Résumés
Résumé
Au sein des écosystèmes d’innovation sont apparues des organisations intermédiaires visant à développer de nouvelles modalités de collaborations entre sphères académique et économique. Cet article s’intéresse, au travers d’une étude longitudinale, aux processus de configuration d’une organisation intermédiaire universitaire et à son inscription dans les écosystèmes constituant son environnement. Pour ce faire, nous mobilisons le cadre des proximités dans une perspective écosystémique structuraliste. Notre recherche révèle différentes dynamiques de proximités et met en évidence des activités relationnelles relevant de trois configurations : « initiateur informateur », « guide accompagnateur » et « gatekeeper animateur ».
Mots-clés :
- Ecosystème,
- innovation,
- proximités,
- intermédiaire
Abstract
Within innovation ecosystems, intermediary organizations have emerged to develop new forms of collaboration between the academic and economic spheres. This paper focuses, using a longitudinal study, on the processes of configuration of a university intermediary organization and its integration into the ecosystems that constitute its environment. To do so, we use the framework of proximities in a structuralist ecosystemic perspective. Our research reveals different proximity dynamics and highlights relational activities that fall under three configurations: “initiator-informant”, “guide companion” and “gatekeeper facilitator”.
Keywords:
- Ecosystem,
- innovation,
- proximity,
- intermediary
Resumen
Dentro de los ecosistemas de innovación, han surgido organizaciones intermediarias para desarrollar nuevas modalidades de colaboración entre las esferas académica y económica. Este artículo examina, a partir de un estudio longitudinal, los procesos de configuración de una organización intermediaria universitaria y su inclusión en los ecosistemas que conforman su entorno. Para ello, utilizamos el marco de las proximidades en una perspectiva ecosistémica estructuralista. Nuestra investigación revela diferentes dinámicas de proximidad y destaca las actividades relacionales que caen bajo tres configuraciones: “iniciador-informante”, “acompañante guía” y “facilitador gatekeeper”.
Palabras clave:
- Ecosistema,
- innovación,
- proximidad,
- intermediario
Corps de l’article
Au sein des écosystèmes d’innovation sont apparues des organisations intermédiaires (Howells, 2006) visant à développer de nouvelles modalités de collaborations entre sphères académique et économique. L’intégration de ces nouvelles catégories d’acteurs dans des écosystèmes préexistants est encore peu documentée, alors que l’engouement rencontré par la notion d’« écosystème » (Scaringella et Radziwon, 2018), et notamment d’écosystème d’innovation (Gomes et al., 2018) est important. Les écosystèmes d’innovation impliquent une diversité d’acteurs (Etzkowitz et Leydesdorff, 2000), dans des dispositifs formels et informels variés (Autio et Thomas, 2014; Gertler et Wolfe, 2004; Saxenian, 1994), ayant souvent un ancrage territorial fort (Gertler, Wolfe, et Garkut, 2000; Schaeffer et Matt, 2016). En France, étudier les activités d’intermédiation d’un écosystème d’innovation à l’échelle régionale semble ainsi pertinent, car les régions ont désormais la maîtrise de la compétence économique, via des dispositifs inscrits dans des schémas régionaux (Schieb-Bienfait et Boldrini, 2016). Cette échelle permet de mieux appréhender les collaborations, en raison de la proximité des acteurs et de la dimension systémique apportée par l’interconnectivité des processus économiques, politiques, éducatifs et sociaux (Cooke, 2001).
Largement incitées par les dispositions légales, aux Etats-Unis (Bay-Dohle Act en 1980), puis en Europe (Loi « Allègre » en France, en 1999 par exemple, voir encadré 2), les universités cherchent à renforcer leur position dans ces écosystèmes, en engageant des projets de collaboration entre sphères académiques et industrielles afin de renforcer la capacité d’innovation des entreprises (Kaufmann et Tödtling, 2001). Le développement des activités d’intermédiation présente des formes plurielles (Alexander et Martin, 2013) : ces activités, très souvent contractuelles afin de sécuriser les acteurs (Poppo et Zenger, 2002), prennent forme au travers de structures publiques, mais aussi privées ou hybrides (Champenois et Etzkowitz, 2018), formelles (organisations) ou virtuelles (plateformes) (Gawer et Cusumano, 2014). Mais si les activités d’intermédiation sont identifiées, les processus de configuration des organisations qui les portent et leur inscription dans les écosystèmes d’innovation ne sont, à notre connaissance, pas assez étudiés.
Nous nous sommes engagées dans une recherche accompagnement (Bréchet, Émin, et Schieb-Bienfait, 2014), auprès d’une organisation intermédiaire de l’innovation, Fil’Innov, créée en 2014 par une grande université française, pluridisciplinaire. Nous avons étudié les processus d’inscription de ce nouvel acteur dans son écosystème, au travers des phases de conception (émergence) et de configuration (déploiement). Fil’innov est un dispositif dédié aux activités relationnelles, intervenant en soutien des autres acteurs de l’écosystème, et organisé autour de neuf filières, correspondant aux principales activités économiques du territoire. Une équipe d’ « ingénieurs-filières » (IF) est chargée de sensibiliser et d’accompagner les chercheurs dans leurs projets de valorisation, en pilotant l’animation de ces filières. L’objectif de cet article est de répondre à la question suivante : comment un nouvel acteur intermédiaire de la valorisation s’inscrit-il dans un environnement complexe, multi-acteurs, multi-niveaux ?
A cet effet, nous avons adopté un cadre spécifique et original, fondé sur une perspective écosystémique structuraliste (Adner, 2017), en l’articulant avec l’approche par les proximités (Balland, Boschma, et Frenken, 2015; Boschma, 2005). Notre objectif est de préciser comment les dimensions de proximité interviennent dans les processus d’inscription des intermédiaires de l’innovation au sein des écosystèmes constituant leur environnement. La portée de cette recherche est triple : (1) sur le plan théorique : nous questionnons les fonctions d’intermédiation en conjuguant approche par les proximités et perspective écosystémique; (2) sur le plan empirique, le choix d’une organisation intermédiaire originale, Fil’Innov, rend compte des choix retenus pour s’inscrire dans un écosystème existant et contribuer à la réalisation de sa proposition de valeur; (3) enfin sur un plan praxéologique, des propositions se dessinent quant à l’instrumentation managériale des structures d’intermédiation.
Dans la première partie de cet article, nous exposons nos choix théoriques et conceptuels. Dans une seconde partie, sont abordés le terrain de recherche, et les choix méthodologiques. Nos résultats, restitués dans la troisième partie, montrent comment l’analyse des proximités permet de caractériser trois configurations distinctes ainsi que les processus d’inscription de Fil’innov au sein de différents écosystèmes. Enfin, nous discutons de la pertinence de ce cadre d’analyse intégrateur et de sa portée pour appréhender la configuration d’une organisation intermédiaire et son inscription dans un écosystème déjà bien structuré.
Présentation des choix théoriques et conceptuels
Nous présentons tout d’abord la notion d’écosystème, puis précisons les apports de l’approche structuraliste. Nous situons ensuite les activités d’intermédiation au sein d’un écosystème. Enfin, nous terminons en exposant les raisons nous ayant menées à proposer un cadre conceptuel intégrant l’approche par les proximités.
Ecosystème d’innovation : un espace collaboratif et dynamique
Le concept d’écosystème d’innovation, apparu au début des années 2000, est lié au développement de nouvelles économies fondées sur le savoir. La production d’innovations et les processus de développement associés n’y sont plus linéaires mais reposent sur les réseaux, et s’intègrent dans un modèle systémique (Chesbrough, Vanhaverbeke et West, 2006; Dosi et al., 1988). Au-delà des critiques (Oh et al., 2016), la plupart des recherches s’accordent sur les apports du concept d’écosystème pour enrichir la notion de système d’innovation. Développés dans les années 1990, très marquées par l’empreinte industrielle, les systèmes d’innovation nationaux ou régionaux (Freeman, 1995; Lundvall, 1992) étaient en effet considérés comme des structures statiques, régies par des organismes gouvernementaux, dont le succès dépendait à la fois d’une masse critique d’acteurs impliqués et d’une infrastructure bien établie (Cooke, 2001). Dans une économie de la connaissance, les écosystèmes d’innovation, définis comme des espaces collaboratifs, dynamiques et agiles, dotés d’une autonomie certaine, impliquent une décentralisation ou territorialisation des systèmes d’innovation, condition préalable et nécessaire au développement d’un écosystème d’innovation durable (Bramwell, Hepburn, et Wolfe, 2012).
Ecosystème, stratégie et structure
Au sein de ces écosystèmes, de nouvelles stratégies d’acteurs se déploient sous différentes formes et perspectives, selon trois logiques permettant d’en comprendre les enjeux (Autio et Thomas, 2014) : (1) une logique de création de valeur, avec comme concepts-clés la constellation de valeur (Normann et Ramirez, 1993) et la co-création de valeur (Vargo, Maglio, et Akaka, 2008); (2) Une logique focalisée sur l’appartenance au réseau, soulevant les questions de confiance et de légitimité ainsi que les intérêts stratégiques parfois divergents des acteurs (Gulati, Nohria, et Zaheer, 2000); (3) Une logique managériale soulignant la capacité de certains acteurs à être pro-actifs dans la gestion de leurs relations avec les autres acteurs de l’écosystème (Möller et Halinen, 2017), pour explorer de nouvelles voies de développement des activités. Ces perspectives convergent sur plusieurs points : la stratégie des acteurs est intimement liée à leur capacité à intégrer, fédérer ou construire des réseaux de valeur, à établir des relations durables permettant la co-création de valeur, ainsi qu’à gérer opportunités et contraintes liées à leur environnement. Avec l’arrivée d’un nouvel intermédiaire de l’innovation, l’enjeu est de reconsidérer l’écosystème autour d’une proposition de valeur spécifique et caractérisée par une révision des activités déployées, des acteurs impliqués, de leurs positions et relations dans les différents flux générés (Adner, 2017).
L’approche structuraliste proposée par Adner (2017) vient ainsi compléter les approches par affiliation. Elle permet d’envisager différemment la stratégie de l’acteur au sein des écosystèmes constituant son environnement : à chaque proposition de valeur identifiée correspond un ensemble de partenaires, formant un écosystème. Si la proposition de valeur doit évoluer, il conviendra alors d’identifier les éléments ayant besoin d’être réalignés, pour définir les principales actions permettant sa réalisation. Ce réalignement génère le plus souvent des questions, des tensions, sur les activités, rôles et positions des acteurs. Enfin, cette approche permet d’avoir une vision écosystémique globale, s’appliquant aussi bien aux écosystèmes d’affaires, d’innovations que de connaissances, notamment lorsque le rôle des organisations intermédiaires se révèle transversal (De Benedittis, Geindre et Dominguez-Péry, 2018).
Intermédiaires de l’innovation : rôles et missions au sein de l’écosystème
La nouvelle « figure d’acteur » que sont les intermédiaires de l’innovation tend à jouer un rôle majeur dans les processus d’innovation, en tant qu’ « intégrateurs et façonneurs de réseaux » (De Silva, Howells et Meyer, 2018, p.80). Ils cherchent à établir des liens entre les réseaux internes et externes tout en conservant la nature des systèmes en place et la diversité pour stimuler l’innovation (Kaufmann et Tödtling, 2001). Parfois qualifiés de tierce partie, courtiers, agents ou autre terminologie propre à une époque ou à un secteur d’activité (Howells, 2006), ils sont impliqués dans des relations complexes, telles que « many-to-one-to-one », « one-to-one-to-many », « many-to-one-to-many » (Ibid., p. 724). Présentant des profils différents, ces acteurs peuvent être une organisation publique, privée, voire de plus en plus souvent hybride (Champenois et Etzkowitz, 2018).
Dans de nombreux pays, au regard du potentiel de création de valeur issue de la recherche académique, des organisations intermédiaires se développent au sein des universités ou en partenariat avec elles (Grimaldi et al., 2011). Ces dernières cherchent à renforcer leur présence dans la maîtrise de la création et du partage de la valeur, stimulées par le modèle de l’université entrepreneuriale (Etzkowitz et al., 2000). Ceci implique une réorganisation, voire une reprise en main de leurs activités de valorisation (Mailhot, Pelletier, et Schaeffer, 2007). Leur objectif est de contribuer économiquement au développement des territoires, mais aussi de générer des revenus susceptibles d’être réinvestis dans la recherche académique. Universités et acteurs institutionnels ont développé divers types d’organisations intermédiaires, tels que les bureaux de transfert de technologie, les centres de recherche, les parcs technologiques et les incubateurs (Villani, Rasmussen, et Grimaldi, 2017).
Bien au-delà du simple traitement d’informations ou de la mise en relation, les services proposés par ces organisations recouvrent deux grandes catégories : les pratiques relationnelles, fondées sur les liens interpersonnels et la confiance et les pratiques contractuelles, fondées sur des connaissances scientifiques et technologiques codifiées (Garcia-Perez-de-Lema, Madrid-Guijarro, et Martin, 2016; Alexander et Martin, 2013) (figure 1). Si les pratiques relationnelles soutiennent efficacement les pratiques contractuelles, elles sont souvent insuffisamment développées dans les structures actuelles (Garcia-Perez-de-Lema et al., 2016; Weckowska, 2015). Les pratiques contractuelles semblent d’autre part bien identifiées, alors que la compréhension des activités relationnelles doit encore être améliorée. Dans cette perspective, nous avons élaboré un cadre théorique susceptible d’enrichir la compréhension des activités relationnelles de ces organisations intermédiaires, ainsi que leur inscription dans les écosystèmes d’innovation.
L’approche par les proximités : un cadre pour instruire les pratiques d’innovation
Si économistes et géographes soulignent les effets bénéfiques de la proximité géographique, favorisant une culture commune (notamment dans les clusters), d’autres études montrent que la géographie n’est pas le seul déterminant de l’innovation (Boschma, 2005; Torre et Gilly, 2000; Zimmermann, 2008). Le savoir se développe par la mobilité des individus, par les réseaux informels (Fornahl, Zellner, et Audretsch, 2004) et les relations interpersonnelles (Dhanaraj et Parkhe, 2006), soutenant les mécanismes de diffusion des connaissances (Owen-Smith et Powell, 2004) ainsi que les capacités d’absorption et l’innovation (Giuliani et Bell, 2005).
Boschma (2005) suggère cinq dimensions de proximité pour en étudier la combinaison dans les processus d’innovation : proximités géographique, organisationnelle, institutionnelle, cognitive et sociale. La proximité géographique peut revêtir une forme permanente (co-localisation) ou temporaire (Torre, 2009), au travers de l’organisation de réunions ou de déplacements ponctuels. Cette forme temporaire peut aussi reposer sur la mise en place de dispositifs liés aux technologies de l’information et de la communication. D’autre part, l’approche par les proximités se révèle particulièrement pertinente pour aborder la dimension dynamique des mécanismes sous-jacents dans les processus d’innovation (Balland, Boschma, et Frenken, 2015) (tableau 1).
Dans l’étude des proximités, il convient cependant d’être vigilant et conscient de certains phénomènes, notamment en regard du « paradoxe de proximité » (Broekel et Boschma, 2012), qui invite au maintien d’une forme de distance pour renouveler la dynamique d’innovation entre acteurs de l’écosystème. Enfin, la majorité des études privilégie les proximités recherchées, sans prise en compte des proximités subies (Torre, 2009).
Au fil de la recherche, nos choix conceptuels nous ont permis d’appréhender, au travers des différents registres des proximités, comment Fil’Innov a conçu sa stratégie au sein des écosystèmes constituant son environnement. Cette stratégie repose sur un objectif d’alignement des éléments permettant la réalisation de chaque proposition de valeur à laquelle Fil’innov veut contribuer. Ce cadre permet d’enrichir la compréhension (1) des activités de cette organisation intermédiaire et de leur évolution et (2) des processus de configuration et d’inscription de cet acteur dans son environnement.
Choix méthodologiques et terrain de recherche
A l’issue de la présentation du cadre théorique, nous exposons notre démarche méthodologique ainsi que les éléments relatifs à notre terrain d’étude.
Démarche de recherche-accompagnement
Nos travaux s’inscrivent dans une démarche qualitative, portant sur un cas unique afin d’en réaliser une étude longitudinale, explorant à la fois le contexte, le contenu et les processus ainsi que leurs interactions (Pettigrew, Woodman et Cameron, 2001). Pour saisir la complexité de l’organisation étudiée, nous avons mené nos recherches selon un design enchâssé (Musca, 2006; Yin, 1984, 2014), sur les neuf sous-unités d’analyse que constituent les filières. Cette démarche nous a permis d’étudier le dispositif dans son ensemble, tout en tenant compte des particularités de chacune des neuf filières d’innovation gérées par Fil’Innov.
La posture de recherche-accompagnement (Bréchet, Émin, et Schieb-Bienfait, 2014) a permis de nouer et entretenir des relations régulières avec les acteurs, tout en maintenant un regard distancié. Loin d’une relation de commanditaire à prestataire, nos échanges ont pris la forme d’un enrichissement mutuel fondé sur l’apport croisé de connaissances, permettant de positionner – sur un temps long – l’accompagnement comme protocole de recherche, dans ce contexte multi-acteurs, multi-niveaux.
Notre implication auprès des acteurs du projet Fil’Innov a débuté en 2014, alors que la direction de la Recherche, des Partenariats et de l’Innovation (DRPI) de l’Université de Nantes (UN) s’engageait dans la mise en oeuvre de cette nouvelle organisation. Fil’Innov s’est trouvée confrontée à l’enjeu de devoir construire sa place dans cet écosystème régional qui ne l’attendait pas. En privilégiant une entrée par l’action (Dewey, 1938, 1993), nous avons étudié comment Fil’Innov a cherché à s’intégrer aux écosystèmes dans lesquels la structure est impliquée en faisant évoluer la proposition de valeur, en identifiant des opportunités, des manques et les éléments à réaligner. Nous avons pointé les questionnements liés à l’émergence du projet, puis nous avons étudié la portée des choix et des expérimentations menées pour concevoir son modèle d’action et d’intervention.
Fil’innov : contexte et étude de cas
En France, depuis 20 ans le pays déploie des moyens inédits pour favoriser les investissements et les collaborations liés à l’innovation (encadré 1). Suite à l’évolution du contexte législatif (encadré 2), l’Université de Nantes (UN), à l’instar de nombreuses universités, a souhaité récupérer la mission de transfert de technologie et développer une réelle stratégie de valorisation.
Initiée en 2005 avec sa filiale de valorisation, « Capacités », l’UN décide de concevoir un dispositif original, « Fil’Innov », en 2014 avec le soutien de la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI). Organisation intermédiaire structurée en neuf filières correspondant aux principaux secteurs industriels de la région, sa mission est de soutenir et de compléter l’action des autres acteurs de l’écosystème régional de valorisation[1], d’être « l’aiguilleur du ciel » (2016, verbatim du responsable du dispositif) dans un environnement complexe.
Son rôle est exclusivement relationnel, la structure ne dégageant pas de chiffre d’affaires. Huit « Ingénieurs-filières » (IF) apportent un soutien opérationnel pour promouvoir les activités de l’Université, susciter et développer des projets collaboratifs (participation à des événements, rencontres avec des entreprises du secteur pour lancer des collaborations). Au fil des années, les missions des IF se sont enrichies, depuis la cartographie des ressources et des compétences de leur filière jusqu’à un travail de veille, leur permettant aujourd’hui de justifier d’une expertise pour les projets structurants en matière d’innovation. Au niveau des laboratoires, les IF sont en contact avec des « coordonnateurs de filière » (CF - enseignants chercheurs) avec lesquels ils travaillent en binôme, référents académiques dans leur domaine.Les CF sont chargés de promouvoir et de représenter l’UN dans les réseaux, ainsi que de fédérer les scientifiques. En termes de ressources, l’IF est une nouvelle fonction, dédiée à la structure, tandis que les CF combinent cette mission avec leur charge de travail, sans décharge spécifique. En 2018, huit IF et vingt-et-un CF sont actifs (tableau 2).
Depuis sa création, le dispositif a évolué, cherchant à la fois à s’adapter à son environnement et à le façonner pour trouver des voies d’inscription dans cet écosystème animé par des acteurs déjà bien en place.
Collecte et traitement des données
Après une première période de rencontres et de suivi des actions menées (lors des deux premières années, post création), nous détaillons ici la démarche de collecte systématique réalisée sur la période 2016-2018. Depuis février 2016, elle s’inscrit dans des allers-retours réguliers entre terrain et réflexion théorique, avec des données collectées lors d’entretiens, de réunions et d’ateliers avec les managers de Fil’Innov et les IF. En 2018, nous avons assisté à plusieurs réunions avec les coordonnateurs de filière (CF) pour disposer d’une perspective différente et enrichie sur le dispositif. Ces données sont complétées par des données secondaires, communiquées par les responsables de Fil’innov, ainsi que plusieurs rapports publics sur les politiques d’innovation et la valorisation (tableau 3).
Les étapes d’analyse
Nous avons mené l’analyse en deux temps, correspondant à notre design de recherche. Dans une première phase, menée sur l’ensemble du dispositif, nous nous sommes appuyées sur les verbatim de nos réunions avec les responsables de Fil’innov, pour identifier les actions marquant une évolution importante dans la mise en place du dispositif. Nous avons étudié l’activation des proximités au travers de ces actions, ainsi que leur impact sur l’écosystème régional de valorisation (tableau 5). Nous avons veillé à contextualiser ces actions, afin d’appréhender les interactions entre le contexte, le contenu et les processus identifiés.
Lors de la deuxième phase, une analyse fine des données issues des entretiens semi-directifs (2016) et des réunions avec les coordonnateurs (2018) a permis de préciser les adaptations du dispositif pour chaque filière. Les entretiens ont été retranscrits et codés à l’aide de mots-clés identifiés au cours de la phase préparatoire; nous avons complété ce codage multinominal, de manière inductive, suite aux entretiens (Dumez, 2016). En regroupant les mots-clés dans différentes classes d’activité, nous avons établi un codage thématique, permettant de faire émerger trois configurations principales (tableau 4). Un dernier codage théorique, à partir des cinq dimensions de proximité, a révélé des liens entre la nature des proximités activées et la configuration du dispositif au niveau des filières (tableau 6).
Résultats
Nous présentons nos résultats en trois temps. Il ressort tout d’abord que Fil’innov a connu deux phases principales pour s’inscrire dans l’écosystème régional de valorisation (émergence et déploiement), correspondant à deux processus. Nous caractérisons ensuite ces deux phases en nous appuyant sur le cadre des proximités. Nous montrons enfin comment les proximités ont permis de révéler des différences entre filières, nous conduisant à identifier trois configurations distinctes : celles de l’ « initiateur informateur », du « guide accompagnateur » et du « gatekeeper animateur ».
Identification des processus de configuration et d’inscription dans l’écosystème
Le premier niveau d’étude sur l’ensemble du dispositif permet de comprendre comment Fil’innov s’est inscrit dans l’écosystème en identifiant des manques et en améliorant des pratiques existantes. Le séquençage par actions et l’étude de leur impact sur l’écosystème (tableau 5) nous amènent à distinguer deux phases principales, correspondant à deux processus distincts mais complémentaires.
Les actions 1 à 3 correspondent à la phase d’émergence, traduisant la volonté de l’UN de reprendre en main les activités de valorisation, impliquant une modification de la proposition de valeur et de la structure de l’écosystème de valorisation. Le processus associé est celui de l’identification des éléments ayant besoin d’être réalignés, au travers des cartographies des ressources et compétences, de la détection de projets et de la mise en place des binômes IF/CF notamment.
Les actions 4 à 8 correspondent à la phase de déploiement. Le processus associé est celui du réalignement des partenaires, des rôles, des positions, des activités et des relations, au travers notamment d’actions concrètes sur le terrain (organisation d’événements conjoints, présence dans les réseaux, communications concertées par exemple), mais aussi des négociations parfois difficiles au niveau des responsables des structures, mettant à jour les tensions et conflits existants au sein de l’écosystème, notamment concernant les enjeux relatifs à la captation des projets et des ressources.
Les proximités comme leviers d’action
En restant sur la vision globale du dispositif, le cadre des proximités offre une grille de lecture pertinente pour comprendre les choix opérés : les décisions portant sur des dimensions plutôt statiques (géographique et organisationnelle) interviennent très tôt et sont aussi très engageantes vis-à-vis de l’écosystème. Celles portant sur des dimensions plus dynamiques nécessiteront des actions récurrentes et dans la durée, permettant à Fil’innov de s’adapter aux spécificités des filières.
Sur le plan géographique, la ville de Nantes fut choisie en raison de la densité en laboratoires, en entreprises et de la présence des principaux organismes régionaux dédiés à l’innovation et à l’entrepreneuriat. Cependant, le choix de l’emplacement « physique » des IF s’est révélé critique : la direction souhaitait qu’une équipe soit mise en place de manière centralisée, anticipant une meilleure visibilité ainsi qu’un gain d’efficacité par le partage d’expériences. Le maintien d’une certaine distance entre l’IF et les laboratoires permet d’éviter un phénomène d’appropriation ou d’absorption de la ressource par un laboratoire unique. Fil’innov fut donc rattachée aux services centraux de l’UN. Par la suite, de nouveaux IF furent recrutés dans deux autres grandes villes de la région pour répondre aux besoins du terrain. De manière plus dynamique et récurrente, soulignons le rôle de la proximité géographique temporaire au travers des événements organisés, des visites et réunions dans les laboratoires et de la présence dans les réseaux.
Au niveau organisationnel, intégrer Fil’innov au sein de l’Université relève d’un objectif précis : renforcer l’implication de l’institution dans le processus de transfert de technologie. Avec la proximité organisationnelle, ici clairement activée, les initiateurs du projet postulent que les scientifiques feraient plus facilement confiance à une organisation universitaire qu’à un acteur extérieur. Sur le plan organisationnel, la formalisation progressive de la mission des CF est essentielle pour légitimer Fil’innov et ancrer l’activation des différents registres de proximité. Notons que la dynamique au sein d’une filière se révèle bien plus forte lorsque CF et IF forment un réel binôme, travaillant autour d’événements, des projets communs (séminaires, conférences, voyages d’étude, montage de projet européen…). Sur ce point, des différences significatives existent selon les filières, en raison de la nature des connaissances en jeu et du profil des chercheurs et enseignants-chercheurs (discipline, valeurs, expérience). La proximité organisationnelle ne permet pas toujours de pallier une distance institutionnelle trop importante par exemple. Soulignons aussi les difficultés spécifiques rencontrées dans les laboratoires ayant plusieurs tutelles, difficultés amplifiées lorsque ces dernières disposent de bureaux de valorisation actifs : la proximité organisationnelle est bien un facteur facilitateur des relations.
Sur le plan institutionnel, les recrutements des IF ont joué un rôle structurant, avec la difficulté de définir leur profil, autour de compromis entre appartenance à l’université, connaissance des mondes scientifiques et de l’entreprise, maîtrise des compétences événementielles et relationnelles. Si le premier IF fut recruté principalement sur la base de compétences personnelles et générales (Master 2 sociologie) et non techniques, les recrutements suivants furent tous ciblés sur des profils double compétence. Un deuxième axe concerne la négociation d’accords-cadres avec les acteurs territoriaux de la valorisation (SATT, CNRS...), pour préciser « les règles du jeu ». Ceci traduit la dynamique d’institutionnalisation associée à cette dimension de proximité. Enfin, c’est aussi sur cette dimension que la diversité entre les filières est la plus forte, certaines étant moins sensibles à la valorisation et au transfert (par exemple en Sciences Humaines et Sociales).
Les dimensions sociales et cognitives ne ressortent pas comme leviers principaux au démarrage du dispositif, mais se révèlent rapidement essentielles, avec le développement de Fil’innov, centré sur les réseaux. Les quatre missions de base des IF permettent de développer ces deux dimensions : (1) la cartographie des compétences de la filière et (2) la sensibilisation et la détection des projets des enseignants-chercheurs, nécessitent des échanges avec les laboratoires, (3) la promotion des compétences de la filière vise à sensibiliser aux pratiques de valorisation et à développer les réseaux et (4) l’accompagnement des demandes d’innovation renforce les liens établis. L’importance des dimensions sociale et cognitive ressort avec l’évolution de l’équipe des IF : plusieurs départs entre 2017 et 2018 posent des problèmes de suivi des actions en cours et de capacité de traitement des demandes, fragilisant les processus de capitalisation des proximités activées. En termes de dynamique, le processus d’apprentissage (dimension cognitive) est central dans le développement du dispositif, alors que le découplage (dimension sociale) crée des disparités entre filières, selon le profil de l’IF notamment, plus ou moins impliqué dans la filière dans ses fonctions antérieures.
Proximités en jeu et configurations spécifiques
Une deuxième phase d’analyse a permis de préciser, selon les filières, les différences d’activation des dimensions de proximité les plus dynamiques (proximités cognitive, institutionnelle et sociale). Grâce aux codages, multinominal puis thématique, nous avons identifié trois principales configurations : (1) l’« initiateur informateur », (2) le « guide accompagnateur » et enfin (3) le « gatekeeper animateur ». Pour chaque configuration, diverses combinaisons de proximité sont activées. Nous présentons dans le tableau ci-dessous (tableau 6) des éléments représentatifs illustrant notre analyse.
Pour les trois configurations, l’activation de proximités géographique, organisationnelle et cognitive est fréquemment repérable. Ce constat confirme l’importance de la dimension territoriale des IF, même à l’heure d’internet, et plus encore celle de la proximité organisationnelle. Elle limite les comportements opportunistes et favorise la confiance. Concernant la dimension cognitive, l’analyse confirme un besoin majeur d’information et de sensibilisation des acteurs sur les activités de transfert et plus largement sur la diversité des activités de valorisation possibles. L’actuelle dispersion des informations, l’identification difficile des acteurs dans un écosystème d’innovation perçu par certains comme un millefeuille, handicapent la visibilité des dispositifs et compromet la démarche à engager pour initier tout nouveau projet. C’est précisément avec cette complexité du système français que les IF ont à composer dans le quotidien de leurs missions, d’autant qu’ils bousculent le modèle de création de valeur de l’écosystème existant. En effet, les IF sont souvent questionnés et/ou sollicités pour des activités relevant de la valorisation au sens large[2] (thèses CIFRE[3], appels à projets par exemple), alors que l’écosystème est plutôt positionné autour des activités de transfert, dans une acceptation nettement plus limitée du rôle de l’université.
Nous avons observé des différences entre les trois configurations identifiées : les dimensions institutionnelles et sociales sont bien présentes pour les configurations « guide accompagnateur » et « gatekeeper animateur », confirmant l’importance des mécanismes relationnels dans le développement des activités d’intermédiation. Néanmoins, ces proximités existent parfois de manière plus informelle, au travers par exemple du partage d’expériences antérieures (dans des projets, sur des contrats); elles favorisent des répertoires communs de référence, de pratiques, mais aussi de valeurs. Cette réalité est plus difficile à appréhender et surtout à valoriser. A ce propos, nous soulignons la différence observée entre les deux configurations : la notion de « gatekeeper animateur » comprend ici une dimension de proximité encore plus forte que celle de « guide accompagnateur » : elle serait la résultante d’un environnement généralement plus structuré, notamment par l’existence de clusters ou groupements proches du monde académique et dans lesquels l’université est bien représentée. Enfin, nous constatons une récurrence logique de la dimension cognitive pour la troisième configuration « initiateur informateur », fondée sur une activité routinisée, voire informatisée dépendant moins de relations interpersonnelles que d’outils de gestion communs.
Les activités développées par Fil’innov dans les différentes filières relèvent donc de processus itératifs, distincts des deux processus identifiés pour le dispositif dans son ensemble. En effet, les proximités ont été activées différemment par les IF et par les CF, selon le profil plus ou moins « entrepreneurial » de l’IF, la personnalité et le réseau du CF, ou selon la structure et la nature des activités de la filière. Nos résultats mettent ainsi en évidence trois processus associés aux trois configurations, reposant sur l’activation des dimensions plus dynamiques de proximité, en complément des proximités géographiques et organisationnelles (voir tableau 7) : (1) un processus d’initiation pour la configuration initiateur informateur, correspondant à l’activation d’une dimension de proximité, cognitive ou institutionnelle (2) un processus d’optimisation, pour la configuration guide accompagnateur, reposant sur les proximités institutionnelle et cognitive (3) et enfin pour la configuration gatekeeper animateur, un processus d’équilibrage des trois dimensions institutionnelle, cognitive et sociale.
Ces trois processus permettent de comprendre comment l’activité de Fil’innov s’adapte au niveau des filières, de manière plus opérationnelle. En conservant notre perspective écosystémique structuraliste, ces trois processus doivent aussi permettre d’affiner l’identification des écosystèmes adressés par Fil’innov, autour de la conception d’une proposition de valeur, et au-delà de la notion de filière.
Discussion et conclusion
Comme énoncé précédemment, cette recherche se propose de mobiliser le cadre des proximités pour éclairer les processus de configuration et d’inscription d’un nouvel acteur intermédiaire dans son écosystème. Cette discussion s’articulera autour de trois points. Nous soulignons tout d’abord l’apport de cette perspective spécifique et originale, fondée sur l’articulation de la perspective écosystémique structuraliste (Adner, 2017) et de l’approche par les proximités (Boschma, 2005) : ces dernières se révèlent à la fois leviers d’action lorsqu’elles sont recherchées et source d’opportunités ou de contraintes lorsqu’elles sont subies (Torre, 2009); elles impactent alors de différentes manières la configuration de Fil’innov, selon les filières. Ce cadre nous a permis de mettre en évidence différents processus de configuration et d’inscription d’une organisation intermédiaire dans un écosystème d’innovation régional. Dans la perspective des travaux d’Adner (2017), cet article vient confirmer que les organisations intermédiaires doivent travailler leur affiliation à différents écosystèmes; ces actions se fondent sur des participations différenciées aux processus de construction de la proposition de valeur et d’alignement des éléments constitutifs des écosystèmes. Enfin, nous conclurons sur les implications pratiques, ainsi que les limites et pistes pour de futures recherches.
De la portée théorique
La gestion des processus liés aux proximités s’avère structurante pour accompagner le développement de relations et d’activités nouvelles et contribuer ainsi à l’inscription de l’acteur intermédiaire dans l’écosystème. Les décisions relèvent en revanche de différents niveaux d’action et de différentes temporalités. Nos résultats confirment la dimension plutôt statique des proximités géographique et organisationnelle (Balland, Boschma, et Frenken, 2015), les choix réalisés impactant de manière profonde et durable l’acteur et l’écosystème. Les processus associés sont de nature stratégique (agglomération, intégration). Les dimensions plus dynamiques (cognitive, institutionnelle et sociale) font, elles, l’objet de processus opérationnels récurrents, voire routinisés. Prenant des formes temporaires au travers de l’organisation d’évènements ou de la mise en place d’outils d’information et de communication (Torre, 2009), la proximité géographique peut être associée à ces formes dynamiques dans les processus opérationnels.
Nos résultats soulignent aussi l’existence d’interactions et de mécanismes collectifs dépassant les frontières organisationnelles précisément parce qu’elles se jouent à des niveaux inter-individuels (proximités cognitive et sociale). Nous confirmons que ces interactions ne sont pas les mêmes selon l’expérience des acteurs engagés et le type de connaissances transférées (Villani, Rasmussen, et Grimaldi, 2017; Steinmo et Rasmussen, 2016). Des éléments parfois difficiles à évaluer se révèlent à l’origine d’une proposition de valeur enrichie : l’implication d’une personne dans un groupement ou un réseau, des projets antérieurs (connaissance, confiance…), des missions communes, ou une compétence spécifique peuvent accélérer ou modifier la formation d’une proposition de valeur co-construite avec l’écosystème (Adner, 2017).
L’objectif principal de l’organisation étudiée étant la reprise en main des activités de valorisation, soulignons enfin l’intérêt des effets de contrôle qui sous-tendent les proximités (Lévy et Talbot, 2015) : la nature des connaissances partagées, les rencontres en face-à-face ou la mise en place d’outils d’information et de communication sont autant des dispositifs plus ou moins formels de régulation des relations et des échanges.
Modélisation des processus d’inscription
En permettant une lecture multi-niveaux, multi-acteurs des processus de configuration et d’inscription de l’organisation intermédiaire dans l’écosystème, le cadre des proximités peut aider à leur modélisation.
Nos résultats pointent différents mécanismes et combinaisons par lesquels les cinq dimensions de proximité constituent des leviers importants pour l’inscription d’un nouvel acteur dans un écosystème d’innovation. Selon les combinaisons des proximités activées, la distinction de trois configurations constitue un résultat important de notre recherche : (1) le « initiateur informateur » (2) le « guide accompagnateur » (3) le « gatekeeper animateur » (figure 2). Si les auteurs ne s’accordent pas toujours sur l’importance relative des différentes dimensions de proximité dans les processus d’innovation (Cf. par exemple Hardeman et al., 2015; Mattes, 2012), soulignons dans notre cas le rôle central des proximités géographique et organisationnelle, puis la différenciation des processus par les combinaisons d’activation des trois autres dimensions de proximité. Ainsi, la première configuration relative aux missions de base serait plutôt active sur la dimension cognitive ou sur la dimension institutionnelle. Les deux autres révèlent des combinaisons plus complexes, l’action d’accompagnement relevant d’une forme d’optimisation des dimensions activées, alors que le rôle de gatekeeper implique une vigilance face aux proximités trop importantes, dans un souci d’équilibrage des dimensions activées (Broekel et Boschma, 2012).
Comme le soulignent Balland et al. (2015), nous constatons également qu’une dynamique des proximités se joue au niveau de l’écosystème dans la mesure où les processus associés aux proximités impactent l’ensemble des acteurs, ainsi que l’illustre la figure 2. La réalité est certainement plus nuancée que ce que peut laisser penser notre représentation, que nous avons simplifiée à des fins pédagogiques et par souci de synthèse. Ainsi, ces configurations ne sont pas exclusives l’une de l’autre, traduisant des voies d’évolution possibles, ainsi que des possibilités de combinaison entre elles. Ce constat ouvre d’intéressantes perspectives de recherche.
Implications
Ces résultats s’adressent aux responsables, décideurs des universités et des bureaux de valorisation, ainsi qu’aux acteurs institutionnels, impliqués dans les politiques d’innovation. Il ressort que pour les organisations intermédiaires, l’intégration des considérations économiques, géographiques et relationnelles dans leur stratégie de construction et de déploiement peut se fonder sur une approche par les proximités, pour concevoir leurs processus d’inscription dans l’écosystème d’innovation régional. Les processus de configuration de ces organisations doivent prendre en compte la question de la co-construction de la proposition de valeur et de l’architecture de valeur à l’échelle de l’écosystème.
Par ailleurs, si les pratiques relationnelles ont une place importante au sein des écosystèmes d’innovation, leur mise en oeuvre dépend à la fois de choix réalisés au niveau de l’organisation et de facteurs liés à l’environnement. La combinaison de ces deux niveaux, et la gestion des tensions en résultant, sont au coeur des pratiques et des décisions managériales liées aux écosystèmes d’innovation. Un nouvel outil, sous forme de diagnostic préalable des proximités, pourrait ainsi contribuer aux prises de décision sur la configuration d’un nouvel intermédiaire de l’innovation et pour l’évolution des interactions entre les acteurs de tout écosystème d’innovation. Se posent alors néanmoins les questions de pilotage et de régulation.
Limites et futures recherches
La principale limite de notre recherche tient au caractère unique de notre étude de cas, même si l’accompagnement de Fil’Innov s’est fait sur le déploiement de neuf filières. Il conviendrait de voir si notre cadre peut s’appliquer à d’autres organisations intermédiaires et à leurs écosystèmes d’innovation. D’autre part, nous avons privilégié les proximités recherchées (Torre, 2009), sans systématiser l’étude des proximités subies. Enfin, notre démarche supposerait d’être poursuivie au regard de l’importance des enjeux relatifs au potentiel de création de valeur issue de la recherche académique, dans un contexte marqué par des conflits et des jeux d’acteurs qui façonnent la dynamique des écosystèmes d’innovation (Scaringella et Radziwon, 2018). Comme évoqué par Autio et Thomas (2014), à ce jour la littérature sur les écosystèmes n’a pas explicitement pris en compte la création de valeur et son appropriation par les acteurs, notre recherche ouvre la voie à de prochaines investigations.
Parties annexes
Notes biographiques
Donatienne Delorme est enseignante-chercheuse en innovation, stratégie et business model à l’IDRAC Business School. Elle a obtenu son doctorat à l’Université de Nantes, où elle est également intervenante et membre du LEMNA (Laboratoire d’économie et de management de Nantes Atlantique). Ses principaux thèmes de recherche sont en lien avec les écosystèmes d’innovation et les modèles d’affaires. Avant de se lancer dans la recherche, Donatienne a occupé différents postes dans l’industrie et dans le conseil. Elle développe activement ses recherches en France et à travers le monde pour mieux comprendre les pratiques actuelles afin d’identifier les tendances émergentes et les défis futurs.
Nathalie Schieb-Bienfait, docteur en sciences de gestion, maître de conférences HDR (habilitée à diriger des recherches) à l’IAE de l’Université de Nantes, membre du LEMNA (laboratoire d’économie et de management Nantes Atlantique) et du Labex Entreprendre (Université de Montpellier, France). Ses recherches portent sur les dynamiques entrepreneuriales et les processus d’innovation.
Notes
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[1]
En 2015, afin de bénéficier des financements de la Région (Pays de la Loire) et de l’Europe via le FEDER (Fonds européen de développement régional), le dispositif nantais a été partiellement dupliqué dans deux autres villes. Néanmoins par souci de cohérence notre étude reste focalisée sur l’organisation déployée au sein de l’Université de Nantes.
-
[2]
Seule exception notable : la filière santé, très souvent sollicitée pour des informations relatives à la propriété intellectuelle, du fait de la nature des connaissances produites, des usages et réglementations liés à ce secteur d’activité.
-
[3]
Conventions industrielles de formation par la recherche
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Parties annexes
Biographical notes
Donatienne Delorme is an assistant professor of innovation, strategy and business models at IDRAC Business School. She completed her Ph.D. at the University of Nantes, where she is also a lecturer at the master level and member of LEMNA (Laboratoire d’économie et de management de Nantes Atlantique). Donatienne is currently conducting research on innovation ecosystems and business models. Prior to embracing research, Donatienne held various positions in international companies and in business development consulting. She is collaborating actively with several researchers around the world to better understand current practices in order to identify emerging trends and future challenges.
Nathalie Schieb-Bienfait, PhD in Management Science, associate Professor is research director at the IAE (Business Administration Institute - University of Nantes, France), member of LEMNA (Laboratory of Economy and Management Nantes Atlantique) and Labex Entreprendre (University of Montpellier, France). Her main research focuses on entrepreneurial dynamics, innovation processes and small business support.
Parties annexes
Notas biograficas
Donatienne Delorme es profesora de innovación, estrategia y business model en la Escuela Superior IDRAC Business School. Se doctoró en la Universidad de Nantes, donde también es profesora en el nivel master y miembro del LEMNA (Laboratorio de Economía y Gestión de Nantes Atlántica). Actualmente, Donatienne está llevando a cabo investigaciones sobre los ecosistemas de innovación y business models. Antes de dedicarse a la investigación, Donatienne ocupó varios puestos en empresas internacionales y en la consultoría de desarrollo empresarial. Está colaborando activamente con varios investigadores de todo el mundo para comprender mejor las prácticas actuales a fin de identificar las tendencias emergentes y los desafíos futuros.
Nathalie Schieb-Bienfait es profesora de management en la Escuela IAE - Business School – en la Universidad de Nantes. Se doctoró en la Universidad de Nantes, y miembro del LEMNA (Laboratorio de Economía y Gestión de Nantes Atlántica), del Labex Entreprendre (Universidad de Montpellier). Actualmente, Nathalie está llevando a cabo investigaciones sobre los procesos de innovación.