Résumés
Résumé
Cet article se penche sur le projet fondateur de la revue Études françaises et l’esprit qui en a marqué les premières décennies en montrant, en premier lieu, comment la création de celle-ci s’inscrit dans une transformation marquée de l’Université de Montréal, qui impose le primat de la recherche et des divisions disciplinaires. Études françaises se distingue cependant en tentant une conciliation entre le discours savant et la création littéraire, qui s’inscrit dans la foulée de la « nouvelle critique », développe une herméneutique de la confiance et résiste à l’emballement théorique, comme le montre une comparaison avec Études littéraires.
Abstract
This article examines the founding premise of the Études françaises journal and the spirit that characterized its early decades, first of all by situating its creation within the exceptional period of transformation at Université de Montréal that secured the primacy of research and the disciplinary divisions. Études françaises stands out, however, in seeking to reconcile scholarly discourse and literary creation, which forms part of the “new criticism,” to develop a hermeneutic of trust and resist theoretical excess, as shown in comparison with Études littéraires.
Corps de l’article
Portées comme les diaristes à de cycliques retours sur elles-mêmes, mais en vertu d’une autre scansion temporelle, celle de leur périodicité lente, décalée de l’actualité fabriquée par les autres médias, les revues se penchent régulièrement sur leur passé. Des plus révolutionnaires aux plus académiques, le battement des années et des numéros les conduit à interroger du même souffle l’histoire récente, contemporaine, celle de la discipline, du champ de pratiques, de la sphère culturelle, voire du monde tout court, et leurs propres projets et réalisations. Ainsi Liberté, plus fervente que d’autres, a-t-elle célébré par des articles, numéros ou anthologie ses cinquième, dixième, quinzième, vingtième, quarantième et cinquantième anniversaires, sans négliger pour autant ses 100e, 150e et 200e numéros. Plus réservée, à cet égard, peut-être parce que la liaison entre l’histoire interne d’une revue universitaire et les autres temporalités se laisse plus difficilement saisir, Études françaises poursuit néanmoins avec le présent numéro, une courte série d’autocommentaires, après ceux des quinzième et trentième anniversaires[1].
L’ampleur du corpus est désormais vertigineuse : 144 livraisons, rassemblant plus de 780 collaborateurs différents et plus de 1 400 articles. Pour éclairer cette masse textuelle, l’approche la plus sensible, la plus rassurante, est sans doute celle adoptée dans les auto-analyses précédentes, consistant à distinguer les principales « phases » de la revue, en esquissant en surplus quelques indications sur les orientations majeures. Toutefois, recommencer cette opération serait quelque peu redondant, étant donné que les principaux changements dans la structure des numéros comme dans le type de textes publiés ont eu lieu dans les premières années ; depuis le dernier bilan, en 1994, dans le cadre du numéro d’hommages à Georges-André Vachon, la revue s’est révélée d’une très grande stabilité sur le plan éditorial. Je résumerai donc ces principales étapes, pour mieux analyser par la suite le projet fondateur, l’idée même d’une revue littéraire savante, liée comme on le verra à une refondation « disciplinaire » de l’université, et me pencher dans un troisième temps sur les caractéristiques principales de la revue, par rapport aux autres revues d’études littéraires publiées au Québec, de plus en plus nombreuses au fil des ans.
Laurent Mailhot et Bernard Beugnot s’entendent, dans leurs articles sur les premières années de la revue, pour reconduire et peaufiner le discours de la revue sur elle-même, et distinguent ainsi, à la suite des remarques de Georges-André Vachon[2], trois principales phases : la première, couvrant les cinq premiers volumes (1965-1969), serait celle des études libres et des comptes rendus, suivie d’un « aménagement en 1970 : on ajoute un texte de création et on remplace les comptes rendus par des chroniques de la production québécoise[3] », puis, en 1974, survient un « changement plus radical » : « la revue [est] dorénavant thématique[4] ». Il n’y aurait plus, dès lors, qu’une légère modification, en 1981, quand la revue revient à sa périodicité trimestrielle, en s’ouvrant, parfois, à des études libres ou chroniques qui ne cadrent pas avec les thèmes des numéros.
En fait, les douze premières années correspondent à une recherche continuelle de la formule éditoriale idéale ; alors même que l’équipe de direction connaît peu de mouvement[5], la structure des numéros et le type de textes publiés connaissent des variations fréquentes d’un volume à l’autre. Les deux premiers numéros, en 1965, rassemblent des études sur des sujets divers, en première partie, puis une section de chroniques, respectivement consacrées aux publications littéraires françaises et canadiennes-françaises, suivies par une « Bibliographie des lettres canadiennes-françaises », établie par Réginald Hamel. Puis, dès le troisième numéro, une nouvelle rubrique fait son apparition, celle des « Notes de lecture », consacrée à des comptes rendus d’ouvrages savants[6]. Cette formule quadripartite (Études, Chroniques, Notes de lecture, Bibliographie) ne dure que deux numéros, les chroniques disparaissant après le numéro d’hiver 1966 (vol. 2, no 1). L’intérêt de la revue pour les instruments de travail, concrétisé par la publication des bibliographies de Hamel, suscite alors le tout premier numéro thématique, entièrement bibliographique[7]. Nouveaux changements au numéro suivant, avec l’apparition de la rubrique « Notes et documents[8] », insérée entre les études et les comptes rendus, dont ils ne se distinguent guère dans cette première livraison[9]. Les « Notes et documents », dans leur diversité même, furent cependant le principal lieu d’expérimentation dans la période allant de 1966 à 1973[10].
Passant à quatre livraisons par année, en 1967, la revue consacrera ses numéros d’été à des numéros thématiques portant sur la littérature québécoise, numéros ayant eux-mêmes des formules variées, combinant dans des proportions diverses des republications anthologiques, des documents d’archives, des études savantes et même des textes de création contemporains[11]. La section des comptes rendus, qui s’était exclusivement concentrée sur les ouvrages savants, revient à la préoccupation pour les parutions récentes (mais seulement en littérature québécoise) dès 1967 (vol. 3, no 4), puis fait primer cet intérêt, en revenant à compter de 1970 à la formule des chroniques, divisées selon de larges distinctions génériques (poésie, roman, essai, critique et cinéma). Il n’y aura plus, dès lors, de comptes rendus des publications universitaires dans la revue. On ne trouvera plus du tout de comptes rendus, en fait, après 1975, quand l’idée des numéros couvrant « l’année littéraire québécoise », par le rassemblement des chroniques, fut abandonnée après deux essais. C’est alors, et alors seulement, qu’Études françaises trouve sa formule, celle de numéros thématiques rassemblant exclusivement des études savantes[12]. Elle sera quelque peu assouplie, lors de la direction de Robert Melançon, qui propose « une nouvelle politique d’ouverture[13] » avec des numéros et des sections d’études libres[14], mais, comme l’indique Melançon lui-même, ce changement n’est pas conçu comme une rupture, bien plutôt comme un renouvellement, dans la « fidélité d’Études française à sa vocation initiale[15] ». Il importait de détailler cette lente mise au point de cette formule, dans les premières années, pour annoncer l’examen qui suit. Études françaises devait en quelque sorte inventer, en la faisant, ce que pouvait être une revue québécoise d’études littéraires, puis la réinventer, au fur et à mesure que des revues concurrentes proposaient d’autres discours, d’autres pratiques.
Les études littéraires : discipline, discours, structure
Ceci nous ramène d’ailleurs aux observations initiales sur l’étude des revues, et l’autocommentaire généré par les revues elles-mêmes. Outre qu’ils prêchent le plus souvent pour leur propre paroisse, ces portraits ont aussi le défaut de s’en tenir à des considérations de structure « interne », demeurant ainsi tout à la fois à distance des textes, de leurs formes d’écriture, des discours qu’ils reconduisent ou retravaillent, des « politiques de la littérature[16] » qu’ils explosent et recomposent, et incurieux des dynamiques et structures extérieures à la revue. À cet égard, les travaux de Nicole Fortin, Frances Fortier et Robert Dion[17] s’avèrent particulièrement judicieux, car ils portent attention aux procédés énonciatifs des textes aussi bien qu’aux bifurcations majeures dans les discours littéraires et savants. Ils ne se concentrent guère, cependant, sur les traits spécifiques de telle ou telle revue, privilégiant des examens transversaux ou alors, comme c’est le cas pour Andrée et Nicole Fortin, ils se concentrent sur les notes éditoriales présentant les numéros[18].
L’examen opéré par ces travaux sur la critique et les revues universitaires, saisies comme éléments de formations discursives subsumant les singularités des auteurs et des revues, soulève une question cruciale : ces présumées singularités comptent-elles vraiment, dans le cas des articles « savants » ? Qui parle, dans des énoncés tels que « S’il est en notre temps un poète aimé des dieux, c’est bien Saint-John Perse », « si jamais une analyse, du fantastique par exemple, devient possible, c’est que l’on aura su l’effectuer à l’intérieur du triangle isocèle que constitue le conte écrit, soit dans la relation NARRATEUR-histoire-LECTEUR », ou encore, « le rôle du professeur de littérature moderne, ou du moderne professeur de littérature, est toujours un peu de corrompre la jeunesse ? », et enfin, « la plurivocité des figures paradigmatiques trouve dans La Cousine Bette une illustration frappante[19] » ? N’y entend-on pas d’autres voix que celle du signataire, d’autres tons que celui d’Études françaises, voix de la critique humaniste traditionnelle, de la critique fondée sur la théorie ou du maître méphistophélique, qu’on entend dans d’autres textes, d’autres revues ? Par-delà ces exemples, révélateurs de tendances critiques distinctes, un lecteur sautant de ces revues aux mémoires et thèses, voire aux plans de cours et annuaires, y verrait sans doute dominer la voix de l’université, bien plus que les torsions ou tours d’écriture portant une signature. Coincée entre le respect des codes et l’invention critique, l’écriture d’articles destinés à des revues savantes, fussent-elles littéraires, penche sans doute plus souvent vers la reproduction. Et pourtant, quiconque a parcouru un peu régulièrement, même négligemment, d’anciens numéros d’Études françaises, d’Études littéraires et de Voix et images, ou encore ceux de Poétique, de La Revue des sciences humaines ou de La Revue d’histoire littéraire de la France, aura pu être sensible à des modulations distinctes du discours universitaire sur la littérature.
Plus encore que le livre, qui en est pourtant l’objet fétiche, la revue a été le vecteur par excellence dans l’invention des discours critiques sur la littérature et, plus largement, dans la constitution de savoir-faire disciplinaires. Les études réunies dans la section « Du côté des sciences » du collectif La Belle Époque des revues[20] en ont fait la démonstration pour les « sciences pures », l’économie, le droit, l’urbanisme et les sciences humaines, détaillant grâce à de nombreux exemples comment « dans ce long processus d’organisation des disciplines scientifiques […] les revues prendront une part centrale[21] ». Dans le cas du Québec, le décollage de l’édition savante, signe d’un « relatif […] recentrement du milieu universitaire sur lui-même[22] », correspondrait plutôt à l’époque de l’après-guerre, époque où « les revues universitaires prolifèrent[23] ». Apparaissent alors Laval théologique et philosophique (1945), Les Archives du folklore (1946), Relations industrielles (1950), Service social (1951), les Cahiers de géographie du Québec (1956) et Recherches sociographiques (1960) à l’Université Laval, pendant qu’à l’Université de Montréal sont fondés la Revue d’histoire de l’Amérique française (1947), les Cahiers de l’équipe de recherches sociales (1949), les Contributions à l’étude des sciences de l’homme (1952), Dialogues (1962), revue du département de philosophie (codirigée par l’Université d’Ottawa) et la Revue de géographie de Montréal (1964).
Les professeurs de littérature n’investissent cette scène qu’à compter de 1965, avec Études françaises, bientôt rejointe par les revues concurrentes de l’Université Laval, Études littéraires, en 1968, et de l’UQÀM, Voix et images, qui connut plusieurs naissances successives[24]. Les littéraires étaient-ils plus attachés que leurs collègues d’autres disciplines aux revues universitaires généralistes, plus portés vers des revues « culturelles » ou « littéraires », sans lien consubstantiel avec l’université, voire avec d’autres modes du discours savant ou intellectuel comme la conférence ? Le décalage chronologique entre un premier mouvement, caractérisant les sciences humaines et sociales, et un second, touchant les études littéraires, signale à nouveau que la construction des études littéraires comme forme spécifique de savoir et comme discours sur la nature distincte de ce savoir, a une autre historicité, met en cause d’autres éléments que pour l’histoire, la géographie et les sciences sociales, que ces dernières soient considérées individuellement ou en bloc. Nonobstant ces différences, le mouvement de prolifération de revues disciplinaires est transdisciplinaire et participe d’une série de transformations majeures du monde universitaire québécois, transformations qui ne peuvent être simplement associées, par anticipation ou causalité, aux changements culturels et politiques commodément rassemblés sous l’étiquette de « Révolution tranquille ».
Laissant de côté les interactions complexes entre l’université, les structures socio-politiques et le discours social, aussi bien que celles entre les études littéraires et la sphère littéraire contemporaine, fort importantes dans l’émergence d’une critique savante sur la littérature québécoise[25], qui demanderaient des études spécifiques, je me concentrerai sur les processus entraînant des changements transdisciplinaires, changements à la fois discursifs et structurels. Ceux propres aux discours manifestent en premier lieu, par la multiplication des revues savantes et leur progressive spécification disciplinaire, une coupure de plus en plus grande entre le discours savant et les autres sphères discursives, coupure à l’oeuvre dans les processus d’édition et de diffusion, comme dans les conceptions du travail intellectuel. Alors que Le Canada français (1918-1946), revue de l’Université Laval[26], cherchait à conserver un caractère généraliste, plus proche de la Revue des Deux mondes que de la Revue d’histoire littéraire de la France, désormais, les revues universitaires sont écrites par des « spécialistes », appuyées sur un savoir spécifique, un langage ésotérique (au sens large d’inaccessible aux non-initiés), et adressées à d’autres spécialistes. Ces revues transforment aussi la conception du professeur d’université et associent, dans leurs titres ou dans leurs textes, les notions de recherche, de méthode, de science.
Ces transformations conceptuelles et discursives contraignent les littéraires à se confronter à l’idée de recherche, à repenser leurs pratiques et conceptions à sa lumière, comme le fait Georges-André Vachon à plus d’une reprise. Il le fait d’abord, à titre de directeur d’Études françaises, dans une note éditoriale courte mais hautement révélatrice, où il avance que textes de création et études critiques partagent une même nature, une même « volonté de recherche » par « l’exploration méthodique [des] ressources expressives du langage[27] ». Par cette brillante reformulation, Vachon esquisse d’un même souffle un ton et un programme qui seront ceux d’Études françaises bien au-delà de son mandat. En justifiant ainsi la publication de poèmes et de récits dans une revue savante, il confère à la littérature un esprit critique légitimant sa présence au sein de l’université (alors que les cours de création et, a fortiori, des postes de professeurs-écrivains étaient inimaginables dans l’université française à cette époque). Cette même année, 1968, qui correspond pour Dion et Fortin à la « date charnière », à « l’année repère » marquant l’émergence de la « “nouvelle critique” québécoise[28] », Vachon participe avec 39 collègues de plus de 19 universités à un colloque sur les études littéraires et la recherche, organisé par la première structure littéraire « canadienne-française » ouvertement consacrée à la recherche, le Centre de recherches en littérature canadienne-française d’Ottawa[29]. L’examen des discours tenus par les participants permettrait de départager les reprises ou réaménagements de l’humanisme traditionnel, des préoccupations militantes, « engagées », comme des positions technicistes ou scientistes[30]. Toutefois, le signe capital me paraît celui de la collective légitimation de l’idée de recherche par les principaux professeurs de littérature québécoise[31] et de la possibilité de transformer la littérature québécoise en objet de savoir (alors même que les écrivains les plus étudiés sont, pour la plupart, des contemporains). On peut souligner, de même, l’effet cumulé de la création de revues savantes sur les études littéraires : désormais, un professeur ne sera plus un « enseignant » ayant parfois l’honneur d’être publié (quel que soit le lieu de publication), mais un chercheur publiant régulièrement des articles dans des revues « sérieuses ». Études françaises, tendue entre son caractère universitaire et une conception fédérant création et critique, érudition et inventivité, spécialisation et humanisme, joue un rôle distinct, dans cet univers, comme je le montrerai plus bas.
Ces métamorphoses dans les langages déployés par l’université, leur dire aussi bien que leur dit, sont insérées dans un complexe écheveau d’interactions avec les transformations plus proprement institutionnelles, affectant le statut des universités, leurs structures, leurs programmes et pratiques d’enseignement, de recherche et de publication, le nombre et le type d’étudiants, etc., la dialectique entre celles-ci et celles-là menant à une refondation de l’université québécoise. Sans chercher à reconstituer dans tous ses détails l’évolution des études littéraires à l’Université de Montréal, un aperçu de quelques-unes des mutations majeures opérées entre 1930 et 1970, dans la pré-histoire d’Études françaises, permettra d’insérer la création de cette dernière dans un processus global et de mieux comprendre pourquoi elle n’eut jamais la ferveur moderniste puis postmoderniste des autres revues d’études littéraires, souscrivant plutôt à la ré-invention de traditions, pour reprendre l’expression de Georges-André Vachon, en la déplaçant légèrement.
Commençons ce survol avec un premier « autoportrait », celui de l’Annuaire de la Faculté des lettres de 1938-1939, 19e année d’existence de ladite faculté[32]. Sous l’autorité du chanoine Émile Chartier, la Faculté des lettres regroupe essentiellement des ecclésiastiques, chacun d’eux ayant la responsabilité presque exclusive d’enseigner une matière (la division des tâches signale en effet qu’il s’agit de matières plus que de disciplines). Pas de programmes, pas de départements : des cours d’histoire (de l’Acadie, de l’art et du Canada), des cours de langues modernes et de pédagogie, des cours de littérature, enfin : littérature anglaise (William Henry Atherton), canadienne et grecque (toutes deux par Émile Chartier), française (Arthur Sideleau) et latine (Oscar Maurice). La très faible spécialisation est perceptible dans la double structure combinant conférences publiques (ouvertes à tous) et cours dits « fermés », réservés aux étudiants dûment inscrits, désireux d’obtenir une licence. Le cours de littérature anglaise, par ailleurs, est subdivisé de manière nettement plus précise que ceux de littératures française ou canadienne. Le contenu de ces derniers cours étant le même, en 1938-1939 qu’en 1921-1922, on devine que l’enseignement vise à transmettre un certain « canon », conforme aux principes de l’Église catholique, plutôt que de dresser un état présent des connaissances ou de se familiariser avec des méthodes critiques.
Dix ans plus tard, l’annuaire de 1947-1948[33] porte les traces des réformes du chanoine Sideleau, lequel a remplacé Chartier au décanat de la Faculté des lettres en 1942 : les domaines littéraires sont désormais couverts par plusieurs professeurs ; la matière est répartie dans plusieurs cours (17 en tout, pour les « langue et littérature françaises », au lieu des deux cours de 1938-1939). Un premier saut a alors été effectué, accompagné d’une première forme de divisions disciplinaires, qui ne touche pour l’instant que l’histoire et la géographie, toutes deux pourvues d’instituts spécifiques (ainsi que d’une revue savante dans le cas de l’histoire).
C’est une tout autre Faculté des lettres, une tout autre université en fait, qui se donne à voir dans la version 1964-1965 de son annuaire[34]. La « départementalisation des disciplines[35] » accomplie sous la houlette de Pierre Dagenais, premier doyen laïc de la faculté, a donné naissance en 1962 au Département d’études françaises, aux côtés de ceux consacrés aux études anglaises, aux études classiques et aux études slaves, selon un modèle nord-américain, centré sur les « systèmes culturels » (comprenant langue, culture et littérature), plutôt que sur les seuls corpus littéraires. Cette division du travail engendrée par les structures universitaires a eu d’importantes conséquences pour l’orientation d’Études françaises ; en laissant de côté les spécialistes des littératures d’autres langues, cela a certes créé un regroupement (et donc une confrontation latente) des corpus français et québécois, mais a probablement infléchi le rapport aux développements ultérieurs de la recherche. Sans verser dans l’histoire contrefactuelle, on peut imaginer qu’une revue intégrant fortement des anglicistes et des comparatistes n’aurait sans doute pas eu la même trajectoire, dans les années 1980 et 1990, entre autres pour ce qui est de l’accueil réservé au postmodernisme, au postcolonialisme et aux théories queer.
Il y a cependant eu bien d’autres changements, entre 1947 et 1964 ; après avoir eu pour objet unique « l’enseignement de la littérature » de 1919 à 1962[36], la Faculté des lettres se donnait désormais « pour but de favoriser, par l’enseignement et la recherche, le développement des disciplines savantes[37] ». Enseignement et recherche : la redéfinition de l’université par le biais de cette double fonction touche, comme on l’a vu plus haut, les professeurs de littérature, qui seront dès lors tenus d’effectuer des recherches et de publier les résultats de ces recherches, de là, entre autres, la fondation des revues savantes[38]. Une telle transformation ne va bien sûr pas de soi, et ne peut être présentée comme un cadre normatif universel. Il y eut donc, tout à la fois, dissémination, appropriation et résistances, sources de multiples pratiques et prises de position. Cela transparaît dans les discours mais aussi dans la refonte générale des programmes, des grades et des cours. L’université adopte d’abord, pour quelque temps, un système mixte, licences-diplôme d’études supérieures-doctorat, avant de passer définitivement à celui qui s’est généralisé depuis, baccalauréat et maîtrise remplaçant licences et DES. Les certificats de littérature française, de littérature canadienne-française et d’esthétique littéraire se fondirent alors dans le baccalauréat d’études françaises, mais les cours restèrent les mêmes et les collaborateurs de la revue continuèrent de passer allègrement de la littérature française à la littérature québécoise[39], et d’examiner toutes deux en fonction d’un regard esthétique, préoccupé par les questions de jugement, de valeur, de beauté, de sensibilité, plus que par celles venues d’autres horizons (linguistique, psychanalyse ou sociologie, par exemple[40]). Dès 1964-1965, ces cours étaient beaucoup plus nombreux qu’en 1947-1948 (50, en tout, là où il n’y en avait que 13). Ceci permet évidemment une diversité bien supérieure, orientée dans les premiers temps dans le sens d’études monographiques, d’examens ciblés de corpus restreints. Études françaises recueille régulièrement les fruits de ces cours (et vice versa). Il y a en effet des liens étroits entre le cours d’André Brochu sur Angéline de Montbrun en 1964-1965 et son article du premier numéro de la revue, entre le cours d’Albert Le Grand sur La montagne secrète en 1964-1965 et son article sur Gabrielle Roy[41], comme entre son cours sur Les chambres de bois en 1965-1966 et son article sur Anne Hébert[42], et de même pour René de Chantal, qui donne un séminaire sur Proust en 1964-1965, publie un article sur Proust dans la revue[43], puis son livre sur la critique littéraire de Proust en 1967, ou pour Nicole Deschamps qui donne un cours sur « le roman [canadien] des débuts à 1939 » en 1964-1965 puis consacre un article aux Anciens Canadiens[44], comme elle peut aborder le bestiaire dans un cours en 1970 avant d’en faire le thème d’un numéro complet (« Le bestiaire perdu », vol. 10, no 3, 1974)[45].
Pour donner tous ces cours, l’université dut embaucher plusieurs nouveaux professeurs ; sur ce plan plus que sur tout autre, la lecture des annuaires est révélatrice d’une mutation complète et durable. Aux titulaires des années 1947-1948 et 1952-1953, sans oeuvre critique significative, ces Arthur Sideleau, Jean Houpert, Marie-Gustave Maheu, Pierre Angers et autres abbés oubliés[46], vont succéder des professeurs qui se feront un nom, et le feront entre autres grâce à Études françaises (contribuant ainsi à faire la renommée de la revue) : Bernard Beugnot, Monique Bosco, André Brochu, Jeanne Demers, Nicole Deschamps, Bernard Dupriez, Jeanne Goldin, Réginald Hamel, Albert Le Grand, Laurent Mailhot, ils sont tous là, déjà, en 1964, rejoints l’année suivante par Jacques Brault et Georges-André Vachon, puis par Lise Gauvin, Jean-Cléo Godin et Gilles Marcotte. Le département et la revue, indissociablement, ce seront eux, et ce, pour plus de trente ans[47]. D’autres collaborateurs, parfois cruciaux, se joindront à eux (Martine Léonard, Robert Melançon, Ginette Michaud et Pierre Nepveu, notamment), parfois venus d’autres départements (Pierre Gravel et Wladimir Krysinski), voire d’autres universités (Marc Angenot, André Belleau et Jean-Marcel Paquette étant parmi les premiers). Mais là où ces dernières implications furent habituellement limitées dans le temps, celle du noyau professoral initial du tout nouveau Département d’études françaises fut de longue haleine, ce qui explique partiellement la forte cohérence de la revue, par-delà les modifications dans l’équipe de direction, la force de l’« esprit » Études françaises.
La refondation du début des années 1960, qui restructure les disciplines et les programmes d’études, recompose le corps professoral et impose l’idée de recherche avec l’obligation de la publication, a ainsi des répercussions majeures sur la fondation, les objectifs, le personnel de la revue. Eut-elle été fondée quelques années plus tôt, avec des professeurs hostiles à la « nouvelle critique », ou quelques années plus tard, avec des acteurs cherchant à transformer la conjonction entre refondation universitaire et « nouvelle critique » en rupture radicale, à la lumière des impulsions avant-gardistes des revues littéraires et théoriciennes de la fin des années 1960, il n’y aurait pas eu, à Études françaises, ce filon d’humanisme moderniste ou de modernisme humaniste qui l’a caractérisée et l’a rendue plus favorable à l’herméneutique de la confiance, de la restauration du sens, qu’à celle du soupçon, pour reprendre l’opposition de Ricoeur[48].
Le professeur-écrivain et la « nouvelle critique »
Pour voir comment se manifeste à l’écrit cette herméneutique, comment elle informe la critique déployée dans les pages de la revue, et montrer le rôle spécifique joué par cette dernière dans le choeur de voix instituant peu à peu, au sein des discours sur la littérature, un espace distinct, fondé sur le « savoir[49] », bien que traversé de conflits, il me faut passer du « portrait d’Études françaises à sa naissance », portrait conjoint de la revue et du département du même nom, à l’examen des textes. Pour ce faire, je me concentrerai essentiellement sur les deux premières décennies d’Études françaises, et comparerai ce corpus avec celui d’Études littéraires. La décision de retenir cette dernière plutôt que Voix et images, Présence francophone ou Protée en guise de corpus comparatif est issue de recherches préliminaires, lesquelles m’ont conduit à conclure que ces deux revues ont régulièrement, pour ne pas dire systématiquement, opté pour des solutions opposées, parfois même polarisées, dans la sélection des objets d’étude, le rapport à la théorie et la construction d’un ethos collectif.
Cet examen me conduira à revenir aux lectures de Dion et Fortin, puis de Dion et Fortier, sur les grandes étapes du discours critique. L’émergence d’une « façon dite “scientifique” de faire la critique », à partir de 1968, s’imposant avec l’arrivée d’une nouvelle génération de critiques, est marquée, selon Dion et Fortin, par « un phénomène de désénonciation ou de délocution », effaçant les marques les plus visibles du sujet, afin de mieux fonder l’objectivité, la « scientificité » du discours : « [l]a science est au prix du sacrifice du sujet de connaissance[50] ». À cette montée en force d’une critique manifestant une « adhésion assez large aux méthodes d’analyse issues de la linguistique structurale », à la fin des années 1960 et dans les années 1970, répondrait, dans les années 1980 et 1990, une « remise en question de l’objectivité en critique littéraire et dans les sciences humaines[51] », que Dion et Fortier ont examinée en détail dans leurs articles du numéro d’Études littéraires sur la critique littéraire, où ils soulignent le retour plus fréquent à des « subjectivèmes », l’importance de formes hybrides, de la fragmentation du sujet et de la narrativité[52]. Ces études s’appuient, comme je l’ai indiqué en début d’article, sur un corpus transversal, de façon à saisir les changements historiques dans les traits dominants du discours critique. Changer d’optique, pour examiner plutôt les clivages entre Études françaises et Études littéraires, amène à voir que l’évolution de la première correspond moins nettement que celle de la seconde aux principales phases de l’histoire de la critique mises en évidence par Dion, Fortin, Fortier et al. Alors qu’Études littéraires et Protée, ainsi que, dans une certaine mesure, Voix et images, servent de catalyseurs au basculement vers des protocoles de lecture à visée scientifique, et qu’elles sont appuyées dans ce combat par des revues littéraires comme La Barre du jour[53] et Stratégie ; alors que, à l’autre bout du spectre, Liberté résiste avec une vigueur de plus en plus grande à ce changement discursif[54], Études françaises, pour sa part, refuse en quelque sorte de choisir son camp, comme on va le voir.
Un des textes les plus significatifs, à cet égard, est sans doute « Critique, création, recherche[55] », qui présente en cinq courts paragraphes la politique de la revue. Après une description succincte et neutre d’Études françaises — « [e]lle publie des études critiques, des notes de lecture et des textes de création[56] » —, qui rompt tout de même avec la description habituelle des revues savantes par l’intégration des textes de création, Vachon opère dans les paragraphes suivants une reformulation des termes placés en tête de sa note éditoriale. Il attribue en premier lieu à la création littéraire une valeur mesurée par « la volonté de recherche[57] ». Cette récupération doucement moderniste (car appuyée implicitement sur l’expérimentation, le renouvellement des formes) de la poésie ou du roman par la critique universitaire passe par une définition de la recherche comme « exploration méthodique, par le recours à toutes les ressources expressives du langage[58] ». Création et critique partagent ainsi, pour Vachon, une même nature, un même engagement, un même public[59]. Toutes deux plongent dans le langage, en tentant de concilier risque et cohésion, originalité et méthode ; toutes deux sont subjectives. Quand, comme l’écrivain sartrien, le critique assume pleinement la « liberté du lecteur », il se fait à son tour, à sa manière, écrivain : « il passe tout entier dans ce qu’il écrit. Son texte est habité par la présence d’un auteur, comme le poème ou le roman[60] ». Dans sa concision même, la décision d’opter pour des retournements rapides, basés sur des rapprochements, des glissements de sens, plutôt que de se lancer dans des explications détaillées des termes hautement polysémiques qu’il emploie, Vachon marque sa préférence, et celle de sa revue, pour la fusion de l’expression et de l’exploration, du style et de l’analyse. Il circonscrit ainsi, mais à partir d’un lieu d’abord universitaire, plutôt que littéraire, un espace faisant allègrement fi des frontières imperméables entre création et critique, littérature et discours sur la littérature.
Laurent Mailhot, dans sa première note éditoriale, insista sur cette volonté de faire d’Études françaises un « lieu où la littérature se fait[61] ». Cette revue, signale-t-il, sera certes « théorique », mais « dans et par la pratique », et surtout, elle sera « faite par des spécialistes passionnés, des professeurs écrivains[62] ». L’articulation nécessaire entre la réflexion abstraite et la pratique de la lecture, la transformation du substantif « écrivains » en qualificatif accolé aux professeurs, tout en donnant à la théorie comme aux professeurs la première place, leur confère immédiatement une coloration spécifique. « Nous ne voulons pas seulement les résultats d’une recherche, mais son expérience, son écriture. Nous voulons vivre (une partie de) cette recherche avec l’auteur[63]. » Se campant lui-même dans le rôle d’un éditeur-lecteur, qui accueille avec une exigence forte les textes destinés à la revue, Mailhot donne à la relation propre à la lecture une dimension large, irréductible aux seuls aspects cognitifs, intellectuels. Lire, écrire, c’est vivre avec. La littérature, dans sa création comme dans sa lecture, doit être une « expérience ». L’oeuvre, dans cette optique, ne saurait se réduire à un ensemble de signes dont les interrelations, les virtualités appelleraient des analyses fondées en théorie, balisées par une problématique et une méthode, sa lecture ne saurait être qu’explication, mais doit au contraire être portée, déportée, par une implication subjective du lecteur, sinon l’attente d’une « transformation radicale, touchant l’essence même de l’être[64] », comme l’écrit Ginette Michaud, dans le commentaire des vers de Paul-Marie Lapointe placés en exergue de sa contribution au numéro « Georges-André Vachon ». Les toutes premières lignes publiées dans la revue par ce dernier exigeaient déjà du critique qu’il ne soit pas que savant et qu’il le manifeste dans son écriture. Rendant compte de la thèse de Réjean Robidoux sur le rapport de Roger Martin du Gard à la religion, il formule d’entrée de jeu le compliment suivant : « Analytique et minutieuse, comme doit l’être une contribution savante, cette thèse conserve jusqu’à la dernière page l’allure toujours libre d’un exposé synthétique englobant la totalité de l’existence[65]. » On trouve dès cette première contribution des formules de conciliation (entre l’analyse et la synthèse, la rigueur et la liberté, dans ce cas) qui cherchent à maintenir l’exigence conjointe du rattachement au discours du savoir et du non-enfermement dans la seule logique de ce discours.
Études françaises aspire ainsi à faire cohabiter, dans ses pages, les figures du chercheur et de l’écrivain, voire à faire fusionner celles-ci (et celle du lecteur, principal personnage de la scénographie de la revue) dans celle du critique. Cela se concrétise, comme on a pu l’entrevoir, par la décision de publier des textes de création, de plain-pied avec les études (et non pas rangés dans la catégorie des « documents » ou des « inédits »). Cette pratique, poursuivie pendant sept ans (de 1967 à 1973) et appuyée par la création du prix de la revue Études françaises, prix de la « francité[66] », permit à la revue de publier 19 contributions de 17 écrivains différents et aux Presses de l’Université de Montréal de se transformer, subrepticement, en éditeur littéraire, par la publication des lauréats du prix[67]. Le passage aux numéros thématiques, en 1974, interrompit cette double entreprise ; les textes de création ne furent plus publiés après cette date qu’aléatoirement, le plus souvent sous la forme d’inédits dans les numéros consacrés aux auteurs. Bien que limitée dans le temps et désormais fort ancienne, une telle entreprise distingue avec force Études françaises des revues d’études littéraires publiées au Québec comme en France, à la même époque, et manifeste une proximité entre la revue et le milieu littéraire francophone[68], une volonté nette de faire de cette revue universitaire un instrument de promotion et de diffusion de la littérature contemporaine (en particulier, notons-le, de la poésie). L’aspect le plus important, cependant, réside dans le rapport à la critique, à la lecture, et à l’écriture de cette lecture, qui rend une telle proximité possible, mène à une identité partielle de la création et de la critique dans le discours de la revue.
Le « professeur écrivain » constituant le sujet critique idéal d’Études françaises[69] élabore de ce fait un discours sur la critique, la théorie, les études littéraires, mais aussi et surtout des manières de convoquer (ou non) la théorie, des manières d’écrire la critique. En fait, on pourrait même avancer que la figure du « professeur écrivain » découle d’une réflexion collective sur les métamorphoses de la critique littéraire dans les années 1950 et 1960, celles de la critique française, surtout, mais pas exclusivement. André Brochu, dans le premier numéro de la revue, place son analyse de Laure Conan sous le patronage de Georges Poulet et souligne que « la critique littéraire depuis Bachelard, Blanchot, Poulet, Rousset, Richard, Barthes et quelques autres, se veut elle aussi une recherche des dimensions profondes des oeuvres[70] », puis, dans son compte rendu de l’ouvrage de Georges-André Vachon, associe fortement ce dernier à la « nouvelle critique », Poulet et Richard en particulier, tout en le dissociant des reproches adressés à ce courant : « On fait volontiers à la nouvelle critique le reproche d’être brillante plutôt que rigoureuse et de méconnaître les méthodes éprouvées de l’histoire littéraire […]. Ces reproches, on ne pourra les adresser à M. G.-André Vachon[71]. » Dans ce même numéro, d’ailleurs, Bernard Beugnot consacre une notule à La Critique de Roger Fayolle, présenté comme « contemporain des tentatives originales de la “nouvelle critique”[72] », alors que Michel Mansuy analyse avec attention le troisième volume des Études sur le temps humain de Poulet[73].
En offrant un renversement de la primauté de l’histoire et des approches présentées comme « externes » par Wellek et Warren, et en posant l’oeuvre et son interprétation comme l’alpha et l’oméga de la critique[74], les essais de Bachelard, Barthes, Poulet, Richard et autres « nouveaux critiques » conduisent Laurent Mailhot, par exemple, à manifester son exigence à l’endroit des recherches contemporaines sur la littérature québécoise. Ainsi, tout en louangeant « l’excellente tradition[75] » des Archives des lettres canadiennes (qui n’en étaient pourtant qu’à leur troisième publication), en particulier en ce qui a trait à la documentation et à la « méthode historique rigoureuse[76] » de Wyczynski, il juge, à propos du chapitre sur Laure Conan, que « pour porter ses fruits, cette thèse historique doit être complétée par une critique thématique et structurale[77] » et estime « timide » l’« avancée du côté de la “nouvelle critique[78]” ».
Vachon et Mailhot commettent dans les numéros suivants deux textes majeurs sur la critique annonçant la perspective empruntée par Études françaises dans les années qui vont suivre. Texte mouvant, sous ses distinguos et propositions à première vue catégoriques, « Le conflit des méthodes » de Vachon[79] examine tout à la fois l’écart séparant les études littéraires « hexagonales » de celles des pays de la « francité » (moins soumises, selon lui, à l’orthodoxie de l’histoire littéraire mais happées, pour plusieurs, par la « réflexion sur l’identité nationale[80] »), la polémique opposant « nouvelle critique » et l’école lansonienne, puis les rapports entre subjectivité, création et critique[81]. Se posant en arbitre du « conflit des méthodes », Vachon écarte les accusations jugées excessives de Barthes comme de Picard, au sujet de leur adversaire respectif ; il soutient ainsi, d’une part, que les études historiques ne sont pas vouées à la seule explication, mais peuvent au contraire servir la lecture de l’oeuvre, et d’autre part que les diverses avenues nouvelles explorées par la critique ne sont pas toutes « réductrices et explicatives[82] ». Avec Poulet, Richard et Starobinski, l’interprétation transforme la lecture en « aventure de deux consciences inextricablement liées l’une à l’autre », sans que ces consciences soient restreintes à « l’ordre de la connaissance[83] ». Laissant alors de côté les débats théoriques, Vachon invite les critiques à prendre le parti des « créateurs », à devenir de vrais lecteurs, c’est-à-dire des « donneurs de sens[84] ». Alors seulement la « lecture peut aboutir à un discours sur l’oeuvre qui devient une véritable création[85] ». Tout en soulignant l’intérêt de la « littérature à propos de la littérature » que cette activité critique produit, Vachon la distingue de celle des écrivains au sens fort du terme, qui atteignent « peut-être la forme la plus aiguë de la critique[86] », et l’estime « sans risque », par rapport à la recherche historique qui, bien qu’elle procède d’une forme de « liberté », donc de création, est « essentiellement ouverte à la contestation[87] ». Enfin, Vachon s’interroge, dans ses ultimes remarques : cette critique créatrice « ne risque-t-elle pas de s’interposer entre le lecteur et l’oeuvre[88] ? » Pas de combat, de position tranchée, dans ce texte, mais une relance constante de la réflexion, et, malgré tout, une ferme volonté de se situer dans ce lieu où « les études littéraires modernes » se confrontent tout à la fois à la science et à la création, pour faire de la méthode l’aiguillon d’une liberté interprétative.
Vachon et Marcotte rejoignent Brault et Doubrovsky comme principales sources de la réflexion sur la critique placée en introduction et en conclusion du long compte rendu de Laurent Mailhot sur cinq contributions à l’étude de la littérature québécoise. « Des conférences, des articles plus substantiels ou plus généraux, deux numéros spéciaux de revue et quelques études récentes dont nous rendrons compte, montrent qu’il existe au Canada français UNE CRITIQUE QUI SE FAIT en même temps que notre littérature[89] », affirme Mailhot, en reprenant en capitales le titre de son article. Tout en prétendant ne pas chercher à se lancer dans le débat, relancé, sur la valeur de la littérature québécoise, il y affirme successivement que cette critique « est elle-même, de plus en plus, littérature[90] », et que l’appréciation des critiques implique une appréciation tout aussi positive des oeuvres elles-mêmes. Dès lors, « si les critiques existent, les oeuvres existent, et toujours davantage. Il n’y a pas de CRITIQUE QUI SE FAIT sans littérature[91] » (et vice versa, peut-on comprendre).
Pour ce faire, il s’appuie, en exergue et dans son texte, sur une formule de Brault censée s’accorder parfaitement avec l’ouvrage que Doubrovsky venait de consacrer à la nouvelle critique (Pourquoi la nouvelle critique, 1966) : « parler, écrire, pour le critique, c’est conversion à l’autre, à l’oeuvre », écrivait Brault[92]. Malgré leurs défauts, qu’il ne se fait pas faute de souligner, la multiplication d’études solides marque pour Mailhot une intensification de la critique sans égale depuis l’époque de Dantin : « cette fameuse “tradition de lecture”, tradition de subjectivité, mais finalement “seul critère objectif de la valeur littéraire[93]”, nous la continuons, nous l’intensifions, en certains cas nous l’inaugurons[94] ». Mailhot est plus réservé que Vachon à l’endroit des démarches visant à concilier histoire littéraire et nouvelle critique[95], cependant on constate aisément la proximité de vues, la conception partagée d’une forme de critique imprégnée d’humanisme en même temps que réflexive, interrogeant ses propres méthodes, son histoire, ceci dans une relation forte mais sans inféodation à la « nouvelle critique ». Cette mouvance de la critique littéraire française (bien plus qu’école) a ainsi imprégné fortement le regard sur la littérature et le rapport à l’écriture de l’équipe fondatrice d’Études françaises et, plus largement, du Département d’études françaises[96]. Or, comme on l’a vu, cette équipe demeure en place très longtemps, et son propre esprit informe à son tour les successeurs des Vachon, Mailhot, Beugnot et Deschamps à la barre et au comité de rédaction de la revue.
Ambition et modestie, théorie et critique : clivages entre Études françaises et Études littéraires, circa 1975
De la critique, fût-elle nouvelle, à la théorie, et plus encore à la théorie littéraire conçue comme combat[97], passage qui marque en quelque sorte le saut des années 1950 aux années 1970, la transition ne va pas de soi, comme l’illustrera l’opposition nette entre Études françaises et Études littéraires. Il n’y a pas eu, à Études françaises, d’attachement marqué pour une école théorique spécifique, rien qui puisse se comparer à l’attachement de Protée mais aussi d’Études littéraires pour la sémiotique (prédilection pluraliste, dominante plutôt que spécialisation, dans le second cas). Mailhot indiquait, dans « Quinze ans après », « nous ne fermons la porte à personne, ni à aucune tendance, aucune méthode[98] », Melançon le redisait, une dizaine d’années plus tard, « Études françaises […] doit continuer à s’ouvrir sans exclusive à toutes les recherches de qualité[99] », tous deux rejoignant ainsi les remarques de Vachon, qui soulignait les défauts d’une domination sans partage d’une orthodoxie universitaire (celle de l’histoire littéraire lansonienne, dans son exemple[100]).
Bernard Beugnot a poussé plus loin encore, dans son « analyse spectrale », la valorisation de cet éclectisme (ou scepticisme) théorique : « à la différence de Littérature, organe d’expression de l’Université de Paris-Vincennes, cette attache [institutionnelle] n’implique pas de choix critique ou théorique puisque le département comme groupe ne s’est jamais affilié ou simplement identifié à une école, encore moins inféodé à une chapelle[101] ». Beugnot reprenait ainsi le leitmotiv traversant l’ensemble des revues littéraires québécoises, tout au long du xxe siècle : « nous ne sommes pas une chapelle ». Il ne s’agit pas pour autant de faire de la revue un carrefour de conflits théoriques, équivalent universitaire des revues littéraires éclectiques, « recueils, qui se contentent de recevoir la copie, comme une citerne reçoit la pluie[102] » : même dans les (rares) articles ou (encore plus rares) numéros défendant une approche théorique spécifique[103], il n’y a pas d’exclusivisme, pas d’adhésion à un « tonus » révolutionnaire accompagnant l’écriture théorique.
Il n’y a pas pour autant hostilité principielle envers les entreprises théoriques. Les exemples de numéros consacrés à la théorie l’indiquent, et dès le début, on retrouve des articles présentant des perspectives spécifiques ou visant à les exemplifier[104]. Un examen comparé des références aux courants et théoriciens dominants des dernières décennies ne dévoile par ailleurs aucune allergie à la théorie, à Études françaises : là où la psychanalyse, la sociologie de la littérature ou le structuralisme comptent respectivement 126, 93 et 59 mentions, à Études françaises, elles en ont 143, 101 et 58 à Études littéraires ; là où Barthes, Blanchot, Foucault, Freud et Marx atteignent 162, 84, 72, 120 et 69 nominations, à Études françaises, ils s’inscrivent 184, 72, 68, 130 et 77 fois dans les pages d’Études littéraires. Ces données confirment au surplus la pluralité théorique de ces revues : aucune tendance ne prédomine outrageusement[105]. Une analyse plus fine de ces statistiques marque une nette envolée des préoccupations théoriques, à Études françaises, dans les années 1980 ; non seulement se met-on à se référer beaucoup plus fréquemment aux théoriciens mentionnés ci-dessus, on le fait systématiquement plus souvent, et dans une proportion semblable. Barthes passe de 25 à 47 mentions de 1970-1979 à 1980-1989, Blanchot de 6 à 20, Derrida de 9 à 30, Foucault de 7 à 25, Freud de 14 à 46 et Marx de 7 à 29[106].
C’est là, pourrait-on dire, le tournant théorique d’Études françaises, signe d’un tournant plus large, qui marque les études littéraires québécoises de façon transversale. Cette irruption des références théoriques dans la revue tient sans doute à Krysinski et Belleau, qui entrent respectivement au comité de rédaction en 1979 et 1980, et dirigent les numéros les plus abondamment farcis de références théoriques de la décennie 1980 : ceux consacrés aux sociologies de la littérature et à Bakhtine, pour Belleau (vol. 19, no 3, 1983 et vol. 20, no 1, 1984), et celui consacré aux « modes intellectuelles parisiennes[107] », pour Krysinski (vol. 20, no 2, 1984). En raffinant encore l’analyse, on découvrirait cependant que ce tournant correspond à un « examen » des approches théoriques, exploratoire et critique à la fois. La conjonction des numéros sur les sociologies de la littérature (le pluriel est significatif), Bakhtine et les effets de mode théoriques, publiés coup sur coup, manifeste avec force le tiraillement entre intérêt et réserve. On ne trouve rien de comparable, à cet égard, dans les pages d’Études littéraires, où la théorie, y compris l’écriture spécifiquement théorique, découplée d’analyses de textes, a une faveur beaucoup plus grande.
Ce rapport collectif à la théorie, conjugué à la recherche d’un lieu où critique et création se rencontreraient sans heurts, a de profondes implications quant à l’écriture savante de la lecture déployée dans Études françaises. On voit ainsi les articles et numéros de la revue convoquer la théorie et s’en défaire du même souffle, pour mieux montrer que leur visée n’est pas essentiellement conceptuelle ou méthodologique, mais herméneutique, ceci dans un geste combinant modestie théorique et ambition critique. Des extraits d’introductions des numéros des années 1978-1980 d’Études françaises permettront d’en donner des exemples probants. Dans l’article de tête du numéro thématique « Le fil du récit », qu’elle dirigeait avec Jeanne Goldin et Martine Léonard, Jeanne Demers tente de renverser la question des « frontières du récit » examinée par Genette afin de se demander si le « Récit » peut se délester entièrement de l’histoire et basculer ainsi hors du narratif : « Quelles sont ces frontières au-delà desquelles le récit, comme entité “texte”, ne peut plus prétendre à l’existence et jusqu’où les repousse-t-il sans se nier[108] ? » Cette problématique essentiellement théorique, appuyée sur des références à un article et une monographie de Claude Brémond, à S/Z de Barthes et bien sûr à « Frontières du récit » de Genette, ne mène cependant pas à un développement théorique ou méthodologique (examen de définitions, typologie, analyse des structures ou des enchaînements narratifs, réflexions sur les délimitations des corpus). Après la séparation visuelle et cognitive de trois astérisques, Demers amorce une lecture d’un récit-sornette, un conte de Réal Benoît en l’occurrence, suivie quelques pages plus loin par celle du texte de Marguerite Duras annoncé dans le titre de l’article[109]. La transition entre l’introduction à ambition théorique et le corps de l’article, plus interprétatif, combine l’ambition et la modestie signalées plus haut : « L’approche proposée ici est plus globale, plus immédiatement typologique que celle de Genette. Plus naïve aussi sans doute ! » ; « Cette question aux multiples facettes, si nous la posions — de façon un peu simpliste je le crains, étant donné le cadre réduit de cette étude — à deux productions littéraires particulièrement significatives[110] ». Pierre Gravel, de son côté, écrit dans la présentation du numéro d’octobre 1979 :
Tragique et tragédie dans la tradition occidentale. Un titre, un programme, un pléonasme. Titre et programme d’une recherche : celle qui a réuni un groupe de chercheurs, appuyé par le ministère de l’Éducation. Titre et programme d’un pléonasme : il n’y eut de tragique et de tragédie, d’expérience et d’oeuvre tragique que pour la tradition occidentale ! Cette étrangeté […] est celle-là même qui nous a réunis[111].
Il précise aussitôt : « la difficulté fut […] considérable ». Gravel refuse de façon délibérée toute clarification théorique définitive ou a priori : « [a]yant refusé de nous soumettre d’emblée à la rigidité d’un concept unitaire, ou à la facilité d’un “fil conducteur”, nous n’avons pas voulu entrer dans le Labyrinthe guidés par la seule idée préalable d’en sortir par le chemin le plus sûr. Au contraire et peut-être naïvement, mais il est de ces naïvetés qu’il faut éprouver, nous avons tenté de nous rencontrer autour d’une question[112] » […]. Se confronter à des corpus, aux questions qu’ils font surgir, comme on entre volontairement dans un labyrinthe, sans chercher à trouver une réponse claire, encore moins définitive, comme une expérience de dessaisissement débouchant éventuellement sur un savoir, ambigu, peut-être, mais profondément « éprouvé » ; se heurter à la naïveté, oser la naïveté, pour mieux faire apprécier toute la force, la profondeur d’une question, d’un texte : Demers et Gravel, dans la présentation de leurs numéros, me paraissent exprimer un trait caractéristique de l’ethos critique d’Études françaises, ethos qui informe tout particulièrement les textes de Deschamps, Marcotte et Vachon, pour ne nommer qu’eux.
Ceci contraste fortement avec les numéros publiés, à la même époque, par Études littéraires, lesquels se donnent d’emblée un objectif théorique, comme c’est le cas des numéros sur la sémiotique du discours et sur le pamphlet[113], tentent de développer une perspective théorique précise (la psychanalyse, les études féministes et la sémiotique, en l’occurrence[114]) ou de la confronter à des corpus spécifiques[115]. On ne trouve pas, dans ceux-ci, de modulations du rapport à la théorie, à la construction/définition de l’objet, semblables à celui exposé par Demers et Gravel, qui court dans les pages d’Études françaises. Pour les directeurs et collaborateurs de ces numéros, l’intérêt d’une approche théorique va en quelque sorte de soi et n’a pas à être démontré (cette justification se rapportant plutôt à la pertinence du choix de l’orientation théorique, de l’objet étudié ou du couplage des deux éléments). Plus encore : le découpage effectué par la revue elle-même, dans la composition de ses numéros, met la théorie au premier plan, l’affiche dans les titres de numéros. À Études françaises, au contraire, la théorie n’organise pas le champ du savoir, du discours : de 1974 à 1999, on ne trouve guère que quatre numéros d’orientation ouvertement théorique : « Sociologies de la littérature » (vol. 19, no 3, 1983), « Bakhtine, mode d’emploi » (vol. 20, no 1, 1984), « Sociocritique de la poésie » (vol. 27, no 1, 1991) et « Les leçons du manuscrit : question de génétique textuelle » (vol. 28, no 1, 1992), alors qu’on en dénombre aisément une quinzaine à Études littéraires.
Le rapprochement de numéros de ces revues s’attaquant à des thèmes semblables est à cet égard révélateur, ainsi pour les dossiers respectivement consacrés au « manifeste poétique/politique[116] » et au « pamphlet[117] ». Dans le volumineux dossier d’Études françaises, qui rassemble pas moins de dix études, on trouve bien des tentatives visant à définir l’objet central du numéro[118], toutefois les articles se présentent plutôt comme des relectures, des explorations d’un corpus ayant marqué l’histoire littéraire et politique. Aussi trouve-t-on (entre autres) un survol de l’évolution lexicographique du terme de « manifeste » du xvie au xixe siècle[119] ; une analyse des « séquences et grappes métaphoriques » du Manifeste du Parti communiste, lu « comme un texte littéraire », en mettant l’accent sur l’intertexte[120], suivie d’une remise en question des fondements socio-sexués du genre[121]. Dans l’article de tête, signé par une des directrices du numéro, on glisse ainsi de la place du manifeste dans la typologie des genres au statut hors-système du manifeste, puis à une reformulation du noyau sémantique « manifestaire[122] », passant de la sorte de considérations théoriques à une démarche herméneutique. L’interprétation des manifestes comme textes prime ainsi sur la description du manifeste comme genre.
La perspective est tout autre dans le numéro d’Études littéraires consacré au pamphlet : le premier article cherche à « tracer un cadre général dans lequel une typologie du pamphlet moderne pourrait s’inscrire » et propose pour ce faire une série de distinctions entre le discours narratif et les différentes variantes de discours enthymématique[123], suit un article intitulé « Le pamphlet : essai de définition et analyse de quelques-uns de ses procédés » par Yves Avril (p. 283-297), puis une analyse visant à distinguer les connecteurs et types d’opération discursive essentiels à l’argumentation pamphlétaire, laquelle s’appuie entre autres sur une schématisation des procédés[124]. Trois des articles suivants affichent de même dès leur titre leur orientation théorique : ceux de Joseph Bonenfant, « La force illocutionnaire dans la situation du discours pamphlétaire » (p. 299-312), de Bernard Andrès, « Pour une grammaire de l’énonciation pamphlétaire » (p. 351-372) et de Jean Fisette, « Le statut de l’énonciation dans le discours pamphlétaire : le cas Gauvreau » (p. 373-390).
D’autres comparaisons, dossier par dossier, voire article par article, permettraient d’étoffer cette démonstration, en convoquant par exemple les numéros « Littérature québécoise et américanité » d’Études littéraires[125] et « L’Amérique de la littérature québécoise » d’Études françaises (vol. 26, no 2, 1990[126]). L’examen du sort spécifique réservé aux médias, à la littérature populaire ou aux travaux des groupes de recherche serait tout aussi révélateur[127]. Toutefois, je me contenterai d’un dernier élément, hautement significatif des différences dans le rapport à la théorie et aux textes, à savoir le recours aux schématisations visuelles[128]. Outre l’aussi célèbre que délaissé carré sémiotique, dont on ne retrouve aucune représentation dans les pages d’Études françaises, contre un minimum de sept pour sa rivale[129], un examen minutieux des pages de chacune des revues fait voir un fossé profond entre l’appétence respective des revues pour le rôle des formalisations visuelles dans le discours savant sur la littérature : dans la période 1974-1980, on n’en trouve guère, à Études françaises, que dans la contribution de Jean-Marcel Paquette au numéro sur Ferron[130], alors qu’à Études littéraires, elles abondent à la même période[131]. Il y eut certes un effet de mode, dans cette prédilection d’Études littéraires pour ces formalisations, d’ailleurs brocardé par Walter Moser dans le numéro d’Études françaises consacré aux « modes intellectuelles parisiennes » : « Vous souvient-il des temps récents quand on lardait les textes de formules mathématiques pour faire sérieux, quand tout langage formalisé ajoutait une plus-value scientifique aux textes, ne fût-ce que par connotation[132] ? » Cependant, dans l’effet de mode lui-même, il y avait une volonté d’opérer sur les textes une montée en généralisation, vers des structures ou des enchaînements d’un autre ordre, décrits de manière synthétique grâce aux schématisations, volonté fondée sur une perspective théorique plutôt que critique ou herméneutique. C’est pourquoi le recours aux schémas a perduré, bien qu’avec une moins grande fréquence, au-delà du passage à la critique postmoderne signalé par Fortier et Dion[133].
L’essai comme pente et tentation
Ce clivage dans le rapport à la théorie et aux schématisations entre les deux revues tient, en partie, aux disciplines et perspectives privilégiées chez l’une et chez l’autre[134], et manifeste le penchant d’Études françaises pour la compréhension plutôt que l’explication, « le » texte plus que « les » textes, la mise en valeur (et le pari pour) la singularité en lieu et place d’une recherche de lois, catégories et procédés généraux. Le discours du savoir, à Études françaises, ne se présente pas, dans cette optique, comme un discours résolument distinct du discours littéraire, discours devant s’exprimer dans un langage nouveau, mais vise au contraire à s’approcher au plus près du littéraire.
Cette écoute, cette proximité, se manifeste souvent dans le tricotage serré des extraits et du commentaire, qui rend visible le grain du texte commenté, le plaisir de la lecture, et du même souffle l’habileté, la virtuosité du tressage des voix, propre au critique. Sa réalisation la plus forte, malgré une fréquence moins élevée, est cependant le recours à un mode de composition tendant vers l’essai, où le critique opte pour une prise en charge subjective de sa lecture et une inventivité formelle signalant que le discours ne prétend pas à une quelconque « objectivité » scientifique[135], ne vise pas tant à s’inscrire dans une « problématique » qu’à mettre en jeu la rencontre entre deux écritures, la recherche d’une confrontation juste entre la critique et la création.
Les contributions de Georges-André Vachon, entre toutes, font de la revue la scène d’une lecture oeuvrant à se faire écriture, écriture publique[136], écriture transformant l’oeuvre commentée en « bien public », écriture aspirant à fonder une communauté (nationale et transnationale à la fois) par l’élaboration collective d’une tradition de lecture. Ses premières contributions à la revue, alors qu’il en est déjà directeur, ne s’aventurent guère dans cette direction, ou du moins ne l’approchent qu’en tant que thème intégré à la réflexion sur la critique littéraire et la revue savante. Cependant, au début des années 1970, l’écriture elle-même, dans sa forme, participe à cette réflexion et amorce un virage vers l’essai. Ce n’est plus le professeur, le directeur de revue, alors, qui écrit, mais l’homme, dans toute sa subjectivité :
Que sait-on si l’on respire ? dans la vie quotidienne s’entend. // Enfant, j’étais persuadé que les choses existaient, le temps qu’elles passaient sous mon regard. […] Chaque matin, cela recommençait : l’odeur des poules égorgées avait beau me poursuivre, l’étalage du marchand de volailles retournait dans le néant, dès que je l’avais dépassé. […] [L]’opinion n’existait pas encore pour moi. J’étais philosophe. Je ne me confiais qu’en moi-même[137].
Ainsi commence sa chronique sur les romans publiés « ces douze derniers mois », entamant de la sorte par un micro-récit d’enfance l’entrée en scène d’un « je » autobiographique. Suit une autre scène, celle du lecteur cette fois, qui, subitement, après avoir lu une vingtaine de romans et de recueils de nouvelles, s’arrête sur le mot « tendresse » dans Le coeur de la baleine bleue de Jacques Poulin : « je me suis surpris à respirer. Pourquoi ici plutôt qu’ailleurs[138] ? » Vachon commente alors avec enthousiasme le récit de Poulin, qu’il oppose ensuite aux « ouvrages scolastiques » de Nicole Brossard et Jean-Marie Poupart, et glisse ainsi des remarques sur la production romanesque contemporaine à des questions plus larges, où se brouille la distinction entre les voix, entre les questions attribuées à tel ou tel roman et celles que Vachon prend implicitement à son compte. Celle-ci, par exemple : « Créer, c’est prendre le parti de mourir, les armes à la main. //Mais pourquoi écrit-on ? Et pour qui ?/Question préalable : on, qui est-ce ?[139] » Ce brusque élargissement, « on, qui est-ce ? », qui fait passer en une phrase d’une interrogation sartrienne aux enjeux soulevés par Barthes, fait apparaître avec force la griffe de l’auteur. Autre méthode, dans « Des mots se suivent… », publié dans les « Notes et documents », en ce sens que l’ouverture rapide du champ s’effectue à la fin du texte, où Vachon insère un de ses propres récits de rêve, reproduit en italique, avant de clore son article sur la formule classique des nouvelles : « Puis, je m’éveille[140]. »
Loin de suivre le tournant d’une partie de la critique contemporaine vers un rapport distancié à la littérature, une maîtrise « scientifique » des corpus, Vachon adoptait résolument une démarche inverse, laquelle trouvera sans doute sa plus éclatante réalisation dans (osons le mot) un des plus remarquables essais littéraires québécois, « Le colonisé parle » (vol. 10, no 1, 1974), texte publié, faut-il le souligner, dans le premier numéro adoptant « la » formule définitive des dossiers thématiques et abordant un des thèmes cruciaux d’Études françaises, celui des rapports entre la littérature et la parole. Pour lui rendre pleinement justice, il faudrait déployer une étude minutieuse de ce texte, mais ayant déjà largement dépassé les contraintes quasi universelles de l’article savant, je me contenterais de souligner le jeu qui emporte « idées et événements […] dans une espèce de mouvement », transforme ce texte en « réelle dramatisation du monde culturel », et campe Vachon en « artiste de la narrativité des idées », pour reprendre les termes de Belleau[141]. L’incipit affirme, de manière « apparemment » évidente : « Quand je parle, ce n’est pas un autre, c’est bien moi qui parle […], et je parle, j’écris comme je marche ; je lis de même, du moins j’essaie, tant que le texte s’y prête[142] », tout en intégrant, sans les confondre, la parole, l’écriture et la lecture. Un extrait de Victor-Lévy Beaulieu rompt l’unité de la langue et sépare l’homme de la rue et le héros illettré, chacun occupant heureusement des places bien nettes : « [l]e lecteur voit, clair comme une chose, ce que c’est que d’être francophone au milieu de l’Amérique britannique du Nord […]. Il peut dormir, lire tranquille : le colonisé ce n’est pas lui. Sauvés, hors texte, l’auteur, et le lecteur[143] ! » Nouvel extrait, de Céline cette fois, qui brouille plus nettement encore l’unité et l’évidence : « [l]e texte met en fuite le naturel, me divise d’avec moi-même. Quand je m’entends dire : mais nous voilà en pleine fiction ! qui parle ? et qui, l’instant d’après déclare que ce navire, ces hommes de peine sont plus réels qu’aucune chose visible ? » (p. 63). Avec Ducharme, un saut de plus (ou une chute ?) est accompli dans la déliaison des rapports fixes, des essences : « Le sous-homme, aliéné, colonisé, si ce n’est pas moi, qui écris et quand j’écris, moi lecteur quand je lis, ce n’est personne[144]. » Ce premier mouvement du texte (quinze autres pages suivent) se termine alors sur la formule « Le naturel de la parole parlée, n’est peut-être pas si naturel[145]… »
Vachon est sans doute celui qui a commis le plus grand nombre de textes s’apparentant aussi nettement à l’essai, dans Études françaises, celui qui a, par cette abondance et sa position de directeur, contribué plus que d’autres à donner à la revue ce ton, l’orientant ainsi dans une tout autre direction que celle prise, au même moment, par Études littéraires. Cependant, il ne fut pas le seul, à Études françaises, à donner une coloration essayistique à la critique et à l’écriture savante. On la retrouve, sous une forme discrète, sans narrativité ni sujet autobiographique, mais avec humour, dans les chroniques de poésie de Gilles Marcotte, publiées de 1970 à 1974, de même que dans ses notes et réflexions publiées dans les « Exercices de lecture » au début des années 1990[146]. Cette rubrique s’ouvre d’ailleurs explicitement, à cette époque, à des textes marqués par la subjectivité, l’ironie, voire l’agréable mauvaise foi. On y retrouve Georges-André Vachon[147], aux côtés de Robert Melançon[148], Jean-Marie Klinkenberg[149], François Ricard[150], etc. On en voyait des éléments, déjà, mais sans véritable confrontation au discours savant, aux réflexions sur la critique et la théorie, ni confrontation aux recherches antérieures, dans les chroniques de Jean Éthier-Blais sur la « littérature canadienne-française » publiées dans les premiers numéros[151]. Diverses autres contributions pourraient être signalées, celle de Pierre Nepveu, par exemple, dont la première collaboration, significativement, relève ouvertement de la création[152], celle de Dominique Noguez, un temps professeur à l’Université de Montréal et chroniqueur éphémère de cinéma à la revue[153], celles de Jeanne Demers, Nicole Deschamps ou Monique Bosco, entr’aperçues dans les pages précédentes[154], et bien d’autres encore, mais je me contenterai d’un dernier nom, celui de Ginette Michaud, qui fut secrétaire de rédaction (1985-1988) puis directrice (1991-1994), car il me permettra de soutenir que ses articles, s’ils peuvent correspondre à certaines des caractéristiques de la critique postmoderne, telle que cernée par Dion et Fortin[155], s’inscrivent sans heurts dans cette filiation essayistique poursuivie, à Études françaises, depuis les années 1960.
Dans « Récits postmodernes[156] ? », dont l’interrogation est symptomatique, rejoignant la prédilection de Vachon pour le questionnement plutôt que l’affirmation[157], l’énonciation a d’emblée recours à un « je » autoréflexif (et non autobiographique), lequel « accommode » son propos et son rapport à la théorie, comme on le fait de la vision : « Devant un tel titre, j’entends déjà flotter par-dessus mon épaule un double soupir. Un soupir de soulagement d’abord, de la part de quelques lecteurs qui se disent : “Enfin, on va peut-être savoir un peu mieux ce qu’est le postmodernisme[158]”. » Ceux-ci seront déçus, annonce-t-on, car « ils ne trouveront pas […] une discussion serrée, et encore moins une définition synthétique[159] ». Pas de théorie appliquée à l’oeuvre, mais amorce d’une meilleure compréhension de la théorie grâce à l’oeuvre, à son interprétation. On retrouve ici le primat, l’absolu du texte, devant les ressources de la pensée abstraite, conceptuelle ou « scientifique », qui caractérise la revue, subjectivement affirmé, avec des marques répétées de la « modeste ambition » dont j’ai parlé plus tôt : « je l’ai appris à maintes reprises à mes dépens », « je me contenterai de citer, pêle-mêle (à la manière de la critique postmoderne !) », « Plutôt que de tenter une définition générale du postmodernisme […], je préfère, plus modestement, m’abîmer dans quelques détails qui m’ont toujours fait l’effet d’énigmes[160] ». La théorie est pourtant là, explicite ou sous-jacente, convoquant un intertexte large, mais contenue dans un rôle ancillaire, qui laisse toute la place à l’aventure de la lecture : « Comment, par exemple, savoir d’où vient le plaisir que j’éprouve à chaque relecture d’une phrase, d’emblée aussi insignifiante que celle-ci : “L’homme n’avait vraiment pas l’air désolé. Et même il commençait à se sentir en assez bonne forme[161]. […]”. //J’aime cette phrase parce qu’elle est, pour moi, caractéristique de la manière de Poulin […][162]. » Est-ce un effet de mes propres lectures, marquées par la découverte des textes de Vachon, de ses phrases parfois déconcertantes, mais je ne peux m’empêcher de trouver ici l’écho d’« Une littérature qui se louisianise ? » où, comme on s’en souviendra, c’était aussi une phrase de Poulin qui transformait la lecture en interrogation et l’analyse en essai.
Il m’a semblé indispensable de donner à voir l’importance du filon essayistique d’Études françaises, pour compléter en quelque sorte le triple horizon ouvert par Vachon dans « Critique, création, recherche », quitte à confondre un peu ce dernier terme avec la théorie, dans les pages précédentes. C’est en effet par la conjugaison de ces éléments, leur hybridité parfois (comme c’est le cas pour la critique et la création avec l’essai), que la revue se caractérise, ou du moins s’est longtemps caractérisée, au sein des revues d’études littéraires, comme dans la sphère plus large des revues québécoises. Les textes plus nettement essayistiques, bien que distincts de l’orientation plus théorique, plus « objective » d’Études littéraires, ne furent pas dominants, quantitativement. On trouve nombre de textes essentiellement théoriques, à Études françaises, de tout aussi nombreux articles d’histoire littéraire, basés sur une forte érudition[163], et un très grand nombre d’analyses d’oeuvres tendant à la neutralité. Néanmoins, la conjonction des récurrentes inflexions essayistiques, d’une herméneutique de la compréhension, du « souci de l’objet[164] », d’une (relative) modestie théorique (maîtrise sans inféodation), confère à la revue une couleur spécifique. Ou du moins conférait, car avec la progressive transformation des « Exercices de lecture » en section d’études libres, la baisse d’intensité théorique d’Études littéraires, l’augmentation des recherches interuniversitaires, la disparition du caractère foncièrement « départemental » des revues d’études littéraires[165], et maints autres facteurs, on peut se demander si cette « couleur » s’est maintenue. Je suis porté à en douter.
Parties annexes
Note biographique
Michel Lacroix est professeur au Département d’études littéraires de l’UQÀM et membre du Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises. Ses recherches portent sur les revues, les sociabilités, les transferts culturels franco-québécois ainsi que sur les imaginaires du littéraire en France et au Québec.
Notes
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[1]
Laurent Mailhot, « Quinze ans après », Études françaises, vol. 15, nos 1-2, 1979, p. 3-5 ; Lise Gauvin, « Présentation. Trentième anniversaire. Hommage à Georges-André Vachon », Études françaises, vol. 31, no 2, 1995, p. 3-10. On peut ajouter à ces textes les contributions de Laurent Mailhot et Bernard Dupriez au dossier de Voix et images consacré aux revues universitaires d’études littéraires : Laurent Mailhot, « Études françaises : vingt ans après », Voix et images, vol. 12, no 2, 1987, p. 284-287 et Bernard Dupriez, « Analyse spectrale d’Études françaises », Voix et images, vol. 12, no 2, 1987, p. 278-284.
-
[2]
Georges-André Vachon, « Faire la littérature », Études françaises, vol. 6, no 1, 1970, p. 3-6.
-
[3]
Laurent Mailhot, « Quinze ans après », p. 4.
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[4]
Ibid.
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[5]
Après l’éphémère direction de René de Chantal, le temps du premier volume, Georges-André Vachon dirige la revue de 1966 à 1978, épaulé au comité de rédaction par Bernard Beugnot, Nicole Deschamps et Albert Le Grand, lesquels assument leur rôle pendant six ans ou plus.
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[6]
Parmi ceux-ci, on trouve un examen de l’ouvrage de Georges-André Vachon sur Claudel (André Brochu, « G.-André Vachon, le Temps et l’espace dans l’oeuvre de Paul Claudel, Paris, Collection Pierres vives, Éditions du Seuil, 1965, 455 p. », Études françaises, vol. 1, no 3, 1965, p. 117-188). Outre qu’il s’agit du seul compte rendu de cette livraison se penchant sur le travail d’un universitaire québécois, on peut y voir une forme de « présentation » de Vachon au public de la revue, avant qu’il n’en assume la direction au numéro suivant.
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[7]
Réginald Hamel, Jeanne Benoist et Madeleine Corbeil, « Bibliographie des lettres canadiennes-françaises », Études françaises, vol. 2, no 2, juin 1966, p. 5-111. La dernière « Bibliographie des lettres canadiennes-françaises » publiée par Hamel dans la revue fut celle de mai 1967 (Études françaises, vol. 3, no 2, 1967, p. 251-254).
-
[8]
Sans doute inspirée d’une section du même nom dans la Revue d’histoire littéraire de la France de cette époque.
-
[9]
Les textes de Nicole Deschamps (« Louis Hémon à son père », Études françaises, vol. 3, no 1, 1967, p. 53-60) et de Georges-Paul Collet (« Jacques-Émile Blanche, épistolier », Études françaises, vol. 3, no 1, 1967, p. 74-93) s’apparentent aux études, surtout pour le premier ; tous deux laissent plus de place aux « documents » qu’ils annotent que ne le font généralement les articles, mais il y a néanmoins analyse plus qu’édition de textes rares ou inédits, comme ce fut le cas dans les premiers temps d’Études littéraires, où les « documents » mettaient en vedette le texte d’autrui, et réduisaient le commentaire aux annotations ponctuelles (ainsi pour les « textes inédits » d’André Gide, Études françaises, vol. 2, no 3, 1969, p. 347-354 ou les articles de Ruben Dario sur Victor Hugo, vol. 2, no 1, 1969, p. 78-103). Les textes de Jean-Claude Margolin (« Simone de Beauvoir, Jeanson, Sartre et le sartrisme », Études françaises, vol. 3, no 1, 1967, p. 61-73) et de Jean-Cléo Godin (« L’avalée des avalés », vol. 3, no 1, 1967, p. 94-101) également publiés dans cette première livraison des « Notes et documents » constituent essentiellement des comptes rendus, celui de Godin n’étant pas plus long que ceux de la section « officielle » de comptes rendus du même numéro.
-
[10]
On y publia des textes de création, en 1968 (Gabriel Boustany, « Zaïzafoune », Études françaises, vol. 4, no 1, p. 79-98 et Ahmadou Kourouma, « Les funérailles du septième jour », Études françaises, vol. 4, no 2, p. 220-227), avant qu’ils ne soient insérés, à la fin de 1968 (vol. 4, no 4), dans la section d’études. C’est là que furent publiés certains textes significatifs, ouvrant de nouvelles pistes : Jacques Brault, « Saint-Denys Garneau 1968 », vol. 4, no 4, 1968, p. 403-406 ; Marc Angenot, « La “Complainte de Fantômas” et la “Complainte de Fualdes” », vol. 4, no 4, 1968, p. 424-431 ; André Belleau, « Bakhtine et le multiple », vol. 4, no 4, 1968, p. 481-487 ; Pierre Nepveu, « Gilbert Langevin, l’énergumène », vol. 9, no 4, 1973, p. 337-344. À ceux-ci, il faudrait ajouter les contributions de Georges-André Vachon, qui choisit d’y insérer cinq de ses propres textes. Enfin, cette section fut celle annonçant la longue histoire d’amour entre la revue et Saint-Denys Garneau. Après l’article de Brault, susmentionné, on y trouve un « Hommage à Saint-Denys Garneau », rassemblant cinq textes (vol. 5, no 4, 1969), et des articles de Robert Vigneault (« Saint-Denys Garneau mis à jour », vol. 7, no 4, 1971, p. 389-397), Jean-Louis Major (« Saint-Denys Garneau et la poésie », vol. 8, no 2, 1972, p. 176-195) et Lucie Turcotte (« Inédits de Saint-Denys Garneau », vol. 8, no 4, 1972, p. 398-407).
-
[11]
Le texte de création fut publié dans le premier de ces numéros, placé sous la direction de Réginald Hamel et consacré à la poésie québécoise (Fernand Ouellette, « Poèmes », vol. 3, no 3, 1967, p. 325-347). Les « numéros thématiques d’été » suivants ont été principalement consacrés à la réédition de textes québécois destinés à faciliter « l’invention d’une tradition », comme l’exprime Vachon dans l’introduction au numéro de 1968 (« Avant les Anciens Canadiens », vol. 4, no 3, 1968, p. 249-250 ; notons que l’écriture de cette courte introduction est exactement contemporaine de la conférence intitulée « Une tradition à inventer », prononcée par Vachon le 2 mai 1968). Il y eut ainsi quatre numéros consacrés à la Nouvelle-France et au xixe siècle, tous dirigés par Vachon lui-même (« Chateaubriand et ses précurseurs français d’Amérique », vol. 4, no 3, 1968 ; « Une littérature de combat, 1778-1810 : les débuts du journalisme canadien-français », vol. 5, no 3, 1969 ; « L’invention du pays : chroniques et notices d’Arthur Buies », vol. 6, no 3, 1970 ; et « Les démocrates canadiens. 1845-1875 », vol. 9, no 3, 1973). Il y eut également deux numéros abordant le xxe siècle, « Marcel Dugas et son temps », vol. 7, no 3, 1971, et « Paul-Émile Borduas – Projections libérantes », vol. 8, no 3, 1972, sous la direction de François Gagnon.
-
[12]
On pourra avec raison dire qu’Études littéraires avait déjà adopté cette formule dès sa création, en 1968, cependant, elle eut une importante section de comptes rendus jusqu’à la fin des années 1980. De même, on pourra observer que le numéro d’octobre 1978 d’Études françaises échappait à cette formule et revenait aux préoccupations liées aux outils de travail, en publiant une bibliographie commentée des écrits d’Aimé Césaire. Toutefois, ce fut là la seule exception (et elle était sans doute en préparation bien avant le changement de formule).
-
[13]
La Rédaction, « Mélanges », Études françaises, vol. 24, no 3, 1988, p. 3.
-
[14]
Il y eut peu de numéros non thématiques (trois en tout : vol. 24, no 3, 1988 ; vol. 27, no 2, 1991 ; vol. 29, no 2, 1993), mais une très régulière rubrique de « varia », d’abord intitulée « Études », puis, tantôt « Chroniques », tantôt « Exercices de lecture », sans que la différence entre elles soit très sensible (les chroniques ne proposant pas d’examen de la production littéraire récente, comme c’était le cas dans les années 1960 et 1970, mais des textes d’humeur ou essayistiques). À compter de 1993, seule demeure la section des « Exercices de lecture ».
-
[15]
Ibid.
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[16]
Voir à ce sujet les propositions de Jean-François Hamel, « Qu’est-ce qu’une politique de la littérature ? Éléments pour une histoire culturelle des théories de l’engagement », dans Laurence Côté-Fournier, Élyse Guay et Jean-François Hamel (dir.), Politiques de la littérature. Une traversée du xxe siècle français, Montréal, UQÀM-Figura, coll. « Figura », 2014, p. 9-30.
-
[17]
Nicole Fortin, Une littérature inventée. Littérature québécoise et critique universitaire (1965-1975), Québec, Les Presses de l’Université Laval, coll. « Vie des lettres québécoises », no 33, 1994 ; Robert Dion et Nicole Fortin, « La critique (1968-1996) », dans Réginald Hamel (dir.), Panorama de la littérature québécoise contemporaine, Montréal, Guérin, 1997, p. 519-565 ; Frances Fortier, « Présentation », Études littéraires, dossier « La critique littéraire », vol. 30, no 3, 1998, p. 7-9 et Frances Fortier, Jacqueline Chénard et Céline Leclerc, « Le pacte critique postmoderne. De quelques figures énonciatives de la critique littéraire québécoise de l’année 1990 », Études littéraires, vol. 30, no 3, 1998, p. 13-31.
-
[18]
Les sections de l’ouvrage de Nicole Fortin qui s’attaquent spécifiquement aux discours respectifs de Voix et images, Études françaises et Études littéraires sur la littérature québécoise sont en effet entièrement basées sur les textes liminaires. Quant à l’étude d’Andrée Fortin, Passage de la modernité. Les intellectuels québécois et leurs revues (1778-2004), 2e édition, Québec, Les Presses de l’Université Laval, coll. « Sociologie contemporaine », 2006, toute sa méthodologie repose sur l’examen comparé des liminaires des revues québécoises. L’étude détaillée de la collection d’essais de l’Hexagone rédigée par Robert Dion, Anne-Marie Clément et Simon Fournier (Les « Essais littéraires » aux Éditions de l’Hexagone [1988-1993]. Radioscopie d’une collection, Québec, Nota bene, coll. « Séminaires », 2000), comme l’article consacré par Alex Gagnon à Voix et images (« Institution du savoir et construction de la valeur dans Voix et images. Éléments pour une épistémologie de l’histoire littéraire », Mémoires du livre/Studies in Book Culture, vol. 4, no 2, automne 2012, disponible en ligne : http://id.erudit.org/iderudit/1013321ar) évitent cette restriction du champ d’analyse.
-
[19]
Ces extraits sont tirés, dans l’ordre, des articles suivants : Monique Parent, « L’imagination poétique dans l’oeuvre de Saint-John Perse », vol. 1, no 1, février 1965, p. 5 ; Jeanne Demers et Lise Gauvin, « Le conte écrit, une forme savante », vol. 12, nos 1-2, avril 1976, p. 24 ; Jean Larose, « Le cours poème », vol. 33, no 1, printemps 1997, p. 18 et Christophe Pradeau, « Le répertoire des figures », vol. 41, no 1, 2005, p. 72.
-
[20]
Vincent Duclet et Anne Rasmussen, « Les revues scientifiques et la dynamique de la recherche », p. 237-254, Lucette le Van-Lemesle, « Les revues d’économie », p. 255-268, Jean-Paul Barrière, « Un genre à part : les revues juridiques professionnelles », p. 269-284, Annie Fourcaut et Jean-Pierre Frey, « L’urbanisme en quête de revues », p. 285-304 et Jacqueline Pluet-Despatin, « Les revues et la professionnalisation des sciences humaines », dans Jacqueline Pluet-Despatins, Michel Leymarie et Jean-Yves Mollier (dir.), La Belle Époque des revues, 1880-1914, Paris, Éditions de l’IMEC, coll. « In Octavo », 2002.
-
[21]
Jacqueline Pluet-Despatin, « Les revues et la professionnalisation des sciences humaines », p. 306.
-
[22]
Andrée Fortin, op. cit., p. 240. On pourrait même préciser que c’est là un mouvement centripète inaugural, puisque le milieu universitaire québécois n’avait jamais été centré sur lui-même auparavant…
-
[23]
Ibid., p. 241.
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[24]
Il y eut d’abord les Cahiers de Sainte-Marie, dirigés par Robert Lahaise, multidisciplinaires, dont un numéro fut consacré à la littérature canadienne (no 1, 1966), suivi d’un autre consacré cette fois à la littérature « québécoise » et portant comme titre « Voix et images du pays » (no 4, avril 1967), puis d’un autre cahier affichant « Voix et images du pays II » (no 15, 1969). Un troisième « Voix et images du pays » est publié en 1970, correspondant au nos 22-23 des cahiers désormais renommés Cahiers de l’Université du Québec. Ce numéro inaugure véritablement, pour Nicole Fortin, la revue « universitaire » (op. cit., p. 22). En 1975, la revue entama une nouvelle série et laissa tomber le complément du nom, devenant Voix et images.
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[25]
Quitte à verser dans l’anachronisme, j’emploierai ici l’ethnonyme « québécois », gommant ainsi les enjeux sous-jacents au passage de la littérature « canadienne-française » à la littérature « québécoise ».
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[26]
Renommée, d’ailleurs, Revue de l’Université Laval, en 1946. Elle s’éteignit en 1966, au moment même où Études françaises commençait sa parution.
-
[27]
Georges-André Vachon, « Critique, création, recherche », Études françaises, vol. 4, no 1, 1968, p. 1.
-
[28]
Robert Dion et Nicole Fortin, op. cit., p. 521.
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[29]
Paul Wyczynski, Jean Ménard et John Hare (dir.), Recherche et littérature canadienne-française : colloque tenu à l’Université d’Ottawa, 25 et 26 octobre 1968, Ottawa, Éditions de l’Université d’Ottawa, coll. « Cahiers du Centre de recherche en littérature canadienne-française », 1969. Si on ajoute à la liste de ceux qui « ont participé » au colloque celle de ceux qui « ont assisté au colloque » et qui est publiée à la fin du volume, le total dépasse la centaine de participants.
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[30]
Une première lecture laisse cependant entrevoir une nette domination des traditions humanistes, synthétisées dans la conférence de conclusion : Maurice Lebel, « Le problème de la recherche dans un esprit humaniste », p. 271-278. La plupart des interventions esquissent des résumés historiques de la recherche accomplie dans leur propre université, laissant ainsi de côté les questions de méthode ou de théorie, comme les réflexions sur les études littéraires ou la recherche. Les rares cas où la critique contemporaine est évoquée, il s’agit du structuralisme français et les réserves à son égard sont nettes, sans être unilatérales. Le primat de la recherche est désormais présenté comme un fait incontournable du monde universitaire (« la recherche s’est entourée d’une mystique fascinante qui lui confère […] une sorte de valeur suprême », déclare ainsi Roger Guindon, « La recherche à l’université », p. 25), mais la théorie est à peine apparue à l’horizon.
-
[31]
À cet égard, la réaction forte d’André Belleau, dans « Portrait du prof en jeune littératurologue (circa 1979, détails) » (Liberté, no 127, janvier-février 1980, p. 29-33) est significative : amorcé par l’intertitre « le temps des causeries ne reviendra plus », le premier fragment de ce texte synthétise ainsi la transformation du statut du professeur de littérature : « enseigner la littérature à l’Université, c’est désormais une activité scientifique garantie par une technicité pertinente […]. Voilà le prof comme spécialiste des textes » (p. 29). Le second fragment s’attaque à la recherche comme norme et lieu commun du discours savant : « [l]a recherche est un thème obsessionnel de la conversation universitaire. Chaque fois que je l’entends, la question de Barthes me revient : “Qu’est-ce qu’une recherche ? Pour le savoir, il faudrait avoir quelque idée de ce qu’est un résultat” » (p. 30). Bien qu’associé à l’écriture essayistique, principalement développée dans les pages de Liberté, Belleau adoptait lui-même, dans son mémoire et sa thèse, comme dans ses articles publiés dans des revues universitaires, des modes d’analyse et d’argumentation nettement plus « objectifs », plus fortement basés sur des distinguos théoriques et le recours aux travaux spécialisés. On peut ainsi observer, dans ses contributions à Études françaises, les modulations de son écriture, plus essayistique dans « Bakhtine et le multiple » (vol. 6, no 4, 1970, p. 481-487), plus analytique et théorique dans « L’automate comme personnage de roman » (vol. 8, no 2, 1972, p. 115-129) ou dans « Carnavalisation et roman québécois : mise au point sur l’usage d’un concept de Bakhtine » (vol. 19, no 3, 1983, p. 51-64).
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[32]
Université de Montréal, Annuaire de la Faculté des lettres, Montréal, Thérien frères, 1938.
-
[33]
Université de Montréal, Faculté des lettres. Annuaire (28e année) 1947-1948, Montréal, Thérien frères, 1947.
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[34]
Université de Montréal, Faculté des lettres, 1964-1965, Montréal, Thérien frères, 1964.
-
[35]
Pierre Dagenais, « Faculté des lettres », dans Université de Montréal, Faculté des lettres, 1965-1966, Montréal, Thérien frères, 1965, p. 5 : « Une autre étape de l’évolution de la Faculté s’amorça en 1962 : restructuration administrative et académique, départementalisation des disciplines, augmentation du nombre de professeurs de carrière, création de nouveaux certificats […], etc. »
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[36]
Ceci dans une conception qui inclut l’histoire et la géographie…
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[37]
Université de Montréal, Faculté des lettres, 1964-1965, p. 19.
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[38]
De là aussi la création des Presses de l’Université de Montréal en décembre 1962. En plus de publier Études françaises et d’autres revues savantes, les PUM vont publier plusieurs ouvrages des professeurs du département liés à la revue : Nicole Deschamps, Sigrid Unset ou la morale de la passion, 1966 ; René de Chantal, Marcel Proust critique littéraire, préface de Georges Poulet, 1967 ; Bernard Beugnot, Jean-Louis Guez de Balzac, bibliographie générale, 1967 ; Jean-Cléo Godin, Henri Bosco, une poétique du mystère, 1968 ; Nicole Deschamps, Louis Hémon : lettres à sa famille, 1968. On peut y ajouter, bien sûr, les conférences J.-A. DeSève : Littérature canadienne-française, 1969. Encore ne s’agit-il ici que des ouvrages publiés avant 1970.
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[39]
Là où ces secteurs demeurent relativement cloisonnés, dans les pages d’Études littéraires, laissant ainsi entendre qu’on ne pouvait véritablement être spécialiste de ces deux littératures à la fois.
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[40]
Il s’agit ici d’accentuation, que j’expliciterai plus bas, bien davantage que de primauté sans partage.
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[41]
Albert Le Grand, « Gabrielle Roy ou l’être partagé », vol. 1, no 2, 1965, p. 39-65.
-
[42]
Albert Le Grand, « Anne Hébert, de l’exil au royaume », vol. 4, no 1, 1968, p. 3-29.
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[43]
René de Chantal, « Proust et Phèdre », vol. 1, no 2, 1965, p. 87-114.
-
[44]
Nicole Deschamps, « Les Anciens Canadiens de 1860 : une société de seigneurs et de va-nu-pieds », vol. 1, no 3, 1965, p. 3-15.
-
[45]
Encore n’est-ce là qu’un sondage superficiel basé sur les rares annuaires de la période 1964-1970 conservés par Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Un dépouillement basé sur une collection plus complète mettrait certainement en lumière d’autres exemples.
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[46]
À deux exceptions près, qu’il faut souligner, surtout pour le premier qui eut une influence durable sur les étudiants des années 1950, dont beaucoup devinrent professeurs par la suite : Ernest Gagnon et Roger Duhamel.
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[47]
Ils ne prirent pas leur retraite, en effet, avant le début des années 1990. Peu de départements universitaires, en études littéraires comme dans les autres disciplines, ont connu une aussi grande stabilité de son personnel, encore moins quand il s’agit, comme ici, d’une équipe « fondatrice », composée d’une quinzaine d’acteurs ayant eu une contribution significative dans leur domaine.
-
[48]
Paul Ricoeur, « Le conflit des interprétations », dans De l’interprétation (essai sur Freud), Paris, Seuil, coll. « Points Essais », 1995 [1965], p. 30-46.
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[49]
Je souscris volontiers, sur ce plan, aux propositions d’Alex Gagnon, qui, dans la foulée de Foucault, aborde le savoir comme « rapport entre l’énoncé et l’énonciation » : « Le savoir est, à la fois, un ensemble corrélé d’éléments et les règles de corrélation elles-mêmes de ces éléments (concepts, présupposés, objets, types de formulation, modes d’intégration ou de convocation d’autres discours par le recours à la citation, etc.) », dans « Institution du savoir et construction de la valeur dans Voix et images », paragraphe 3. De même, je peux reprendre à mon compte ses remarques sur l’institution comme procès, plutôt que comme structure fixe et exerçant des déterminations univoques sur les discours. Cependant, son approche tend à résorber l’institution dans le discours, estompant ainsi les effets des infrastructures et des dynamiques matérielles et sociales. Or, comme le détour par l’histoire de la Faculté des lettres aura pu le montrer, les changements dans les structures universitaires suscitent des effets sociaux significatifs pour les discours produits au sein même de ces structures (ceci dans une dynamique complexe qui comporte d’autres médiations).
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[50]
Robert Dion et Nicole Fortin, op. cit., p. 532.
-
[51]
Ibid., p. 532 et 539.
-
[52]
Frances Fortier, Jacqueline Chénard et Céline Leclerc, « Le pacte critique postmoderne. De quelques figures énonciatives de la critique littéraire québécoise de l’année 1990 », Études littéraires, vol. 30, no 3, 1998, p. 13-31 et, dans le même numéro, Robert Dion, « La narrativité critique », p. 77-90.
-
[53]
Dion et Fortin signalent ainsi que « [l]’un des premiers textes à mettre en application les méthodes de l’analyse structurale » a été publié « dans la Barre du jour, une revue de création littéraire avant tout », op. cit., p. 533. Dans cette perspective, il y aurait lieu d’examiner de plus près les jeux de frontière et de caractérisation entre critique « savante » ou universitaire, critique théoricienne et critique littéraire. La Barre du jour, Stratégie, Cul Q et Champs d’application ne se sont pas présentées comme des revues universitaires, et de même, les articles ne sont pas associés, via les titres et biobibliographies ou la construction de l’ethos, à la critique savante ; cependant, de nombreux textes, publiés dans ces revues, fondent leur propos, leur conception de l’écriture, leur syntaxe même dans certains cas, sur la théorie, comme ce fut le cas à Tel Quel et à Change.
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[54]
Le sommet étant sans doute atteint par le numéro « Littérature et théorie » d’août 1995 (no 220), dont les contributions s’efforcent presque toutes de « sauver » la littérature et la critique littéraire des méfaits de la théorie.
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[55]
Georges-André Vachon, « Critique, création, recherche », Études françaises, vol. 4, no 1, 1968, p. 1-2.
-
[56]
Ibid., p. 1.
-
[57]
Ibid.
-
[58]
Ibid.
-
[59]
« [L]e poète, le romancier, le critique, s’adressent […] au même public » (p. 1). Dans « Faire la littérature » (vol. 6, no 1, 1970, p. 3-6), Vachon distinguera au contraire entre un public « large », celui de la « communauté nationale », et « l’universitas scientiarium » (p. 4) : « le spécialiste des études littéraires s’adresse au public international de ses pairs, par le moyen de revues savantes, qui par définition n’ont pas de patrie » (p. 5).
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[60]
Ibid.
-
[61]
Laurent Mailhot, « Quinze ans après », p. 4. Il renvoie alors, sans en donner la référence, à un extrait de Georges-André Vachon tiré de « Faire la littérature », vol. 6, no 1, 1970, p. 3. Il noue ainsi une chaîne citationnelle incarnant l’esprit de la revue, en empruntant l’expression à Vachon, qui la reprenait lui-même de Gilles Marcotte, dont le recueil de critiques incarnait, pour l’un et l’autre, l’idéal de dialogue critique avec les oeuvres, de relecture sans préjugé, mais avec rigueur, de l’histoire de la littérature québécoise. Il ne semble pas y avoir eu de réminiscences lansoniennes dans le choix du titre donné par Marcotte à son recueil, cependant, « une littérature qui se fait » était le titre de la section de L’histoire de la littérature française consacrée aux oeuvres contemporaines… Des transformations majeures s’accomplissent cependant entre Lanson et Marcotte (de la littérature « contemporaine », en train de « se faire », à une littérature nationale en train de « naître », d’accéder au vrai statut de « littérature »), comme lorsque l’on passe de Marcotte à Vachon et Mailhot : il s’agit désormais, pour le critique (et la revue savante elle-même) de contribuer à « faire la littérature ». Elle ne se fait plus « elle-même », devant les yeux du critique. « Comprendre la littérature, écrit Vachon, c’est aider le Québec à s’approprier l’entier domaine de la culture d’expression française ; c’est faire sa littérature » (vol. 6, no 1, 1970, p. 6). De même, pour Mailhot, comme on le verra, la critique sur la littérature québécoise participe pleinement de cette littérature : celle-ci ne se « fera » vraiment que si celle-là « se fait en même temps » (« Une critique qui se fait », Études françaises, vol. 2, no 3, 1966, p. 328).
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[62]
Laurent Mailhot, « Quinze ans après », p. 4. Il précise au surplus, dans une note de bas de page, que les deux nouveaux collègues au comité de rédaction, Pierre Gravel et Wladimir Krysinski, « sont de plus des écrivains », ajoutant, à propos de deux autres membres du comité : « On sait aussi que Robert Melançon vient de publier un recueil de poèmes […] et que Jean-Marcel Paquette a fait récemment paraître plusieurs versions littéraires de textes anciens » (p. 4). Seuls Lise Gauvin et Mailhot lui-même n’avaient pas droit à cette précision des « qualités littéraires ».
-
[63]
Ibid., p. 4.
-
[64]
Ginette Michaud, « L’épervière orangée », Études françaises, vol. 31, no 2, 1995, p. 64.
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[65]
Georges-André Vachon, « Réjean Robidoux, Roger Martin du Gard et la religion, Paris, Aubier, 1964, 395 p. », Études françaises, vol. 2, no 1, 1966, p. 117.
-
[66]
Néologisme lancé par Georges-André Vachon afin de la distinguer de la « francophonie », notion incluant la France. Le prix fut décerné à Ahmadou Kourouma (1968), Gaston Miron (1970), Juan Garcia (1971), Michel Beaulieu (1973), Fernand Ouellette (1974) et Jean-Yves Soucy (1976), avant de s’interrompre pour quatre ans, puis quinze ans. Des premiers lauréats, seul Jean-Yves Soucy n’avait pas publié préalablement un texte de création dans la revue.
-
[67]
Ahmadou Kourouma, Les soleils des indépendances, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 1968 ; Gaston Miron, L’homme rapaillé, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 1970 ; Juan Garcia, Corps de gloire, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 1971 ; Michel Beaulieu, Variables, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 1973 ; Fernand Ouellette, Journal dénoué, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 1974 ; Jean-Yves Soucy, Un dieu chasseur, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 1976.
-
[68]
Proximité sans doute fondée sur des liens étroits entre les animateurs de la revue et les écrivains publiés.
-
[69]
Jumeau symétrique de « l’écrivain critique » auquel est consacré un numéro de la revue (vol. 33, no 1, 1997).
-
[70]
André Brochu, « Le cercle et l’évasion verticale dans Angéline de Montbrun de Laure Conan », Études françaises, vol. 1, no 1, 1965, p. 90.
-
[71]
André Brochu, « G.-André Vachon, le Temps et l’espace dans l’oeuvre de Paul Claudel, Paris, Collection Pierres vives, Éditions du Seuil, 1965, 455 p. », Études françaises, vol. 1, no 3, 1965, p. 117.
-
[72]
Bernard Beugnot, « Roger Fayolle. la Critique. Collection “U”, A. Colin, 1964, 430 p. », Études françaises, vol. 1, no 3, 1965, p. 119.
-
[73]
Michel Mansuy, « Georges Poulet. Études sur le temps humain, III : Le Point de départ. Paris, Plon, 1964, 239 p. », Études françaises, vol. 1, no 3, 1965, p. 119-125. Notons qu’il avait déjà abordé longuement les rapports de Bachelard à l’oeuvre de Lautréamont, dans le premier numéro, dans un article « à suivre » qui ne connut jamais de suite… : Michel Mansuy, « Bachelard et Lautréamont, I : la psychanalyse de la bête humaine », Études françaises, vol. 1, no 1, 1965, p. 26-51.
-
[74]
Brochu affirme ainsi que l’oeuvre « prime sur l’auteur » lui-même, car elle constitue « le sujet absolu de la littérature » (« Le cercle et l’évasion verticale dans Angéline de Montbrun de Laure Conan », p. 91).
-
[75]
Laurent Mailhot, « Le roman canadien-français. Archives des Lettres canadiennes. Publication du Centre de recherches de littérature canadienne-française de l’Université d’Ottawa, T. III, Montréal/Paris, Fides, 1965, 460 p. », Études françaises, vol. 2, no 1, 1966, p. 122.
-
[76]
Ibid., p. 121.
-
[77]
Ibid., p. 123. Il renvoie alors à l’étude de Brochu publiée dans… Études françaises.
-
[78]
Ibid., p. 125.
-
[79]
Études françaises, vol. 2, no 2, 1966, p. 191-216. Ce texte est repris dans le numéro d’hommage qui lui fut consacré (vol. 31, no 2, 1995, p. 133-154).
-
[80]
Vol. 31, no 2, 1995, p. 134.
-
[81]
Signalons, en passant, que Vachon se réfère dans ce texte à l’édition anglaise, de 1956, de Literary Theory de René Wellek et Austin Warren (qui ne sera publié en français qu’en 1971), ainsi qu’à plusieurs textes de T. S. Eliot, signes d’une médiation américaine notable de son rapport à la critique.
-
[82]
Vol. 31, no 2, 1995, p. 140.
-
[83]
Ibid.
-
[84]
Ibid., p. 147.
-
[85]
Ibid., p. 148.
-
[86]
Ibid., p. 151. Parallèlement, le premier directeur de la revue, René de Chantal, travaille sur la critique de Marcel Proust, comme on l’a vu (avec une préface de Poulet) et Maurice Regard prononce une conférence, publiée par la suite dans la revue, sur « La critique des créateurs » (Études françaises, vol. 1, no 3, 1965, p. 67-83).
-
[87]
Ibid., p. 153.
-
[88]
Ibid., p. 154.
-
[89]
Laurent Mailhot, « Une critique qui se fait », Études françaises, vol. 2, no 3, 1966, p. 328.
-
[90]
Ibid., p. 328.
-
[91]
Ibid., p. 347.
-
[92]
Jacques Brault, « Le coeur de la critique », Le Devoir, 7 juin 1964, cité par Laurent Mailhot, ibid., p. 348.
-
[93]
Mailhot cite ici Georges-André Vachon, mais non pas la célèbre conférence J.-A. DeSève intitulée « Une tradition à inventer », prononcée trois ans après son article. Cette formule, déjà présentée comme « fameuse », a en fait été publiée dans un article du numéro précédent d’Études françaises, « Le conflit des méthodes » (vol. 2, no 2, 1966, p. 191-216).
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[94]
Ibid., p. 346.
-
[95]
« Nous jugeons cependant plus “littéraires” et plus “critiques” les méthodes actuelles qui, au lieu d’esquisser des panoramas et de tenter ainsi une sorte de compromis entre l’histoire littéraire et l’analyse thématique ou structurale, s’appliquent d’emblée à étudier la production d’un écrivain dans son ensemble, dans sa totalité » (ibid., p. 335), mais c’est là une pointe dirigée contre Pierre de Grandpré, qui « se méfie trop […] des investigations de la nouvelle critique ». Les numéros d’Études françaises que Vachon consacrera successivement à la poésie québécoise (vol. 3, no 3, 1967), aux précurseurs de Chateaubriand en Amérique (vol. 4, no 3, 1968), aux débuts du journalisme canadien-français (vol. 5, no 3, 1969) menèrent sans doute Mailhot à réviser son jugement sur l’histoire littéraire…
-
[96]
On peut en voir une trace forte dans l’Anthologie de textes critiques proposée par les professeurs du Département d’études françaises, que les étudiants du baccalauréat en études françaises devaient se procurer à la librairie de l’université en 1990-1991 : l’anthologie est divisée en deux sections, celle des textes de critiques, la première, et celle des textes d’écrivains, division conforme aux idées de Vachon sur les rapports entre critique et création. Dans la première section on compte, parmi les 16 critiques retenus, des textes de Gaëtan Picon, Georges Poulet, Jean-Pierre Richard, Jean Rousset et Jean Starobinski, tous associés étroitement à la « nouvelle critique » ; dans quelle autre anthologie critique d’un département d’études littéraires nord-américain aurait-on trouvé en 1990 un aussi fort contingent de « néo-critiques » ?
-
[97]
Voir Antoine Compagnon, Le démon de la théorie : littérature et sens commun, Paris, Seuil, coll. « La Couleur des idées », 1998, p. 7-24.
-
[98]
Vol. 15, nos 1-2, 1979, p. 5.
-
[99]
Vol. 24, no 3, 1988, p. 3.
-
[100]
Vol. 2, no 2, 1966, p. 191.
-
[101]
Voix et images, vol. 12, no 2, 1987, p. 279. Voir sur ce thème : Michel Lacroix, « Les revues québécoises et la hantise de la chapelle », à paraître dans COnTEXTES à l’automne 2014.
-
[102]
Jacques Rivière, « La Nouvelle Revue française », dans Alain Rivière (dir.), Études. L’oeuvre critique de Jacques Rivière à La Nouvelle Revue française (1909-1924), préface d’Alix Tubman-Mary, Paris, Gallimard, coll. « Les Cahiers de la NRF », 1999, p. 34.
-
[103]
Ceux sur les « Sociologies de la littérature » (vol. 19, no 3, 1983) ou la « Sociocritique de la poésie » (vol. 27, no 1, 1991), par exemple.
-
[104]
Robert Escarpit, « De la littérature comparée aux problèmes de la littérature de masse », vol. 2, no 3, 1966, p. 349-358 ; Helmut A. Hatzfeld, « Léon Spitzer et la littérature française », vol. 2, no 3, 1966, p. 252-263 ; Jean-Paul Weber, « L’analyse thématique, hier, aujourd’hui, demain », vol. 2, no 1, 1966, p. 29-72.
-
[105]
Il faut cependant distinguer, ici, le doublon « sémiologie/sémiotique », qui atteint 313 mentions dans Études littéraires, contre 152 dans Études françaises, et les entrées « féminisme » et « postmodernisme », toutes deux plus fréquentes dans Études littéraires (44 et 31) que dans Études françaises (27 et 17).
-
[106]
Il n’y a guère que Sartre et Poulet qui vont à contre-courant de ces tendances : le premier passe de 29 références en 1965-1969 à 22 puis 23 entre 1970-1979 et 1980-1989, le second, de 10 en 1965-1969 à 6 en 1970-1979, puis 3, entre 1980 et 1989.
-
[107]
Ces « modes » sont celles associées, par la revue, à Derrida, au postmodernisme, à Saussure et à la génétique, entre autres.
-
[108]
« De la sornette à L’amante anglaise : le récit au degré zéro », Études françaises, vol. 14, nos 1-2, 1978, p. 4.
-
[109]
Notons en passant la juxtaposition d’un texte de la littérature québécoise (peu connu au surplus) avec celui d’une écrivaine française déjà fortement légitimée (bien que sans doute peu étudiée, alors, par l’université française, qui s’est bien rattrapée depuis…).
-
[110]
Ibid., p. 4.
-
[111]
Pierre Gravel, « Présentation », Études françaises, vol. 15, nos 3-4, 1979, p. 3.
-
[112]
Ibid., p. 6.
-
[113]
« Sémiotique du discours », numéro dirigé par Christian Bauer et Pierre Ouellet, Études littéraires, vol. 10, no 3, décembre 1977 ; « Le pamphlet », numéro dirigé par Marc Angenot, Études littéraires, vol. 11, no 2, été 1978.
-
[114]
« Lectures psychanalytiques », sous la direction de Raymond Joly, Études littéraires, vol. 11, no 3, décembre 1978 ; « FÉMINaire », sous la direction de Gabrielle Frémont, Études littéraires, vol. 12, no 3, décembre 1979.
-
[115]
« Théâtre et théâtralité : essais d’études sémiotiques », sous la direction de Jeannette Laillou Savona, Études littéraires, vol. 13, no 3, décembre 1980 ; « Sémiotique textuelle et histoire littéraire du Québec », sous la direction de Jean-Marcel Léard et Jacques Michon, Études littéraires, vol. 14, no 1, avril 1981 ; on peut aussi ajouter à cette liste le numéro « IXE-13, un cas type de roman de masse au Québec », Études littéraires, vol. 12, no 2, août 1979, dont la direction était ouvertement confiée à un groupe de recherche (et non indirectement rattachée à un groupe, comme c’est le cas par exemple pour le numéro « Sémiotique et histoire »).
-
[116]
Dirigé par Jeanne Demers et Lyne McMurray, Études françaises, vol. 16, nos 3-4, octobre 1980.
-
[117]
Dirigé par Marc Angenot, Études littéraires, vol. 11, no 2, août 1978.
-
[118]
C’est surtout le cas, significativement, pour l’article des politologues Diane Poliquin-Bourassa et Daniel Latouche, dans « Les manifestes politiques québécois : médium ou message », p. 31-42, qui identifient les six caractéristiques spécifiques du genre. On trouve aussi dans l’article de Wladimir Krysinski (« Une automobile, une mitraillette, une gifle et un singe crevé : Marinetti et ses avatars slaves », p. 43-67) une reconstitution du « modèle » propre au manifeste futuriste italien et de ses transformations par les groupes polonais ou russes, ainsi qu’une caractérisation schématique de leurs principaux éléments (« faire déliro-volutif », « faire déliro-assertif » et « faire déliro-injonctif »), qui lui donnent une forte coloration théorique, cependant, ceci est intégré à une réflexion plus générale sur l’art moderne et ses modes de temporalité.
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[119]
Daniel Chouinard, « Sur la préhistoire du manifeste littéraire (1500-1828) », p. 21-29.
-
[120]
Marc Angenot et Darko Suvin, « L’implicite du manifeste : métaphores et imagerie de la démystification dans le “manifeste communiste” », p. 43-67.
-
[121]
Monique Bosco, « Contrainte manifeste », p. 119-129. L’incipit de ce texte est sans appel à ce sujet : « Certes, pour moi, le manifeste ne peut se décliner, s’exprimer qu’au masculin » (p. 119). « [C]’est un genre qui ne saurait être neutre et surtout pas, non surtout pas, de l’ordre du féminin » (p. 119), contrairement à « la manif », « qui, depuis, quelques décades déjà, réunit, rassemble, anime tous les mouvements de protestation pour toutes les causes de paix et de justice qui ont eu lieu, un peu partout dans le monde. Et dans ces foules énormes, en marche vers tous les Pentagone et toutes les Bastille, les femmes étaient toujours là, en nombre, en surnombre même parfois » (p. 119). Suivent alors des évocations des difficultés inhérentes aux luttes pour « le droit des femmes à la parole, à l’instruction et à l’écriture » (p. 121).
-
[122]
« Dévoiler le vrai, le quotidien, voilà ce que cherche à faire le manifeste poétique, à l’image d’ailleurs de la poésie dont il est la conscience délirante. » « Le manifeste poétique […] est tourné vers un avenir qui constitue une sorte de retour aux sources, un retour à quelque état paradisiaque permettant à l’homme “Essentiellement Artiste-Poète-Total”, d’être vraiment lui-même, tout autant intuition, émotions, et sensations qu’intelligence. » Jeanne Demers, « Entre l’art poétique et le poème : le manifeste poétique ou la mort du père », p. 19 et 20.
-
[123]
Marc Angenot, « La parole pamphlétaire », Études littéraires, vol. 11, no 2, 1978, p. 256. Cet article fournira l’essentiel de la préface de La parole pamphlétaire. Typologie des discours modernes, Paris, Payot, 1982.
-
[124]
Georges Vignaux [et non Vignoux, comme l’a malheureusement renommé la revue], « L’argumentation pamphlétaire : effets de sens, effets de pouvoir », vol. 11, no 2, 1978, p. 283-297.
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[125]
L’article de Marie et Louis Francoeur , « Deux contes nord-américains considérés comme actes de langage » (Études littéraires, vol. 8, no 1, avril 1975, p. 57-80) représente en quelque sorte la quintessence de la pente théorisante de cette revue. On y annonce d’emblée que « [l]es résultats significatifs obtenus depuis quelque temps par les chercheurs de diverses nationalités, linguistes ou littéraires, ont montré le bien-fondé d’un recours à la théorie générale de la communication en vue d’apporter une solution à certains problèmes que la critique traditionnelle n’est pas encore parvenue à résoudre » (p. 57), pour amorcer ensuite une étude sémiotique de contes d’Yves Thériault et de Sherwood Anderson culminant dans la reformulation suivante de l’acte de langage propre aux contes : « LE NARRATEUR A L’INTENTION I D’AMENER LE NARRATAIRE À LA CONNAISSANCE C QUE DÉNONCIATION DU DISCOURS T REVIENT À ASSURER QUE (P) EST RÉEL. IL ENTEND PRODUIRE C PAR LA RECONNAISSANCE DE I. ET IL ENTEND QUE I SOIT RECONNUE PAR LE NARRATAIRE EN VERTU DE LA CONNAISSANCE QU’A CE DERNIER DE LA SIGNIFICATION DU DISCOURS T » (p. 79, les majuscules sont celles du texte). Bien qu’il ait manifesté une attention très détaillée aux mécanismes textuels, entre autres aux jeux des valeurs de modes verbaux, le primat de la théorie et du schématisme abstrait aurait difficilement permis sa publication dans les pages d’Études françaises.
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[126]
Réticent à l’idée de mener à une définition juste de l’idée d’américanité (contrairement au numéro d’Études littéraires, lequel, doit-on signaler, est publié quinze ans plus tôt, dans l’effervescence première de la relecture critique sous l’angle « américain » de la littérature et de la culture québécoises), le numéro d’Études françaises vise à se dégager du « refrain sur l’américanité » (François Ricard, cité dans la présentation de Benoît Melançon, p. 5) pour l’interroger plutôt sous l’angle esthétique, celui d’une « relation à la langue et aux objets du monde » (René Lapierre, également cité par Benoît Melançon, p. 5), privilégiant ainsi des lectures centrées sur l’écriture, le travail formel. Cela dit, l’étude de Naïm Kattan (« L’exil recommence », p. 21-31) et, plus encore, celle de Maximilien Laroche (« L’américanité, ou l’ambiguïté du “je” », p. 103-128), publiées dans Études littéraires, se rapprochent nettement de la perspective déployée par Études françaises. Le texte de Laroche est d’ailleurs la première référence savante citée par Pierre Nepveu, dans sa contribution au numéro d’Études françaises : « Le poème québécois de l’Amérique », vol. 26, no 2, 1990, p. 10.
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[127]
Études françaises ne s’est guère aventurée du côté des médias, à l’exception du cinéma, et a accordé une attention plus rare encore à la télévision (un seul article, en cinquante ans, celui de René Payant, « La force des formes. Vidéo et télévision », vol. 22, no 3, hiver 1987, p. 83-100, qui s’attaque à Lance et compte), là où Études littéraires a consacré tout un numéro à ce média (« Télévision et fiction », vol. 14, no 2, 1981). De même, Études françaises a volontiers snobé toutes les formes de la littérature ou de la culture populaire, alors que ce fut un des principaux filons d’Études littéraires, à compter du numéro sur « La paralittérature » (vol. 7, no 1, 1974) : « IXE-13 : un cas type de roman de masse au Québec » (vol. 12, no 2, 1979), « La consommation littéraire de masse au Québec » (vol. 15, no 2, 1982), « L’effet sentimental » (vol. 16, no 3, 1983), « Récit paralittéraire et culture médiatique » (vol. 30, no 1, 1997). Seule exception, significative et tardive, qui signale d’ailleurs que le corpus en question a été fortement légitimé, le numéro sur Tintin : « Hergé reporter : Tintin en contexte » (Études françaises, vol. 46, no 2, 2010). Enfin, alors qu’un grand nombre de numéros d’Études littéraires, dès les années 1970, se présentent ouvertement comme le résultat des travaux d’équipes de recherche, cela n’a pas été le cas pendant longtemps à Études françaises. Ainsi, aucun numéro n’a été consacré, directement, aux travaux de l’équipe « Montréal imaginaire », dirigé par Gilles Marcotte et Pierre Nepveu entre 1986 et 1992.
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[128]
Auxquelles il faudrait ajouter les schématisations textuelles, inspirées des travaux en linguistique et en analyse du discours, comme celle tirée, ci-dessus, de l’article de Marie et Louis Francoeur .
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[129]
Dans Jean-Paul Brodeur, « Quelques remarques sur la théorie des récits », Études littéraires, vol. 9, no 3, 1976, p. 530 ; Jean Petitot, « Topologie du carré sémiotique », vol. 10, no 3, 1977, p. 355, 358, 359, etc. ; Jean-Marcel Léard, « Du sémantique au sémiotique en littérature : la modernité romanesque au Québec », vol. 14, no 1, 1981, p. 33 ; Jacques Michon, « Fonctions et historicité des formes romanesques », vol. 14, no 1, 1981, p. 71 ; Christiane Kègle, « L’Iris de Suse : présence de l’Absente », vol. 15, no 3, 1982, p. 359 ; Jean Calloud, « L’Acte de Parole : une analyse du récit de création en Genèse », vol. 16, no 1, 1983, p. 37 ; Louise Milot, « La “savante” mise en discours du discours populaire », vol. 16, no 1, 1983, p. 151.
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[130]
« Introduction à la méthode de Jacques Ferron », Études françaises, vol. 12, nos 3-4, 1976, p. 203, avec quelques schématisations textuelles, p. 183. Serait-ce un cas de « transfert culturel » universitaire, Jean-Marcel Paquette étant à la fois professeur à l’Université Laval, collaborateur à Études littéraires de 1969 à 1975, et membre du comité de rédaction d’Études françaises de 1975 à 1980 ?
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[131]
Pour ne pas faire une liste démesurément longue, je me contenterai des seules années 1975-1976. On trouve ainsi de telles schématisations dans : Walter Mignolo, « La poétique et les changements littéraires », Études littéraires, vol. 8, nos 2-3, 1975, p. 250 ; Jean Ricardou, « Le dispositif osiriaque », vol. 9, no 1, 1976, p. 12-14, 19-20, 28-29, 32, 35-37, 39, 41, 43-44, 47-50, 54, 59, 62, 67, 73, 78-79 (ce dernier tableau est suivi de la formule finale : « Et ainsi de suite… ») ; Ghislain Bourque, « La parabole », vol. 9, no 1, 1976, p. 180 ; Daniel LeFlem, « Linguistique et littérature : le malentendu », vol. 9, no 2, 1976, p. 273, 274, 279 et 280 ; Pierre Léon, « Schèmes potentiels et actualisation poétique », vol. 9, no 2, 1976, p. 318, 319, 321, 322, 325, 334-337 ; Louis Francoeur , « Le monologue intérieur narratif (sa syntaxe, sa sémantique et sa pragmatique) », vol. 9, no 2, 1976, p. 345, 346, 350, 358 et 362 ; Max Roy, « Analyse stylistique objective d’un texte de mathématiques », vol. 9, no 2, 1976, p. 383, 385 et 387 ; Jean-Paul Brodeur, « Quelques remarques sur la théorie des récits », vol. 9, no 3, 1976, p. 530, 538 et 540 ; Fernand Couturier, « Poésie et pensée », vol. 9, no 3, 1976, p. 585. En cinq numéros à peine, Études littéraires a ainsi publié plus de cinquante tableaux et autres schémas.
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[132]
Walter Moser, « Mode – Moderne – Postmoderne », Études françaises, vol. 20, no 2, 1984, p. 35.
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[133]
C’est le cas, entre autres, dans le numéro « La pragmatique : discours et action » (Études littéraires, vol. 25, nos 1-2, été-automne 1995), pour les articles de Lita Lundquist, « Comment (se) représenter un texte littéraire », p. 83-101 ; Suzanne Fleischman, « Temps verbal et point de vue narratif », p. 117-135 et de Jean-Michel Adam, « Si hypothétique et l’imparfait. Une approche linguistique de la fictionnalité », p. 147-166 ; ou encore dans le numéro « Le rythme : littérature, cinéma, traduction » (Études littéraires, vol. 29, no 1, été 1996), pour les articles de Claude Zilberberg, « Rythme et générativité », p. 21-38 et de David Graham, « Récurrence, redondance, rupture : l’emblème français de Gilles Corrozet et son rythme de lecture », p. 47-57.
-
[134]
La disposition pour les formalisations et fonctions d’Études littéraires tient ainsi à ce qu’elle s’acoquine plutôt avec la linguistique et la sémiotique qu’avec la philosophie (et une philosophie esthétique plutôt qu’analytique) ou la sociocritique, comme le fait Études françaises. Ni la philosophie de l’art ni la sociocritique, en effet, n’ont intégré dans leurs approches le recours systématique aux schématisations.
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[135]
« Cour, salon, café, revue : lieu qui est tout le contraire d’un espace objectif, qui n’enregistre jamais passivement l’apparition d’une oeuvre, mais l’accueille ou la rejette […] lire, c’est juger », Georges-André Vachon, « Faire la littérature », p. 3.
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[136]
Après avoir reconnu que le public d’une revue savante est d’abord celui des pairs, spécialistes des études littéraires, « qui par définition n’ont pas de patrie », Vachon invite le critique à aller au-delà de cette trop facile restriction au seul monde universitaire, jugeant que se contenter de « faire avancer les connaissances » pour d’autres chercheurs seulement « n’aide directement personne à progresser dans la compréhension des oeuvres. Pour peu qu’il essaie, au contraire, de retrouver le chemin de la communication, et d’être pleinement accessible au public même des oeuvres, le critique, le chercheur a quelque chance de saisir pleinement l’objet de son étude, de le comprendre : avec le créateur, il fait la littérature, et est soumis comme lui, à l’épreuve de la lecture publique », « Faire la littérature », p. 5. Dans « Recherche universitaire et société », Vachon s’attaque dans cette optique aux thèses universitaires s’adressant exclusivement à la « caste des “chercheurs” » : la thèse, déplorait-il, est « peu à peu devenue le type même de l’écrit hermétique, de l’écrit qui refuse d’être un acte de communication » (« Recherche universitaire et société », dans Recherche et littérature canadienne-française : colloque tenu à l’Université d’Ottawa, 25 et 26 octobre 1968, Ottawa, Éditions de l’Université d’Ottawa, coll. « Cahiers du Centre de recherche en littérature canadienne-française », 1969, p. 248). Les « lectures » d’oeuvres (en particulier contemporaines) n’avaient de sens, pour Vachon, « que si elles se confront[aient], devant un public lecteur » (ibid., p. 249).
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[137]
Georges-André Vachon, « Le roman – Une littérature qui se louisianise ? », Études françaises, vol. 7, no 4, 1971, p. 411.
-
[138]
Ibid., p. 412.
-
[139]
Ibid., p. 415.
-
[140]
Georges-André Vachon, « Des mots se suivent… », Études françaises, vol. 8, no 1, 1972, p. 83.
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[141]
André Belleau, « Petite essayistique », Liberté, vol. 25, no 6, 1983, p. 8.
-
[142]
Georges-André Vachon, « Le colonisé parle », Études françaises, vol. 10, no 1, 1974, p. 61.
-
[143]
Ibid., p. 62.
-
[144]
Ibid., p. 64.
-
[145]
Ibid.
-
[146]
Par exemple dans « La ligue nationale d’improvisation » (vol. 29, no 2, 1993, p. 119-126) et « L’amour du monstre : Michelet, la sirène, Danton » (vol. 30, no 1, 1994, p. 121-133). Cette série de textes, fort proches de ceux publiés dans Liberté (j’y reviendrai), s’amorce avec « Réjean Ducharme, lecteur de Lautréamont » (vol. 26, no 1, 1990, p. 87-127), texte théâtralisant sa pratique de lecture : « Lisons, ne cessons pas de lire, de pratiquer cette lecture soupçonneuse, un peu maniaque, à laquelle on n’échappe pas quand on a parcouru les romans de Réjean Ducharme plus d’une fois » (p. 88). « Avec un peu d’imprudence, sachant que ma proposition sera reçue avec scepticisme par les lecteurs raisonnables — il s’en trouve parfois chez Ducharme —, je propose ceci : il y a dans la bibliothèque lautréamontienne un ouvrage d’un psychiatre, nommé Pierre Soulier, qui s’intitule Lautréamont, génie ou maladie mentale (Droz, 1964). Je l’ai lu. Ce n’est pas un livre très convaincant […]. Mais son nom, avouez… //Vous n’avouez pas ? Essayons autre chose » (p. 89), et ainsi de suite. Notons que ce texte, comme d’autres signés par les collaborateurs les plus portés vers l’essai, dépasse allègrement la « norme » implicite, nettement établie à l’époque, des « quinze à vingt pages », norme qui est d’ailleurs souvent une partie du protocole explicite des revues (tant de pages, tant de signes). Quitte à me confronter au danger du plaidoyer pro domo, je tiens à le souligner et demander s’il n’y a pas, dans le caractère aussi dominant qu’évident de ces protocoles, un lit de Procuste qui empêche tout aussi bien des textes courts et denses, comme en écrivait Belleau, que des entreprises de longue haleine, comme ce texte de Marcotte.
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[147]
« Dollier de Casson ou l’écriture à l’état naissant », vol. 28, nos 2-3, automne-hiver 1992, p. 169-177.
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[148]
« Du bon usage des colloques », vol. 27, no 3, hiver 1991, p. 119-127.
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[149]
« Le français, une langue en crise ? », vol. 29, no 1, 1993, p. 171-190.
-
[150]
« L’écriture libérée de la littérature », vol. 29, no 2, 1993, p. 127-136.
-
[151]
« Une nouvelle littérature ? », vol. 1, no 1, février 1965, p. 106-110 ; « L’Hexagone », vol. 1, no 2, juin 1965, p. 115-121 ; « L’École de Montréal », vol. 1, no 3, octobre 1965, p. 107-112 ; « Le vol des oies sauvages », vol. 2, no 1, 1966, p. 99-105.
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[152]
« Pièces minimales », vol. 8, no 4, 1972, p. 375-386.
-
[153]
« Petits riens sur Flaubert et quelques autres », vol. 5, no 1, 1969, p. 71-78 ; « L’humour, ou la dernière des tristesses », vol. 5, no 2, 1969, p. 139-161 ; « La littérature aujourd’hui », vol. 6, no 1, 1970, p. 91-95 ; « Le cinéma », vol. 6, no 2, 1970, p. 242-258 ; « Le cinéma », vol. 7, no 2, 1971, p. 213-233.
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[154]
À défaut d’explorer plus en détail leur apport à la revue, je tiens à faire observer l’apport significatif des femmes à Études françaises, où elles signèrent dès le début des articles et dirigèrent quelques-uns des premiers numéros thématiques. Cela dit, leur participation est longtemps minoritaire, dans l’écriture des textes comme dans le comité de rédaction, et il fallut attendre vingt-six ans pour qu’on ose confier la direction à l’une d’elles (Ginette Michaud, en l’occurrence). De même, il est significatif qu’à l’exception du tout premier secrétaire de rédaction, Benoît Melançon, quinze des seize personnes à occuper ce poste furent des femmes…
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[155]
« L’étude de Ginette Michaud intitulée “Récits postmodernes ? ” […] semble caractéristique de cette décennie [celle des « retours au sujet » des années 1980] », op. cit., p. 540.
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[156]
Études françaises, vol. 21, no 3, 1985, p. 67-88.
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[157]
« [L]e grand mérite de l’ouvrage, disait-il d’une étude dont il rendait compte, est peut-être de susciter dans l’esprit du lecteur un grand nombre de questions, et de les laisser toutes ouvertes », « La poésie de l’aube », Études françaises, vol. 3, no 4, 1967, p. 429. Plus fortement encore, il affirmait, dans « Le roman — Une littérature qui se louisianise ? », que l’oeuvre d’un créateur « n’a rien à enseigner, nul sens constitué à illustrer, à transmettre. Elle n’a pour but ni de proposer des réponses, ni, à proprement parler, de poser des questions […] mais bien : d’amener quelqu’un à accoucher d’une question. La méthode socratique demeure le modèle de toute stratégie créatrice », (Études françaises, vol. 7, no 4, 1971, p. 416). On pourra remarquer, à ce propos, la prédilection pour le mode interrogatif, dans ses articles.
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[158]
Ginette Michaud, « Récits postmodernes ? », p. 67.
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[159]
Ibid.
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[160]
Ibid., p. 70 et 72.
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[161]
Extrait tiré de Volkswagen blues.
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[162]
Ibid., p. 77.
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[163]
Et ce, dès le début, entre autres grâce aux spécialistes des xvie et xviie siècles. Le « La Fontaine et Montaigne » de Bernard Beugnot, vol. 1, no 3, 1965, p. 43-65, en est la preuve (pour n’en donner qu’un seul exemple) : dès la première page, Beugnot renvoie à sept sources secondaires et à cinq sources de son corpus primaire, ceci dans huit notes de bas de pages, ces dernières atteignant le chiffre impressionnant de 95 en 24 pages. Il n’y a pas, par ailleurs, de conflit fondamental entre histoire littéraire et « nouvelle critique » ou théorie, à Études françaises. Ceci est manifeste, dans « Le conflit des méthodes » de Vachon, aussi bien que dans un important compte rendu de Beugnot, où il distingue déjà, en 1968, les recherches génétiques (en recourant à l’épithète), des « pures études de sources » : « Histoire et création littéraire : à propos des “Dialogues avec le passé” de Jean Pommier », vol. 4, no 4, 1968, p. 407.
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[164]
Paul Ricoeur, op. cit., p. 38.
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[165]
Disparition visible dans le rattachement institutionnel des directeurs de numéros et des auteurs d’articles.