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Le court ouvrage d’Adeline Baldacchino présente une traduction française de fragments inédits issus de la tradition arabe concernant Diogène le Cynique. Il ne faut toutefois pas se méprendre sur le contenu du livre. Il ne s’agit pas de fragments d’oeuvres perdues de Diogène, mais bien de « fragments » au sens où l’auteure l’entend dans sa « note sur le vocabulaire », c’est-à-dire d’apophtegmes et d’anecdotes mettant en scène Diogène. Il ne s’agit pas non plus d’une traduction originale de l’arabe au français, mais plutôt de l’anglais au français, basée sur le travail de D. Gutas. L’intention de l’auteure, telle que défendue par Michel Onfray dans la préface, est de rendre accessibles au plus grand nombre les découvertes récentes sur le cynisme que les chercheurs auraient négligé de diffuser. A. Baldacchino, comme elle l’explique dans son introduction, est tombée sur l’ouvrage de D. Gutas, Pensée grecque, culture arabe (2005) en cherchant des indices sur l’existence d’une tradition matérialiste en Iran. Cet ouvrage la renvoya à l’article du même auteur « Sayings by Diogenes preserved in Arabic » [1], qui constitue le matériau du présent ouvrage. C’est dans cet article que D. Gutas a compilé et commenté tous les passages sur Diogène qu’il a trouvés, pour la plupart, dans les quatre principales oeuvres de la gnomologie arabe, écrites entre les IXe et XIIe siècles.
Elle propose donc au lecteur la découverte d’un autre Diogène, parfois clairement teintée des croyances religieuses de son traducteur arabe, mais le plus souvent conforme ou du moins cohérent avec le portrait de Diogène issu de la tradition gréco-latine. Pour faciliter la lecture des fragments, son introduction présente une biographie du philosophe et de ses principales leçons philosophiques dont les accents littéraires trahissent l’admiration que l’auteure lui porte. Les fragments, classés par catégories, sont précédés d’une brève introduction thématique soulignant les divergences et ressemblances avec le Diogène gréco-latin. La table de correspondance entre l’ordre des fragments du présent ouvrage et la numérotation de D. Gutas, basée elle-même sur les catégories de l’oeuvre fondamentale de G. Giannantoni (1990) [2] sera d’une grande aide pour le lecteur qui désire poursuivre ses recherches. La plupart des thèmes abordés sont déjà bien connus : la franchise, la subversion, l’ascétisme, l’authenticité, le dépouillement et la recherche de la vérité. D’autres, au contraire, pourraient surprendre le lecteur, notamment la croyance en un dieu unique, le mépris du genre féminin, la compassion et l’obéissance. Les passages qui s’inscrivent dans ces thèmes étrangers au cynisme sont disqualifiés comme douteux, puisqu’ils relèvent probablement davantage des croyances du traducteur que d’un portrait fidèle de Diogène. Si l’on met de côté ces passages incompatibles avec un cynisme authentique, on découvre néanmoins dans les fragments inédits un Diogène différent, peut-être un peu moins acerbe, plus contemplatif et plus attentif à l’autre. Ces nouveaux éléments ne viennent pourtant pas changer notre compréhension du cynisme, mais, comme l’auteure le souligne, ils augmentent tout de même de 21 % les sources sur Diogène compilées dans les SSR, supplantant ainsi en quantité les sources latines. Ces statistiques ne sont pas banales et confirment la pertinence des sources de langue arabe dans les études classiques. Bien que les traducteurs arabes n’aient pas eu accès à des sources primaires aujourd’hui perdues, leur apport n’est pas pour autant négligeable, car ils peuvent fournir des passages issus de sources alexandrines qui n’auraient pas été transmis en grec ou en latin. L’ouvrage d’A. Baldacchino, en présentant la valeur des sources arabes dans le cas précis de Diogène, réussit certainement à susciter l’intérêt du chercheur pour la transmission des textes anciens en langue arabe.
Parties annexes
Notes
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[1]
M.-O. Goulet-Cazé et R. Goulet, dir., Le cynisme ancien et ses prolongements, Actes du colloque international du C.N.R.S . Paris, 22-25 juillet 1991, Paris, P.U.F., 1993, p. 475-518.
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[2]
G. Giannantoni, Socratis et socraticorum reliquiae, [collegit, disposuit, apparatibus notisque instruxit], Naples, Bibliopolis, 1990, 4 vol., xii-524, xii-656, viii-304, xii-612 p.