refuse to classify their works as biographical. This article examines the reasons for this rejection of biography in the collection. At the same time, it discusses biography's position as a largely marginalized genre within a literary field and its relationship to iconography, claimed to be the core element of the generic composition of the “Albums de la Pléiade.”
Corps de l’article
Les « Albums de la Pléiade » constituent une collection publiée par Gallimard depuis 1962. Destinés à fidéliser le lectorat de la célèbre « Bibliothèque de la Pléiade », ces volumes sont quasiment identiques en apparence à leur collection-mère de par leur format (17,5 × 11 cm) et leur couverture en cuir plein arborant des dorures au dos, et s’y voient de ce fait souvent associés de manière fusionnelle par les lecteurs. Pourtant, malgré la stratégie d’assimilation formelle des deux produits adoptée par Gallimard, les deux séries ne pourraient être plus différentes l’une de l’autre en termes de fonction, de mode de distribution, de contenu, de médium et de genre. Alors que la « Bibliothèque de la Pléiade » a été mise sur pied par son fondateur, Jacques Schiffrin, pour rendre le canon littéraire du monde entier accessible à tous types de publics et « proposer, au format poche, les oeuvres complètes des auteurs classiques, en préservant un grand confort de lecture[1] », les « Albums de la Pléiade » sont un produit généré par le département marketing de la firme Gallimard, dont la fonction primaire est d’ordre promotionnel. Les Albums paraissent à raison d’un volume par an et ne peuvent être acquis par le biais de l’achat : dans le cadre de la campagne publicitaire printanière, ces volumes sont offerts aux lecteurs à l’achat de trois volumes de la « Bibliothèque de la Pléiade » à l’occasion de l’annuelle Quinzaine de la Pléiade, qui se déroule au mois de mai dans de nombreuses librairies en France et à l’étranger. Ce mode de distribution particulier confère d’emblée aux « Albums de la Pléiade » un statut d’objets de collection ; par ailleurs, leur tirage tourne autour des 40 000 exemplaires[2], bien que ce nombre soit susceptible de varier ; enfin, ils ne sont jamais réimprimés.
Les Albums proposent, pour la plupart[3], des biographies d’auteurs précédemment publiés par la « Bibliothèque de la Pléiade » qui s’appuient essentiellement sur des images de natures diverses, accompagnées d’un texte biographique dont le style demeure généralement factuel. Si le récit textuel des « Albums de la Pléiade » arbore toutes les caractéristiques du genre biographique, le dispositif médiatique de ces livres complexifie leur composition générique — l’iconographie est en effet destinée, selon les auteurs des Albums, à constituer l’élément central de ces volumes, alors que le texte est censé tenir un rôle secondaire. Ces livres donnent ainsi à voir de riches collections de portraits, documents, manuscrits, fac-similés de correspondances, photographies d’objets ayant intégré le quotidien des auteurs, de lieux qu’ils ont habités et traversés, etc.[4], à travers lesquelles un récit chronologique relativement bref suit son propre cours. Une telle configuration conduit certains auteurs de ces Albums à refuser l’appartenance de leurs ouvrages au genre biographique pour proposer divers genres alternatifs, tout en soulignant la prééminence de l’iconographie dans ces livres. Dans cette étude, nous nous interrogerons sur le rapport que la biographie, telle qu’elle est pratiquée dans cette collection, entretient avec l’image et sur les raisons d’un tel rejet de ce genre par les auteurs de ces volumes au profit d’une innovation médiatique fondée sur une hybridité qui conduirait, selon eux, à une reconfiguration d’ordre générique.
Un genre marginalisé
Dans le livre collectif The Art of Literary Biography, Richard Holmes consacre un chapitre à la relation que la biographie entretient avec la « vérité », qu’il ouvre en énonçant le statut du genre au sein du paysage littéraire :
Ce que je voudrais suggérer c’est que la biographie […] a essentiellement, de par ses origines mêmes, mauvaise réputation. Son génie, et sa généalogie même, sont impurs. Elle a été admirée et attaquée pendant sa première floraison au dix-neuvième siècle, tout comme elle est admirée et attaquée de nos jours. Elle a toujours détenu le statut douteux d’une dissidente ou d’un art bâtard, et c’est exactement pour cela qu’elle demeure aussi vivante, aussi adaptable, aussi dangereuse pour tous ceux qu’elle concerne : les écrivains, les sujets, les lecteurs, et avant tout ses critiques, qui aimeraient qu’elle soit docile[5].
Cette courte introduction témoigne de deux caractéristiques essentielles à la biographie, qui constitueront le départ de l’argumentation dans cette étude. Premièrement, la biographie est un genre composite, en constante évolution, qui n’atteint jamais de « pureté[6] » littéraire. Ensuite, la biographie a depuis sa naissance été un genre marginalisé, voire discrédité, tout en demeurant essentielle à la composition de l’entièreté du paysage littéraire. Daniel Madelénat qualifie ainsi la biographie de « genre mineur, confus, douteux, [qui] jouit depuis dix millénaires, en Occident, d’un succès toujours renouvelé, et témoigne d’une singulière aptitude à survivre en milieu culturel hostile[7] ». La « biographie littéraire » est une double victime de ce paradoxe qui fait d’elle un genre populaire bien que constamment discrédité, puisqu’elle traite de ce même champ littéraire qui contribue à sa marginalisation. La biographie littéraire désigne, comme l’explique Ann Jefferson, le genre consacré spécifiquement aux vies d’écrivains[8] ; or, ce terme souligne le coeur même du problème que les critiques associent au genre, puisqu’il suggère justement une certaine littérarité de la biographie (incarnée notamment par la narrativisation de la vie des auteurs), qui demeure jusqu’à nos jours un sujet de débat constant.
Dans le cas des « Albums de la Pléiade », la question de la littérarité se transpose sur plusieurs niveaux en vertu de la constitution médiatique particulière de ces livres. S’ils racontent bien les vies d’auteurs précédemment publiés par la « Bibliothèque de la Pléiade », les Albums enrôlent l’iconographie en tant que médium porteur de leur narrativité : les auteurs des Albums répètent ainsi à plusieurs reprises en paratexte des formules telles que « le texte, ici, n’a la valeur que d’un commentaire des images[9] ». Le médium de l’image influe sur la constitution générique de ces livres en minimisant le rôle de leur textualité, qui sous-tend classiquement la biographie, laissant la place à une panoplie de genres qui s’articulent entre eux en s’appuyant sur la scénographie de l’album photos pour constituer un discours propre, fondé sur les images[10]. Plusieurs auteurs d’Albums, en commençant par les volumes les plus anciens tels que l’Album Balzac[11], l’Album Zola[12] ou l’Album Dostoïevski, prétendent ainsi donner à voir « une sorte de film documentaire[13] » sur la vie des écrivains présentés ; d’autres auteurs mentionnent notamment l’exposition[14], proposant une interprétation générique dont la nature se base sur l’intermédialité inhérente à cette collection.
Pourtant, en observant la tradition biographique en France, Ann Jefferson constate :
C’est un caractère propre à de nombreux récits de vie contemporains de brouiller les frontières génériques […], et une bonne part du mérite de la biographie dans la littérature française contemporaine peut être considérée dans le contexte de ce mélange productif, et parfois provocateur, de régimes génériques[15].
Ce mélange de divers genres constitue donc une caractéristique inhérente à la biographie, nécessaire à son évolution et à son auto-constitution. Et si les « Albums de la Pléiade » s’investissent plus loin encore dans cette logique, puisque c’est leur nature intermédiale qui repousse les limites génériques au sein de ces ouvrages, leur appartenance au genre biographique ne s’en verrait pas nécessairement affectée pour autant, puisque l’élément textuel de ces livres remplit les critères d’une biographie classique. Toutefois, les auteurs des Albums insistent tour à tour en paratexte sur la généricité hybride de ces volumes, afin d’attirer l’attention lectoriale sur le renversement médiatique qui s’y opère, tout se passant comme si, sans ces indications, le caractère composite des Albums échapperait aux yeux des lecteurs. Mais pourquoi les auteurs de ces volumes semblent-ils accorder tant d’importance à la mise en avant de leur hybridité médiatique ?
Des non-biographies ?
Si le discours auctorial des Albums demeure ainsi orienté vers la prééminence du rôle des images dans la constitution narrative de ces livres, ce même discours paratextuel vise simultanément non seulement à minimiser le rôle du texte, mais aussi, dans maints volumes, à rejeter l’appartenance des Albums au genre biographique pour proposer des classifications génériques alternatives, sur lesquelles les auteurs ne semblent pas foncièrement s’accorder à l’échelle de la collection. L’on voit ainsi, outre le film et l’exposition évoqués ci-dessus, défiler des mentions d’« iconographie », d’essai, voire encore d’« album » en tant que genre à part entière. Les préfaces des Albums, dans lesquelles figurent ces revendications paratextuelles, sont souvent intitulées « Avertissement ». Cette appellation suggère d’emblée un écart vis-à-vis d’une certaine norme qui se traduit effectivement en termes génériques, et si les auteurs des Albums évoquent divers arguments pour une telle prise de position, aucune raison unanime derrière ce rejet de la biographie n’est discernable d’un point de vue éditorial. On voit çà et là, pourtant, se profiler des interrogations formulées par les biographes, qui ont depuis toujours accompagné le genre, remettant en question aussi bien leur propre légitimité en tant qu’auteurs, que celle de l’exercice de l’écriture d’une vie auquel ils se prêtent. Notons que ce rejet récurrent de la biographie s’inscrit dans la mouvance qui prévaut dans les années contemporaines de l’établissement des « Albums de la Pléiade », notamment due aux théories de Roland Barthes[16] et de Michel Foucault[17], et qui tendait à discréditer la biographie comme outil critique. Au sein de cette collection, ce rejet prend toutefois place dans sa configuration particulière d’un point de vue générique, et donne de ce fait des inflexions spécifiques à ces prises de positions, sur lesquelles nous nous pencherons désormais plus en détail.
Certains auteurs, tels que Pierre Hebey, font ainsi mine de s’adresser aux lecteurs, comme s’ils contraient l’interprétation générique que le lectorat aurait d’emblée proposée avant même d’avoir ouvert l’Album Simenon : « Une biographie ? Dieu merci, il en existe de fort bien faites qui ont même reçu l’imprimatur du maître, premier fournisseur de matériaux vrais-faux ou faux-vrais, parfois vrais tout court (ces instants de vérité étant — on le sait — le meilleur des masques)[18]. » Hebey aborde dans son « Avant-propos » la question de la « vérité », souvent sujette à des embellissements de la part du biographe, qui accompagne éternellement l’élaboration de récits de vie[19]. En s’engageant dans un dialogue fictif avec ses lecteurs, l’auteur insiste sur le caractère polémique de sa réfutation du genre biographique, tout se déroulant comme s’il cherchait à attirer le regard des lecteurs sur la composition hors normes des « Albums de la Pléiade » afin de se distancier de la formule biographique « classique ». Or, cette interprétation biographique est considérée par certains auteurs comme étant un mal nécessaire, en quelque sorte. Victor Del Litto écrit par exemple dans l’« Avertissement » de son Album Stendhal :
Cet Album est […] le premier essai d’iconographie stendhalienne proprement dite. Il va sans dire qu’une part importante devait être faite à la vie de Stendhal. […] Non que l’oeuvre de Stendhal doive être inéluctablement ramenée à sa biographie. Les générations qui nous ont précédés sont souvent tombées dans ce travers, et c’est à juste titre qu’on leur en a fait grief[20].
Pour Del Litto, la composante biographique doit laisser la place à l’oeuvre, qui, plutôt que la vie, présente le vrai intérêt de son travail — l’auteur se penche ici sur la tendance saint-beuvienne à instrumentaliser la biographie de façon excessive en tant qu’unique source de l’oeuvre. L’iconographie, montrée ici quasiment comme un genre à part entière (« ceci n’est pas une biographie mais bien une iconographie »), constitue pour Del Litto un outil d’accès bien plus direct à la littérature de Stendhal. Par ces affirmations, l’auteur établit par ailleurs simultanément le cadre générique propre à son ouvrage, celui de l’essai iconographique, dès les premières lignes de son introduction. Dans l’« Avertissement » de l’Album Breton, Robert Kopp adopte une logique de pensée similaire à celle de Del Litto, donnant à l’image le pouvoir de rendre fidèlement la création d’André Breton, ce dont la biographie serait incapable dans ses limitations médiatiques :
Le lecteur ne trouvera pas ici une nouvelle biographie d’André Breton. […] [Dominique Bozo] a montré — et nous voudrions le faire à notre tour — que c’est l’image qui est au centre du projet de Breton. C’est elle qui, grâce à son « électricité mentale », rétablit les « contacts primordiaux » et touche à ce « point suprême » permettant de résoudre les antinomies du sujet et de l’objet[21].
En recourant à un vocabulaire élaboré par Breton afin d’étayer son refus de souscrire au genre biographique, Kopp se place par ailleurs sous le patronage de l’écrivain surréaliste et fait valoir son oeuvre comme point d’entrée à la « vérité » du sujet.
Certains auteurs encore, tels que Jean Ristat dans l’Album Aragon, réfutent l’appartenance de leur Album au genre biographique en évoquant leur statut en tant qu’auteurs, revenant ainsi à l’éternel défi inhérent au genre biographique visant à maintenir un équilibre entre l’objectivité du chercheur et l’affection éprouvée pour l’auteur biographié[22]. Ristat, ancien ami d’Aragon, n’est ainsi ni son biographe, ni un historien ; ergo, l’Album Aragon n’est pas une biographie :
Je ne suis pas le biographe d’Aragon. L’oeuvre se suffit à elle-même. Je n’aime pas fouiller dans les tiroirs, ouvrir le courrier des autres. S’il y a un secret, il ne m’appartient pas de le lire. Et si l’écriture, comme l’amour, était l’expérience même de la dépossession ? Je ne suis pas historien. On voudra bien me pardonner mon traitement de la chronologie, encore qu’elle en vaille d’autres. […] J’ai, au bout du compte (du conte ?), beaucoup écrit sur Aragon. Non comme un juge qui aurait eu le dernier mot, mais en tant qu’acteur qui n’a cessé de réécrire son rôle et celui d’Aragon dont j’ai fait un personnage de fiction sur la scène de mon propre théâtre[23].
Selon Ristat, l’Album Aragon n’est pas une biographie parce qu’il repose sur un investissement émotionnel, et est donc empreint du parti pris de l’auteur dans le récit de vie de son ami. Une biographie se devrait, d’après Ristat, d’être absolument objective, et son point d’intérêt central devrait être l’oeuvre d’Aragon, qui « se suffit à elle-même » et ne nécessiterait donc pas de récit biographique pour l’expliciter. Les propos de Ristat accentuent ainsi le rapport problématique que la biographie entretient avec la littérature, non pas, dans ce cas, dans son appartenance marginalisée au champ littéraire, mais bien dans ses modes de représentation de la littérature, à travers lesquels le souci de véracité succomberait à un désir de « littérarisation » de la réalité.
Alors que plusieurs auteurs d’Albums rejettent le genre biographique en paratexte, le projet éditorial de la collection lui-même semble également vouloir s’en distancier. Ainsi, Pierre Clarac et André Ferré écrivent, dans l’« Avertissement » de leur Album dédié à Proust : « Nous n’avions pas ici à écrire la biographie de Proust, mais seulement à situer et à commenter les images qui illustrent sa vie[24]. » Une telle affirmation laisse entrevoir la possibilité d’une consigne éditoriale qui vise elle-même à faire émerger à travers ces volumes un genre nouveau, aux impératifs duquel les auteurs devraient se conformer en abandonnant l’idée d’une biographie. Le sous-titre récurrent de chaque Album témoigne davantage de cette résolution, puisqu’il indique « iconographie réunie et commentée par X » (X = auteur de l’Album) et contribue à positionner les images au centre du projet dès le départ. La nature composite de ces volumes semble toutefois susciter une certaine indécision en termes de classification auprès de leur propre éditeur, Gallimard. En effet, alors que dans le catalogue repris par le site Internet de la Pléiade, sous le titre de chaque Album figure la mention « Iconographie commentée », que l’on retrouve également sur les jaquettes en carton, la section de ce même site Web dédiée à la collection mentionne les termes de « biographies ou monographies littéraires illustrées[25] ». S’il donne au lecteur une impression d’oeuvre inachevée, ce discours éditorial hésitant met cependant en lumière une caractéristique constituante de la collection, à savoir, plutôt qu’une prépondérance de la biographie ou de l’iconographie, une complémentarité médiatique qui donne lieu à des objets dont la nature éclectique leur confère une place unique sur le spectre générique.
Le texte dans l’image
À travers leurs revendications paratextuelles qui visent à se distancier du genre biographique, les auteurs des Albums mettent ainsi en exergue l’évidence d’une telle interprétation générique lectoriale. Inévitablement, les Albums sont en premier lieu perçus comme des biographies, puisqu’ils racontent les vies des écrivains « pléiadisés » de façon chronologiquement ordonnée. Le besoin de la part des auteurs d’expliciter le projet d’un point de vue générique conduit ainsi à penser que, sans l’intervention auctoriale, le lecteur tendrait à fonder son appréciation exclusivement sur l’élément textuel de ces livres. Les auteurs des Albums semblent donc chercher à établir un équilibre entre les rôles du texte et de l’image dans la collection en insistant sur l’iconographie comme vecteur principal de la narration de ces volumes et comme mode de représentation le plus objectif d’un patrimoine foncièrement textuel.
Si, dans leur volonté de mise en avant de la représentation iconographique, les « Albums de la Pléiade » n’offrent quasiment aucun commentaire de l’oeuvre des écrivains portraiturés, celle-ci est pourtant physiquement présente dans chaque volume, sous la forme de manuscrits, reproductions de couvertures de livres, annotations, etc. Par le biais de la nature indexicale de la photographie[26], les Albums rapprochent ainsi le lecteur de l’oeuvre littéraire en contournant la médiation du récit textuel. Le désir de retrouver l’oeuvre dans la vie des auteurs, qui n’est guère révolutionnaire lorsque l’on prend en considération l’histoire du genre[27], se manifeste dans de nombreuses citations à travers l’entièreté de la collection ; les premiers volumes, chargés d’établir une ligne de conduite pour le reste de la série, en proposent un bon exemple. Ainsi, écrit Jean Ducourneau dans le premier « Album de la Pléiade », consacré à Balzac :
Notre intention n’a pas été d’illustrer la vie de Balzac, mais, au contraire, de commenter une iconographie balzacienne. […] On trouvera ainsi la ferme Gibary où se déroule un épisode dramatique des Chouans, la rue du Val-Noble à Alençon où se situe l’hôtel de la vieille fille, le vieux quartier des Tuileries où demeure la cousine Bette. Mme d’Agoult, George Sand, Listz [sic], Gustave Planche s’offrent à nos yeux comme les prototypes des personnages principaux de Béatrix, tandis que la princesse Bagration, au visage si pur, sert de modèle à la cruelle Foedora dans la Peau de Chagrin[28].
Dans cet « Avertissement », Ducourneau met en premier lieu ses lecteurs en garde, annonçant le ton pour la suite de la collection : ce qu’ils ont entre les mains est une iconographie, et non pas une biographie. Ensuite, il énumère de nombreux endroits et noms de personnages qui ont pu devenir des sources d’inspiration pour Balzac lors de l’écriture de son oeuvre. Après une courte introduction de l’objectif d’un « Album de la Pléiade », l’auteur se penche ainsi rapidement sur l’oeuvre de Balzac et la façon dont elle était présente dans la vie de l’auteur avant d’avoir vu le jour. Martine Ecalle et Violaine Lumbroso justifient à leur tour un projet iconographique par l’accès direct qu’une telle représentation de la vie de l’écrivain offre à son oeuvre :
Après Balzac et Zola, introduire Victor Hugo dans une collection iconographique était opportun à un moment où le recul permet, dans des perspectives nouvelles, l’examen d’une oeuvre immense étalée sur presque tout le xixème siècle. […] La beauté du graphisme des manuscrits nous a souvent conduites à donner au lecteur, avec leur reproduction, ce contact privilégié avec l’oeuvre[29].
Dès les premières lignes de leur « Avertissement », Ecalle et Lumbroso posent l’oeuvre de Hugo au centre de cette « collection iconographique ». L’image offre alors le meilleur moyen pour le lecteur d’effleurer cette oeuvre des yeux dans son état brut, celui du manuscrit, qui dévoile le processus de fabrication de l’opus — on voit ainsi dans l’Album de nombreuses pages marquées de ratures et d’annotations, montrant le cheminement intellectuel de Victor Hugo. Pierre Clarac et André Ferré, auteurs de l’Album Proust, vont pour leur part jusqu’à structurer la vie de Marcel Proust selon les périodes consacrées à l’écriture de ses oeuvres subséquentes, le Temps perdu et le Temps retrouvé :
[Les images] s’offraient à nous assez nombreuses pour les années où il s’est mêlé au monde, soucieux d’élargir le cercle de ses relations, pèlerin passionné de musées et d’églises romanes. Elles se font bien plus rares lorsqu’il devient, dans sa chambre de malade, le prisonnier de son oeuvre. Il est plus facile d’illustrer le Temps perdu que le Temps retrouvé. C’était d’ailleurs une idée chère à Proust, et c’est l’un des thèmes de son roman, que la vie extérieure d’un écrivain ne saurait rien nous apprendre sur l’activité créatrice qui se poursuit au profond de lui-même et dont les sollicitations du dehors ne peuvent que troubler ou interrompre le cours. […] On trouvera reproduits dans notre album quelques-uns des tableaux, des monuments, des paysages dont le souvenir hantait son génie. En comparant Illiers à Combray, le Loir à la Vivonne, le Pré Catelan au parc de Tansonville, on entreverra le mystère de transfiguration et d’enrichissement dont s’accompagnent les résurgences de la mémoire involontaire[30].
Invoquant ici l’oeuvre de Marcel Proust, les auteurs discréditent, au premier abord, leur propre projet qui, bien qu’assignant une place cardinale à l’iconographie, donne tout de même à lire un récit de cette « vie extérieure » de l’écrivain. Ce faisant, Clarac et Ferré livrent toutefois un portrait de l’auteur qui s’aligne sur sa conception de la littérature. Après avoir évoqué la révulsion éprouvée ouvertement par Proust à l’encontre d’une interprétation biographique de son oeuvre, les auteurs procèdent avec une comparaison entre la vie et l’oeuvre de l’écrivain en retraçant ses potentielles sources d’inspiration et en les documentant méticuleusement, cherchant à en retrouver la part autobiographique.
La même volonté de représenter l’oeuvre dans la vie est évoquée par Bernard Gagnebin dans l’Album Rousseau :
L’Album Pléiade Rousseau est une première tentative de rassembler une iconographie aussi complète que possible de Rousseau et de son temps. Une place importante a été réservée aux paysages que l’écrivain a décrits dans ses livres, à ces sites privilégiés qui n’ont, chose rare, guère changé depuis le xviiie siècle, les Charmettes, Môtiers, l’île de Saint-Pierre, Ermenonville[31].
Ces quelques préfaces, qui sont loin d’être les seules de la collection, témoignent d’une volonté, à l’échelle de la série, de conférer un statut « littéraire » à la vie des écrivains. Il va de soi que l’objectif évoqué ici par les auteurs des Albums, celui de retrouver l’oeuvre dans la vie de son auteur, a depuis bien longtemps été un des enjeux principaux de la biographie littéraire[32]. Ce paradigme demeure en outre peu surprenant au vu de la fonction primaire de la collection, qui vise à vendre le canon littéraire publié dans la « Bibliothèque de la Pléiade » — la mise en valeur de l’oeuvre constitue l’objectif premier de ces volumes, habilement empaqueté dans un fétichisme du lecteur vis-à-vis de l’écrivain. En quoi, dès lors, l’iconographie, que les auteurs des Albums cherchent résolument à mettre en avant au détriment du textuel, offre-t-elle un avantage dans la poursuite de ce but, face à la formule biographique « classique » ?
Premièrement, les « Albums de la Pléiade » sont des objets promotionnels, destinés à fidéliser les lecteurs de la « Bibliothèque de la Pléiade », mais aussi à les inciter à l’achat d’au moins trois volumes par saison. En vertu de cette fonction publicitaire, les Albums se doivent donc d’être des objets attrayants, montrant une certaine innovation dans leur approche du canon littéraire traditionnel proposé par leur collection-mère. L’image, qui trône au centre de la publicité du xxe siècle[33], constitue dès lors un outil idéal pour faire vendre des oeuvres littéraires demandant un certain investissement intellectuel en ce qu’elle offre, en tant que médium, la possibilité d’une réception « immédiate » par son lecteur. La matérialité de l’image confère par ailleurs un statut de « goodie » matériel à l’objet-livre, favorisant la promotion de la « Bibliothèque de la Pléiade » en investissant la logique du (faux) don[34].
Ensuite, l’iconographie permet de contourner le rapport problématique que la biographie entretient avec la littérature, puisqu’elle n’est pas engagée dans une concurrence de deux médiums écrits aux frontières entre la littérature canonique et la littérature ancillaire. Selon François Brunet, une cohabitation médiatique du texte et de l’image est, du moins dans la critique universitaire, traditionnellement perçue d’un point de vue littéraire, l’image étant habituellement considérée comme un ajout secondaire, un « intrus » dans l’espace livresque[35], une affirmation qui se vérifie dans la collection à travers la nécessité qu’éprouvent les auteurs des Albums — qui sont, pour une grande part et particulièrement au début de la collection, des universitaires — d’insister sur le rôle prééminent de la composante iconographique. Le débat touchant à la « littérarité » de ces biographies ne se joue ainsi pas sur le plan de leur élément textuel, qui demeure relativement factuel puisqu’il se veut « simple commentaire » plutôt que récit autonome, mais bien au niveau de leur iconographie et de son rapport indexical à la chose littéraire, permettant aux Albums de mettre en vigueur leurs propres règles de représentation de la littérature, en s’appuyant sur la référentialité de la photographie.
L’avantage final d’une mise en scène de vies d’auteurs au moyen de l’iconographie tient à la nature fragmentaire de la scénographie de l’album photos. On pense ainsi au reproche fait à la biographie par Pierre Bourdieu dans son article « L’illusion biographique », dans lequel il accuse le genre d’assujettir la vie de ses objets à un dénouement précis, à un récit trop cohérent qui cherche à attribuer une signification à chaque détail anecdotique de la vie de la personne biographiée, afin de faire converger tous les événements de sa vie en un seul point, celui du génie littéraire en devenir :
Le récit, qu’il soit biographique ou autobiographique, […] propose des événements qui, sans s’être tous et toujours déroulés dans leur stricte succession chronologique […], tendent ou prétendent à s’organiser en séquences ordonnées selon des relations intelligibles. Le sujet et l’objet de la biographie (l’enquêteur et l’enquêté) ont en quelque sorte le même intérêt à accepter le postulat du sens de l’existence racontée (et, implicitement, de toute existence)[36].
John Batchelor élabore ces propos en avançant que l’écriture d’une biographie littéraire nécessite un large spectre de compétences de la part de l’auteur, qui plutôt que de retracer la vie de l’écrivain biographié, doit la recréer par souci d’une continuité narrative :
Le biographe littéraire doit exécuter une performance d’équilibriste. Il/elle doit garder un équilibre entre objectivité et engagement personnel, entre une dépendance des preuves documentaires (lettres, journaux et mémoires) et une recréation intuitive, entre l’enfance sous-documentée du sujet et les années plus tardives de sa distinction, suivies de près mais peut-être fastidieuses. Le biographe littéraire nécessite les compétences d’un intellectuel et d’un historien de la culture, d’un critique littéraire, d’un romancier, et d’un psychiatre. Là où les archives sont fragmentaires, il/elle devrait ajouter à cette liste les capacités d’un archiviste, d’un archéologue, et d’un détective[37].
L’iconographie, alors, permet de prendre une distance vis-à-vis de cette nécessité de continuité d’un point de vue narratif, puisqu’un assemblement d’images offre un collage de plusieurs « moments présents » qui défient la linéarité d’un récit. D’après Mahigan Lepage, les photographies sont des métaphores visuelles du sujet représenté, qui « connote[nt] très communément la fragmentation de la narrativité[38] ». En engageant le médium photographique en tant qu’outil narratif principal, les « Albums de la Pléiade » répondent au reproche que Pierre Bourdieu a fait à la biographie en laissant une mosaïque d’images éclectiques fragmenter les récits de vies en éclats d’instants qui se côtoient et se superposent.
L’iconographie permet par ailleurs d’assumer pleinement l’aspect anecdotique de divers objets montrés, tels que des meubles, cafetières ou façades de bâtiments où l’écrivain a séjourné ; en jouant de sa nature documentaire et mimétique, l’image satisfait un certain fétichisme lectorial tout en préservant la magie de l’« objet trouvé ». Les photographies véhiculent « le réel », selon Susan Sontag, justement en raison de leur nature fortuite, multipliée ici par l’apposition d’images de diverses natures :
Les photos sont, bien entendu, des artefacts. Mais leur pouvoir d’attraction tient à ce que, dans un monde jonché de vestiges photographiques, elles semblent aussi avoir le statut d’objets trouvés : tranches de monde découpées de façon aléatoire. Ainsi, elles profitent simultanément des prestiges de l’art et de la magie du réel. Elles sont les nuages du rêve et la grenaille de l’information[39].
Conclusion : la littérature incarnée
La réflexion de Sontag semble être partagée par les auteurs des Albums, dont certains, comme Henri Matarasso et Pierre Petitfils, voient en l’iconographie la seule manière valide de représenter le caractère extraordinaire de la vie de l’écrivain :
Cette forme, presque filmée, à quelle autre vie conviendrait-elle mieux qu’à celle, prodigieusement mouvementée, d’Arthur Rimbaud ? Au surplus, la jalonner de documents authentiques et d’évocations précises, c’est donner la biographie la plus objective, c’est-à-dire la plus exacte qu’il se puisse faire. La prolifération des exégèses et des interprétations personnelles a voilé la physionomie de Rimbaud. […] C’est le poète dégagé des bandelettes de la légende, le seul qui importe à ceux qu’ont touchés ses vers d’or et sa prose de diamant, qui revit en ces pages[40].
Les « Albums de la Pléiade » visent, selon les affirmations paratextuelles récurrentes de leurs auteurs, à montrer des images d’écrivains les plus fidèles possible à la réalité, ôtées à la légende qui s’est sédimentée autour d’eux au cours du temps. Cette « vraie » image serait la seule recherchée par le lectorat, d’après Matarasso et Petitfils, parce qu’elle est la plus proche de l’origine de l’oeuvre, dont le seul outil de représentation « pure » serait précisément la mise en scène iconographique de la vie de l’écrivain. En recourant à l’iconographie en tant que vecteur narratif de ces livres, les Albums cherchent à donner une image d’auteur qui se veut « objective » et qui vise à remplir le critère de « vérité » exigé de la biographie. Dans cet ordre d’idées, l’objectif des « Albums de la Pléiade » est de « recueillir les traces matérielles[41] » de l’auteur, comme le formulent Pierre Clarac et André Ferré dans l’Album Proust. En partant à la recherche d’une trace visible, d’un dépôt laissé par la vie terrestre des écrivains, les Albums visent à effleurer l’oeuvre du doigt dans sa forme brute, en déchargeant à première vue les auteurs des Albums d’une position critique, pourtant bien présente dans la scénographie de ces volumes qui vise à les présenter comme des auteurs canoniques dont la vie et l’oeuvre sont organiquement liées. Le récit biographique est ici sous-tendu d’un réseau d’instants condensés dans les images ; la diégésis et la mimésis s’y voient confondues.
En mettant la vie des écrivains au service de leur oeuvre avec relativement peu de médiation textuelle, la collection véhicule une idée de littérature canonique qui « va de soi », sur laquelle s’appuie implicitement la campagne publicitaire visant à vendre les oeuvres publiées par la « Bibliothèque de la Pléiade ». Par la formation d’une collection iconographique, les auteurs des Albums permettent au génie des écrivains de parler par lui-même à la faveur du pouvoir évocateur de l’image. Christiane Blot-Labarrère illustre ainsi cette intention en parlant de Marguerite Duras : « Et l’on ira vers elle, moins vers l’histoire de sa vie qui, dit-elle, n’existe pas […]. Comme on se rend à une exposition de peinture, en s’arrêtant devant chaque tableau, des premiers à l’ultime dont le tracé mélancolique illumine l’ensemble[42]. » Blot-Labarrère présente son Album comme un concentré d’instants qui mènent non pas au récit de vie de Duras, mais à sa personne, matérialisée au moyen de l’intermédialité de l’Album. La contiguïté de la photographie à l’événement[43] confère une aura benjaminesque à l’acte d’écriture, notamment par le biais des reproductions de manuscrits, et c’est dans cette incarnation matérielle de l’oeuvre, de la singularité du génie de l’écrivain canonique[44], que se déploie la littérarité des « Albums de la Pléiade ».
La composition des « Albums de la Pléiade » échappe en outre à la hiérarchisation médiatique traditionnelle : par sa mise en exergue du rôle de l’iconographie, le paratexte de ces volumes contribue à équilibrer le rôle du texte et celui de l’image qui, autrement, risquerait d’être perçue comme secondaire par le lectorat. Une présentation du récit textuel comme « simple commentaire des images » ne renverse pas les rôles entre les deux médiums, mais contribue plutôt à ramifier l’attention du lecteur aussi bien vers l’image que vers le texte. La force des « Albums de la Pléiade » réside en effet dans cette symbiose du texte et de l’image, que François Brunet appelle la « phototextualité[45] ». Brunet argumente que la photographie est depuis sa naissance culturellement perçue comme un « standard d’une vérité (visuelle)[46] », alors que la perception post-romantique de la littérature, coïncidant avec la naissance de la photo, véhicule l’idée de la littérature comme une « expression du soi créatif » par excellence. Cette complémentarité des deux médiums concourt à l’élaboration de ce que l’on pourrait alternativement qualifier de portraits biographiques, qui s’appuient sur la scénographie de l’album photos en empruntant une chronologie et une textualité propres à la biographie.
Mahigan Lepage évoque la dualité qui taraude le genre du portrait biographique, qui oscille entre la nature statique, simultanée de l’image et la linéarité du texte. Lepage propose la mise en série de photos comme solution au manque de narrativité qu’on leur reproche, nommant ce genre la « photobiographie ». Pourtant, l’auteur parle d’un « échec » de la mise en série photographique en précisant que « le photographique ne pourrait échapper à sa discontinuité, à sa fragmentation intrinsèque, tant lui est étrangère toute syntaxe narrative[47] ». Or, dans les « Albums de la Pléiade », c’est précisément cette discontinuité qui permet de remédier à la surdétermination, telle que vue par Bourdieu, à laquelle la biographie soumet les vies d’auteurs, et de proposer des portraits kaléidoscopiques d’écrivains, tout en y intégrant leur oeuvre comme partie organique de leur vie. Sur ce point, Ann Jefferson suggère que, si la biographie ne doit pas nécessairement être considérée comme étant de la littérature à proprement parler, sa continuelle contribution à l’évolution du champ littéraire lui confère une certaine « littérarité » inhérente[48]. Les « Albums de la Pléiade » appellent ainsi à l’osmose entre deux médiums, opposés en apparence, mais mis au service de la littérature de façon équilibrée de par leur participation active à l’espace d’étayage[49], au moyen des possibilités génériques qui résultent de leur combinaison et qui visent à capturer et à transmettre le caractère foncièrement littéraire du patrimoine donné à voir dans cette collection.
Parties annexes
Note biographique
Marcela Scibiorska est post-doctorante à l’UCLouvain. Après avoir achevé son doctorat, intitulé Les « Albums de la Pléiade ». Histoire et analyse discursive d’une collection patrimoniale à l’Université de Louvain (KU Leuven) et à Sorbonne Université, elle a effectué un post-doctorat portant sur les portraits de pays illustrés à la Guilde du Livre à l’Université de Lausanne. Ses intérêts comprennent les relations entre littérature et publicité, la construction discursive de l’image d’auteur et les processus de patrimonialisation de la littérature. Actuellement, son travail porte sur le maniement physique des images par les écrivains d’avant-garde de la première moitié du vingtième siècle.
Notes
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[1]
Site de Gallimard, « Collection Bibliothèque de la Pléiade » [En ligne], consulté le 6 février 2020, URL : http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Bibliotheque-de-la-Pleiade.
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[2]
Ambroise Pujebet, directeur commercial de Gallimard, confie à L’Express : « Nous imprimons 40 000 exemplaires de chaque album en un unique tirage. Ils sont vendus aux libraires au prix coûtant de 60 francs » (Martine de Rabaudy, « La Pléiade, une collection en or », dans L’Express [En ligne], mis en ligne le 29 juillet 1999, consulté le 6 février 2020, URL : http://www.lexpress.fr/informations/la-pleiade-une-collection-en-or_634459.html).
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[3]
Cinq des 66 « Albums de la Pléiade » ne sont pas consacrés à des auteurs uniques, à savoir les Albums Théâtre classique (1970), Les écrivains de la Révolution française (1989), NRF (2000), Le livre des mille et une nuits (2005) et Le livre du Graal (2009).
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[4]
Sur les représentations photographiques des écrivains, voir David Martens, « Imageries photographiques de l’écrivain. Esquisse de typologie prospective », dans Interférences littéraires/Literaire interferenties, à paraître.
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[5]
« What I want to suggest is that biography […] is essentially, and by its very origins, disreputable. Its genius, and indeed its very genealogy, is impure. It was relished and attacked during its first popular flowering in the eighteenth-century, just as it is relished and attacked today. It has always had the doubtful status of a maverick or mongrel art, and that is precisely why it remains so alive, so adaptable, so dangerous for all concerned: writers, subjects, readers, and most of all for its critics who want it to behave. » (Richard Holmes, « Biography: Inventing the Truth », dans John Batchelor (dir.), The Art of Literary Biography, Oxford, Clarendon Press, 1995, p. 5 ; je traduis).
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[6]
La notion de « pureté » est ici empruntée à la revendication d’André Gide à l’égard du roman, « dépouillé de tous les éléments qui n’appartiennent pas spécifiquement » au genre en question (Les faux monnayeurs [1925], dans Romans et récits ii, Paris, Gallimard, 1972, p. 277). Voir Didier Alexandre, « Sur la littérature pure », dans Didier Alexandre et Thierry Roger (dir.), Puretés et impuretés de la littérature (1860-1940), Paris, Garnier, 2015, p. 20.
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[7]
Daniel Madelénat, La biographie, Paris, Presses universitaires de France, 1984, p. 10.
-
[8]
Ann Jefferson, Biography and the Question of Literature in France, Oxford, Oxford University Press, 2007, p. 4.
-
[9]
Jean Ducourneau, « Avertissement », Album Balzac, Paris, Gallimard, 1962, p. vii.
-
[10]
Voir Marcela Scibiorska, « La généricité composite d’une collection patrimoniale : les “Albums de la Pléiade” », dans Cahier voor Literatuurwetenschap, no 9 (Genrehybriditeit in de literatuur, dir. Reindert Dhondt et David Martens), 2017, p. 65-75.
-
[11]
« Ce premier Album illustré de la collection de la Pléiade a été conçu à la manière d’un film documentaire ou, du moins, comme un film, il offre une succession d’images empruntées à la vie et à l’oeuvre de Balzac » (Jean Ducourneau, « Avertissement », Album Balzac, ouvr. cité, p. vii).
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[12]
« Ainsi s’ordonne, à la manière d’un film, une suite d’images dont le déroulement permettra peut-être de mieux déceler le dépôt qu’ont laissé, dans la substance de l’oeuvre, la vie de l’homme et celle de son siècle » (Henri Mitterand et Jean Vidal, « Avertissement », Album Zola, Paris, Gallimard, 1963). Il est à remarquer que bon nombre de textes introducteurs des Albums (de l’Album Zola à l’Album Théâtre classique compris) ne bénéficient pas de numéros de pages : la page no 1 de ces volumes correspond alors à la première page du texte biographique et des images.
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[13]
« Aussi, la qualité, la richesse et l’importance de cette iconographie n’échapperont, sans doute, à aucun des fervents de l’écrivain ; même pour l’amateur le moins exigeant, l’ensemble de ces documents, dans le montage qui en a été fait, compose une sorte de film documentaire sur la vie de Dostoïevski » (Gustave Aucouturier et Claude Menuet, « Note de l’éditeur », Album Dostoïevski, Paris, Gallimard, 1975, p. 8).
-
[14]
Martine Ecalle et Violaine Lumbroso, « Avertissement », Album Hugo, Paris, Gallimard, 1964, n. p. ; Christiane Blot-Labarrère, « Avant-propos », Album Duras, Paris, Gallimard, 2014, p. 9.
-
[15]
« It is a feature of many contemporary récits de vie to blur generic boundaries, […] and much of the value of biography in contemporary French literature can be seen in the context of this productive and sometimes provocative mixing of generic modes. » (Ann Jefferson, Biography and the Question of Literature in France, ouvr. cité, p. 7 ; je traduis).
-
[16]
Roland Barthes, Le bruissement de la langue. Essais critiques iv, Paris, Seuil, 1984.
-
[17]
Michel Foucault, Dits et écrits (1954-1988), Paris, Gallimard, 2001.
-
[18]
Pierre Hebey, « Avant-propos », Album Simenon, Paris, Gallimard, 2003, n. p.
-
[19]
Pour la question de la « vérité » dans les biographies, voir Richard Holmes, « Biography: Inventing the Truth », art. cité.
-
[20]
Victor Del Litto, « Avertissement », Album Stendhal, Paris, Gallimard, 1966, n. p.
-
[21]
Robert Kopp, « Avertissement », Album Breton, Paris, Gallimard, 2008, p. 7 ; l’auteur souligne.
-
[22]
John Batchelor (citant Richard Holmes), « Introduction », The Art of Literary Biography, ouvr. cité, p. 5.
-
[23]
Jean Ristat, « Avant-propos », Album Aragon, Paris, Gallimard, 1997, n. p. ; l’auteur souligne.
-
[24]
Pierre Clarac et André Ferré, « Avertissement », Album Proust, Paris, Gallimard, 1965, n. p.
-
[25]
Site de Gallimard, « Collection Albums de la Pléiade » [En ligne], consulté le 16 juin 2018, URL : http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Albums-de-la-Pleiade.
-
[26]
Voir notamment Göran Sonesson, Semiotics of Photography — On tracing the index, Report 4 from the Project « Pictorial meanings in the society of information », Lund University, 1989.
-
[27]
Voir Mahigan Lepage, « Biographique et photographique, éléments de théorie », dans Robert Dion et Mahigan Lepage (dir.), Portraits biographiques, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « La Licorne », 2009, p. 56.
-
[28]
Jean Ducourneau, « Avertissement », Album Balzac, ouvr. cité, p. vii.
-
[29]
Martine Ecalle et Violaine Lumbroso, « Avertissement », Album Hugo, Paris, Gallimard, 1964, n. p. ; je souligne.
-
[30]
Pierre Clarac et André Ferré, « Avertissement », Album Proust, ouvr. cité, n. p.
-
[31]
Bernard Gagnebin, « Avertissement », Album Rousseau, Paris, Gallimard, 1976, p. 8.
-
[32]
Voir Ann Jefferson, Biography and the Question of Literature in France, ouvr. cité, p. 256.
-
[33]
Voir Sut Jhally, The Codes of Advertising: Fetishism and the Political Economy of Meaning in the Consumer Society, London, Frances Pinter, 1987, p. 22.
-
[34]
Voir Marcela Scibiorska, « L’auteur comme produit d’appel : les figures d’écrivains dans les “Albums de la Pléiade” », dans Nottingham French Studies (L’image d’auteur dans les collections de monographies illustrées de poche, dir. David Martens et Galia Yanoshevsky), vol. 58, no 3, 2019.
-
[35]
François Brunet, Photography and Literature, Londres, Reaktion Books, 2009, p. 8.
-
[36]
Pierre Bourdieu, « L’illusion biographique », dans Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 62-63, no 1 (L’illusion biographique), 1986, p. 69 ; l’auteur souligne.
-
[37]
« The literary biographer must perform a balancing act. He/she must keep the balance between objectivity and personal engagement, between reliance on documentary evidence (letters, journals, and memoirs) and intuitive re-creation, between the subject’s under-documented childhood and his/her well-monitored but perhaps tedious years of elderly distinction. The literary biographer needs the skills of an intellectual and cultural historian, a literary critic, a novelist, and a psychiatrist. Where the record is fragmentary he/she should add to that list the abilities of an archivist, an archaeologist, and a sleuth. » (John Batchelor, « Introduction », The Art of Literary Biography, ouvr. cité, p. 4-5 ; je traduis).
-
[38]
Mahigan Lepage, « Biographique et photographique », art. cité, p. 54.
-
[39]
Susan Sontag, Sur la photographie, trad. de l’anglais par Philippe Blanchard, Paris, Christian Bourgois, 2008, p. 103.
-
[40]
Pierre Petitfils et Henri Matarasso, « Avertissement », Album Rimbaud, Paris, Gallimard, 1967, n. p.
-
[41]
Pierre Clarac et André Ferré, « Avertissement », Album Proust, ouvr. cité, n. p.
-
[42]
Christiane Blot-Labarrère, « Avant-propos », Album Duras, ouvr. cité, p. 9 ; l’auteure souligne.
-
[43]
Mahigan Lepage, « Biographique et photographique », art. cité, p. 67.
-
[44]
Voir Pierre Bourdieu, « L’illusion biographique », art. cité, p. 69-72.
-
[45]
François Brunet, Photography and Literature, ouvr. cité, p. 11.
-
[46]
François Brunet, Photography and Literature, ouvr. cité, p. 10.
-
[47]
Mahigan Lepage, « Biographique et photographique », art. cité, p. 68.
-
[48]
Ann Jefferson, Biography and the Question of Literature in France, ouvr. cité, p. 15.
-
[49]
Pascale Delormas appelle l’« espace d’étayage » « la fabrique de l’image auctoriale au sein de tout l’interdiscours, c’est-à-dire, par exemple, des commentaires critiques qui la promeuvent ou la discréditent et qui donnent lieu à la reconnaissance collective dont l’oeuvre a besoin pour exister » (« Espace d’étayage : la scène et la coulisse. Contribution à l’analyse de la circulation des discours dans le champ littéraire », Cahiers voor Literatuurwetenschap, no 6 [À propos de l’auteur, dir. Matthieu Sergier, Mark van Zoggel et Hans Vandevoorde], 2014, p. 59-60).