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Ce numéro d’Études/Inuit/Studies traite de la préservation des langues et des savoirs autochtones dans le Nord face au changement graduel (shift). Selon certaines définitions, celui-ci se produit quand un objet ou un processus dévie de sa trajectoire originelle pour se mettre à pointer dans une autre direction. Même si cette déviation est minime, l’entité qui la subit risque, après un certain temps, d’aboutir très loin de sa destination première.
Dans le cas des populations humaines, le changement graduel des langues et des savoirs doit être entendu dans le sens suivant: la compréhension qu’a un peuple quelconque de son environnement naturel et social, et la façon dont il communique au sujet de cet environnement, sont plus ou moins brutalement mis à l’écart par des concepts et des mots nouveaux. Les modes originaux de compréhension et de communication sont ainsi poussés dans une direction nouvelle qui, dans le pire des cas, mène à leur oubli.
Les populations autochtones du Nord et d’ailleurs ont subi — et subissent encore — ce type de changement. Depuis plusieurs décennies, et même quelques siècles pour certaines, leurs langues et leurs savoirs d’origine tendent à être transformés et remplacés par ceux des puissances coloniales et néo-coloniales, ainsi que par les forces mondialisatrices présentement à l’oeuvre dans le Nord. Il en résulte que la plupart, sinon tous les systèmes indigènes nordiques de communication et de connaissance ont été et sont toujours mis en danger par l’intrusion des langues universelles, des idéologies nouvelles, des médias et de la culture populaire, ainsi que de la science internationale.
Dans ce numéro, nous nous demanderons jusqu’à quel point les langues et les savoirs autochtones peuvent être préservés et rester dynamiques ou, à tout le moins, viables face à ce changement graduel. En d’autres mots, comment la diversité linguistique et cognitive encore présente au Nord peut-elle, grâce à une inversion du processus de changement, survivre à ce rouleau compresseur que constituent la pensée occidentale et les langues majoritaires européennes soutenues par l’État.
Des auteurs provenant de divers pays et possédant des formations professionnelles différentes — linguistes, éducateurs, anthropologues, spécialistes des savoirs, travailleurs culturels — décriront des exemples d’efforts récents pour tenter d’inverser la tendance au changement des langues et des savoirs. La plupart de ces exemples relèvent d’un contexte inuit, de la Tchoukotka russe à l’Alaska, au Canada et au Groenland; mais dans un but de comparaison, on citera aussi des cas provenant d’autres régions du Nord. Nous ne prétendons pas tirer quelque conclusion que ce soit sur une possible corrélation directe entre la vitesse et les étapes du changement linguistique et celles du changement des savoirs. Nous croyons cependant fermement — et plusieurs articles de ce numéro l’illustrent assez explicitement — que les savoirs autochtones ne peuvent survivre sans les formes linguistiques dans lesquelles on les pense et les exprime habituellement, et que le changement linguistique entraîne presque nécessairement un changement au niveau de la cognition. Inversement, la langue peut probablement survivre sans l’ancien système de connaissances qu’elle sous-tendait, mais il est loisible de croire qu’elle le fait sous une forme cognitive amoindrie.
Inverser le changement des langues et des savoirs
Dans un texte fondateur publié en 1991, le sociolinguiste américain Joshua A. Fishman discute des fondements et de la méthodologie de ce qu’il appelle «Inverser le changement langagier» (Reversing Language Shift, ou RLS). On peut facilement élargir son propos au domaine des systèmes de connaissances, pour parler d’«inverser le changement des langues et des savoirs» (Reversing Language and Knowledge Shift, ou RLKS), concept que nous utiliserons dans ce volume. Fishman (1991: Chap. 2) donne diverses raisons justifiant le RLS (et le RLKS en ce qui nous concerne). Certaines personnes croient que la survie des langages et savoirs minoritaires n’est ni nécessaire ni désirable. Tout en admettant qu’il s’agit là d’un choix philosophique, Fishman affirme que le soutien aux langues et systèmes cognitifs minoritaires «fait partie d’un processus de rétablissement, dans l’existence de chacun, des options locales, du contrôle local, de l’espoir local et de la signification locale» (ibid.: 35, notre traduction), desquels les minorités seraient aliénées si les forces majoritaires prévalaient sur leurs langues autochtones et leur science indigène. Il n’est que juste que les unités sociales de base (familles, maisonnées, voisinages, écoles, communautés locales, associations, etc.) fonctionnent dans la langue préférée de leurs membres, même si seule une toute petite minorité partage cette langue et son système cognitif.
D’autres prétendent qu’il est trop tard pour préserver des langues minoritaires et des systèmes de savoirs en train de dépérir, et qu’il est à toute fin pratique inutile de dépenser de l’argent et de l’énergie pour «arrêter le changement.» Le sociolinguiste répond à cette affirmation en soutenant qu’il est toujours possible de faire quelque chose pour une langue en danger et la culture qu’elle véhicule. On peut obtenir de meilleurs résultats en déterminant la façon la plus efficace possible d’intervenir dans chaque cas particulier, plutôt qu’en appliquant une politique standard ou une stratégie générale prédéterminée, comme le font communément les agences gouvernementales.
On peut aussi arguer qu’il est possible de s’identifier à un peuple ou à une nation sans parler sa langue ni partager ses savoirs traditionnels et ses pratiques culturelles. Fishman réplique que cela peut être partiellement vrai, mais que le mode de vie de ceux qui préservent leurs savoirs et leur langue d’origine est différent de celui de leurs congénères qui les ont perdus. Toute forme linguistique et cognitive est particulièrement apte à exprimer et symboliser la culture à laquelle elle a été traditionnellement associée. Celles et ceux qui sont incapables d’utiliser une telle forme risquent d’être perçus comme n’étant plus de «vrais» porteurs de leur culture, ou de véritables membres de leur groupe ethnique. Dans le contexte arctique, c’est souvent le cas des Inuit, qui admettent généralement qu’on peut être Inuk sans parler l’inuktitut, mais qu’un «vrai Inuk» (inummarik ou inutuinnaq) doit bien connaître sa langue ancestrale et son environnement nordique.
Finalement, Fishman répond à ceux qui se demandent si la préservation de l’identité d’origine est vraiment utile, que le rejet de sa propre culture et de sa définition de soi peut être dû à un manque de confiance provoqué par le pouvoir apparemment écrasant de la société majoritaire. La pleine acceptation de sa culture peut ouvrir la porte à l’acceptation des autres manières de vivre, et du monde en général. Au contraire, la confusion identitaire, aggravée par la perte de sa langue et de ses savoirs ancestraux, risque d’engendrer de l’étroitesse d’esprit et de l’intolérance à l’égard des autres. Il est donc beaucoup plus souhaitable de préserver la diversité ethnique, linguistique et cognitive que de tendre vers l’homogénéité culturelle. On doit ajouter à cela qu’un futur «village global» comprendra plusieurs membres différents et non une seule tribu uniforme.
Pour paraphraser Fishman, le RLKS peut être défini comme une perspective où des efforts rationnels construisent et sauvegardent les aspirations d’une nation (ou d’une communauté) minoritaire, de façon à ce que celle-ci soit en contact avec le monde au sens large, sans toutefois être submergée par lui (Fishman 1991: 393). Le RLKS est donc un mouvement social ayant pour objectif une modernisation auto-régulée — par opposition à un modernisme imposé ou contrôlé par un pouvoir externe. Les artisans et les promoteurs du RLKS ne sont pas de simples défenseurs d’un passé mythique, mais des agents de changement qui croient en la persistance. Pour eux, les langues et les savoirs locaux jouent un rôle identitaire fondamental, en facilitant la continuité entre aujourd'hui et demain. Ce rôle est beaucoup plus significatif que la valeur que pourraient avoir langue et savoirs en tant qu’héritages du passé.
Inverser le processus de changement graduel des langues et des savoirs peut être long, difficile et parfois ennuyeux, mais Fishman juge que c’est faisable. En ce qui concerne la langue — mais, mutatis mutandis, c’est aussi vrai pour les savoirs minoritaires — le processus d’inversion passe à travers diverses étapes et il peut se dérouler à des vitesses différentes (ibid.: 395sq). L’étape la plus critique consiste à atteindre ce que les linguistes appellent la «diglossie» — une division des tâches fonctionnelle et largement acceptée, entre le parler local et les langues de la majorité imposées par l’enseignement, les démarches administratives, les médias et le domaine public. Pour donner suite à son livre de 1991, Fishman a dirigé 10 ans plus tard un recueil d’essais (Fishman 2001) qui «revisitaient» le RLS. Dans sa conclusion à ce nouvel ouvrage, l’auteur souligne que de façon générale, la mondialisation et le néo-conservatisme semblent aller à l’encontre des langues et cultures minoritaires.
Fishman demeure toutefois modérément optimiste. Il remarque que l’enseignement en langue maternelle est beaucoup plus efficace quand les programmes scolaires sont en lien avec la vie réelle, hors école, des élèves. Il mentionne aussi que les aînés de la communauté doivent s’engager activement dans la transmission de la langue à l’extérieur du contexte scolaire, par le biais de divers groupes locaux. Ceci mène Fishman à conclure que le mouvement en faveur du RL(K)S doit devenir plus rationnel et plus pratique dans le choix de ses objectifs et dans ses efforts de réseautage. Concrètement, mieux vaut faire preuve de persistance dans la recherche et l’identification d’audiences et de clientèles spécifiques qui pourront former des réseaux et transmettre le message, que de s’adresser aux communautés au sens large en faisant appel à des valeurs trop générales. Nous pouvons ajouter à cela qu’une telle persistance est encore plus utile quand on cherche à soutenir des savoirs menacés par les changements technologiques et linguistiques contemporains.
Le changement des langues et des savoirs dans le Nord
Il n’y a pas lieu ici de s’étendre sur l’histoire des contacts linguistiques et intellectuels entre les populations autochtones nordiques et le monde extérieur. Qu’il suffise de mentionner que, selon la région arctique considérée, un, deux (ou même trois) siècles de présence des baleiniers, des trafiquants de fourrures, des missionnaires, des instituteurs et des administrateurs ont le plus souvent eu des effets négatifs sur les langues et les savoirs locaux. Dès les années 1920, Knud Rasmussen (1929: 131, 251) regrettait le fait que les Inuit de l’Arctique oriental canadien étaient en train d’oublier plusieurs rituels, croyances et mythes traditionnels. Des affirmations semblables avaient été émises beaucoup plus tôt dans d’autres régions de l’Arctique, où les contacts de type colonial dataient du milieu du 19e siècle, ou même du 18e, comme au Groenland, au Labrador et en Alaska méridional.
La création d’écoles dans le Nord, qui prit place à partir des années 1930 (beaucoup plus tôt au Groenland et au Labrador), n’améliora pas les choses pour les parlers minoritaires, et ce même quand les programmes d’enseignement faisaient appel aux langues autochtones, de façon générale ou pour un nombre limité d’élèves. Les systèmes traditionnels de savoirs furent eux aussi profondément affectés par le christianisme et, plus tard, par la science. L’introduction d’idées nouvelles à propos de la relation entre les humains, les animaux et les puissances spirituelles transforma au moins partiellement la force explicative des savoirs autochtones, même si leurs fonctions pratiques furent plus ou moins épargnées.
Le changement graduel est probablement plus facile à mesurer dans le cas du langage. En ce début de 21e siècle, les langues autochtones nordiques, encore parlées par presque tous il y a 60 ans, ne paraissent plus être en sécurité que dans une seule région de l’Arctique, le Groenland. Là-bas, l’usage du kalaallisut (groenlandais) semble même avoir augmenté — aux dépens du danois — depuis la mise en place de l’autonomie interne en 1979. Partout ailleurs, les parlers indigènes sont en déclin ou en voie d’extinction. Dans les territoires inuit et yupiit, les langues eskaléoutes ne sont généralement plus transmises aux enfants en Alaska (sauf à l’île Saint-Laurent et dans les deltas du Yukon et de la Kuskokwim; voir Krauss 1980) et dans les régions Inuvialuit, Kitikmeot et Nunatsiavut (Labrador) du Canada. Au Nunavik (Québec arctique) et au Nunavut oriental, l’inuktitut est encore connu de la vaste majorité de la population, mais les jeunes préfèrent souvent communiquer en anglais (Dorais et Sammons 2002) et les statistiques révèlent une diminution lente mais constante des locuteurs de langue maternelle inuktitut. Dans le nord de la Scandinavie, les Sámi sont aussi en train de perdre leur langage, et en Russie arctique, les enfants appartenant aux petits peuples du Nord ne parlent plus leurs langues indigènes, sauf chez les Nenets de Sibérie occidentale, ainsi que chez les Sakha (Yakoutes) et les Even du nord-est de la Russie (Krauss 1997; Vakhtin 1992).
Depuis plus de trois décennies, des organismes et des activistes autochtones et non autochtones ont fait des efforts soutenus pour tenter de contrer cette menace de transfert des langues indigènes aux idiomes dominants des États-nations nordiques. En Alaska et au Canada comme chez les Sámi, le début des années 1970 vit les premiers essais d’enseignement des langues autochtones à l’école primaire et de formation de maîtres compétents en langues maternelles. Au Groenland, où le kalaallisut était enseigné depuis le 18e siècle, une brève période de présence accrue du danois dans les écoles, durant les années 1960 et le début des années 1970 (Gynther 1980), fut suivie d’une réforme de l’orthographe (1973) et de l’autonomie interne, qui fit du kalaallisut la première langue du pays. En Russie septentrionale, l’administration soviétique ne semblait pas très favorable à la préservation des langues et cultures autochtones, malgré ses prétentions contraires et, à partir des années 1930, ses efforts parfois soutenus dans le domaine de l’enseignement et des publications en langues indigènes. Suite à ces politiques ambiguës et inefficaces, mais aussi à cause d’une expansion industrielle incontrôlée et de l’afflux de milliers de résidents non indigènes, les langues autochtones ont constamment décliné dans le Nord russe, surtout depuis les années 1970 (Vakhtin 2001). Ce n’est que récemment que des activistes culturels locaux, appuyés par des non-autochtones russes et étrangers, ont commencé à développer des stratégies pour inverser le cours du changement des langues et des savoirs chez les peuples indigènes de Russie.
Un pionnier du RLS au Nord: Michael Krauss
Depuis les années 1960, une personne en particulier a joué un rôle crucial dans les efforts internationaux pour stopper le changement linguistique au Nord. Il s’agit de Michael E. Krauss, professeur à l’Université d’Alaska à Fairbanks (UAF) (Figure 1). Le professeur Krauss, qui a eu 70 ans en août 2004, a vécu en Alaska et enseigné à l’UAF depuis 1960. Avec sa formation de linguiste (il est détenteur d’un doctorat décerné par Harvard en 1959), il est devenu l’un des premiers spécialistes intéressés à la situation des langues nordiques minoritaires, non seulement du point de vue de leur description, de leur classification et de leur analyse académiques, mais aussi par rapport à leur préservation dans le monde contemporain et à leur développement grâce à l’école, l’alphabétisation et l’usage public. Pendant ses 45 ans de vie professionnelle et publique mise au service des langues autochtones d’Alaska et de l’éducation nordique, Michael Krauss a contribué de façon éminente aux efforts d’inversion du processus de changement graduel des langues (et aussi des savoirs) dans le Nord. Il est toujours pleinement actif dans le domaine, et on le considère généralement comme le doyen des études sur le RLS nordique, tant en Alaska qu’en Russie et sur la scène internationale.
La création en 1972, sous la direction du professeur Krauss, de l’Alaska Native Language Center (Centre des langues autochtones d’Alaska) de l’UAF, le premier organisme moderne entièrement voué à l’avancement des parlers indigènes au Nord, doit être considérée comme un jalon important de l’histoire du RLKS. Des spécialistes autochtones et non autochtones travaillant au Centre ont développé des orthographes standards pour chacune des langues indigènes d’Alaska, ainsi que du matériel de niveau primaire, secondaire et post-secondaire (grammaires, dictionnaires, recueils de textes, etc.) destiné aux programmes scolaires dans ces langues (Figures 2 et 3).
Parallèlement à cela, les années 1970 et le début des années 1980 ont vu, au Canada, le développement de programmes de formation des maîtres d’inuktitut dans les Territoires du Nord-Ouest, au Québec arctique (Nunavik) et au Labrador. Après la mise en vigueur de l’autonomie interne, le Groenland a créé un Secrétariat linguistique, pour contrôler l’évolution et l’usage du kalaallisut. Cette reconnaissance et ce nouveau statut des langues nordiques, reconnues comme outils et lieux légitimes d’enseignement, d’alphabétisation et de communication publique, ont entraîné la parution de nombreux travaux les utilisant et (ou) les prenant pour objet. Mentionnons parmi d’autres (et en ordre alphabétique) les études de Knut Bergsland (sur l’aléoute), Richard Dauenhauer (tlingit), Steven Jacobson (yup’ik d’Alaska et yupik de Sibérie), Lawrence D. Kaplan (inupiaq), James Kari (dènè) et Jeff Leer (sugpiaq) en Alaska ; Eung-Do Cook (dènè), Louis-Jacques Dorais (dialectes inuit), Lynn Drapeau (innu-montagnais), Alana Johns (inuktitut du Kivalliq et du Labrador), Ronald Lowe (inuvialuktun), Margaret Mackenzie (cri et naskapi), S.T. Mick Mallon (enseignement de l’inuktitut), Elke Nowak (inuktitut), Keren Rice (dènè), John Ritter (dènè) et Michèle Therrien (sémantique de l’inuktitut) au Canada; Anna Berge (groenlandais de l’ouest), Michael Fortescue (inuktun de Thule et groenlandais de l’ouest), Birgitte Jacobsen (groenlandais de l’ouest), Jørgen Rischel (groenlandais de l’est et de l’ouest) et Jerrold Sadock (groenlandais de l’ouest) au Groenland; et Evgeni Golovko (yupik sibérien et aléoute des îles du Commandeur), Georgii A. Menovshchikov (yupik sibérien) et Nikolai Vakhtin (yupik sibérien) en Russie.
À ce groupe de linguistes professionnels devait bientôt s’ajouter un nombre croissant de spécialistes autochtones du langage, originaires d’Alaska (Nora Marks Dauenhauer, Moses L. Dirks, Anna Jacobson, Christopher Koonooka, Edna A. MacLean, Vera Metcalf, Kathy Sikorski), du Canada (Catharyn Andersen, Margo Kadlun, Elisapi Ootoova, Marcelline Picard-Kanapé, Taamusi Qumaq), du Groenland (Carl Christian Olsen, Robert Petersen), de la péninsule fenno-scandinave (Pekka Aikio) et de la Russie (Lyudmila Ainan/Aynganga, Svetlana Ashikhmina-Taghyek, Elizaveta Dobrieva, Petr Inenlikey, Vladimir Raghtylin, Valentina Serikova/Qaghaq). Leurs efforts communs donnèrent des résultats positifs. C’est sans doute ce qui explique pourquoi, malgré l’omniprésence du changement linguistique graduel, la plupart des parlers autochtones nordiques font maintenant partie des programmes d’enseignement de centaines d’écoles et de centres d’éducation préscolaire à travers le Nord, ainsi que de ceux de plusieurs collèges et universités. Ces parlers sont aussi utilisés par les chaînes locales et régionales de radio et de télévision, de même que dans des officines majeures d’administration publique au Groenland et au Nunavut.
Du changement des langues à celui des savoirs
Pour ce qui est du changement graduel des savoirs, ce n’est que depuis les années 1980 qu’un certain nombre d’anthropologues, de spécialistes des sciences naturelles et d’activistes locaux se mirent à s’inquiéter sérieusement du peu d’impact que les communautés et les experts en savoirs nordiques avaient sur le développement de la science et sur le corpus de données expérimentales concernant les peuples arctiques et leur environnement. Les scientifiques et les habitants du Nord s’inquiétaient aussi de la perte de connaissances importantes, de visions du monde indigènes et d’histoire communautaire entraînée par la disparition des aînés et de leur expertise, ces aînés qui étaient nés et avaient été élevés dans un environnement culturel totalement traditionnel. Des spécialistes en sciences humaines — des ethnohistoriens par exemple — commencèrent d’abord à recueillir et à publier des histoires de vie personnelles, des mémoires et des autobiographies émanant de ces aînés respectés. Il devint rapidement évident que cette façon de faire offrait une occasion valable et très intéressante d’atteindre un public nordique plus étendu, autochtone comme non autochtone. La lecture de vraies histoires d’aînés (et non de simples textes de folklore), même quand ces histoires paraissaient dans des langues non autochtones, constituait un rite de passage émotionnel qui inspirait les gens. Plusieurs résidents du Nord et nombre de spécialistes académiques en arrivèrent ainsi à se questionner sur le changement des savoirs et, pour la première fois, à mettre au point des stratégies pratiques pour préserver les traditions religieuses et philosophiques indigènes, de même que les souvenirs historiques locaux, à l’intérieur du corpus général de connaissances sur les sociétés nordiques.
Le second élan donné aux efforts de RKS (Reversing Knowledge Shift; inverser le changement des savoirs) dans le Nord débuta peu après, au cours des années 1980 et au début des années 1990, en lien avec un courant grandissant de recherche sur les savoirs environnementaux traditionnels (Traditional Environmental Knowledge; TEK). Dans le cadre d’études documentaires sur les TEK, des spécialistes tant académiques que locaux essayèrent de développer des modèles de collaboration entre les porteurs de ces savoirs et la communauté scientifique internationale. Ils voulaient utiliser les connaissances locales pour se donner une meilleure perspective sur des problèmes environnementaux courants dans le Nord, ceux, tout d’abord, liés à la gestion du gibier et des ressources, à la pollution, aux contaminants, et à d’autres problèmes de santé. Au cours de la dernière décennie, les grandes études sur les savoirs indigènes, ainsi que les principaux efforts de RKS, ont porté sur le réchauffement de la planète et sur les observations autochtones des changements environnementaux dans l’Arctique. Pendant les années 1990, on s’est aussi clairement dirigé vers un accroissement des efforts de coopération entre chercheurs et communautés. Les peuples indigènes sont ainsi devenus des partenaires actifs dans la planification et l’exécution de la recherche, comme dans l’analyse de ses résultats. Ceci constituait un changement important de perspective pour le RKS, puisque les chercheurs comme les communautés ont alors commencé à réaliser que les populations locales étaient les mieux à même de prendre des décisions sur l’étude, la préservation et l’utilisation des savoirs autochtones.
En raison de son importance pour mieux faire comprendre les processus écologiques et sociaux maintenant en action dans le Nord, l’étude des savoirs indigènes est devenue un thème majeur de l’anthropologie arctique et subarctique contemporaine (Berkes 1999; Krupnik et Jolly 2002). Mentionnons — toujours par ordre alphabétique — les noms de quelques contributeurs importants dans ce domaine: Claudio Aporta, Fikret Berkes, Lyudmila Bogoslovskaya, Paul Charest, Shari Fox-Gearheard, Milton M. Freeman, Henry Huntington, Dyanna Jolly, Gary Kofinas, Igor Krupnik, John Macdonald, Tero Mustonen, Nikolai Mymrin, Paul Nadasdy, Douglas Nakashima, Richard Nelson, D.L. Peterson, Pierre Robbe, Natasha Thorpe et George Wenzel, sur les savoirs environnementaux et les activités de subsistance; et Julie Cruikshank, Yvon Csonka, Ann Fienup-Riordan, Chase Hensel, Frédéric Laugrand, Phyllis Morrow, Murielle Nagy, Mark Nuttall, Jarich Oosten, Bernard Saladin d’Anglure, William Schneider, François Trudel et Nancy Wachowich, sur le symbolisme et l’histoire. Ces gens mènent leurs recherches en collaboration avec des spécialistes autochtones dont certains, comme le pédagogue yup’ik A. Oscar Kawagley, l’encyclopédiste inuk Taamusi Qumaq, l’historien sámi Henry Minde, l’expert en patrimoine de l’île Saint-Laurent Willis Walunga, l’anthropologue even Anatolii Alekseev, l’historien youkaghir Simeon N. Gorokhov, et plusieurs autres, ont publié leurs propres ouvrages. Ces spécialistes indigènes sont désireux de transmettre leurs savoirs ancestraux aux jeunes générations et ils s’appuient pour cela sur des initiatives du milieu, d’ordre soit académique (comme la publication de trois séries de livres sur les savoirs inuit par le Collège Nunavut de l’Arctique à Iqaluit), soit politique. À titre d’exemple, les autorités du Nunavut souhaitent fonder leur manière de gouverner sur les Inuit qaujimajatuqangit, «les choses connues depuis longtemps par les Inuit», et utiliser l’expertise inuit traditionnelle comme pilier de leurs politiques environnementales, patrimoniales, éducationnelles et du domaine de la santé. Malheureusement, il n’existe pas encore de synthèse ou de réflexion générale cherchant à évaluer l’impact des recherches et initiatives ci-dessus mentionnées sur le processus de changement des savoirs dans le Nord.
Réflexions sur le RLKS au Nord
Comme nous venons de le voir, les populations locales et les universitaires s’efforcent de façon sans cesse grandissante de revitaliser les langues et les systèmes de savoirs autochtones nordiques, par le biais de la recherche, de la documentation, de programmes communautaires et éducatifs, et de tentatives pour rejoindre le grand public. Ces efforts ont toutefois toujours été dispersés et mal coordonnés. On n’a pas encore pu inverser ou même arrêter le changement graduel, comme le démontrent la plupart des études de cas. Les frontières nationales, régionales et ethniques, ainsi que des politiques étatiques divergentes, continuent à barrer la route à tout effort collectif ou partiellement coordonné. Plusieurs questions critiques n’ont pas encore reçu de réponse. Par exemple, quel est le rôle joué par les spécialistes, les organismes gouvernementaux et les institutions autochtones du Nord dans les tentatives de documentation des systèmes langagiers et cognitifs nordiques, et comment ce rôle a-t-il évolué depuis les années 1960? En fait-on assez pour préserver les langues et les savoirs autochtones, grâce à divers programmes de documentation, d’éducation et de diffusion? Est-il possible d’inverser, ou du moins de stabiliser, le changement graduel en cours dans les communautés nordiques et, si c’est le cas, sous quelles conditions une telle stabilisation peut-elle réussir, et quels seraient les indicateurs de son échec probable? On a instamment besoin de réflexions plus poussées, car il n’existe à peu près aucune synthèse circumpolaire ni perspective comparative sur le RLKS. À part un petit nombre de descriptions de la situation des langues nordiques au niveau régional ou global (Basse et Jensen 1979; Collis 1990; Krauss 1980, 1984, 1995, 1997; Vakhtin 2001), on n’a jamais publié de comparaison ou d’analyse des efforts de revitalisation des parlers circumpolaires.
Il y a urgence à se pencher sérieusement sur ces questions, vu la vitesse sans précédent à laquelle se transforment les langues et les savoirs traditionnels au Nord, suite au changement culturel et environnemental rapide qui affecte leur usage. Comme on l’a vu plus haut, ce changement se reflète, et ce à plusieurs endroits, dans une baisse (ou, plutôt, une chute) vertigineuse de l’habileté à parler les langues autochtones et à avoir accès aux connaissances traditionnelles, surtout chez les enfants et les jeunes. Par conséquent, les parlers et les systèmes de savoirs indigènes doivent être soutenus par des programmes et des initiatives variés et souvent coûteux, puisque pour plusieurs communautés et nations autochtones du Nord, ils demeurent des piliers essentiels de l’identité culturelle. Ici encore, la question critique consiste à se demander si les transformations en cours peuvent être inversées ou non — selon Fishman, le RLKS est un processus long, ennuyeux et incertain — et ce qu’on doit tenter à ce sujet. La réflexion sur ces questions devrait contribuer de façon majeure aux prochaines recherches fondamentales et appliquées en études circumpolaires, sur les savoirs, les langues et les identités autochtones.
Le colloque de Québec sur le RLKS
Pour mettre ce type de réflexion en route, un colloque international intitulé Peut-on renverser la dérive des langues et des savoirs dans le Nord? a été organisé à Québec, du 28 au 31 octobre 2004. Les articles de ce numéro proviennent de conférences prononcées lors dudit colloque. Pendant les trois jours qu’a duré l’événement, plus de 20 communications ont été présentées par des chercheurs, praticiens, éducateurs et étudiants autochtones et non autochtones, en provenance de quatre pays circumpolaires: le Canada, les États-Unis (surtout l’Alaska), le Groenland et la Russie.
Le colloque visait à rendre un hommage spécial à Michael E. Krauss, le fondateur et ancien directeur de l’Alaska Native Language Center de l’Université de l’Alaska à Fairbanks, à l’occasion de son 70e anniversaire de naissance. Les organisateurs du colloque et rédacteurs invités du présent numéro d’Études/Inuit/Studies considéraient que c’était là la meilleure façon de reconnaître les distingués services professionnels et publics du Professeur Krauss dans le domaine des langues indigènes nordiques et de l’éducation autochtone, et aussi ses efforts intensifs de promotion des langues minoritaires à travers le monde. En réunissant des spécialistes, des activistes culturels et des éducateurs appartenant à des cohortes professionnelles diverses et venant de plusieurs pays, nous souhaitions célébrer à la fois l’impact à long terme et l’envergure mondiale de la carrière nordique du Professeur Krauss.
Le colloque de Québec a été le résultat d’un effort international et interdisciplinaire important, autant que le produit d’une collaboration soutenue entre organismes de recherche. Il était organisé conjointement par le Centre interuniversitaire d’études et de recherches autochtones (CIÉRA) de l’Université Laval et l’Arctic Studies Center de l’Institut Smithsonian à Washington, avec la participation financière du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSHC), de la National Science Foundation des États-Unis (subvention # OPP 0503475), du gouvernement du Nunavut (Ministère de la culture, de la langue, des aînés et des jeunes), de DIALOG: le réseau québécois d’échange sur les questions autochtones, du Secrétariat linguistique du Groenland, de l’Association Inuksiutiit Katimajiit Inc., et du programme ARUC (soutenu par le CRSHC) «Mémoire et histoire au Nunavut.» Nous remercions sincèrement tous ces organismes.
Le colloque comprenait quatre sessions thématiques: Langues et dictionnaires; Documenter les savoirs; Histoires, savoirs et identités; et Contrecarrer la dérive des langues et des savoirs? Une séance finale de synthèse et de conclusions avait pour objectif de souligner les ressemblances et les différences entre les situations variées présentées par les participants. Les communications et les discussions traitaient de sujets divers, allant des questions les plus générales touchant les langues minoritaires et les efforts de revitalisation des savoirs, jusqu’à des thèmes aussi pointus que les variations régionales du système orthographique de l’inuktitut tel qu’utilisé dans les publications patrimoniales, les problèmes quotidiens liés à l’enseignement de la langue et des savoirs autochtones dans une école yupik de Gambell, Alaska, les succès obtenus en utilisant des CD-Rom multimédias interactifs et la technologie de positionnement global (GPS) pour documenter les connaissances et les observations inuit sur la glace marine et les changements environnementaux, ou l’enregistrement des savoirs des éleveurs de renne sámi en Russie. Plusieurs des communications présentées au colloque de Québec sont ensuite devenues des articles dans ce numéro thématique.
Le principal avantage du colloque fut de donner l’occasion aux participants de s’informer sur des perspectives variées, en provenance de régions nordiques dont les pratiques politiques et les approches théoriques quant aux langues minoritaires et au patrimoine intellectuel s’avèrent très différentes les unes des autres. Qui plus est, les nombreux spécialistes seniors présents au colloque ont pu transmettre directement les expériences personnelles vécues par eux depuis les années 1960, pendant les décennies qu’ils ont consacrées à la recherche et à l’intervention sur les langues et les savoirs autochtones nordiques.
Plusieurs d’entre nous croyons que notre communauté professionnelle de spécialistes du Nord souffre d’une perte continuelle de savoirs, avec la disparition de nos «aînés» scientifiques, et que cette communauté tirerait de grands bénéfices d’une connaissance plus large et mieux documentée de sa propre histoire. On peut y arriver en rendant plus souvent hommage à nos prédécesseurs académiques dans le domaine, grâce aux formes variées que peuvent prendre les colloques consacrés à une personnalité, les rencontres anniversaires (comme celle de Québec), et les publications de type festschrift (comme ce numéro thématique). Il est à la fois stimulant et intellectuellement agréable de réunir à une même table, en tant que présentateurs et participants aux débats, des personnes «célèbres» et leurs jeunes collègues, y compris des étudiants. Notre communauté fait généralement montre de beaucoup d’esprit de corps, et le fait, pour des étudiants, d’entendre les paroles et de voir le visage de nos «aînés» les plus respectés constitue sans doute le meilleur investissement que nous puissions faire pour que notre domaine professionnel se perpétue dans le futur.
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This issue of Études/Inuit/Studies is about preserving Aboriginal languages and knowledge in the North, in face of shift. The Compact Oxford Dictionary online (www.askoxford.com) defines "shift" as "a slight change in position, direction, or tendency." Shift occurs when an object or a process deviates from its original course, to start heading in another direction. However slight this direction change may be, the shifting entity risks, after due time, ending very far from its original destination.
As human populations are concerned, language and knowledge shift means that a people's original ways of understanding its natural and social environment and communicating about it are more or less brusquely pushed aside by new concepts and new words. It is therefore launched on a new course which, in the worst of cases, leads towards oblivion. Northern—and other—Aboriginal populations have been and still are subject to shift. Since many decades ago, even a few centuries for some of them, their Native languages and knowledge systems have tended to be transformed and replaced by those of the colonial and neo-colonial powers, as well as by the ongoing forces of globalization intervening in the North. As a result, most, if not all northern indigenous speech and knowledge forms have been and still are put in jeopardy by the intrusion of world languages, new ideologies, media and popular culture, and international science.
In the present issue, we will discuss up to what point can Aboriginal languages and knowledge systems be preserved as vibrant or, at least, sustainable phenomena against this ongoing shift. Put it in other words, how the linguistic and cognitive diversity still in existence in the North can survive, through a reversal of shift, the steam-roller effect of Western thinking and of state-supported European majority languages.
Various specific examples of recent efforts at reversing language and knowledge shift will be examined by authors coming from different countries and professional backgrounds—linguists, educators, anthropologists, knowledge experts, cultural workers. Most of these examples stem from an Inuit context, from the Russian Chukotka to Alaska, to Canada and to Greenland; but for comparison's sake, a few cases from other areas of the North shall also be discussed. We do not pretend to draw any definitive conclusion on a direct correlation between the pace and stages of language shift and those of knowledge shift. We, nevertheless, strongly believe—and many papers in this issue illustrate it quite explicitly—that Aboriginal knowledge cannot survive without the linguistic forms in which it is habitually conceptualized and expressed, and that language shift almost necessarily generates cognitive change as well. Conversely, language can probably be preserved without the old knowledge system it once supported, but, presumably, it does so in a cognitively diminished guise.
Reversing language and knowledge shift
In a seminal book published in 1991, the American sociolinguist Joshua A. Fishman discusses the foundations and methodology of what he calls "Reversing Language Shift" (RLS). His arguments can easily be extended to the field of knowledge systems, and generate a broader concept of "Reversing Language and Knowledge Shift" (RLKS), to be used in this volume. Fishman (1991: Chap. 2) gives various reasons for justifying RLS (as well as RLKS in our case). Some people believe that the survival of minority speech and knowledge forms is neither necessary nor desirable. While admitting this is a philosophical position, Fishman argues that supporting minority languages and cognitive systems "is part of the process of re-establishing local options, local control, local hope and local meaning to life" (ibid.: 35), from which minority groups would otherwise be alienated if majority forces prevailed over their Native language and indigenous science. It is only justice if basic social units (families, households, neighbourhoods, schools, local communities, associations, etc.) operate in the preferred language of their members, even if only a tiny minority share this language and its cognitive system.
Others argue that it is simply too late to preserve dwindling minority languages and cognitive (knowledge) systems and, thus, it is completely useless to spend money and energy to "stop the shift." The sociolinguist's answer to this assertion is that it is always possible to do something for an endangered language and the culture it conveys. Determining what should be done to intervene in the most efficient way in each particular case may bring better results than applying a standard policy or a previously determined general strategy, that is the most common practice of governmental agencies.
It can also be argued that it is possible to identify with a people or a nation without speaking its language or sharing its traditional knowledge and cultural practices. Fishman replies that this may be partially true, but that the pattern of life for those who preserve their ancestral knowledge and speech forms is different from that of those who have lost them. Each form is particularly apt at expressing and symbolizing the culture with which it has traditionally been associated. Those persons who are unable to use such a form risk being perceived as not being anymore "true" bearers of their culture, or real members of their ethnic group. In an arctic context, this is often the case with Inuit, who generally admit that one can be an Inuk without speaking Inuktitut, but that a "real Inuk" (inummarik or inutuinnaq) must speak his or her ancestral language and be knowledgeable about the northern environment.
Finally, Fishman's answer to those who wonder if the preservation of one's original identity is really useful is that rejecting one's own culture and self-definition may be due to a lack of confidence caused by the apparent overwhelming power of the majority society. Full cultural acceptance of oneself can, thus, be the key to accepting other cultures and the larger world. To the contrary, confusion about one's identity, compounded by the loss of one's ancestral language and knowledge systems, risks inducing narrow-mindedness and intolerance against other people. Preserving ethnic, linguistic and cognitive diversity is, thus, much more desirable than achieving some ultimate cultural homogeneity. We may add to this that any future "global village" will be made of many diverse members and not of one uniform tribe.
Paraphrasing Fishman's words, RLKS can be defined as a perspective for rational efforts to build and safeguard aspirations of a minority nation (or community) so that it will be in touch with, but not inundated by, the world at large (Fishman 1991: 393). RLKS is thus a social movement aiming at self-regulated modernization—as opposed to one being enforced or controlled by an external power. RLKS workers and promoters are not merely defenders of some mythical past, but change agents on behalf of persistence. For them, local languages and knowledge systems are fundamental to identity and continuity of today and tomorrow, rather than because of their value in the past.
Reversing language and knowledge shift is a long, difficult and often tedious process, but Fishman deems it feasible. As language is concerned—but mutatis mutandis, this should also hold for minority knowledge systems—the shift-reversing process may go through various stages and it may proceed with different speed (ibid.: 395ff). The most critical stage is to attain what linguists call "diglossia"—a functional and widely accepted division of tasks between the local speech and the languages of the majority that are imposed by schooling, governmental paperwork, media, and public domain. As a sequel to his 1991 book, Fishman edited 10 years later a volume of collected essays (Fishman 2001) "revisiting" RLS. In his conclusion to that new volume, he notices that more generally, globalization and neo-conservatism seem to work against minority languages and cultures.
Nevertheless, Fishman remains slightly optimistic. He notices that schooling in the mother tongue is much more efficient when curricula are linked to students' real life outside the school, and that older members of the community must be actively involved in language transmission outside the school context, through various local groups and units. This leads him to conclude that the RL(K)S movement has to become more rational and practical in focus-selection and linking efforts. That means it has to be more persistent in finding and targeting specific audiences and constituencies that may then link to each other and spread the message, rather than appealing to communities at large or to some general values. We should gladly add to this that we see it even more useful in any effort to support traditional knowledge systems that are threatened by today's technological and language changes.
Language and knowledge shift in the North
It is not the place here to dwell on the history of linguistic and intellectual contacts between northern Aboriginal populations and the external world. It should be sufficient to stress the fact that, depending on the arctic region, one or two (or even three) centuries of whaler, trader, missionary, schoolteacher and administrator presence have often had negative effects on local languages and knowledge systems. Already in the 1920s, Knud Rasmussen (1929: 131, 251) was complaining that Inuit of the Canadian Eastern Arctic were forgetting about a number of traditional rituals, beliefs and myths. Similar statements had been recorded much earlier from many other parts of the Arctic, where colonial contacts had been active since the mid-1800s, or even the 1700s, as in Greenland, Labrador and southern Alaska. Subsequent introduction of schools, even with teaching in (or with some classes of) northern indigenous languages, that took place across the northern countries from the 1930s on (much earlier in Greenland and Labrador), did not improve the situation for minority languages. Traditional knowledge systems were similarly deeply affected by the impact of Christianity and, later, science. The introduction of new ideas about the relationship between humans and animals, and humans and spiritual powers, transformed at least partly the explanatory core of indigenous knowledge, even if its practical side remained more or less intact.
Shift is probably easier to measure where language is concerned. At the beginning of the 21st century, northern Aboriginal languages, which were still spoken by almost everyone 60 years earlier, seem secure in only one area of the Arctic, Greenland. There, the use of Kalaallisut (Greenlandic) appears to have actually increased—at the expense of Danish—since Home Rule in 1979. Everywhere else, indigenous speech forms are on the decline or on the verge of disappearance. As Inuit and Yupik lands are concerned, the Eskaleut languages are not generally transmitted anymore to children in most parts of Alaska, except St. Lawrence Island and the Yukon-Kuskokwim area (Krauss 1980), as well as in the Inuvialuit, Kitikmeot and Nunatsiavut (Labrador) regions of Canada. In Nunavik (arctic Quebec) and eastern Nunavut, Inuktitut is still known by the vast majority of the population, but young people often prefer to communicate in English (Dorais and Sammons 2002), and statistics show a slow but steady decline in Inuktitut first language speakers. In northern Scandinavia, the Sámi are losing their language too, and in arctic Russia all minority northern nations have hardly any children speaking their indigenous languages, save the Nenets in West Siberia and the Sakha (Yakut) and Even in northeastern Russia (Krauss 1997; Vakhtin 1992).
Since over three decades, special efforts have been made by Aboriginal and non-Aboriginal organizations and activists to reverse this threatening shift from indigenous languages to the dominant languages of the respective nations states. In Alaska and Canada, as well as among the Sámi, the early 1970s witnessed the first attempts at teaching indigenous languages in elementary school, and training competent first language teachers. In Greenland, where Kalaallisut had been taught since the 18th century, a brief period of increased presence of Danish in schools, during the 1960s and early 1970s (Gynther 1980), was followed by an orthographic reform (in 1973) and by Home Rule, which declared Kalaallisut the first language of Greenland. In the Russian North, the Soviet administration did not seem very favourable to the preservation of Aboriginal languages and cultures, despite its declared pretensions to the contrary and its many efforts in Native language education and publications since the 1930s. As a consequence of these ambiguous and inefficient policies but, also, because of the uncontrolled industrial expansion and influx of thousands of non-Native residents, indigenous languages have steadily declined in the Russian North, particularly since the 1970s (Vakhtin 2001). It is only recently that local cultural activists, aided by mainstream Russian and external supporters, started developing strategies for reversing language and knowledge shift among Russia's indigenous people.
A pioneer of RLS in the North: Michael Krauss
Since the 1960s, one man, Michael E. Krauss at the University of Alaska Fairbanks (UAF), has played a special part in this growing international effort to reverse language shift in the North (Figure 1). Professor Krauss, who turned 70 in August 2004, has been living in Alaska and teaching at UAF since 1960. Trained as a linguist (with a Ph.D. from Harvard, 1959), he became one of the first language specialists interested in the status of northern minority languages, not only from the perspective of their academic documentation, classification, and analysis, but also for the sake of their modern preservation and development through school education, literacy, and public life. In the course of his 45-year dedicated professional and public service on behalf of Alaska Native languages and northern education, Krauss made an outstanding contribution to the efforts in reversing language (and also knowledge) shift in the North. He is still fully active in the field and he is widely considered the dean of northern RLS studies in Alaska as well as in Russia and also on the international stage.
The establishment in 1972, under the leadership of Professor Krauss, of UAF’s Alaska Native Language Center, the first modern academic institution entirely devoted to the furtherance of northern indigenous speech forms, should be considered a milestone in RLKS efforts. Native and non-Native specialists working at the Center developed standard orthographies for each of Alaska’s Native languages, as well as elementary, secondary and college-level materials (grammars, dictionaries, school readers, etc.) for school programs in those languages (Figures 2 and 3).
The 1970s and early 1980s also witnessed the development of training programs for teachers of Inuktitut in Canada’s Northwest Territories, Arctic Quebec (Nunavik) and Labrador. After Home Rule, Greenland established a Language Secretariat to monitor the evolution and usage of Kalaallisut. Giving full recognition and a new status to northern speech forms as means and venues for education, literacy, and public domain entailed the publication of numerous works in or about these forms. Let us mention, amongst others (and in alphabetical order), those of Knut Bergsland (on Aleut), Richard Dauenhauer (Tlingit), Steven Jacobson (Alaskan Yup’ik and Siberian Yupik), Lawrence D. Kaplan (Inupiaq), James Kari (Dene) and Jeff Leer (Sugpiaq) in Alaska; Eung-Do Cook (Dene), Louis-Jacques Dorais (Inuit dialects), Lynn Drapeau (Innu-Montagnais), Alana Johns (Kivalliq and Labrador Inuktitut), Ronald Lowe (Inuvialuktun), Margaret Mackenzie (Cree and Naskapi), S.T. Mick Mallon (teaching of Inuktitut), Elke Nowak (Inuktitut), Keren Rice (Dene), John Ritter (Dene) and Michèle Therrien (semantics of Inuktitut) in Canada; Anna Berge (West Greenlandic), Michael Fortescue (Thule Inuktun, West Greenlandic), Birgitte Jacobsen (West Greenlandic), Jørgen Rischel (East and West Greenlandic) and Jerrold Sadock (West Greenlandic) in Greenland; and Evgeni Golovko (Siberian Yupik and Commander Islands Aleut), Georgii A. Menovshchikov (Siberian Yupik) and Nikolai Vakhtin (Siberian Yupik) in Russia.
This group of professional linguists was soon to be joined by an increasing number of Native language specialists from Alaska (Nora Marks Dauenhauer, Moses L. Dirks, Anna Jacobson, Christopher Koonooka, Edna A. MacLean, Vera Metcalf, Kathy Sikorski), Canada (Catharyn Andersen, Margo Kadlun, Elisapi Ootoova, Marcelline Picard-Kanapé, Taamusi Qumaq), Greenland (Carl Christian Olsen, Robert Petersen), Fenno-Scandinavia (Pekka Aikio) and Russia (Lyudmila Ainan/Aynganga, Svetlana Ashikhmina-Taghyek, Elizaveta Dobrieva, Petr Inenlikey, Vladimir Raghtylin, Valentina Serikova/Qaghaq). Their common efforts gave positive results. This probably explains for a good part why, despite pervasive language shift, most northern Aboriginal speech forms have now been put on teaching curricula in hundreds of local schools and pre-school institutions across the North, as well as on many college and university programs, local and regional radio and television broadcasting channels, and now also in major public offices in Greenland and Nunavut.
From language shift to knowledge shift
As far as knowledge shift is concerned, it was only since the 1980s that a number of anthropologists, natural scientists, and local activists became seriously worried about the very limited impact that northern communities and indigenous knowledge experts had on the development of arctic science and upon the corpus of scientific data on arctic people and their environment. Both scientists and northern residents were also greatly worried about the loss of valuable knowledge, indigenous worldviews and community history, with the passing of many elderly experts, people who had been born and raised fully in the traditional cultural environment. First, specialists in humanities—ethnohistorians for instance—started recording and publishing personal life stories, memories, and autobiographies of such respected indigenous elders. It quickly became evident that this offered a valuable and highly attractive venue to reach out to a broader northern audience, both Native and non-Native. Reading authentic elders' stories (not mere folklore texts), even when produced in non-Native languages, was an inspirational and emotional threshold. It inspired many northern residents and academic scholars to address the reality of knowledge shift and, for the first time, to consider practical efforts, in order to preserve indigenous religious and philosophical traditions, as well as local historical memories, within the general corpus of knowledge on northern societies.
The second impetus to northern RKS (Reversing Knowledge Shift) efforts came shortly after, in the 1980s and early 1990s, in connection with a growing stream of research on "Traditional Environmental Knowledge" (TEK). In course of TEK documentation studies, academic and local specialists tried to develop patterns of collaboration between bearers of TEK and the international scientific community. They wanted to use local knowledge, in order to gain better perspective on some current environmental problems in the North, initially on those linked to game and resource management, pollution, contaminants, and other health issues. In the last decade, the key fields for indigenous knowledge studies and RKS efforts are those linked to global warming and indigenous observations of arctic environmental change. In the 1990s there was also a clear move towards more collaborative efforts between researchers and communities. Indigenous peoples became active partners in research design, execution and review of findings. This was an important shift in the RKS perspective itself as both researchers and communities began to recognize that local people themselves are best suited to make decisions about the study, preservation and use of indigenous knowledge.
Because of its implication for a better understanding of ecological and social processes now at work in the North, the study of indigenous knowledge has become a major topic in today's arctic and subarctic anthropology (Berkes 1999; Krupnik and Jolly 2002). Let us mention—again in alphabetical order—the names of just a few major contributors to this field: Claudio Aporta, Fikret Berkes, Lyudmila Bogoslovskaya, Paul Charest, Shari Fox-Gearheard, Milton M. Freeman, Henry Huntington, Dyanna Jolly, Gary Kofinas, Igor Krupnik, John Macdonald, Tero Mustonen, Nikolai Mymrin, Paul Nadasdy, Douglas Nakashima, Richard Nelson, D.L. Peterson, Pierre Robbe, Natasha Thorpe, and George Wenzel, on environment and subsistence knowledge; and Julie Cruikshank, Yvon Csonka, Ann Fienup-Riordan, Chase Hensel, Frédéric Laugrand, Phyllis Morrow, Murielle Nagy, Mark Nuttall, Jarich Oosten, Bernard Saladin d’Anglure, William Schneider, François Trudel and Nancy Wachowich, on symbolism and history. They conduct research in collaboration with Aboriginal specialists, some of which, like the Yup’ik educator A. Oscar Kawagley, the Inuk encyclopedist Taamusi Qumaq, the Sámi historian Henry Minde, the St. Lawrence Island Yupik heritage expert Willis Walunga, the Even anthropologist Anatolii Alekseev, the Yukaghir historian Simeon N. Gorokhov, and many others have published books of their own. These indigenous specialists are anxious to pass their ancestral knowledge to the young generations, and they are supported by local initiatives, either academic (like the publication of three series of books on Inuit knowledge by Iqaluit’s Nunavut Arctic College) or political. For example, the new government of Nunavut wishes to base its governance on Inuit qaujimajatuqangit, "those long-standing things known by Inuit," and to use traditional Inuit expertise as a pillar to its environmental, heritage, educational, and health policies. Unfortunately, no synthesis or encompassing reflection exists to this day to evaluate the impact of the above-mentioned research and initiatives on the process of knowledge shift in the North.
Reflecting on RLKS in the North
As we have just seen, the efforts consented by local people and academics for revitalizing northern indigenous languages and knowledge systems, via research, documentation, community and educational programs, and public outreach are numerous and growing. These efforts, however, were—and mostly still are—poorly coordinated and geographically dispersed. The shift has not been reversed or even stopped, as most of the case studies illustrate. National, regional, and ethnic boundaries, and different state policies continue to act as barriers to collective and even to minimally coordinated efforts. Several critical issues remain unresolved. For instance, what is the role of northern scholars, governmental and Native institutions in the effort to document northern knowledge and language systems, and how did it change from the 1960s to these days? Is enough done for preserving indigenous knowledge and languages via various programs in documentation, education and outreach? Is it possible to reverse or, at least, to stabilize the ongoing knowledge/language shift in northern communities and, if so, what are the conditions for any such program to succeed, as well as indicators that it would fail? More synthesising reflections are urgently needed, as circumpolar summaries and comparative perspectives on RLKS are all but missing to these days. Except for a few attempts at synthesising what was happening with northern languages at the regional or circumpolar level (Basse and Jensen 1979; Collis 1990; Krauss 1980, 1984, 1995, 1997; Vakhtin 2001), no comparison or analysis of circumpolar language revitalization efforts has ever been published.
There is an urgency to look seriously at these issues, in view of the unprecedented speed of transformation in the status of Aboriginal languages and traditional knowledge in the North, affected by rapid culture and environmental change. As already mentioned, in many places such change is reflected in a steep shift (or, rather, drop) in fluency in Native languages and in the status of traditional knowledge, particularly among children and younger people. As such, both indigenous languages and knowledge systems are to be supported via various and often quite costly programs and initiatives, as they remain the pillars of cultural identity to many communities and Aboriginal nations in the North. Again, the critical questions here are whether the ongoing transformation can be reversed or not—RLKS is a long, tedious and uncertain process according to Fishman—and what should be done about it. Reflection on such questions should contribute in a major way to future theoretical and applied research in circumpolar studies on indigenous knowledge, language and identity.
The Quebec symposium on RLKS
To initiate this type of reflection, an international symposium titled Reversing Language and Knowledge Shift in the North? was organized in Quebec City on October 28-31, 2004. The articles in the present issue stem from papers delivered at that symposium. During the three days of that conference, over 20 papers were delivered by Aboriginal and non-Aboriginal scholars, practitioners, educators and students coming from four circumpolar countries: Canada, the United States (particularly Alaska), Greenland and Russia.
The symposium was organized as a special tribute to Michael E. Krauss, the founding Director of the Alaska Native Language Center at the UAF, on the occasion of his 70th birthday. The organizers of the symposium and guest editors of the present issue of Études/Inuit1Studies considered this the best way to recognize Professor Krauss' distinguished professional and public service on behalf of northern Native languages and Native education, and also his intensive promotion of minority languages worldwide. By bringing together scholars, cultural activists, and educators from several professional cohorts and from many nations, we wished to celebrate both the long-lasting impact and the international scope of Professor Krauss' acclaimed career in the North.
The Quebec symposium was as much an international and inter-disciplinary effort as it was a product of inter-agency collaboration, organized jointly by Université Laval’s Centre interuniversitaire d’études et de recherches autochtones (CIÉRA) and the Smithsonian Arctic Studies Center in Washington, DC, with the financial participation of the Social Sciences and Humanities Research Council of Canada (SSHRC), the U.S. National Science Foundation (grant # OPP 0503475), the Government of Nunavut (Department of Culture, Language, Elders and Youth), DIALOG: le réseau québécois d’échange sur les questions autochtones, the Language Secretariat of Greenland, Association Inuksiutiit Katimajiit Inc., and the SSHRC-supported CURA program "Memory and History in Nunavut." May all these organizations be sincerely thanked here.
The symposium proceeded in four thematic panels: Languages and Dictionaries; Knowledge Documentation; Histories, Knowledge and Identities; and Thwarting Language and Knowledge Shift? A final session on Synthesis and Conclusions was aimed at outlining the similarities and differences between the various situations discussed by presenters. The papers and discussions dealt with topics ranging from the most general issues in minority language versus knowledge revitalization efforts to regional variations in the Canadian Inuktitut spelling system for heritage publications, to the daily hurdles of indigenous language and knowledge teaching at a Yupik school in Gambell, Alaska, to the success of using interactive multimedia CD-Rom and Global Positioning System (GPS) technology to document Inuit knowledge and observations on sea ice and environmental change, to recording knowledge of Sámi reindeer herders in Russia. Several papers at the Quebec symposium eventually became articles in this thematic issue.
The critical advantage of the conference was the opportunity to hear perspectives from many northern regions that are very different in their practical policies and theoretical approaches to minority languages and intellectual heritage. Also, the presence of many senior scholars ensured that there was an extensive first-hand personal coverage coming from decades of experience in language and knowledge documentation work in the North, since the 1960s and up to the present day.
Many of us believe that our professional community of northern scholars is suffering from continuous knowledge loss with the passing of our own science "elders" and that it would benefit greatly from a better documentation and broader knowledge of our own history. This has to be done by paying greater tribute to our academic elders in the field and by the various forms of personal conferences, anniversary meetings (like the Quebec symposium), and festschrift publications (like this thematic issue). Having both the "celebrated" and their younger colleagues, including students, as speakers and panelists in the same session, offers tremendous inspiration and intellectual delight. Our community does have a great corporate tradition, and—as the students hear the words and see the faces of our most respected "elders"—it becomes the best investment into the continuity of our professional field.
Parties annexes
Références
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