Résumés
Abstract
Etienne Gilson called “metaphysics of the Exodus” the thought which affirms the identity of God and Being, a fundamental thesis of “Christian philosophy” since Augustine. It is indeed authorized by the word – “I am He who is” – addressed to Moses on Sinai, as it was transmitted through its Greek and Latin translations. Which seems to inscribe the God of Biblical Revelation in Western metaphysics understood as onto-theology. Such a “god” then exposes himself to the same fate – and the same decline – as that which affects the ontology inherited from the Greeks. However, this ontological understanding of the Word of the Bush has been challenged in various ways. Several authors, from Eckhart to Lacan, have seen in it a negative statement – “I am who I am” … and do not ask for more – , that is to say an enigma. The dominant trend of Jewish tradition has understood it, on the contrary, as the affirmation of a being-with, the promise of a covenant: “I will be with you as He who will always be with you”. Should we discover here, as Ricoeur suggests, a “nonGreek understanding of Being” where biblical Revelation would exceed the onto-theological determination of metaphysics? Couldn’t this statement have a more directly political meaning, that of a subversion of the self-affirmation of the Pharaoh’s power? Perhaps the text of Exodus 3 attests there is another excess, more radical, when he superimposes to the promise of the Covenant the revelation of a singular Name: that of an Other I whose call would thwart the anonymous neutrality of Being.
Résumé
Étienne Gilson désignait comme la « métaphysique de l’Exode » la pensée qui affirme l’identité de Dieu et de l’Être, thèse fondamentale de la « philosophie chrétienne » depuis Augustin. Elle s’autorise en effet de la parole – « Je suis Celui qui est » – adressée à Moïse sur le Sinaï, telle qu’elle a été transmise à travers ses traductions grecque et latine. Ce qui semble inscrire le Dieu de la Révélation biblique dans la métaphysique occidentale entendue comme onto-théologie. Un tel « dieu » s’expose alors au même destin – et au même déclin – que celui qui affecte l’ontologie héritée des Grecs. Toutefois, cette compréhension ontologique de la Parole du Buisson a été contestée de diverses manières. Plusieurs auteurs, d’Eckhart à Lacan, y ont vu un énoncé négatif – « Je suis qui je suis » …et n’en demande pas plus –, c’est-à-dire la réserve d’une énigme. Le courant dominant de la tradition juive l’a entendue au contraire comme l’affirmation d’un être-avec, la promesse d’une alliance : « Je serai avec toi comme Celui qui sera toujours avec toi ». Faut-il y repérer, comme le suggère Ricoeur, une « entente non-grecque de l’être » où la Révélation biblique excèderait la détermination onto-théologique de la métaphysique ? Ne pourrait-on donner à cet énoncé une signification plus directement politique, celle d’une subversion de l’auto-affirmation du pouvoir du Pharaon ? Et peut-être le texte d’Exode 3 atteste-t-il d’un autre excès, plus radical, lorsqu’à la promesse d’alliance il surajoute la révélation d’un Nom singulier : celui d’un Autre Je dont l’appel saurait déjouer l’anonyme neutralité de l’Être.