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L’infection par le cytomégalovirus (CMV) demeure un risque important de malformations congénitales pour les nouveau-nés ; elle constitue aussi une cause de maladies graves chez des patients présentant des déficits immunitaires des cellules T cytotoxiques, en particulier les receveurs de greffes ou les individus infectés par le VIH [1]. Une vulnérabilité à l’infection par le CMV se manifeste aussi chez des patients souffrant de déficiences des cellules natural killer (NK) [2, 3], attestant l’importance de ces cellules dans l’opposition au CMV. En tant que lymphocytes cytotoxiques de l’immunité innée, les cellules NK constituent le premier front de résistance contre l’infection virale [3]. Elles font la différence entre cellules normales et anormales grâce à des récepteurs inhibiteurs et activateurs qui modulent aussi leur activité cytotoxique. Les ligands des récepteurs NK inhibiteurs sont des molécules du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH, HLA chez l’homme et H2 chez la souris) de classe I. Comme le CMV empêche l’expression du CMH de classe I, on considérait que les cellules infectées devenaient vulnérables à l’activité cytolytique des cellules NK [4]. Or, l’étude d’un modèle expérimental de résistance naturelle au CMV a apporté de nouvelles preuves en faveur du rôle central des récepteurs NK activateurs dans la reconnaissance spécifique de l’infection et, par la suite, dans son élimination [5].
En effet, lors de l’infection par le CMV, certaines lignées de souris sont relativement « résistantes » et limitent rapidement l’infection par un faible inoculum ; d’autres lignées de souris vulnérables, « sensibles », celles-là, permettent une croissance effrénée du virus et succombent à l’infection [6]. La résistance ou la vulnérabilité dépend d’un locus majeur codant pour les récepteurs NK aux molécules du CMH de classe I appelés LY49 chez la souris [7, 8]. Les gènes Ly49 sont génétiquement liés et présentent des haplotypes très variables en fonction du type et du nombre de gènes [9]. Certains haplotypes Ly49 sont associés à la résistance et d’autres à la susceptibilité au CMV [10]. Il s’avère que le récepteur activateur LY49H est le responsable de la résistance dans certaines lignées de souris [11-13]. LY49H doit se lier à une protéine virale exprimée à la surface des cellules infectées par le CMV [14, 15]. Cette interaction hôte-pathogène mène à l’activation et à la prolifération des cellules NK permettant une élimination rapide de la charge virale dans les 72 heures suivant l’infection. C’était le premier exemple de l’isolement d’une fonction spécifique des cellules NK dans l’infection ; il allait de pair avec l’identification d’un nouveau récepteur de l’immunité innée, Ly49H.
Le travail de Desrosiers et al. [5] a établi l’existence d’un nouveau mécanisme de résistance au CMV impliquant les NK en l’absence de Ly49h. L’étude de ce chercheur et de son équipe met en lumière trois points importants : (1) la souris de laboratoire MA/My est résistante à l’infection par le CMV bien qu’elle porte un haplotype Ly49 semblable à celui des souris vulnérables ; (2) le phénotype de résistance n’est observé que lors d’une combinaison particulière entre les haplotypes Ly49 (chromosome 6) et du CMH de classe I (chromosome 17) ; (3) le récepteur activateur LY49P reconnaît spécifiquement la cellule infectée par CMV dans un contexte CMH de classe I donné. Expérimentalement, l’activité des récepteurs a été testée en utilisant un système rapporteur cellulaire où les récepteurs activateurs sont clonés individuellement ; leur fonction est révélée par l’expression du gène rapporteur de la green fluorescent protein (GFP). Ainsi, lorsque les cellules reporters sont incubées en présence des cellules cibles, la fluorescence de la GFP signale la liaison du récepteur activateur par un ligand sur la cellule cible (Figure 1). Seules les cellules portant le récepteur LY49P ont réussi à reconnaître les cellules infectées par le CMV. Cette reconnaissance est en outre dépendante de la présence de l’haplotype H2k dans les cellules infectées (Figure 1, A-C). Afin de valider ces résultats et de caractériser plus finement quel produit des gènes H2 joue un rôle dans cette interaction, les mêmes expériences ont été menées en présence d’anticorps monoclonaux dirigés contre les molécules de classe I afin d’inhiber spécifiquement une possible interaction avec Ly49P. En effet, une inhibition de cette interaction a été repérée en présence d’anticorps dirigés contre le produit du gène H2-Dk, et non d’anticorps dirigés contre H2-Kk, (Figure 1, D, E). Ces résultats suggèrent que, dans le contexte d’une infection par le CMV, l’interaction conjointe du récepteur activateur Ly49P et de H2-Dk conduit à l’élimination rapide du virus et détermine la résistance de la souris MA/My à l’infection.
Ce travail montre que l’interaction entre un récepteur activateur Ly49 et une molécule du CMH-I dépend de l’infection de la cellule cible par le CMV. Il sera important de clarifier si la spécificité de cette liaison dépend d’une protéine virale associée à la molécule du CMH-1, ou si elle relève de la présentation spécifique d’un peptide viral par cette molécule du CMH-1. Il est également surprenant, compte tenu du nombre limité des récepteurs activateurs des cellules NK, qu’au moins deux récepteurs, LY49P et LY49H, soient consacrés à la reconnaissance de l’infection par CMV par des mécanismes différents (Figure 2). Il n’est pas exclu que les récepteurs NK activateurs participent à la reconnaissance d’autres pathogènes. En effet, l’existence d’autres locus de susceptibilité liés à la région Ly49, tels que la susceptibilité au virus herpès simplex 1 ou au virus ectromelia, conforte cette hypothèse.
Le travail de Desrosiers et de ses collaborateurs ouvre également de nouvelles perspectives pour des études chez l’homme. En effet, les LY49 sont les homologues des killer immunoglobulin-like receptors (KIR) humains. Comme pour les LY49, les KIR se divisent en inhibiteurs et en activateurs et peuvent se lier aux molécules de classe I du CMH. Des études épidémiologiques ont mis en relief des associations entre des combinaisons KIR activateurs/CMH de classe I et certaines pathologies [16, 17]. Ainsi, l’étude de Desrosiers fournit de nouvelles pistes pour l’identification des ligands des KIR activateurs. L’étude de la réponse au CMV humain devra enfin tenir compte des études qui, chez la souris, annoncent l’existence d’un avantage sélectif lié à la présence de multiples génotypes des récepteurs activateurs NK contre l’infection.
Parties annexes
Références
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- 4. Karre K, Ljunggren HG, Piontek G, Kiessling R. Selective rejection of H-2-deficient lymphoma variants suggests alternative immune defence strategy. Nature 1986 ; 319 : 675-8.
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