Résumés
Résumé
Dans Lettre d’été (Paris, Albin Michel, 2000), Pascale Roze s’adresse à Léon Tolstoï sur le ton d’une « vraie confidence », ce qui lui permet « d’écrire cette expérience-là » (avoir frôlé la mort) qui, sans l’écriture, serait restée secrète, cachée, inexpliquée. Par ailleurs, hantée par des questions sur la mort auxquels son destinataire ne peut répondre, l’auteure tente d’interroger à la fois l’image de lui-même et la philosophie que le grand écrivain a pu élaborer au fil de ses écrits publiés et papiers privés. Cette tentative d’interrogation l’amènera, d’une part, à établir entre eux certaines « correspondances » ou affinités et, d’autre part, à rendre sensible une différence importante d’attitude devant la vie et la mort, différence que sa très grande admiration pour le romancier russe aurait pu censurer. Selon notre hypothèse, pour l’auteure de Lettre d’été, s’adresser à Tolstoï, lui poser ses questions les plus intimes, reviendrait à incarner, par rapport à son destinataire, le semblable et le différent à la fois.
Abstract
In Lettre d’été (Paris, Albin Michel, 2000), Pascale Roze addresses Leo Tolstoy in the manner of a “true secret,” thereby allowing her to “write about that experience” (of having had a brush with death) that otherwise would have remained secret, hidden, unexplained. Furthermore, haunted by questions about death that her correspondent is unable to answer, Roze examines both his image and the philosophy that the great writer was able to develop through the course of his published writings and private papers. On the one hand, this attempt at questioning leads her to establish certain “correspondences” or affinities between them, and, on the other hand, makes it possible for the difference of attitude to life and death to be felt, a difference that her great admiration for the Russian novelist might have caused her to suppress/overlook. As stated in our hypothesis, writing to Tolstoy, asking him her most intimate questions would be for the author of Lettre d’été, in relation to her correspondent, to incarnate the similar and the different all at once.
Corps de l’article
[M]a pensée ne s’élève que grâce à autrui, aux textes d’autrui surtout.
Pascale Roze, citée par Chantal Labre[1]
Dans une histoire culturelle définie comme le lieu où s’articulent pratiques et représentations, le geste épistolaire est, selon Roger Chartier, un geste privilégié. Pour cet historien, la lettre « intime et publique, tendue entre secret et sociabilité », associe « mieux qu’aucune autre expression […] le lien social et la subjectivité[2] ». Chaque épistolier, dit-il, « formule à sa manière le problématique équilibre entre le moi intime et les autres[3] ». Pour leur part, Cécile Dauphin, Pierrette Lebrun-Pézerat et Danièle Poublan postulent que la lettre, et notamment la correspondance familiale au xixe siècle, traduit la relation de deux êtres particuliers qu’elle a mission de relier. L’écriture amène l’épistolier à « mener à bien la rencontre avec l’autre […]. [à] scelle[r] l’engagement de soi dans la relation à l’autre[4] ». Brigitte Diaz, chercheure spécialisée dans l’étude des correspondances de George Sand et de Stendhal, suggère, quant à elle, que la lettre d’écrivain a été au xixe siècle l’espace non seulement d’une réflexion intellectuelle mais aussi d’une médiation de la relation du soi à l’autre, où différentes images du sujet écrivant se laissent « attraper au vol[5] ». En tant qu’« [i]nvitation à l’écriture de soi comme à l’essai ou au débat[6] » d’idées, la lettre d’écrivain a pu avoir, au xixe siècle, des « horizons initiatiques, parmi lesquels l’approche de soi dans la rencontre avec l’autre[7] ». Visant à étudier, dans un cas récent de missive d’écrivain, cette conception de la relation épistolaire comme participant à l’approche progressive de soi, ou à la « surrection du sujet[8] » dans son rapport à autrui, notre étude retiendra pour exemple Lettre d’été.
Signé par Pascale Roze et publié chez Albin Michel en 2000, ce texte adressé à Léon Tolstoï se présente davantage comme une lettre d’art[9], écrite pour un large public, voire comme une « [m]éditation sur la présence de la mort dans la vie, dans l’oeuvre écrite, et celle de la joie[10] », que comme une missive intime[11], destinée à un correspondant en particulier. Cependant, l’auteure estime avoir écrit Lettre d’été sur le ton d’une « vraie confidence » et sans d’abord se poser « la question de la publication[12] ». Le projet à l’origine avait bien été de « réfléchir sur la mort de Tolstoï en regard avec tout ce qu’il avait dit de la mort, toutes les scènes qu’il avait écrites, tant dans Anna Karenine que dans Maître et serviteur, La mort d’Ivan Ilitch, les récits comme Trois morts et son journal[13] ». Or, ayant subi une grave opération où elle a elle-même frôlé la mort, Pascale Roze a eu besoin, pour écrire, de se « mettre dans un état de “correspondance” avec Tolstoï[14] ». Il lui a fallu écrire comme si elle s’adressait, réellement, à un « ami mort il y a plus de cent ans, un père en littérature[15] », et cela pour lui raconter comment elle a failli mourir ; comment la joie s’est ensuite emparée d’elle ; comment elle est aujourd’hui une auteure publiée, mère d’une jeune fille et propriétaire, avec son conjoint, d’une maison à la campagne. Par ailleurs, en écrivant, Pascale Roze aurait imaginé son illustre destinataire capable de la lire[16], ce qui reviendrait à confirmer l’hypothèse, reprise dans Lettre d’été, selon laquelle les morts recevraient bien nos mots. Comme elle l’explique elle-même, « [i]l y a de l’angoisse à toujours être dans le sentiment, à sentir que la puissance intellectuelle reste comme à côté de ce qui nous conduit » (LE, 66). Par la lettre, l’auteure tente alors de « s’affilie[r] […] à Tolstoï […] comme un passeur qui l’aide à traverser l’épreuve terrible de l’écriture[17] », ainsi que le fait observer ici Anne-Marie Picard.
Notre travail s’intéressera aux enjeux dudit état de correspondance. Dans un premier temps, nous verrons que l’adresse à Tolstoï, sur le « ton de la confidence[18] », (et selon ce que Roland Le Huenen nomme, en se référant à l’écriture viatique, un « parti-pris de scientificité[19] » ou « de vérité »), permet à Roze d’écrire, pour la première fois dans un texte, sur ce qu’elle a vécu et ressenti, sans « rien imaginer » (LE, 18). Il lui est désormais possible de consigner par écrit, quoique non sans risque (comme l’analyse l’illustrera), sa douleur mais aussi sa secrète « joie d’exister » (LE, 20) – le bonheur venu après l’épreuve. Comme nous le montrerons dans un deuxième temps, sa réflexion par lettre l’amènera, d’une part, à faire état de certains liens qui, du point de vue de Roze, l’unissent à Tolstoï ou à l’image de lui que l’écrivain a pu construire au fil de ses écrits et activités. D’autre part, la tentative d’interroger, par lettre, ce grand écrivain russe qui, de son vivant, aurait été assez secret sur sa vie intérieure, ses pulsions et ses peurs, portera l’auteure de Lettre d’été à souligner entre eux une importante différence d’attitude devant la vie et la mort, différence que sa très grande admiration pour lui ne dissimule pas. Selon l’hypothèse que nous examinerons chez Roze, s’adresser à Tolstoï reviendrait non seulement à établir entre eux de nombreuses « correspondances » ou associations, mais aussi, et peut-être surtout, à témoigner de certaines disparités, pour alors incarner, par rapport à son destinataire, le semblable et le différent à la fois.
L’écriture (grâce) au « tu »
En novembre 1996, Pascale Roze a reçu le prix Goncourt pour son premier roman. Ce roman, intitulé Le chasseur zéro, met en scène une petite fille « dont un bruit mortel déchire la tête » (LE, 48). Or Roze révèle dans Lettre d’été qu’à peu près au moment de remettre à son éditeur les épreuves du Chasseur zéro, elle a subi une rupture d’anévrisme qui l’a conduite au seuil de la mort. Elle en déduit qu’écrire est un acte dangereux, qu’en écrivant sur la « déchirure », elle a peut-être « infléchi le cours de [s]a vie » (LE, 48).
Depuis environ deux ans, soit depuis l’accident et l’opération qui a suivi, l’auteure essaie « d’écrire cette expérience-là » (LE, 13). Mais elle craint que son récit, ses mots, ne fassent de nouveau approcher la mort, en « rouvr[ant] la carotide » (LE, 13). Par ailleurs, elle redoute que ses lecteurs ne veuillent recevoir ce « qu[’elle] a à dire » (LE, 10). Comme elle le laisse entendre, « [les gens] commencent leurs récits par “il y a très longtemps” » parce qu’ils « préfèrent inventer un monde où il fait bon vivre, avec des flics sensationnels, des redresseurs de torts » (LE, 59). De même, selon elle, le bonheur ou la sensation de bien-être qui peut suivre la souffrance n’est apparemment pas à la portée de tous. Pour ces raisons, elle n’a jamais pu relater ou exprimer son expérience, autrement que dans les termes d’un miracle ou d’« un haut fait de merveille » (LE, 14). Un jour d’été, assise à sa table, Roze peut enfin prendre ce « risque-là, de regarder en arrière » (LE, 15) et d’écrire ce qu’elle (re)voit et ressent. Pour la première fois depuis son accident, elle sent que son écrivain préféré – adoré en dépit de la profonde misogynie qu’elle lui reconnaît elle-même – est « debout derrière [elle] […] li[sant] par-dessus [s]on épaule » (LE, 11). Désormais, lui semble-t-il, la peur n’habite plus sa poitrine. Se sentant épaulée et accompagnée dans sa démarche d’écriture, l’épistolière entreprend dès lors de se rappeler et d’articuler « ce qu[’elle] [a] vécu, ne rien imaginer […] rien que la vérité » (LE, 18), et cela, « comme en fermant les yeux, en jetant les mots contre l’écran de [s]on ordinateur » (LE, 10). En d’autres termes, et pour le dire comme Foucault, elle conçoit de « manifester hors d’elle-même quelque chose [de privé, d’intime et de secret] qui, sans [l’écriture], serait resté sinon caché, du moins invisible[20] ». Pour commencer, Roze se limite à définir les caractéristiques de sa douleur, à en faire un rapport, selon ce qui peut être considéré comme un lieu commun de la lettre familière[21]. Tout en faisant appel à Tolstoï, tout en sollicitant sa présence et son aide (la sollicitation étant d’ailleurs un moyen « d’attirer l’autre ou de renouer avec lui[22] »), elle décrit son corps d’il y a trois ans et son sentiment d’être envahie par une force étrangère. Ensuite, par rapport au récit de sa douleur, et parce que la « lettre n’est pas un simple procès-verbal du vécu[23] » douloureux, elle favorise celui de son amour de la vie – celui de la joie, découverte lors de sa convalescence, qui la caractérise désormais et qui, de son point de vue, ne fait que renforcer son désir et « [s]a sensation d’être avec [Tolstoï] » (LE, 12).
Comme nous le disions, cette écriture n’est pas sans danger. Il serait, en tout cas, assez réducteur de ne lire chez Roze, dans Lettre d’été, que la réalisation satisfaisante, sans risque, de son désir de « s’arracher » (LE, 60) des mots jusque-là jamais dits, de partager une « vérité » intime, douloureuse, susceptible sinon de faire approcher la mort, du moins de troubler, de pulvériser sa relative tranquillité. Tout au long de sa lettre, l’auteure fait allusion à sa crainte en écrivant, à son envie de « je[ter] tout ce qu[’elle] essaie de t’écrire » (LE, 62). De même, dans l’écriture, elle « essaie d’apprendre à supporter l’idée que [s]a peur puisse n’importe quand se réveiller » (LE, 14). Pour Roze, tout de même rassurée, voire stimulée, par la proximité imaginée de Tolstoï, il n’y a peut-être rien de plus risqué, de plus dangereux, que de regarder en arrière et de faire état de son corps « exposé, […] affronté au risque […] de la mort[24] », comme le dirait Pierre Bourdieu.
Sans doute est-ce en partie pour tenir sa peur à distance (peur qui rend difficile toute sensation de bien-être, toute joie, toute écriture), que, dans sa lettre, Roze s’adresse à Tolstoï à la deuxième personne du singulier. En effet, le tutoiement comme mode d’adresse peut instaurer la proximité, (r)établir l’intimité, rapprocher l’absent (en l’occurrence, un Tolstoï protecteur). Dans la mesure où la lettre, surtout celle adressée au « tu », est une forme particulièrement adaptée pour interpeller, pour faire une requête ou obtenir une réponse, elle permet au sujet d’« exiger de l’autre [de son Tolstoï] qu’il le tranquillise […], qu’il le rassure […], qu’il lui rende le repos[25] ». Voilà ce que, dans Lettre d’été, Roze suggère elle-même : « C’est parce que tu[26] es là » – dans et par la lettre, forme considérée comme un « substitut de la présence de l’autre[27] » – « que je peux écrire ça » (LE, 11) ; « Et je te l’adresse, à toi qui es mort, à toi […] qui t’es absenté » (LE, 15). De ce point de vue, l’illustre mort auquel Roze s’adresse a beau être ce que Brigitte Diaz désignerait peut-être comme « une chimère absente » (que sa lettre rend symboliquement présente), il est « malgré tout structurellement indispensable à la surrection du sujet dans sa propre parole[28] ». En d’autres termes, et pour reprendre les mots de Roze, dans Lettre d’été, son destinataire est nécessaire à l’élévation de sa pensée : « ma pensée ne s’élève que grâce à autrui[29] ». Or, comme Diaz le montre bien de tout destinataire de lettre, celui qui est interpellé, dans ce cas particulier, est non seulement « moteur de l’écriture – sans quoi la lettre n’adviendrait pas[30] », mais il occupe aussi une fonction cardinale « en raison de […] la multitude de focales qu’il ouvre[31] » au regard du sujet épistolier sur lui-même, ce que nous développerons davantage plus loin.
Rencontres, ressemblances et dissemblances
Comme si le recours au « tu » ne suffisait pas – comme si Roze ne pouvait s’imaginer (écrivant) sans Tolstoï, et qu’il lui faille toujours davantage d’intimité et de soutien –, l’auteure a souvent recours à l’interrogation, procédé[32] de la correspondance qui permet au sujet écrivant d’insister sur sa relation (épistolaire) à l’autre et d’en assurer la continuité. En effet, selon les théoriciens de l’intime, interpeller son correspondant, lui poser des questions, c’est toujours tendre vers lui, l’« obliger à se soumettre[33] » à la « rencontre[34] ». Dans ce contexte d’interrogation et de réflexion, les apostrophes sont à elles seules significatives. Chez Roze, en effet, des tournures comme « mon amour » sont autant de petits noms dont elle affuble son destinataire pour exprimer de l’affection et maintenir de l’intimité entre eux. Les diminutifs mêmes de « Liova, Liovotchka » attestent du degré d’intimité qui, du point de vue de Roze, existe entre elle et Tolstoï.
Nous l’aurons compris : sans cette intimité qui rassure l’auteure, « [s]a lettre n’adviendrait pas[35] ». Au début de Lettre d’été, Roze témoigne bien de sa très grande peur (d’écrire), de son besoin de se sentir épaulée et accompagnée, dans sa pensée, par exemple, sur le processus du trépas. Son destinataire, ou ce qu’il peut lui apporter comme « exemple proche, intime, du lien entre l’écrit et la mort » (LE, 47), apparaît donc indispensable à sa réflexion. Il lui faut faire appel à Tolstoï, lui adresser les questions qui la préoccupent. De manière générale, certes, « les demandes et questions […] servent à cela[36] » : à avancer dans la compréhension des choses. Mais, chez Roze, les questions visent surtout à interroger et à saisir, autant chez elle que chez Tolstoï, ce qui, sans sa lettre, « resterait sinon caché, du moins invisible ».
Une question en particulier taraude l’auteure : « Est-ce que tu as su que tu mourais ? » (LE, 47). Son destinataire ne pouvant lui répondre, Roze doit fréquemment se rabattre sur les écrits de Tolstoï, parfois sur les travaux à son sujet, sur les documents où il est question de sa vie et de sa philosophie. Sa stratégie consiste à lire, à se renseigner, à « [p]enser par toi, voir par toi » (LE, 56).
J’ai mes ruses, ma stratégie qui s’appelle envahissement. Non pas t’envahir. Mais te forcer à m’envahir. Pas difficile. Commencer par tout savoir. Tous tes livres sur ma table. Tes romans, ta correspondance, ton journal, celui de ta femme, aide ô combien précieuse. Des photos de toi, de ta famille, de Iasnaïa. Des biographies, des essais sur toi. Je ne connais personne aussi bien que toi. Contrairement à Double-Coeur [le conjoint de Roze], tu n’as pas de secret. J’ouvre les livres et je regarde à l’intérieur de toi. Tu es à moi, complètement. Ensuite visualiser ton corps de patriarche. Ton corps pas beau, grossier, vieux.
LE, 55
Or, plus ses lectures lui apportent des éléments de réponse, plus l’auteure pose de nouvelles questions lui permettant d’ouvrir des pistes : « Pourquoi personne autour de toi ne t’a-t-il [prévenu que tu mourais] ? » (LE, 43). « [Pourquoi] te cabrais[-tu] » (LE, 43), « toi qui essayas pourtant de toutes tes forces de te persuader que la mort était un bien » (LE, 48) ? Chez Roze, l’interrogation s’offre donc comme stratégie susceptible de favoriser sa réflexion, c’est-à-dire de faciliter sa « rencontre [symbolique, par la lettre] avec[37] » celui qui doit lui servir de modèle, de guide ou de passeur.
Un autre procédé qui lui permet d’assurer au mieux cette « rencontre » par les mots est celui que Roze nomme le « tissage de toi avec moi » (LE, 21) pour désigner sa mise en relation avec Tolstoï, ou la mise en évidence de leurs « points communs ». L’exemple peut-être le plus marquant de l’usage de la comparaison dans Lettre d’été est tiré du paragraphe consacré aux études et au goût d’apprendre.
Mais je devrais être en train de réviser mes examens et cela me tracasse. Ce point-là, Liova, nous l’avons en commun et je t’en aime tendrement. À quarante-deux ans, tu as appris le grec. Tu as fait venir un professeur et tu as planché comme un fou. Juste auparavant, tu t’étais enfilé tout Schopenhauer, ébloui, boulimique. Éternel étudiant. Moi aussi, comme toi. Mais toi, étudiant autodidacte et coléreux tandis que moi, étudiante soumise qui adore ses maîtres. Tu n’as sans doute pas tort quand tu affirmes avec ton autorité habituelle que les filles sont meilleures élèves que les garçons parce que leur degré d’hystérie les rend plus réceptives à l’hypnose exercée par le corps professoral. Toutes des premières de classe ! Peu importe. Tous deux nous nous réjouissons d’apprendre.
LE, 20
Dans ce passage, où on observera que plusieurs fragments (« moi aussi », « comme toi », « point en commun ») expriment la comparaison par rapport à Tolstoï (« toi »), le goût d’apprendre se présente comme un bon exemple « de ces liens » qui, du point de vue de Roze, « jaillissent spontanément » (LE, 20) entre elle et son destinataire adoré (« je t’en aime tendrement »). Comme l’explique l’auteure, c’est parce qu’« [elle] pense à [Tolstoï] » (LE, 20), et à leur statut partagé d’éternel étudiant, avide de connaissances, qu’elle sait être vivante et qu’elle s’en réjouit. En revanche, dans le prochain exemple, où le terme de comparaison « aussi » qualifie plutôt Tolstoï (« toi »), la mise en relation se fait par rapport à Roze (ou à ce qui la préoccupe). Se référant à son propre travail comme animatrice d’ateliers dans des prisons pour jeunes, elle écrit : « Je travaille à ce que les livres deviennent un besoin pour tout un chacun. Toi aussi, je l’ai lu, tu faisais écrire des histoires par les enfants paysans de ton école » (LE, 21). Or, quels que soient les éléments de la comparaison, le rapport de ressemblance que Roze fait observer entre elle et Tolstoï multiplie « par dix [s]on sentiment et [s]a joie [à elle] d’exister » (LE, 21). Même si elle n’est pas certaine de réussir dans son travail, elle est convaincue de faire aimer les histoires : « Tous deux nous nous réjouissons » (LE, 20).
Outre ses activités ou préoccupations au quotidien, l’épistolière pense partager avec Tolstoï certains désirs, notamment celui de faire plaisir. Entre autres exemples, nous pouvons citer sa décision d’acheter, avec son conjoint, une maison à la campagne. Elle aurait pris cette décision, selon elle, non seulement pour plaire à Tolstoï, mais aussi en raison d’une préférence partagée pour le milieu rural, loin des côtes maritimes et des centres urbains : « Je n’aime pas la mer. […] Toi non plus tu n’aimes pas la mer » (LE, 53). Elle cultive son jardin par amour pour la vie, dit-elle, mais aussi « à cause de toi » et, plus particulièrement, « pour te ressembler, pour te plaire » (LE, 54).
Chez Roze, ce « tissage de toi avec moi », selon son expression, n’exclut pourtant pas les écarts et les divergences. Certes, Roze se plaît à noter des points communs entre Tolstoï et elle à l’aide de tournures comme « toi aussi » introduisant une certaine égalité, et de la formule interrogative « et moi ? » permettant de présenter encore d’autres similarités. Cependant, elle ne confond apparemment pas la ressemblance (ou le partage de certains aspects) avec l’identité qui, elle, désigne une parfaite similitude. Dans l’extrait cité plus haut, par exemple, la conjonction « mais », qui marque l’opposition ou la restriction, sert à insister sur la différence de tempérament qui, malgré leurs affinités, sépare l’épistolière de son destinataire : « Mais toi, étudiant autodidacte et coléreux tandis que moi, étudiante soumise qui adore ses maîtres » (LE, 20). Par ailleurs, dans l’extrait suivant, la conjonction « quand » – qui remplit, ici, une fonction contrastive – permet à Roze de souligner leur rapport hiérarchique que, par respect pour le grand écrivain, elle conserve néanmoins.
J’ai un jardin quand tu eus plusieurs milliers d’hectares. J’ai un enfant quand tu en as eu treize. Tous les jours tu parcourais tes domaines à cheval quand j’ai fait quelques tours dans un manège. Ton oeuvre compte des dizaines de milliers de pages quand la mienne en compte cinq cents.
LE, 55
Ainsi, Roze a beau insister sur les liens avec Tolstoï qui lui sont une source de joie, son usage important de conjonctions d’opposition et de subordination rendent tout de même sensibles, explicites, les écarts et les dissemblances. L’exemple le plus évident de sa différence avec Tolstoï – différence dont elle se réjouit, dit-elle – réside, comme Roze le suggère elle-même, dans le fait qu’elle n’est pas un homme. « Si j’avais été un homme, mon amour, je serais mort de dépit de n’être pas toi. À ma grande joie, je suis une femme, cette engeance que tu détestais. J’ai mes ruses, ma stratégie » (LE, 55). Cette différence assumée, cet écart l’aidera à mieux analyser la perspective de son illustre destinataire, et par là, à bien se démarquer.
Identité de perspective ?
Lorsque Roze entamait Lettre d’été, elle n’imaginait sans doute pas qu’il servirait, outre la cause première (réfléchir sur la mort de Tolstoï en regard de tout ce qu’il avait dit de la mort), une autre cause : « l’approche de soi dans la rencontre avec l’autre[38] ». Assez rapidement, cependant, la « virtualité confortable de [l]a présence [imaginée de Tolstoï], la tranquille assurance de son écoute distante, [deviennent] les catalyseurs d’un processus exploratoire[39] ». Cette écoute ou cette présence imaginée s’avère, comme nous le disions, structurellement indispensable à l’élaboration d’une interrogation de soi sur soi ; d’une pensée interrogative qui, comme l’auteure le conçoit, « ne s’élève que grâce à autrui[40] ».
Selon Diaz, la lettre « engage, comme le journal, à une discipline de l’intériorité par laquelle s’opère un travail de soi sur soi[41] ». C’est du moins ainsi que la pratique Roze, qui en vient à reconnaître elle-même son propre usage formateur. Chez elle, l’exercice épistolaire, rendu possible par le soutien supposé de son destinataire, est « tentative de formaliser l’informe[42] ». Il s’agit, pour Roze, de « donner sens aux fragments d’émotions vécues, de donner forme de pensée aux réflexions éparses qu’elles ont suscitées[43] », bref, d’élaborer une pensée « centrée sur le moi ». Or sa lettre n’est autoréflexive que dans la mesure où elle porte non seulement sur Tolstoï (sur ses dits et écrits), mais parfois, aussi, élabore un discours critique contre lui, ou plutôt contre ce qu’il a pu penser.
Par endroits, la tentative chez Roze « de mettre en scène, d’explorer, d’identifier, d’archiver[44] » à la fois sa peur d’écrire et sa joie d’exister – celle donc de « formaliser l’informe » – occupe une place moins importante que l’effort d’analyser Tolstoï à travers certains de ses personnages de fiction, ce dont témoigne, par exemple, le passage qui suit.
Je voulais te parler du vieux cheval et de l’ermite, Kholstomer le hongre pie et le père Serge. Je voulais analyser à travers eux ton fantasme de castration. J’ai rentré beaucoup de données dans l’ordinateur. Il m’intéressait de voir comment tu avais réussi à donner une forme à ce mot non écrit, sauf par les psychanalystes [ ]. Et Ivan Ilitch, souviens-toi, qui appelle-t-il au moment de mourir, qui voudrait-il pour le consoler ? Sa mère. La mère que tu perdis avant même de savoir dire maman.
LE, 62-63
Dans cette partie de sa lettre, Roze témoigne du projet particulier dont la réalisation, si elle s’était permis de porter un regard psychanalytique sur certains écrits tolstoïens, l’aurait conduite à spéculer sur le monde intérieur de l’écrivain (sur ses désirs les plus obscurs). Ce projet l’aurait aussi amenée à illustrer, indirectement, ses « petits côtés » (LE, 63) propres. Par l’écriture (ici devenue outil d’analyse et, de manière corollaire, d’autoanalyse et d’autodétermination), elle se serait alors contentée d’être une lectrice friande de pensées un peu perverses, pouvant la déshonorer elle-même autant que son destinataire.
À d’autres endroits, chez Roze, la tentative de donner forme à certaines de ses pensées revient à les confronter à celles de son destinataire, qu’elles soient authentiques ou supposées, reconnues ou imaginées. Dans ce cas, la réflexion de Roze passe par ses observations sur Tolstoï (« Comme tu nous détestes, Liova ! » [LE, 63]) et par les questions précises qu’elles font naître (« Pourquoi tant de haine, Liova ? » [LE, 67]).
Les réponses qu’ont pu susciter de telles questions, portant sur l’éventuelle vie intérieure de Tolstoï ou sur les aveux qu’il n’a jamais prononcés, ne sont pas données au lecteur, du moins pas explicitement. En effet, les répliques, qu’à partir de ses lectures et recherches Roze se serait apparemment amusée à attribuer à son destinataire, ne paraissent nulle part dans Lettre d’été. L’auteure laisse tout de même deviner l’aboutissement de ses questions, en expliquant ce pour quoi elle supprime des parties entières de sa lettre. À en croire ses remarques à ce sujet, elle aurait effectivement mis, dans la corbeille de l’ordinateur, les pages écrites à partir de ses tentatives d’analyse du « monde intérieur » (LE, 62) de son destinataire. Roze aurait ainsi effacé toute trace de ses efforts pour expliquer chez Tolstoï sa tendance « à rejeter [s]on génie foisonnant, à rejeter le corps de la femme, à rejeter la science » (LE, 62). De même, quoiqu’elle les montre du doigt, elle aurait renoncé à « parler » de ce dont elle cherchait des traces en lisant le journal de Tolstoï (LE, 63). De ce point de vue, la lettre de Roze, tendue entre dit et non-dit, entre affichage et camouflage, confronte l’oeuvre de Tolstoï, « les scènes qu’il avait écrites[45] », et ce qu’il n’a jamais dit ou écrit, notamment à l’égard de lui-même.
En particulier dans la partie de la lettre où elle fait appel à la psychanalyse, Roze laisse entendre que le choix de la part de Tolstoï de « vivre dans l’indigence d’une partie de [lui] » s’expliquerait par un désir obscur de se garantir contre lui-même, contre ses émotions.
Il y a de l’angoisse à toujours […] vivre dans l’indigence d’une partie de soi, même si nous savons à présent que ni les raisonnements ni la culture ne nous garantissent contre nous-même. Tu as essayé, toi, au prix de simplifications extrêmes, de radicalisations inacceptables.
LE, 66
Dans ce passage, comme ailleurs dans Lettre d’été, Roze témoigne de son désaccord :
Ne rendez pas le mal pour le mal [écrivais-tu], laissez-vous battre jusqu’à ce qu’il disparaisse. Qu’il suffise de ne pas rendre le mal pour le mal pour qu’il disparaisse, c’est une idée sur laquelle je ne peux faire fond. Je suis sûre que tu n’y croyais pas toi non plus. La virulence (pour ne pas dire la violence !), la fougue avec laquelle tu l’assènes dans tes articles m’en donnent la preuve. Tu comptes sur le ton pour masquer les failles. […] Si je m’appuie sur toi, Liova, ce n’est pas pour tes théories de non-violence, pour ton refus du progrès et de la culture […] [Je suis] [f]antoche avec toi, mon amour, mais [je ne suis] pas ta disciple.
LE, 66-67
Quelles attitudes adopter face au mal, face à la mort, étant donné la finitude de la vie ? L’auteure est certaine de ne pas « faire fond » (LE, 66) sur celles qu’a théorisées Tolstoï.
Un autre exemple du « désaccord » dans et par lequel l’épistolière se démarque et se définit se trouve vers le début du livre. Il s’agit du passage où Roze reconnaît qu’à l’hôpital, sa sensation de bonheur a été amplifiée par la morphine. Elle admet également la possibilité que sa joie soit étroitement liée au fait d’avoir survécu à la mort. En revanche, continue-t-elle, il ne lui est pas du tout possible d’admettre « ce que [Tolstoï] écri[t] avec tant de maestria : que mourir donne la joie » (LE, 27). D’après son expérience propre, et comme elle l’explique elle-même, « ce fut exactement l’inverse » (idem). Voilà pourquoi, dit-elle, elle s’obstine, dans sa lettre, à s’empoigner avec son destinataire.
[V]oilà pourquoi je veux m’empoigner avec toi et te convaincre et te secouer comme un prunier jusqu’à ce que tu admettes, toi, que, oui, j’ai mille fois raison de vivre et de continuer à vivre cette vie-là dans la certitude de ma vraie joie de vivante.
LE, 27
Dans ce passage, nous observons que l’épistolière ne cède pas à la moquerie, à l’injure : elle a clairement trop d’estime pour son destinataire pour laisser son énergie, sa différence d’opinion, dégénérer en animosité. Le désir de « s’empoigner avec Tolstoï » et de le « secouer » dénote tout de même la force de ses convictions. Dans cette perspective, Lettre d’été s’offre, à l’instar d’une bonne partie de la correspondance depuis l’époque classique, comme un lieu d’affrontement, ou de confrontation d’idées[46].
Dans sa lettre, il n’est certainement pas question de s’en prendre brutalement à Tolstoï pour ce qu’il écrit au sujet de la mort, par exemple, ou encore pour sa résignation et sa théorie de la non-violence. Jamais l’épistolière ne se laisse aller à ce que nous pourrions appeler la violence symbolique et verbale par les images et par les mots, ce dont elle a horreur, comme elle l’explique : « [quand] je lis, estomaquée, des déballages de sexe, de viande, d’agression, [je] me demand[e] : qu’est-ce qui autorise une telle outrance ? […] N’y a-t-il pas […] une justification à fournir pour étaler tant de violence ? » (LE, 61). Cependant, en s’adressant à Tolstoï, elle lui interdit formellement de rayer l’humanité « d’un trait parce que la science a inventé la poudre à canon » (LE, 29).
Sans doute est-ce en partie pour adoucir son refus catégorique (« non, ce fut exactement l’inverse » [LE, 27]) que, pour s’adresser à Tolstoï, elle favorise des termes de tendresse (« mon amour ») et des surnoms affectueux (Liova, Liovotchka). Il se peut qu’en écrivant, l’épistolière vise également à (se) rappeler sans cesse son amour déclaré pour l’auteur de Guerre et paix. Dans la mesure toutefois où Roze rappelle, chez Tolstoï, sa haine, connue et documentée, et plus particulièrement sa misogynie, le fait de s’adresser à son destinataire avec affection peut indiquer plutôt une volonté de prendre en défaut son destinataire bien-aimé. Le langage auquel Roze donne libre cours dans sa Lettre d’été peut effectivement laisser supposer un désir de la part de l’épistolière de s’opposer à Tolstoï, du moins à la « virulence (pour ne pas dire la violence !) » (LE, 67) qu’elle lui attribue : « Pourquoi tant de haine, Liova ? » Dans cette perspective, la manière même dont Roze s’exprime la situe aux antipodes, à distance, de son « amour d’enfance ».
Ainsi Tolstoï a beau incarner, pour Roze, une attitude, certaines idées, qu’il ne lui est pas possible d’admettre, l’écrivain est malgré tout structurellement indispensable à sa pensée et, par extension, à sa conception d’elle-même, laquelle ressort distinctement de sa déclaration : « [J]e ne sais pas qui je suis sans toi » (LE, 64). En effet, si nous admettons que, dans cet énoncé, l’image de soi, ou la capacité à savoir qui l’on est (selon ce que l’on pense), dépend de celui avec qui on partage des confidences, mais avec qui l’on n’est pas toujours d’accord, alors l’identité, telle qu’elle s’articule chez Roze, est non seulement relationnelle, mais elle est plus particulièrement à la fois associative et oppositionnelle, comparative et contrastive, selon la dialectique du même et du différent.
Dans Lettre d’été, il n’y a pas plus identité de perspective qu’il n’y a définition ou représentation identitaire constante du sujet écrivant, Roze. Dans la mesure où l’auteure de Lettre d’été s’inscrit simultanément dans une relation de correspondance (« je suis avec toi ») et dans une relation de différence ou d’opposition par rapport à Tolstoï (« [je ne suis] pas ta disciple » ou, selon le jeu de mots que permet le verbe « être », « je ne te “suis” pas »), son identité se présente comme complexe ou fluide, en mouvement : « [Je suis] [f]antoche avec toi, mon amour, mais [je ne suis] pas ta disciple » (LE, 67). Quant à la lettre en tant qu’expression, elle est, comme la ressemblance théorisée par Ricoeur, « le lieu de la rencontre conflictuelle entre le même et le différent[47] ». La lettre de Roze oppose et unit l’identité et la différence. De cette manière, elle adopte une forme difficile à définir, entre autoréflexion et texte sur Tolstoï, entre missive intime et lettre d’art.
Parties annexes
Note biographique
Karin Schwerdtner est professeure agrégée à l’Université Western Ontario où elle enseigne en Études françaises. Sa recherche porte essentiellement sur la littérature française contemporaine, mais elle s’intéresse également à l’interview littéraire et à l’épistolaire. Au sujet des lettres ou auto-commentaires d’auteurs, elle a édité, avec Isabelle Keller-Privat, La lettre, trace du voyage à l’époque moderne et contemporaine (2019, à paraître) ; avec Margot Irvine et Geneviève De Viveiros, Risques et regrets. Les dangers de l’écriture épistolaire (Montréal, Nota bene, 2015) ; et, avec Geneviève De Viveiros, un numéro d’Interférences littéraires intitulé « Au risque du métatexte » (no 2015). Son livre d’entretiens, Le (beau) risque d’écrire, est paru aux éditions Nota bene en janvier 2018.
Notes
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[1]
Chantal Labre, « Pascale Roze ressuscite Horace », article reproduit sur le site officiel de Pascale Roze sous le titre Un homme sans larmes, originalement paru dans Le Magazine littéraire, no 440, mars 2005. En ligne : www.pascaleroze.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=81:un-homme-sans-larmes&catid=49:presse-ecrite&Itemid=11 (page consultée le 28 décembre 2018).
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[2]
Roger Chartier, « Avant-propos », dans Roger Chartier (dir.), La correspondance. Les usages de la lettre au xixe siècle, Paris, Fayard, 1991, p. 9-10.
-
[3]
Idem.
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[4]
Cécile Dauphin, Pierrette Lebrun-Pézerat et Danièle Poublan, Ces bonnes lettres. Une correspondance familiale au xixe siècle, Paris, Albin Michel, 1995, p. 131.
-
[5]
Brigitte Diaz, Stendhal en sa correspondance ou « l’histoire d’un esprit », Paris, Honoré Champion, coll. « Romantisme et modernités », 2003, p. 214.
-
[6]
Brigitte Diaz, L’épistolaire ou la pensée nomade, Paris, Presses universitaires de France, 2002, quatrième de couverture.
-
[7]
Brigitte Diaz, Stendhal en sa correspondance, p. 180.
-
[8]
Brigitte Diaz, L’épistolaire ou la pensée nomade, p. 161.
-
[9]
Sur la distinction traditionnelle entre la lettre d’art (« Kunstbrief ») et la lettre réelle (« der echte Brief »), voir : Wolfgang G. Müller, « Der Brief », cité par Cécile-Eugénie Clot, Kleist épistolier. Le geste, l’objet, l’écriture, Berne, Peter Lang, 2008, p. 8.
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[10]
Nous citons la description du livre publiée sur le site officiel de Pascale Roze.
-
[11]
« Au xviiie siècle, “intime” s’applique à des écrits qui ne sont généralement pas destinés à la publication », Cécile Dauphin, « Écriture de l’intime dans une correspondance familiale du xixe siècle », Le Divan familial, no 2, 2003, p. 64.
-
[12]
Pascale Roze, correspondance avec l’auteure, 19 avril 2016.
-
[13]
Idem.
-
[14]
Idem.
-
[15]
Laurence Liban, « Confidence à Léon Tolstoï », L’Express, 1er avril 2000. Disponible en ligne : www.lexpress.fr/culture/livre/lettre-d-ete_805875.html (page consultée le 28 décembre 2018).
-
[16]
Pascale Roze, Lettre d’été, Paris, Albin Michel, 2000, p. 9. Désormais abrégé en LE, suivi du numéro de la page.
-
[17]
Anne-Marie Picard, « Le chasseur zéro de Pascale Roze ou l’origine hallucinée de l’écriture », dans Nathalie Morello et Catherine Rodgers (dir.), Nouvelles écrivaines : nouvelles voix ?, Amsterdam/New York, Rodopi, 2002, p. 288.
-
[18]
Pascale Roze, correspondance avec l’auteure, 19 avril 2016.
-
[19]
Roland Le Huenen, « Le récit de voyage : l’entrée en littérature », Études littéraires, vol. 20, no 1, 1987, p. 46. Disponible en ligne : id.erudit.org/iderudit/500787ar (page consultée le 28 décembre 2018).
-
[20]
Michel Foucault affirme à l’égard de lui-même : « Je me place résolument du côté des écrivants, de ceux dont l’écriture est transitive. Je veux dire du côté de ceux dont l’écriture est destinée à désigner, montrer, manifester hors d’elle-même quelque chose qui, sans elle, serait resté sinon caché, du moins invisible. C’est peut-être là qu’existe, malgré tout, pour moi, un enchantement de l’écriture », Philippe Artières (dir.), Le beau danger. Entretien avec Claude Bonnefoy, Paris, Éditions de l’EHESS, 2011, p. 59-60.
-
[21]
Le récit d’épreuves et les nouvelles de la santé et de la souffrance figurent parmi les lieux communs de la correspondance intime, depuis au moins le xixe siècle.
-
[22]
Jürgen Siess, « Rhétorique et discours sensible : les lettres d’amour de Julie de Lespinasse », dans Carole Dornier et Jürgen Siess (dir.), Éloquence et vérité intérieure. Colloque de Cerisy, 23-26 septembre 1999, Paris, Honoré Champion, coll. « Colloques, congrès et conférences sur le dix-huitième siècle », 2002, p. 170.
-
[23]
Brigitte Diaz, op. cit., p. 163.
-
[24]
Pierre Bourdieu, Méditations pascaliennes, Paris, Seuil, 1997, p. 168.
-
[25]
Benoît Melançon, Diderot épistolier. Contribution à une poétique de la lettre familière au xviiie siècle, Montréal, Fidès, 1996, p. 63. Disponible en ligne : archive.org/details/diderotpistoli00melauoft (page consultée le 28 décembre 2018).
-
[26]
Chez Roze, le pronom « tu » désigne principalement Tolstoï. Dans son discours, il lui arrive toutefois de se tutoyer également, notamment pour exiger d’elle-même qu’elle se tranquillise, qu’elle reprenne le contrôle. En particulier dans cet extrait de la description de son mal, Roze passe de la narration à la première personne à une narration impersonnelle (où elle se désigne par le pronom « elle » et par le syntagme « la mère »), avant d’adopter le « tu » pour se « parler » directement : « J’ai très mal. Je sens dans la tête les secousses du camion […]. Et la mère, là-bas, elle est dans le noir, dans le tube du scanner et dans le sang qui noie son cerveau. Non, tais-toi. Tu n’as pas le droit d’imaginer, pas le droit d’inventer ces images. La peur est devant toi, à distance. » Lettre d’été, p. 18.
-
[27]
Benoît Melançon, op. cit., p. 249.
-
[28]
Brigitte Diaz, op. cit., p. 161.
-
[29]
Chantal Labre, art. cit.
-
[30]
Brigitte Diaz, op. cit., p. 161.
-
[31]
Ibid., p. 162.
-
[32]
Au sujet des « outils rhétoriques » servant à gérer « la rencontre avec l’autre », voir, par exemple : Cécile Dauphin, Pierrette Lebrun-Pézerat et Danièle Poublan, op. cit., p. 131.
-
[33]
Benoît Melançon, op. cit., p. 307.
-
[34]
Cécile Dauphin, Pierrette Lebrun-Pézerat et Danièle Poublan, op. cit., p. 131.
-
[35]
Brigitte Diaz, op. cit., p. 161.
-
[36]
Benoît Melançon, op. cit., p. 308.
-
[37]
Cécile Dauphin, Pierrette Lebrun-Pézerat et Danièle Poublan, op. cit., p. 131.
-
[38]
Brigitte Diaz, Stendhal en sa correspondance, p. 180.
-
[39]
Brigitte Diaz, L’épistolaire ou la pensée nomade, p. 162.
-
[40]
Chantal Labre, art. cit.
-
[41]
Brigitte Diaz, op. cit., p. 163.
-
[42]
Idem.
-
[43]
Idem.
-
[44]
Ibid., p. 84.
-
[45]
Pascale Roze, correspondance avec l’auteure, 19 avril 2016.
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[46]
Consulter, par exemple : Élisabeth Gavoille et François Guillaumont (dir.), Conflits et polémiques dans l’épistolaire, Tours, Presses universitaires François-Rabelais, 2015.
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[47]
Paul Ricoeur, La métaphore vive, Paris, Seuil, coll. « L’ordre philosophique », 1975, p. 250.