Résumés
Résumé
Cet article propose une lecture de l’adaptation cinématographique du roman de Boris Vian L’Écume des jours par le cinéaste Michel Gondry. Reprenant le concept de « récit poétique » développé par Jean-Yves Tadié, notre analyse cherche à mettre en lumière les spécificités poétiques du roman de Vian intraduisibles en termes cinématographiques, et surtout comment Gondry a su trouver des équivalences formelles pour créer un nouvel équilibre esthétique dans son film, qui demeure inspiré du style vianesque. La solution médiagénique de Gondry se fonde essentiellement sur une exacerbation de trucages cinématographiques ostentatoires, qui remédiatise la poésie narrative de Vian à même une forme proprement filmique.
Abstract
This paper proposes a reflection on the film adaptation of Boris Vian’s novel L’Écume des jours by filmmaker Michel Gondry. Taking up the concept of “poetic narrative” developed by Jean-Yves Tadié, our analysis seeks to demonstrate the poetic specificities of Vian’s novel untranslatable in cinematographic terms, and especially how Gondry was able to find formal equivalences to create a new aesthetic equilibrium in his film, which remains inspired by the Vianesque style. Gondry’s mediagenic solution is essentially based on an exacerbation of ostentatious film effects, which re-mediatizes Vian’s narrative poetry within a specific filmic form.
Corps de l’article
« C’est bien réjouissant la misère. Mais moi j’aime mieux les pieuvres. Les pieuvres de huit mètres, toutes rouges, avec des yeux tout bleus et grands comme des plats, et vingt-cinq mille ventouses, et puis les scaphandriers, les quarante voleurs, les tapis volants, les fantômes, les vampires, les trucages, les courses d’autos, les sorcières, les marx brozeures, les barons de Münchhausen, les rêves, les tunnels sous la Manche, les nègres qui dansent les claquettes, les jolies filles avec des cuisses, des fesses, des seins, des yeux et des bouches. Oh, assez de bicyclettes !
– Boris Vian, « Vive le tèchnicolor ou On en a marre du Voleur de bicyclette »
Lorsque Michel Gondry a entrepris d’adapter L’Écume des jours au cinéma[1], d’aucuns étaient persuadés que le réalisateur ne parviendrait pas à traduire l’univers langagier surréel du roman culte de Boris Vian à l’écran[2]. Néanmoins, et comme bien d’autres transpositions écraniques de romans apparemment « inadaptables » nous le rappellent, il semblerait qu’il n’existe pas de texte narratif qui résiste absolument et irrévocablement au transfert médiatique d’une adaptation[3]. Seulement, il faut reconnaître qu’il y a une gradation dans le nombre et la qualité des défis posés par l’oeuvre au processus d’adaptation, puisque le passage du médium d’origine au nouveau médium ne peut se faire sans compromis.
C’est dans cette optique que nous souhaitons analyser la transposition cinématographique de L’Écume des jours réalisée par Gondry, en focalisant notre lecture du film sur la question du transfert de la narrativité du médium littéraire au médium filmique. Nous verrons que ce n’est pas tout le roman qui représente un obstacle à son adaptation (la narrativité étant par nature communicable à travers divers médiums), mais que le véritable enjeu de l’adaptation réside dans la traduction de la dimension poétique de sa narration. Plutôt que de contourner cet écueil, la démarche de Gondry propose une lecture minutieuse de la lettre du texte[4] : véritable rencontre entre la technique d’un romancier et l’imaginaire d’un réalisateur, cette démarche se manifeste par une remédiation[5], aussi ostensible que soutenue, de la narration poétique de Vian par une surenchère de trucages cinématographiques « artisanaux ». Alors même qu’il refuse le monopole des images de synthèse et la netteté des effets numériques, l’univers de Gondry repose sur la monstration de ses trucages, retrouvant par là l’esprit de « bricolage » qui caractérise l’écriture, l’oeuvre et la vie de Vian. Transposition écranique à grand déploiement d’un roman virtuose, L’Écume des jours est un film poétique et réflexif – c’est-à-dire contenant une réflexion sur le médium et les modes d’énonciations cinématographiques – qui, par l’actualisation du patrimoine littéraire, invite son spectateur à s’interroger sur l’interrelation des médias aux XXe et XXIe siècles.
La narration poétique de L’Écume des jours : un défi à son adaptation
Sorte de conte de fées moderne et épuré, L’Écume des jours est loin de proposer une structure narrative inadaptable. Le premier mouvement du récit correspond même assez fidèlement au schéma d’une quête traditionnelle : de jeunes adultes s’amusent et tombent amoureux. Dans cette série de rencontres et de coups de foudre, on note également la flagrante facilité par laquelle toutes les actions se réalisent : les protagonistes sont beaux, en santé et l’argent de Colin permet à tous de mener une vie épicurienne. Or, comme l’affirme Marc Savoie, « si la première moitié de L’Écume des jours ressemble à un conte de fées, la seconde tient nettement plus du cauchemar[6] ». Narrativement parlant, ce cauchemar prend la forme de ce que Jacques Fontanille nomme un schéma de plénitude : « les récits de plénitude sont rarement des récits heureux, le bonheur ne suscitant pas de bonnes histoires, nous rencontrerons plutôt dans ce cas de figure les formes de saturation oppressante ou obsessionnelle[7]. » Dans L’Écume des jours, ce schéma négatif succède au schéma positif de la quête amoureuse. Ramené à sa plus simple expression, le récit de L’Écume des jours consiste donc en un premier mouvement narratif sous la forme d’une quête amoureuse presque dénuée d’obstacles qui va accroître l’euphorie des personnages, suivi d’un second mouvement narratif de plénitude où l’impossibilité de guérir la maladie de Chloé plonge les personnages dans la dysphorie la plus totale.
En raison de sa simplicité, cette structure narrative ne saurait poser problème à l’adaptation du récit. De même, certaines caractéristiques générales de la narration se prêtent bien à une transposition cinématographique (on pense à la forme hautement dialogique de la narration qui se transcrit aisément en scénario, ainsi qu’à la structuration en très courts chapitres où le temps de la narration est à peu près équivalent au temps du récit). Toutefois, il demeure que la narration poétique de Vian constitue un obstacle significatif à la transposition écranique du roman. La notion de « récit poétique » développée par Jean-Yves Tadié permet de conceptualiser cette idée. Selon Tadié, le récit poétique est un genre littéraire proliférant particulièrement durant la première moitié du XXe siècle et qui marque « un phénomène de transition entre le roman et le poème[8] ». Bien que le critique ne discute pas explicitement de L’Écume des jours dans son livre, il inclut toutefois le roman de Vian dans la chronologie du genre, confirmant qu’il fait bel et bien partie de son corpus. Pour Tadié, le « récit poétique en prose » est :
la forme du récit qui emprunte au poème ses moyens d’action et ses effets, si bien que son analyse doit tenir compte à la fois des techniques de description du roman et de celles du poème. […] L’hypothèse de départ sera que le récit poétique conserve la fiction d’un roman : des personnages auxquels il arrive une histoire en un ou plusieurs lieux. Mais, en même temps, des procédés de narration renvoient au poème : il y a un conflit constant entre la fonction référentielle, avec ses tâches d’évocation et de représentation, et la fonction poétique, qui attire l’attention sur la forme même du message[9].
Le trait important de cette définition est cette hybridation que le récit poétique produit entre les fonctions référentielle et poétique du langage. Autrement dit, la narration littéraire du récit poétique tend simultanément à raconter et à créer des effets poétiques, si bien que narrativité et poésie se confondent en un même élan d’écriture.
Plusieurs passages de L’Écume des jours permettent d’illustrer ce type de narration, notamment celui où Colin attend Chloé pour leur premier rendez-vous :
Colin, debout au coin de la place, attendait Chloé. La place était ronde et il y avait une église, des pigeons, un square, des bancs, et, devant, des autos et des autobus, sur du macadam. Le soleil aussi attendait Chloé, mais lui pouvait s’amuser à faire des ombres, à faire germer des graines de haricot sauvage dans les interstices adéquats, à pousser des volets et rendre honteux un réverbère allumé pour raison d’inconscience de la part d’un Cépédéiste[10].
La narration raconte ce moment d’attente en s’attardant sur une description volontairement capricieuse du lieu où se trouve Colin, s’intéressant davantage au rythme de l’énumération des choses entourant le personnage. Puis, l’attente de Colin est doublée par celle du soleil (personnification), par laquelle un jeu de langage naît des actions que ce dernier peut entreprendre en attendant – qui contrastent avec la situation statique de Colin –, comme faire honte à un réverbère (deuxième personnification) allumé en plein jour par la faute d’un employé de la ville[11]. Ainsi, nous voyons comment la fonction référentielle de la narration vianesque est constamment décalée par des effets d’ordre poétique qui recentrent l’intérêt du texte sur sa forme langagière, sans pour autant nuire au mouvement narratif qui les supporte. En fait, cette dynamique poético-narrative reste fluide en grande partie parce que les fonctions référentielle et poétique du langage se nouent au travers de ce que nous pourrions appeler un délire fictionnel langagier, par lequel la prétention référentielle laisse libre cours au discours poétique. Pour le dire avec les mots de Jacques Bens, dans sa postface à L’Écume des jours savamment intitulée « Un langage-univers », le monde de Vian « est entièrement fondé sur le langage, c’est-à-dire : naît de lui, et trouve en lui chacune de ses justifications. Ainsi, le Verbe est bien devenu Dieu[12] ».
En somme, on voit bien comment L’Écume des jours exacerbe l’« aptitude fictivisante[13] » propre au langage littéraire. Un large pan des effets fictionnels de l’oeuvre se trouve donc par nature incompatible avec l’aptitude fictivisante des autres médiums. Le roman de Vian repose sur une prose excessivement poétique qui, malgré son excentricité fictionnelle, parvient à véhiculer lyriquement des données atmosphériques et spatiales interprétables dans le système narratif de l’oeuvre. Reposant sur la matérialité du langage littéraire, ce type de descriptions poétiques est difficilement traduisible tel quel dans le mode de représentation analogique propre au cinéma. Le problème à l’origine de cette incompatibilité médiatique est que l’intérêt esthétique du roman de Vian est dépendant de ces effets de narration poétique. Gondry – ou quiconque adaptant L’Écume de jours – fait donc face à une importante impasse : non seulement il se voit contraint de délaisser presque entièrement la dimension linguistique de cette narration poétique pour adapter le roman, mais il perd du même coup toute une gamme d’effets de narration qui soutiennent la progression narrative du récit et sa dimension passionnelle passant de l’euphorie à la dysphorie. Bien que le substrat narratif de L’Écume des jours soit aisément transposable dans un récit cinématographique, il n’en est pas de même des procédés littéraires qui le prennent en charge dans le roman – et qui, pour tout dire, en constituent l’originalité et l’intérêt. L’adaptateur doit trouver des équivalences formelles de la narration poétique de Vian à l’écran.
Lire l’image : pour une poétique historique des effets spéciaux
Bien que les théories sur la fidélité de l’adaptation datent et aient peu de valeur d’un point de vue scientifique, il reste que la notion « d’équivalence » telle qu’appliquée par André Bazin demeure éclairante, particulièrement parce qu’elle prend bien soin de souligner en quoi cette soi-disant fidélité ne peut s’affirmer qu’au travers des différences des médiums d’origine et d’arrivée du processus d’adaptation. Comme le note Bazin dans son célèbre article « Pour un cinéma impur »,
[i]l est faux de présenter la fidélité comme une servitude nécessairement négative à des lois esthétiques étrangères. Sans doute le roman a ses moyens propres, sa matière est le langage, non l’image, son action confidentielle sur le lecteur isolé n’est pas la même que celle du film sur la foule des salles obscures. Mais justement, les différences de structures esthétiques rendent plus délicate encore la recherche des équivalences, elles requièrent d’autant plus d’invention et d’imagination de la part du cinéaste qui prétend réellement à la ressemblance. […] Plus les qualités littéraires de l’oeuvre sont importantes et décisives, plus l’adaptation en bouleverse l’équilibre, plus aussi elle exige de talent créateur pour reconstruire selon un équilibre nouveau, non point identique, mais équivalent à l’ancien[14].
La tâche d’adaptation de Gondry répond plutôt bien au défi décrit ici par Bazin. En transposant L’Écume des jours du médium littéraire au médium filmique, l’équilibre esthétique de l’oeuvre en est si bouleversé que sa recomposition dans le médium d’arrivée doit trouver une nouvelle forme équivalente à celle du médium d’origine. Vraisemblablement, Gondry a cherché à s’approprier l’univers poétique du roman tout en l’autonomisant sur le plan du médium cinématographique, ou comme André Gaudreault et Philippe Marion l’affirment dans leur ouvrage de 2013 sur les redéfinitions du médium cinématographique à l’ère de la révolution numérique, le réalisateur a cherché une « solution médiagénique pour contrer la supposée “inadaptabilité” du roman de Vian[15] ».
Le principe d’équivalences formelles par lequel Gondry traduit la narration poétique de Vian au cinéma repose sur le trucage cinématographique. C’est par les trucages que le réalisateur a tenté de recomposer cinématographiquement l’équilibre esthétique de la narration poétique du romancier. Comme la narration poétique comble d’effets fictionnels l’univers langagier du roman, Gondry a saturé à l’extrême sa représentation fictionnelle de L’Écume des jours par une quantité pléthorique de trucages. Mais, au-delà du nombre d’effets spéciaux utilisés dans le film, ce qui étonne davantage dans la démarche de Gondry est que, au rebours de la tendance actuelle, il n’utilise aucun trucage numérique. Tous les trucages du film sont faits « à l’ancienne », c’est-à-dire qu’ils sont réalisés mécaniquement lors du tournage ou qu’ils sont produits par des truchements opérés directement par la caméra ou encore pardes manipulations de la bande-image[16]. « Les objets ne seraient pas aussi intéressants à regarder s’ils n’avaient pas été fabriqués matériellement », comme le note avec simplicité Gondry[17]. Et il faut souligner qu’il a privilégié tous types de trucages qui sont visibles à l’écran plutôt que des trucages invisibles ou encore imperceptibles[18], les trucages numériques relevant habituellement de ces deux dernières catégories parce qu’ils ne laissent pas de trace de leur confection dans l’image.
Évidemment, ce choix particulier de présenter ostensiblement les trucages est à mettre en lien avec la narration poétique de Vian : en privilégiant la monstration des effets spéciaux, Gondry trouve un équivalent cinématographique de la fonction poétique du langage et attire l’attention sur la poétique du support propre au médium cinématographique. Ne cherchant pas à créer un effet de distanciation chez le spectateur – ce qu’une très large part de la critique, refusant l’imaginaire des croyances adolescentes sur lequel repose le récit, semble avoir reproché à Gondry[19] –, tous ces trucages qui se donnent à voir vont plutôt redoubler la fonction des jeux langagiers de la narration de Vian et créer un univers fictionnel hautement fantaisiste. Si Jacques Bens a visé juste en parlant d’un « langage-univers » à propos de L’Écume des jours, on peut certainement avancer que Gondry a tenté de faire un « filmage-univers » en réalisant son adaptation du roman : tandis que l’univers fictionnel de Vian existe d’abord et avant tout grâce au travail sur le langage littéraire, celui de l’adaptation de Gondry s’incarne dans un jeu aussi savant que ludique avec la matérialité du support cinématographique. C’est bien ici que la formulation « solution médiagénique » de Gaudreault et Marion prend tout son sens, puisque Gondry multiplie dans son film les trucages qui font explicitement référence aux machines cinématographiques.
Cet univers « machinique » se donne à voir dans l’impressionnante quantité d’écrans dans le film. On pensera à l’oeil droit du personnage de Jean-Sol Partre qui est en fait un écran placé dans la lentille de ses lunettes, dont l’image en noir et blanc crée un effet de décalage fantaisiste (image 1). Le personnage de Jules Gouffé, qui n’existe qu’en tant que livre de cuisine dans le roman, devient un personnage écranique dans le film de Gondry (image 2). Brisant le quatrième mur de sa présence écranique, Gouffé dicte des directives en temps réel à Nicolas et va même jusqu’à lui donner des ingrédients par-delà l’écran. Pareillement pour Duke Ellington et son orchestre (image 3), présents sur de nombreux écrans lors de la soirée d’anniversaire organisée en l’honneur du caniche Dupont. Ce jeu fantaisiste sur les conventions de présence et d’absence écraniques souligne comment Gondry mise sur des effets qui, tout en imitant les inventions poétiques de Vian, demeurent spécifiques à la matière d’expression du cinéma. La petite souris grise aux moustaches noires, qui n’est qu’un acteur portant un costume, fait également l’objet de trucages pour qu’elle paraisse de la « bonne taille » dans l’espace profilmique. Parfois elle n’est qu’une projection lumineuse dans l’espace où évoluent les personnages, et à d’autres moments c’est elle qui est filmée physiquement alors qu’un écran projette derrière elle les autres personnages à grandeur proportionnelle. C’est ce même trucage qui est utilisé lors du climax euphorique prenant place à la fin de la cérémonie du mariage de Colin et Chloé, où ceux-ci sont filmés dans l’eau[20] et derrière eux il y a un écran où est projetée l’image de l’église et des autres personnages, créant un décalage poétique entre les deux registres d’images (image 4).
Si ces trucages profilmiques sont visibles dans l’image, Gondry étale aussi une panoplie de trucages visibles par l’image filmique, comme l’abondance de ralentis et d’accélérés en atteste, mais plus particulièrement encore le procédé de l’animation image par image (ou stop motion) qu’il utilise à outrance, et à bon escient puisque c’est le trucage qui lui permet le plus ostensiblement de décaler l’illusion référentielle de la représentation cinématographique. D’une part, les personnages et autres éléments vivants voient leurs mouvements déconstruits et artificialisés, et d’autre part, les choses non vivantes (dans notre monde, du moins) s’animent pour meubler l’univers fictionnel du film – phénomène qui est également opérant dans le roman. Les possibilités d’interventions du cinéaste entre chaque photogramme pour manipuler le mouvement des choses rendent bien compte d’un travail particulièrement marqué sur la matérialité du médium cinématographique. Mais encore, Gondry utilise le stop motion pour créer des effets de narration poétique qui seraient difficiles à réaliser en se limitant à une prise de vue en continuité. Pensons au moment où l’on voit le flocon de neige se déposer à côté du coeur de Chloé (image 5), séquence entièrement réalisée à l’aide de laine animée[21]. L’importance de cet événement dans le récit a mené Gondry à chercher dans sa palette de trucages un moyen pour représenter visuellement la teneur narrative et, vu la richesse expressive du trucage utilisé, la portée de son effet poétique. Fond et forme sont ici indissociables.
Également, l’esthétique des trucages souligne, de façon générale, la progression narrative du récit entre ses phases d’amélioration euphorique et de dégradation dysphorique. Dans la première moitié du film, la représentation est saturée de trucages fantaisistes qui concourent à créer une atmosphère enjouée et féérique, et le stop motion anime surtout des éléments positifs liés aux plaisirs hédonistes, comme la nourriture gastronomique de Nicolas qui n’arrête pas de grouiller dans les assiettes. Dans la deuxième moitié, non seulement les trucages abondent moins, ce qui a pour effet de désenchanter l’ambiance, mais le stop motion sert plus particulièrement à animer les machines de l’oppression sociale et de l’absurdité du monde du travail (ou encore la dégradation du domicile de Colin). D’une façon très organique, les trucages de Gondry sont ainsi en phase avec la logique passionnelle qui traverse le récit, de l’euphorie à l’entropie. Or, le procédé qui est le plus marquant à cet égard est certainement le principe de décoloration de la pellicule qui s’échelonne sur toute la durée du film. En fait, ce trucage est une adaptation cinématographique de la logique chromatique ressortant de la narration poétique de Vian dans le roman. Marc Lapprand donne une bonne description du principe dans le roman :
L’Écume des jours débute dans des tons systématiquement clairs ou pastel, avec une prédominance du blanc et du jaune […]. Jusqu’au mariage, les couleurs s’avivent, des tons lumineux sont de plus en plus présents […]. Le basculement chromatique est atteint avec le voyage de noces et la maladie : dès lors, la palette s’obscurcit […], et il n’est bientôt plus question que de gris, de brun et de couleurs foncées : les rayures, chères à Boris Vian, ne sont plus « jaunes et violettes » (comme les chaussettes de Colin au chapitre iii) mais « marron sale et […] bleu » (comme le ciel du chapitre li)[22].
Dans son film, Gondry utilise sensiblement les mêmes couleurs lumineuses dans le premier mouvement narratif, mais le second mouvement menant à la dysphorie va surtout s’exprimer par la décoloration progressive de la pellicule. À la fin du récit, l’image n’est plus qu’en noir et blanc. Le réalisateur fait d’ailleurs référence au cinéma muet durant la scène d’enterrement de Chloé, en utilisant un léger cache circulaire qui arrondit les contours de l’image (image 6)[23]. Le principe d’involution des formes cinématographiques devient on ne peut plus clair lorsqu’à la toute fin, il n’y a plus de son intradiégétique. Cet effet de miroir entre la progression narrative du récit et un regard rétrospectif sur les techniques de l’histoire du septième art nous mène à nous questionner sur le sens autoréflexif de l’adaptation de L’Écume des jours de Gondry, et particulièrement sur sa vision personnelle de la poésie cinématographique qui peut se deviner en creux de l’oeuvre.
« Un vaste trucage » : entre narration et attraction
Cette référence aux anciens temps du cinéma muet, la façon dont Gondry s’est obstiné à faire tous ses trucages à l’ancienne, ainsi que l’insistance à montrer que le cinéma est un art dépendant de « machines » nous rappellent, par la bande et comme le dit Christian Metz, « que le cinéma tout entier est en un sens un vaste trucage[24] ». Le premier trucage de l’histoire du cinéma n’est rien d’autre que le principe même de restitution du mouvement (d’où l’illusion de réalité) par la succession de photographies. L’invention de la cinématographie est, au fond, aussi l’invention d’un trucage.
Par ailleurs, il existe un concept attaché aux premières décennies du cinéma qui trouve un écho particulier dans l’adaptation de L’Écume des jours par Gondry, soit le cinéma comme phénomène « d’attraction », idée développée par les historiens du cinéma André Gaudreault et Tom Gunning à la suite de Sergueï Eisenstein et des autres théoriciens soviétiques du montage[25]. D’abord, les concepts de cinéma des attractions ou de « montage-d’attractions » s’ancrent dans le contexte même de l’invention du cinématographe (ou autres appareils précurseurs) en tant que phénomène de foire scientifique. Comme Gunning le souligne, « les spectateurs de ses débuts [du cinéma] se rendaient à des séances afin d’assister à des démonstrations de machines plutôt qu’à des films[26] ». Mais le concept s’étend tout autant à la cinématographie (soit les films) jusqu’au début des années 1910 selon Gaudreault[27] – qui parle alors de « cinématographie-attraction » –, soit avant que le cinéma s’institutionnalise et qu’il entre définitivement dans un régime où le narratif domine sa pratique. Avant cela, le régime de l’attraction caractérisait la vaste production des « vues animées ». De même, selon Gunning, ce qu’on entend par attraction cinématographique est « un élément qui surgit, attire l’attention, puis disparaît sans développer de trajectoire narrative ni d’univers diégétique cohérent[28] ». On comprend ainsi que cette conception de l’attraction cinématographique est plutôt opposée au narratif, ou à l’inverse « que la narration est en quelque sorte l’antithèse de l’attraction[29] ».
Le régime de l’attraction correspond donc à ce moment de l’histoire du cinéma où la majorité des films produits cherchaient davantage à montrer quelque chose d’épatant plutôt que de s’ancrer dans une logique proprement narrative. Évidemment, les fonctions attractionnelle et narrative du cinéma ne sont pas incompatibles, la plupart des films combinent attraction et narration tout en donnant préséance à l’une ou à l’autre fonction. Plusieurs films à trucs de Georges Méliès avaient une intrigue, seulement, ce magicien du cinéma avoue qu’elle ne constituait pas l’intérêt premier de ses féeries cinématographiques :
Quant au scénario, à la « fable », au « conte », je m’en occupais en dernier. Je puis affirmer que le scénario ainsi fait n’avait aucune importance, puisque je n’avais pour but que de l’utiliser comme « prétexte » à « mise en scène », à « trucs », ou à tableaux d’un joli effet. Je m’adressais à l’oeil du spectateur pour le charmer ou l’intriguer (donc scénario sans importance)[30].
À la lumière de notre analyse de son adaptation de L’Écume des jours, il paraît évident que Gondry s’inscrit volontiers dans le sillage de Méliès et dans la tradition du film à trucs. Mais peut-on vraiment dire qu’il délaisse ou néglige le récit et la narration de Vian ? Au contraire, nous avons cherché à démontrer que ses trucages fonctionnent comme un équivalent cinématographique de la narration vianesque, ce que semblent également avancer André Gaudreault et Philippe Marion :
Tout se passe comme si le bricolage et la dextérité « mécaniques » à l’oeuvre dans les trucages « artisanaux » de Gondry étaient une façon pour lui de métaphoriser avec justesse l’univers onirique de Boris Vian, avec son monde romanesque conçu comme une usine à mots et à images, mais aussi comme une fabrique à récits[31].
Comme ils l’affirment également, « le film de Gondry évoque la “bataille rangée” que se livrent continuellement – du moins en matière de cinéma – attraction et narration[32] ». Toutefois, bien que l’adaptation de Gondry puisse servir d’exemple de la tension entre attraction et narration au cinéma – abordée surtout d’un point de vue historique par Gaudreault et Marion –, nous croyons qu’elle peut tout autant être l’indice d’une interprétation de la vision poétique du cinéma selon Gondry. Il y a donc rencontre entre, d’une part, les tensions internes de l’oeuvre d’un auteur et, d’autre part, une problématique esthétique qui a rythmé l’histoire d’un médium, de son institutionnalisation jusqu’à l’actuelle révolution numérique.
En effet, considérant qu’il a su trouver une équivalence cinématographique de la narration poétique de Vian dans l’exacerbation de trucages mécaniques ostensibles, Gondry recrée dans un cadre cinématographique le même enjeu liant fonction référentielle et fonction poétique dans le genre du récit poétique. En aucun cas ne pourrions-nous décider si c’est la fonction attractionnelle ou la fonction narrative qui a préséance dans l’ensemble de son adaptation de L’Écume des jours tellement les deux sont liées. Par sa fine lecture du roman, Gondry semble fondre attraction et narration dans un équilibre retrouvé de la narration poétique de Vian. Aussi spectaculaires qu’ils soient, ces trucages servent toujours, en première instance, à transposer l’univers fantaisiste de L’Écume des jours en termes cinématographiques et participent entièrement à la diégétisation singulière et poétique de celui-ci. Ainsi peut-on avancer que la poésie cinématographique de Gondry naît de la fusion entre les fonctions attractionnelle et narrative du cinéma, tour de force s’il en est, qui réunit en un même élan créateur les deux grands régimes esthétiques et paradigmatiques qui traversent l’Histoire du médium.
Conclusion : « Quand je vais au cinéma… »
« J’ai personnellement […] une idée du cinéma qui, en gros, peut se résumer de façon fort simple : “Quand je vais au cinéma, j’aime bien y voir ce que je ne peux voir ailleurs[33]” », écrivait Vian en 1949 pour le Programme du festival international du film amateur de Cannes. Passionné de cinéma, comme de tout ce qui est moderne, l’auteur de L’Écume des jours a déployé, du milieu des années 1940 jusqu’à sa mort en 1959 – on sait d’ailleurs qu’il va ironiquement décéder lors de la projection de l’adaptation cinématographique de J’irai cracher sur vos tombes… –, une théorie personnelle du septième art qui prend le contrepied de l’idéologie dominante, alors que, pour le dire simplement[34], l’heure était à un cinéma réaliste, mimétique, sous l’égide de la promotion du néoréalisme italien menée par André Bazin. De manière générale, ce moment de la critique française vantait les mérites du plan séquence et de la profondeur de champ, permettant au réel de se montrer dans sa plénitude. Les films étaient de plus en plus tournés en décors naturels, avec peu de moyens et à partir de scénarios qui mettaient en scène des histoires de la vie ordinaire. Vian, pour sa part, ne cesse de militer pour un cinéma fantaisiste basé sur une utilisation ostentatoire de la technique et des effets du cinéma (du technicolor au dessin animé). « On me répond que Le Voleur de bicyclettes, à ce prix, vaut n’importe quel Nosferatu, car l’art du metteur en scène consiste alors à vous organiser cette plongée dans la vie que vous ne pouvez réaliser vous-même. Eh bien, je proteste[35]. » Dans « Vive le tèchnicolor », petit pamphlet publié dans la revue Saint-Cinéma-des-Prés (qui ne connaîtra que trois numéros), on passait de la protestation à l’invective : « Pitié pour nous !... Assez de crasse ! du nouveau ! ! ! Qu’on se transporte ailleurs ! ! ! Assez de sordide, j’en ai plein ma rue, toi aussi, à la tienne ! ! ! Ah ! là ! là ! vive le tèchnicolor[36] ! ! ! ».
D’un siècle à l’autre, ce cri a été particulièrement bien entendu par Gondry. Son adaptation de L’Écume des jours, on l’a vu, repose sur la retranscription ingénieuse du roman selon une logique médiatique et un nouvel équilibre esthétique qui répondent aux attentes formulées par Vian face au cinéma près de soixante-dix ans plus tôt. Car si le récit est une donnée abstraite qui est transposable dans différents médiums, il reste que tout récit actualisé dans une forme artistique acquiert des propriétés qui sont spécifiques aux matières d’expression qui le prennent en charge, ce que Gondry comprend et revendique. Plus les qualités littéraires d’un roman sont importantes, plus le travail d’adaptation demande un renouvellement du système esthétique de l’oeuvre transposé au cinéma. C’est pourquoi ce qui fait souvent la présumée inadaptabilité d’un roman représente également l’intérêt principal de son adaptation. À travers le style littéraire personnel de Vian, Gondry a trouvé une solution médiagénique à la difficulté posée par la narration poétique de L’Écume des jours, et ce, tout en respectant ses propres qualités d’artiste, son cinéma ayant toujours porté en lui une riche réflexion sur les trucages cinématographiques. Seulement, le défi intrinsèque de cette adaptation a mené le réalisateur à un niveau de sophistication qu’il n’avait pas atteint auparavant, du moins, pas de façon aussi ostensible. En lisant de près L’Écume des jours, Gondry a signé son oeuvre la plus programmatique, tout en faisant résonner la pensée cinématographique de Vian dans un nouveau siècle, où les débats sur le septième art soulèvent toujours les passions.
Parties annexes
Notes biographiques
Thomas Carrier-Lafleur est professionnel de recherche et chargé de cours à l’Université de Montréal, où il occupe en outre le poste de directeur adjoint et coordonnateur de la recherche du Laboratoire CinéMédias. Il est également codirecteur de Nouvelles vues : revue sur les pratiques, les théories et l’histoire du cinéma au Québec. Dans une perspective intermédiale qui s’intéresse aux processus de transposition écranique des textes littéraires, ses recherches portent sur la littérature française et québécoise ainsi que sur le cinéma québécois. Il est notamment l’auteur de Voir disparaître. Une lecture du cinéma de Sébastien Pilote (L’Instant même, 2021), de Projections croisées. Dialogues sur la littérature, le cinéma et la création avec Andrée A. Michaud et Simon Dumas (Figura, 2021) et d’Il s’est écarté. Enquête sur la mort de François Paradis (Nota bene, 2019 ; avec David Bélanger) pour lequel il a récolté le Prix Jean-Éthier-Blais (2020).
Guillaume Lavoie est doctorant en études cinématographiques à l’Université Laval. Ses présentes recherches portent essentiellement sur l’étude historique et narratologique du cinéma américain et québécois. Sa thèse, appuyée par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH), portera sur l’histoire des manuels de scénarisation américains. Il est également auteur d’un ouvrage intitulé La Railroad Building Story ou le mythe du chemin de fer westernien, paru aux Éditions L’Harmattan dans la collection « Champs visuels » en 2018.
Notes
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[1]
Michel Gondry (réal.), L’Écume des jours, Issy-les-Moulineaux, France, Studiocanal, 2013.
-
[2]
À ce propos, il faut rappeler que le groupe Pathé avait mis en branle une lourde machine publicitaire pour faire la promotion de ce film au budget dépassant les vingt millions d’euros. Néanmoins, le public ne fut pas au rendez-vous (seulement 47 000 personnes ont vu le film la journée de sa sortie en France). De même, les critiques, celles de la presse généraliste de même que les critiques spécialisées en cinéma, ont généralement été négatives. « Tout se passe donc comme si le processus de production du film avait joué directement contre la poésie du livre, et ce malgré la caution d’un réalisateur aussi talentueux que Michel Gondry », note-t-on sur la plateforme éducative Zéro de conduite, qui résume bien l’un des principaux écueils du film selon l’opinion publique, soit celui de sa lourdeur, en considérant que l’on attendait un film léger et gai (« L’Écume des jours : le parti pris des choses » [en ligne], Zéro de conduite, 24 avril 2013 [https://www.zerodeconduite.net/article/lecume-des-jours-le-parti-pris-des-choses]). Même son de cloche chez Serge Kaganski des Inrockuptibles : « L’Écume des jours est un film plein, un festin pour les yeux aussi chargé que ces buffets pantagruéliques qui barbouillent l’estomac au bout de trois bouchées. L’orgie visuelle déployée par Gondry n’est pas une écume mais une vague, un puissant rouleau qui engloutit tout (acteurs, personnages, émotions, spectateurs...) et nous laisse sur le sable, étourdi et hagard » (Serge Kaganski, « L’Écume des jours, une adaptation ratée » [en ligne], Les Inrockuptibles, 23 avril 2013 [https://www.lesinrocks.com/cinema/lecume-des-jours-23963-23-04-2013/]). Enfin, on citera Didier Péron de Libération, qui déplore l’« ennui a priori inexplicable [du] feu d’artifice de créativité du cinéaste français qui allume toutes les mèches visuelles possibles à partir des réserves de métaphores du texte original » (Didier Péron, « L’enclume des jours de Gondry » [en ligne], Libération, 23 avril 2013 [https://www.liberation.fr/cinema/2013/04/23/l-enclume-des-jours-de-gondry_898396/]).
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[3]
Comme le souligne justement Marc Lapprand dans son édition des Oeuvres romanesques complètes de Vian, il faut d’ailleurs savoir que, en plus du film de Gondry, il existe trois autres adaptations cinématographiques et télévisuelles de L’Écume des jours : celle, éponyme, de Charles Belmont (1968), Kuroe de Gō Rijū (2001) et Der Schaum der Tage de Michael Groote (1993) (Marc Lapprand dans Boris Vian, Oeuvres romanesques complètes, I, édition publiée sous la direction de Marc Lapprand, avec la collaboration de Christelle Gonzalo et François Roulmann, Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 2010, p. 1200-1203).
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[4]
Ou, comme le réalisateur le précise ici, d’un souvenir du texte : « Adapter, c’est adopter. Évidemment, ça sonne bien, mais c’est vrai. Le livre prend mon nom. Je le transforme, l’éduque à ma façon, puis nous faisons partie de la même famille. Je voulais montrer que je pouvais transcrire visuellement ce que m’inspiraient ses idées, ses créations. Je n’ai pas relu le livre quand j’ai commencé la préparation du film. Je voulais d’abord inscrire ce qui m’était resté. Ma mémoire est brouillonne et défaillante. Donc, il s’agissait de fragments. Mais qui avaient résisté au temps, car ils m’avaient marqué plus que le reste. Puis je les ai réintégrés dans l’histoire complète et ils sont devenus des souvenirs, des flash-back » (Michel Gondry, « Ses images bougeaient sur les pages », L’Humanité, 20 juin 2019).
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[5]
À la fois au sens d’action qui remédie à une difficulté et au sens de médiation nouvelle. Sur l’utilisation de ce concept en études médiatiques, voir l’ouvrage classique de Jay David Bolter et Richard Grusin, Remediation : Understanding New Media, Cambridge (MA), MIT Press, 2000.
-
[6]
Marc Savoie, « Présentation de l’oeuvre », dans Boris Vian, L’Écume des jours, Montréal, Beauchemin, 2010, p. 239.
-
[7]
Jacques Fontanille, Sémiotique du discours, Limoges, Presses Universitaires de Limoges, 1998, p. 117-118.
-
[8]
Jean-Yves Tadié, Le Récit poétique, Paris, Gallimard, 1994 [1978], p. 7.
-
[9]
Ibid., p. 7-8 ; nous soulignons.
-
[10]
Boris Vian, L’Écume des jours, Oeuvres romanesques complètes, I, op. cit., p. 376.
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[11]
D’où le néologisme « Cépédéiste » formé à partir de l’abréviation CPDE (Compagnie Parisienne de Distribution de l’Électricité), ce qui ajoute à la teneur poétique du passage qui était déjà chargé, entre autres effets, de figures de personnification.
-
[12]
Jacques Bens, « Un langage-univers », postface de L’Écume des jours, Paris, UGE (10/18), 1979 [1963], p. 178.
-
[13]
Roger Odin, « Construire la structure énonciative. (1) Fictiviser », De la fiction, Bruxelles, De Boeck Université, 2000, p. 49.
-
[14]
André Bazin, « Pour un cinéma impur », Qu’est-ce que le cinéma ?, édition définitive, Paris, Les Éditions du Cerf, 1975 [1952], p. 95-97.
-
[15]
André Gaudreault et Philippe Marion, La Fin du cinéma ? Un média en crise à l’ère du numérique, Paris, Armand Colin, 2013, p. 244 ; les auteurs soulignent.
-
[16]
Sur l’histoire des effets spéciaux au cinéma, voir Thomas Carrier-Lafleur et Jean-Pierre Sirois-Trahan (dir.), assistés de Guillaume Lavoie, Archéologie des effets spéciaux. Histoire, ontologie, dispositifs, Montréal, Presses de l’Université de Montréal (Cinéma et technologie), à paraître en 2022.
-
[17]
Propos de Michel Gondry dans l’article « Adapter L’Écume des jours, le dernier défi de Michel Gondry » [en ligne], Le Point, 20 avril 2013 [https://www.lepoint.fr/culture/adapter-l-ecume-des-jours-le-dernier-defi-de-michel-gondry-20-04-2013-1657367_3.php].
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[18]
Nous reprenons ici la terminologie de Christian Metz dans son texte « Trucage et cinéma ». Le trucage imperceptible, lorsque réussi, passe inaperçu, autrement dit le spectateur n’est même pas conscient qu’il y a eu trucage, comme c’est le cas lorsqu’on confond un acteur avec sa doublure. Quant au trucage invisible, le spectateur ne sait pas comment il est réalisé (normalement), mais il sait très bien qu’il y a trucage, car son effet est perceptible, comme c’est le cas dans les films mettant en scène un « homme invisible » par exemple (Christian Metz, « Trucage et cinéma », Essais sur la signification au cinéma, t. II, Paris, Klincksieck, 1972 [1971], p. 179-180).
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[19]
Dans son texte « Petits fours et eau salée », Pascal Mérigeau note non sans méchanceté que « [t]out cela sent l’effort et le réchauffé […]. Pour ne pas trouver ça niais, peut-être convient-il de n’avoir pas atteint encore les 13 ou 14 ans, bref d’avoir l’âge des lecteurs de “L’Écume des jours”, qui est aussi celui qu’il plaît à Gondry de donner à croire qu’il ne l’a pas dépassé » (L’OBS, 23 octobre 2014 [https://www.nouvelobs.com/cinema/20130425.CIN4035/petits-fours-et-eau-salee.html]).
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[20]
Ce trucage, que Gondry affectionne particulièrement puisqu’il l’a également utilisé dans La Science des rêves (2006), est en fait inspiré du cinéaste Jean Vigo qui a fait un trucage similaire dans son documentaire très stylisé sur le nageur Jean Taris (Taris, 1931), ainsi que dans son film de fiction L’Atalante (1934).
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[21]
Type d’animation artisanale que Gondry avait déjà expérimentée dans son vidéo-clip pour la chanson « Walkie Talkie Man » (2004) du groupe Steriogram.
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[22]
Marc Lapprand, « L’ Écume des jours. Notice », dans Boris Vian, Oeuvres romanesques complètes, I, op. cit., p. 1192.
-
[23]
Dans le cinéma dit des « premiers temps », ces caches servaient avant tout à masquer les bords de l’image qui rendaient trop perceptible le tremblement de l’image dû à l’actionnement de la manivelle sur la caméra. Dans certaines conditions de projection, la forme circulaire du cache pouvait être également masquée lors de la projection en ajustant la portion de l’image projetée. Cependant, à force de projeter ces films dans des conditions de projection adaptées aux pratiques plus « modernes », où la prise de vues est pratiquement toujours stable et ne demande pas de masquer les bords des images, le public s’est ainsi habitué à voir les caches sur ces films plus anciens et à associer cette forme à l’esthétique générale du cinéma des premiers temps.
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[24]
Christian Metz, loc. cit., p. 187.
-
[25]
André Gaudreault et Tom Gunning, « Le cinéma des premiers temps : un défi à l’histoire du cinéma ? », dans Jacques Aumont, André Gaudreault et Michel Marie (dir.), L’Histoire du cinéma. Nouvelles approches, Paris, Publications de la Sorbonne, 1989, p. 49-63 (article issu d’une communication présentée en 1985 au colloque de Cerisy Nouvelles approches de l’histoire du cinéma).
-
[26]
Tom Gunning, « Le cinéma d’attraction : le film des premiers temps, son spectateur, et l’avant-garde », traduit de l’anglais par Franck Le Gac, 1895, n° 50 (2006) [1990 ; publication originale anglaise], p. 59.
-
[27]
André Gaudreault, Cinéma et attraction. Pour une nouvelle histoire du cinématographe, Paris, CNRS, 2008, p. 41.
-
[28]
Tom Gunning, « Cinéma des attractions et modernité », Cinémathèque, n° 5 (1994), p. 132.
-
[29]
André Gaudreault, Cinéma et attraction, op. cit., p. 96.
-
[30]
Georges Méliès, « Importance du scénario » [1932], dans Georges Sadoul, Georges Méliès, Paris, Seghers, 1961, p. 118 ; c’est Méliès qui souligne.
-
[31]
André Gaudreault et Philippe Marion, La Fin du cinéma ?, op. cit., p. 244-245.
-
[32]
Ibid., p. 246.
-
[33]
Boris Vian, « Possibilités d’un cinéma amateur », Oeuvres romanesques complètes, II, édition publiée sous la direction de Marc Lapprand, avec la collaboration de Christelle Gonzalo et François Roulmann, Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 2010, p. 992
-
[34]
Le meilleur portrait du champ des discours sur le cinéma à cette époque se trouve chez Laurent Le Forestier, avec La Transformation Bazin, Rennes, Presses Universitaires de Rennes (Le spectaculaire : Cinéma), 2017.
-
[35]
Boris Vian, « Possibilités d’un cinéma amateur », Oeuvres romanesques complètes, II, op. cit., p. 993.
-
[36]
Boris Vian, « Vive le tèchnicolor ou On en a marre du Voleur de bicyclettes », Oeuvres romanesques complètes, II, op. cit., p. 997.
Références
- « Adapter L’Écume des jours, le dernier défi de Michel Gondry » [en ligne], Le Point, 20 avril 2013 [https://www.lepoint.fr/culture/adapter-l-ecume-des-jours-le-dernier-defi-de-michel-gondry-20-04-2013-1657367_3.php].
- Bazin, André, « Pour un cinéma impur », Qu’est-ce que le cinéma ?, édition définitive, Paris, Les Éditions du Cerf, 1975 [1952], p. 81-106.
- Bens, Jacques, « Un langage-univers », postface de L’Écume des jours, Paris, UGE (10/18), 1979 [1963], p. 177-187.
- Bolter, Jay David et Richard Grusin, Remediation : Understanding New Media, Cambridge (MA), MIT Press, 2000.
- Carrier-Lafleur, Thomas et Jean-Pierre Sirois-Trahan (dir.), assistés de Guillaume Lavoie, Archéologie des effets spéciaux. Histoire, ontologie, dispositifs, Montréal, Presses de l’Université de Montréal (Cinéma et technologie), à paraître en 2022.
- Fontanille, Jacques, Sémiotique du discours, Limoges, Presses Universitaires de Limoges, 1998.
- Gaudreault, André, Cinéma et attraction. Pour une nouvelle histoire du cinématographe, Paris, CNRS, 2008.
- Gaudreault, André et Philippe Marion, La Fin du cinéma ? Un média en crise à l’ère du numérique, Paris, Armand Colin, 2013.
- Gaudreault, André et Tom Gunning, « Le cinéma des premiers temps : un défi à l’histoire du cinéma ? », dans Jacques Aumont, André Gaudreault et Michel Marie (dir.), L’Histoire du cinéma. Nouvelles approches, Paris, Publications de la Sorbonne, 1989, p. 49-63.
- Gondry, Michel, « Ses images bougeaient sur les pages », L’Humanité, 20 juin 2019.
- Gondry, Michel, (réal.), L’Écume des jours, Issy-les-Moulineaux, France, Studiocanal, 2013.
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- Metz, Christian, « Trucage et cinéma », Essais sur la signification au cinéma, t. II, Paris, Klincksieck, 1972 [1971], p. 173-192.
- Odin, Roger, « Construire la structure énonciative. (1) Fictiviser », De la fiction, Bruxelles, De Boeck Université, 2000, p. 47-52.
- Péron, Didier, « L’enclume des jours de Gondry » [en ligne], Libération, 23 avril 2013 [https://www.liberation.fr/cinema/2013/04/23/l-enclume-des-jours-de-gondry_898396/].
- Savoie, Marc, « Présentation de l’oeuvre », dans Boris Vian, L’Écume des jours, Montréal, Beauchemin, 2010, p. 172-251.
- Tadié, Jean-Yves, Le Récit poétique, Paris, Gallimard, 1994 [1978].
- Vian, Boris, Oeuvres romanesques complètes, I, édition publiée sous la direction de Marc Lapprand, avec la collaboration de Christelle Gonzalo et François Roulmann, Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 2010.
- Vian, Boris, Oeuvres romanesques complètes, II, édition publiée sous la direction de Marc Lapprand, avec la collaboration de Christelle Gonzalo et François Roulmann, Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 2010.