Résumés
Résumé
En permettant l’établissement d’un lien de filiation entre un enfant et deux personnes du même sexe, la réforme du 24 juin 2002 consacre non seulement l’existence des familles homoparentales, mais elle marque également une profonde rupture avec la réalité biologique à laquelle s’était depuis toujours modelé le droit de la filiation. Aux dires du ministre de la Justice de l’époque, un tel réaménagement s’imposait, eu égard au besoin de protection juridique des enfants en cause. Or, réformer la filiation n’était pas la seule option législative disponible pour atteindre l’objectif visé. D’autres mesures, comme le partage de l’autorité parentale ou la reconnaissance judiciaire d’une nouvelle forme de «parentalité psychologique», auraient pu être envisagées pour assurer la protection juridique des enfants concernés. Adoptée dans la précipitation, la réforme effectuée par le législateur québécois ouvre des perspectives dont on ne peut encore mesurer toute la portée sur le bien-être de l’enfant. Incomplète, elle laisse sans réponse le besoin de protection juridique d’une majorité d’enfants évoluant au sein d’une dynamique homoparentale.
Abstract
By allowing the creation of a parental relationship between a child and two persons of the same sex, the reform adopted on June 24, 2002 not only formalizes homosexual families, but also recognises the existence of a serious rift with the biological actualities that had previously served as a model for laws dealing with filiation. According to the then Justice Minister, some such overhaul had become necessary in order to be able to provide legal protection for the children involved. However, remodelling the parameters of filiation was not the only legislative option available to achieve the desired objective. Other measures, such as joint parental authority or the legal recognition of a new form of “psychological kinship” could have been contemplated as a way of ensuring the legal protection of the children in question. This reform, adopted in haste by the Quebec legislator, opens up prospects whose impact on children’s welfare cannot yet be fully measured. This incomplete piece of legislation does not respond to the need for legal protection of the majority of children growing up in a homosexual environment.
Corps de l’article
Introduction
La filiation figure au nombre des notions dont le sens et la portée ne peuvent être délimités qu’à l’aune d’une approche pluridisciplinaire. Aux yeux du sociologue, de l’anthropologue ou du psychologue, ce constat relève sans doute de l’évidence. Rompus à l’idée d’entrevoir leur champ respectif sous l’angle de la complémentarité, ceux-ci sont généralement enclins à aborder leur sujet d’étude dans une perspective globale, n’hésitant pas à puiser dans les disciplines voisines pour enrichir leurs connaissances.
En revanche, les juristes ont souvent tendance à s’enfermer à l’intérieur des limites de leur domaine d’appartenance. Les problématiques qui leur sont soumises sont rapidement canalisées vers l’une ou l’autre des catégories juridiques établies dans les lois[3]. Intégrés au corpus législatif, les concepts, notions ou institutions sont dès lors coupés de leurs origines premières et prennent le sens que le législateur a bien voulu leur donner. Ainsi, pour le juriste, la filiation fonde le rapport de droits et d’obligations qui unit les descendants et les ascendants. De son point de vue, la filiation n’a d’intérêt qu’en raison des conséquences juridiques que lui attribue le législateur, que ce soit en matière d’autorité parentale, d’obligation alimentaire ou de dévolution successorale.
Pourtant, la filiation n’est pas et ne sera jamais qu’une simple affaire de droits et d’obligations. En formalisant l’appartenance au sein d’un ordre généalogique, la filiation ne fait pas qu’engendrer une série d’effets juridiques, elle contribue également à l’édification sociale et psychologique des individus[4]. Comme l’écrit Pierre Legendre, la filiation symbolise « […] la réserve inépuisable où les individus viennent chercher, pour vivre, le bagage de leur identité.»[5] À la lumière de ces considérations, que doit-on penser des modifications récemment apportées au Code civil du Québec en matière de filiation[6]? En vigueur depuis le 24 juin 2002, ces modifications détachent la filiation du cadre de l’hétéroparentalité, en permettant l’établissement d’un lien filial entre un enfant et deux parents du même sexe.
Pour le juriste, ces modifications permettront d’aborder le rapport juridique à l’enfant sans égard à l’orientation sexuelle des personnes qui lui tiennent lieu de parents. Pour le sociologue ou l’anthropologue, elles opèrent une véritable révolution puisqu’elles marquent une profonde rupture avec la réalité biologique à laquelle s’était depuis toujours modelé le droit de la filiation.
Quelle que soit l’approche disciplinaire de l’analyste, et indépendamment des impressions qu’elle lui inspire, la réforme du 24 juin 2002 suscite certaines interrogations fondamentales dans l’esprit de tous ceux qui s’intéresse à l’enfant et la famille. Des questions qui, conjuguées les unes aux autres, nourriront peut-être le sentiment d’inconfort déjà éprouvé par plusieurs personnes, fortement ébranlées par la rapidité du processus d’adoption des modifications législatives introduites au Code civil et par l’étroitesse du cadre à l’intérieur duquel les consultations populaires ont été menées. On se rappellera qu’un nombre restreint de consultations intervenues à l’occasion d’une commission parlementaire – dont le mandat premier portait non pas sur la parentalité homosexuelle mais sur l’union civile – auront suffi au ministre de la Justice pour ajouter aux propositions législatives initialement déposées de nouvelles dispositions renversant le principe soi-disant fondateur du droit de la filiation[7].
Les questions soulevées par la réforme du 24 juin 2002 sont multiples. Certaines portent sur le principe même d’une filiation homoparentale, alors que d’autres, plus générales, concernent les valeurs véhiculées par la reconnaissance et l’ordonnancement législatif de ce qu’on a pu appeler « le droit à l’enfant »[8]. Le présent article se limite aux questions du premier ordre, bien assez substantielles. Avant d’en prendre la mesure, il convient de présenter le cadre juridique à l’intérieur duquel la filiation homoparentale pourra effectivement se déployer. Cette incursion dans la sphère légale devrait permettre au lecteur de cerner la portée des réaménagements législatifs adoptés.
Perspectives descriptives
La filiation se prouve généralement par l’acte de naissance[9]. Cet acte consacre l’existence civile des personnes, en attestant de leur nom, de leur sexe et du lieu, de la date et de l’heure de leur naissance[10]. L’acte de naissance situe également les personnes sur le plan générationnel, en énonçant le nom de leurs père et mère[11]. Si, conformément aux règles nouvellement introduites, les parents sont de même sexe, ils y seront désignés comme les mères ou les pères de l’enfant[12]. Conservé au registre de l’état civil, l’acte de naissance témoignera ainsi, auprès des tiers appelés à prendre connaissance des renseignements qui y sont consignés, du lien de filiation bimaternelle ou bipaternelle de l’enfant[13].
Évidemment, le législateur n’aurait pu se contenter d’édicter le principe d’une filiation homoparentale sans s’attarder aux voies susceptibles d’y donner accès. Eu égard aux modifications apportées par la réforme, deux voies peuvent être envisagés, soit l’adoption et, dans le cas des femmes, la procréation assistée.
L’adoption
En droit québécois, l’adoption confère à l’enfant une filiation qui se substitue entièrement à sa filiation d’origine[14]. Le jugement d’adoption provoque donc la rupture de tous les liens juridiques qui unissaient l’enfant à sa famille biologique et donne lieu à l’établissement d’un nouvel acte de naissance[15]. Contrairement au droit en vigueur dans certains États, le droit québécois ne connaît pas l’adoption simple, dont les effets permettent la coexistence de certains liens entre l’enfant, sa famille d’origine et sa famille adoptive[16].
Selon l’article 546 du Code civil, l’adoption peut être prononcée en faveur d’une personne seule[17] ou d’un couple[18]. Alors qu’on interprétait naguère la notion de «couple» en référence exclusive aux conjoints hétérosexuels[19], on doit désormais en élargir la portée pour y intégrer les conjoints homosexuels. Le Code civil du Québec ne pose aucune exigence quant au statut juridique des conjoints adoptants. Ainsi, les couples qui vivent en union de fait sont tout aussi qualifiés que les couples légalement liés par le mariage ou l’union civile pour se porter requérants.
Un enfant peut être adopté sur la base du consentement des parents biologiques ou, dans les cas d’abandon, d’une déclaration judiciaire d’admissibilité à l’adoption[20]. Le consentement des parents biologiques peut être général ou spécial[21]. Il est général lorsqu’il permet de prononcer l’adoption en faveur de toute personne ou couple ayant déposé une demande d’adoption auprès des Centres de protection de l’enfance et de la jeunesse (CPEJ)[22]. Il est spécial lorsqu’il est spécifiquement donné en faveur d’un grand-parent ou d’un arrière-grand-parent de l’enfant, d’un oncle, d’une tante, d’un frère, d’une soeur ou du conjoint légal de l’une ou l’autre de ces personnes[23].
Le père ou la mère de l’enfant peut également donner un consentement spécial en faveur de son conjoint légal ou de fait, à la condition, dans ce dernier cas, que leur cohabitation date d’au moins trois ans[24]. Par exception au principe général, le jugement d’adoption prononcé à la suite d’un tel consentement n’entraînera pas la rupture du lien de filiation entre l’enfant et le parent qui en est à l’origine[25]. Évidemment, pour qu’un tel scénario soit légalement admissible, l’enfant ne devra avoir aucun autre lien de filiation préexistant. Si tel est le cas, le conjoint du parent ne pourra adopter l’enfant de ce dernier, à moins que l’autre parent ne soit décédé ou déchu de son autorité parentale[26]. Bref, l’enfant ne pourrait, dans l’état actuel du droit québécois, avoir un lien de filiation avec plus de deux personnes.
Dans les faits, l’établissement d’un lien de filiation adoptif entre un enfant et deux personnes de même sexe résultera le plus souvent d’un consentement spécial. Ainsi, la mère ou le père biologique consentira-t-il à l’adoption de son enfant en faveur de sa conjointe ou de son conjoint. Les couples de même sexe qui voudront adopter un enfant autrement admissible à l’adoption seront, quant à eux, confrontés aux mêmes réalités que les couples hétérosexuels. S’agissant d’une adoption dite nationale, il leur faudra soumettre leur demande au CPEJ, satisfaire aux différentes conditions administratives[27] et attendre patiemment qu’on les interpelle[28].
Compte tenu du peu d’enfants adoptables au Québec, le délai entre l’expression d’une première volonté et l’enclenchement du processus d’adoption à proprement parler s’étirera probablement sur plusieurs années[29]. À l’instar des couples hétérosexuels, les couples homosexuels pourront également se porter candidats pour héberger, à titre de famille d’accueil, un enfant à risque ou en situation d’abandon, en espérant pouvoir éventuellement l’adopter à travers la Banque-Mixte[30].
Dans le cadre de l’adoption internationale, les couples de même sexe auront à faire face à une réalité juridique beaucoup moins favorable. En effet, les pays d’où proviennent la majorité des enfants adoptables se réservent généralement le droit de sélectionner les adoptants, en fonction de critères plus ou moins précis. Or, dans l’état actuel des choses, la Chine, le Viêt-Nam ou Haïti, pour ne nommer que ceux-là, refusent de cautionner l’adoption d’un de leurs ressortissants par un couple homosexuel[31]. À moins de revirements inattendus, les critères de sélections élaborés par les autorités étrangères feront donc obstacle au projet d’adoption internationale des couples de même sexe.
Pour contourner la difficulté, certains conjoints de même sexe seront sans doute tentés de procéder en deux étapes. La première étape consistera, pour l’un d’eux, à entreprendre seul les démarches d’adoption internationale dans un pays qui accepte l’adoption par un célibataire, en taisant évidemment son orientation sexuelle. Une fois les formalités étrangères complétées et l’adoption prononcée conformément à la loi, le parent adoptif de l’enfant fournira, à son retour au Québec, un consentement spécial en faveur de son conjoint, conformément au droit québécois.
Bien qu’attrayante, cette stratégie pourrait, à plus ou moins long terme, se retourner contre les couples de même sexe. Selon certaines sources, la Chine aurait déjà « […] restreint le nombre d’enfants confiés à des Suédois vivant seuls après avoir découvert que certains d’entre eux avaient dissimulé leur homosexualité »[32]. En toute lucidité, les couples de même sexe devront donc miser sur un changement de mentalités des instances étrangères avant de pouvoir réaliser leur projet d’adoption internationale.
La procréation assistée
La filiation de l’enfant avec deux parents de même sexe peut également résulter d’un «projet parental avec assistance à la procréation», auquel cas le lien sera évidemment bimaternelle. Selon le nouvel article 538 du Code civil, il y a projet parental avec assistance à la procréation « […] dès lors qu’une femme seule ou des conjoints [de sexe différent ou de sexe féminin] ont décidé, afin d’avoir un enfant, de recourir aux forces génétiques d’une personne qui n’est pas partie au projet parental ».
Bien que les anciennes règles relatives à la procréation médicalement assistée n’excluaient pas explicitement les couples de lesbiennes de leur champ d’application, la plupart des intervenants se retranchaient derrière l’économie générale du Code civil pour leur en refuser l’accès[33]. Qui plus est, plusieurs cliniques de fertilité n’acceptaient d’intervenir qu’auprès des couples hétérosexuels dont l’un des conjoints présentait un problème de stérilité[34]. Eu égard aux modifications apportées le 24 juin 2002, de telles pratiques ne pourront plus, dorénavant, être appliquées, sous peine d’être déclarées contraires à la Charte des droits et libertés de la personne[35]. Ce n’est plus uniquement par défaut, mais aussi par choix, qu’on pourra désormais se tourner vers la procréation assistée[36]. L’enfant conçu au terme d’une procréation médicalement assistée aura naturellement, suite à la naissance, un lien de filiation avec la mère dont il est issu. Ce lien sera consacré dans l’acte de naissance dressé par le directeur de l’état civil sur la base de la déclaration usuellement signée par la mère et du constat de l’accoucheur[37].
Quant au second lien maternel, son mode d’établissement variera en fonction du statut juridique du couple de lesbiennes. Si le couple est civilement uni, la conjointe de la mère inséminée artificiellement sera présumée «co-mère» de l’enfant, en vertu d’une présomption de parenté étroitement inspirée de la présomption de paternité applicable en matière matrimoniale[38]. Ainsi, l’article 538.3 du Code civil énonce :
« L’enfant, issu par procréation assistée d’un projet parental entre […] conjoints unis civilement, qui est né pendant leur union ou dans les trois cents jours après sa dissolution ou son annulation est présumé avoir pour autre parent [la conjointe] de la femme qui lui a donné naissance. »[39]
Si le couple de lesbiennes est plutôt en union de fait, aucune présomption de parenté ne trouvera application, mais la conjointe de la mère pourra reconnaître l’enfant auprès du directeur de l’état civil. Sa déclaration suffira à établir son lien de filiation avec l’enfant, sans qu’il ne lui soit nécessaire d’entreprendre des procédures d’adoption ou toute autre démarche[40].
Le tiers donneur ne pourra quant à lui revendiquer l’établissement d’un lien de filiation avec l’enfant, pas plus qu’il ne pourrait lui-même être poursuivi aux termes d’une action en réclamation de paternité. En effet, selon l’article 538.2 du Code, l’apport de forces génétiques au projet parental d’autrui ne peut fonder aucun lien de filiation entre l’auteur de l’apport et l’enfant qui en est issu[41]. Si les gamètes ont été obtenus par l’intermédiaire d’une banque de sperme, le donneur ne pourra de toute façon être retracé, les renseignements nominatifs permettant de l’identifier devant demeurer confidentiels[42].
Par ailleurs, le législateur a profité de la réforme du 24 juin 2002 pour reconnaître une autre forme d’assistance à la procréation, sans doute plus conviviale que l’insémination artificielle. Désormais, la procréation assistée pourra résulter du concours d’un « ami dévoué », offrant en toute connaissance de cause sa contribution au projet parental d’autrui, au moyen d’une relation sexuelle[43]. Le couple de lesbiennes[44] pourra donc choisir entre la procréation « médicalement » assistée et la procréation « amicalement » assistée[45], selon l’expression utilisée par certains[46]. Comme en matière d’insémination artificielle, l’enfant ainsi conçu bénéficiera d’un lien de filiation avec la mère dont il est issu[47]. Eu égard au projet parental partagé, un second lien de filiation pourra être établi entre l’enfant et la conjointe de la mère, soit par le jeu de la présomption de parenté ci-dessus évoquée, si le couple est civilement uni, soit à la suite d’une reconnaissance volontaire, si le couple est plutôt en union de fait[48].
Toutefois, contrairement au tiers-donneur, le tiers-géniteur pourra, dans l’année qui suit la naissance, revendiquer un lien de filiation avec l’enfant et, incidemment, faire échec au lien de filiation avec la conjointe de la mère[49]. Le législateur préserve donc temporairement les droits de l’« ami dévoué » qui, suite à la naissance, pourrait bien se découvrir une « vocation à la paternité »[50], si tant est qu’il connaisse son nouvel état[51]. Pendant le délai d’un an, la filiation de l’enfant né d’une procréation « amicalement assistée » demeurera donc incertaine, ce qui la transformera vraisemblablement en objet de négociations[52]. Le géniteur aura toute discrétion pour reconnaître ou, au contraire, rejeter sa filiation avec sa progéniture.
Le législateur ouvre ainsi une voie minée de questions éthiques[53]. Peut-on légitimement soumettre au libre marchandage l’un des liens de filiation de l’enfant? Une décision individuelle ou une entente privément négociée doit-elle avoir préséance sur le droit de l’enfant à une filiation paternelle et aux prérogatives juridiques qui en résultent[54]? Peut-on valablement organiser l’effacement d’un véritable géniteur, et partant, d’une moitié des origines de l’enfant[55]? Ces questions fondamentales, dont la portée déborde largement le cadre de cet article, n’auront ni ébranlé le législateur, ni ralenti sa cadence[56].
Perspectives critiques
Il y a quelques années à peine, la réalité des enfants pris en charge par les couples de même sexe était ignorée, voire objet d’ostracisme. Dans l’esprit d’une majorité de personnes, la parentalité ne pouvaient être que le reflet, réel ou fictif, de la réalité biologique[57]. D’ailleurs, selon un sondage réalisé au mois de décembre 2001, 51 % des québécois se disaient contre l’adoption d’un enfant par un couple d’homosexuels[58].
Face à l’enjeu fondamental que représente le bien-être de l’enfant et devant les résistances révélées par les sondages d’opinion, on aurait pu s’attendre à des années de débats enflammés avant de voir poindre à l’horizon un projet de loi attribuant des responsabilités parentales aux couples de même sexe. La réalité aura été toute autre. Il n’aura fallu que huit semaines aux autorités gouvernementales pour déposer les propositions législatives portant réforme de la filiation, consulter une quinzaine d’intervenants en commission parlementaire et obtenir l’aval de l’Assemblée nationale[59].
Le ministre de la Justice a justifié la réforme en invoquant, à maintes reprises, l’intérêt de l’enfant. Le bien être de l’enfant, a-t-il répété, ne saurait se satisfaire de cadres juridiques qui excluent, directement ou indirectement, les réalités homoparentales. Lors des remarques finales formulées en commission parlementaire, le ministre déclarait d’ailleurs :
« Tout cela m'amène à traiter d'une situation injuste, […], soit celle des enfants des couples homosexuels. Il m'apparaît clair que l'intérêt supérieur de l'enfant doit prévaloir dans tous les choix que nous pourrons faire en matière de parentalité. […] Il faut faire en sorte que soit reconnue, à tous les enfants, une pleine égalité des droits tant juridiques que sociaux. […] Si, en 1980, mon prédécesseur comme ministre de la Justice, Me Marc-André Bédard, a permis que soient éliminées au Code civil les distinctions à la naissance, selon qu'un enfant soit né à l'intérieur ou non du mariage, je suis d'avis qu'il faut maintenant aller plus loin, car il en va, encore une fois, de l'intérêt des enfants. »[60]
Si, d’emblée, tous partagent le souci du ministre d’assurer la même protection juridique aux enfants, indépendamment du mode de vie choisi par leurs parents ou les personnes qui en tiennent lieu, force est d’admettre qu’on parvient difficilement à faire l’unanimité lorsqu’il s’agit d’établir les moyens à mettre en oeuvre pour atteindre l’objectif établi.
En choisissant d’intervenir au chapitre de la filiation, le législateur a-t-il vraiment réussi son pari? Eu égard aux réaménagements législatifs effectués, les enfants du Québec sont-ils aujourd’hui «plus égaux» qu’autrefois ? Rien n’est moins sûr. Aussi noble et juste que soit l’intention évoquée au soutien de l’intervention législative, les mesures nouvellement introduites témoignent d’une réforme à la fois prématurée et incomplète.
Une réforme prématurée
Plusieurs études démontrent qu’un enfant évoluant auprès de figures parentales homosexuelles aimantes se développe adéquatement[61]. Le bien-être d’un enfant ne dépendrait pas de l’orientation sexuelle des personnes qui le prennent en charge, mais des soins et de l’amour qu’il reçoit d’elles. Fort d’un tel constat, l’État était certainement justifié d’aménager un cadre juridique à l’endroit de ceux et celles qui, injustement ignorés par le droit, ne pouvaient formellement prendre part aux décisions concernant leur enfant de fait. On peut facilement comprendre le désarroi vécu par la personne qui, privée de toute reconnaissance légale, ne pouvait ni consentir aux soins requis par l’état de santé de « son » enfant, ni procéder à son inscription à l’école, ni bénéficier des prérogatives dont dispose généralement un parent durant la vie commune et, éventuellement, à l’occasion de la séparation ou du divorce[62].
La reconstruction de la filiation en marge de la réalité biologique n’était pas, cependant, le seul moyen disponible pour pallier les lacunes juridiques. D’autres mesures législatives auraient permis de consacrer l’engagement des personnes qui, dans les faits, agissent à titre de parents auprès d’un enfant, fussent-elles de même sexe. Ainsi, le législateur aurait-il pu autoriser le parent de l’enfant à consentir, devant notaire ou autrement, au partage de l’autorité parentale en faveur de son nouveau conjoint[63]. Subsidiairement, il aurait pu organiser l’attribution judiciaire d’une «parentalité psychologique»[64] pleine et entière en faveur du conjoint qui, au quotidien, remplit depuis un certain temps et de manière constante un rôle parental auprès de l’enfant de son conjoint[65].
L’introduction de telles mesures aurait permis d’encadrer la réalité des enfants pris en charge par deux conjoints de même sexe, qu’ils aient été conçus dans le cadre de l’union hétérosexuelle antérieur de l’un ou l’autre ou qu’ils soient liés à l’un d’eux par suite d’un jugement d’adoption ou d’une procréation assistée[66]. Quelle que soit l’hypothèse en cause, le conjoint homosexuel se serait vu reconnaître un rôle formel et, incidemment, aurait pu exercer toute la gamme des droits relevant usuellement du statut parental, sans que la filiation de l’enfant n’en soit pour autant modifiée[67]. L’intervention du législateur aurait porté sur la parentalité et non sur la filiation, deux concepts distincts[68]. La filiation, rappelons-le, inscrit l’enfant sur l’axe généalogique, alors que la parentalité confère l’exercice des droits et des devoirs originellement attribués aux père et mère, mais néanmoins susceptibles de délégation[69] et de subdivision[70], voire de déchéance[71].
Bref, réformer la filiation n’était pas la seule option législative disponible pour reconnaître des responsabilités et des droits parentaux aux couples de même sexe. Était-ce la plus favorable à l’enfant? Bien que le ministre de la Justice se soit réclamé de l’intérêt de l’enfant pour appuyer l’option choisie[72], aucune étude empirique réalisée auprès d’enfants filialement liés à deux mères ou deux pères n’a été produite au soutien de ses prétentions, et pour cause : le Québec fait office de pionnier en la matière. Les précédents sont peu nombreux et ne datent que de quelques années[73].
Aucune étude sérieuse ne peut aujourd’hui être réalisée sur la base d’un tel échantillonnage. Qui plus est, certaines législations étrangères, souvent citées en exemple, ne peuvent être abordées qu’avec circonspection, les effets de la filiation adoptive n’étant pas nécessairement les mêmes d’un État à l’autre. Il en est ainsi du droit néerlandais où l’adoption d’un enfant, depuis peu accessible aux couples de même sexe, entraîne non pas la création d’un nouvel acte de naissance, mais l’inscription du nom des adoptants en marge de l’acte d’origine[74]. Au-delà des droits parentaux dont elle permet la transmission, l’adoption néerlandaise ne vise pas, contrairement à l’adoption québécoise, à resituer l’enfant sur un nouvel axe généalogique[75].
Sans doute, dans une vingtaine d’années, les chercheurs pourront-ils disposer de données leur permettant d’évaluer scientifiquement l’impact, sur l’enfant devenu adulte, d’une filiation homoparentale, instituée en rupture du modèle de filiation généalogique sur lequel les sociétés occidentales comparables à la nôtre ont érigé leur conception de la parenté[76]. Dans l’intervalle, nul ne saurait objectivement prévoir les conséquences psychologiques qu’occasionnera la formalisation d’une telle filiation au registre de l’état civil[77], et ce, indépendamment des habilités parentales dont auront su faire preuve les personnes concernées. Consacrer l’engagement des conjoints de même sexe à l’égard d’un enfant est une chose, lui reconnaître deux mères ou deux pères, dans son acte de naissance, en est une autre[78]. Car, faut-il encore le rappeler, la filiation n’est pas qu’un montage juridique porteur d’autorité parentale. Lourdement chargée sur le plan symbolique[79], elle contribue également à la construction de l’identité sociale et psychologique des personnes.
Au-delà des polémiques d’ordre historique[80], anthropologique[81], moral[82] et juridique[83] que soulève la filiation homoparentale et en dépit des préjugés favorables que l’on peut entretenir sur la question, l’importance des enjeux en cause aurait d’abord justifié l’instauration de mécanismes législatifs portant sur la parentalité, dans l’attente des bilans que l’on dressera éventuellement des expériences législatives étrangères[84]. En joignant le rang des États qui ont agi précipitamment, le Québec a-t-il fait de l’enfant un objet d’expérimentation? Cette question est certes troublante, mais le fait que l’on n’ait pas pu suffisamment en débattre avant l’entrée en vigueur des nouvelles mesures l’est davantage.
Une réforme incomplète
Si le législateur souhaitait resserrer les protections juridiques applicables à l’ensemble des enfants évoluant au sein de dynamiques homoparentales, force est d’admettre qu’il a joliment raté sa cible. Aussi révolutionnaires soient-elles, les modifications introduites le 24 juin 2002 ne règlent en rien la situation des nombreux enfants issus d’une relation hétérosexuelle antérieure[85], vivant auprès d’un de leur parent et du conjoint homosexuel de ce dernier, mais alors que l’autre parent n’est ni décédé, ni déchu de son autorité parentale. Le droit québécois interdisant l’établissement d’un triple lien de filiation, l’adoption de l’enfant par le conjoint ou la conjointe ne pourra, dans cette hypothèse, être réalisée. En agissant sur la filiation et non sur la parentalité, le législateur a tout simplement négligé la réalité de tous ceux et celles dont le double lien de filiation fait obstacle à tout processus d’adoption[86]. Condamné au statu quo, le conjoint homosexuel ne pourra, dans ces circonstances, exercer de prérogatives parentales à l’égard de l’enfant, pas plus qu’on ne pourra lui imputer de responsabilités particulières à l’occasion d’une éventuelle rupture conjugale, et ce, en dépit du rôle parental qu’il aura pu assumer durant la vie commune et, dans certains cas, du détachement factuel de l’autre parent.
Comme d’autres l’ont déjà souligné[87], l’omission du législateur affecte, de manière comparable, l’ensemble des familles recomposées. Tout comme le conjoint homosexuel, le conjoint hétérosexuel ne jouit d’aucun statut juridique durant la vie commune et n’assume aucune obligation à l’endroit de l’enfant, à moins d’avoir pu l’adopter[88]. Lors de la rupture conjugale, seul le conjoint marié fait l’objet d’une certaine reconnaissance législative. En vertu de la Loi sur le divorce, l’époux qui, durant le mariage, a agi à titre de parent (in loco parentis) auprès de l’enfant de son conjoint pourra en revendiquer la garde ou faire valoir des droits d’accès[89]. En contrepartie, le tribunal pourrait l’obliger à verser une pension alimentaire au bénéfice de l’enfant. Quant au conjoint hétérosexuel non marié, il ne peut jamais se voir contraint de pourvoir aux besoins de l’enfant, même s’il a occupé une place prépondérante auprès de lui durant la relation conjugale[90]. Comme toute autre personne et aux mêmes conditions, il pourra toutefois s’adresser au tribunal pour en obtenir la garde. Le tribunal évaluera sa demande à la lumière du critère de l’intérêt de l’enfant, mais sans accorder de statut préférentiel à sa requête[91].
Si le législateur voulait vraiment éliminer toute forme de discrimination entre les enfants, comment a-t-il pu occulter le statut précaire des nombreux enfants qui évoluent au sein d’une famille recomposée? À la lumière de l’article 39 de la Charte des droits et libertés de la personne qui consacre le droit de l’enfant « […] à la protection, à la sécurité et à l’attention que ses parents ou les personnes qui en tiennent lieu peuvent lui donner »[92], n’y aurait-il pas eu lieu d’établir un cadre juridique consacrant l’engagement de tous ceux et celles qui remplissent un rôle parental auprès des enfants, indépendamment de l’orientation sexuelle des uns et des autres?
Le partage de l’autorité parentale, tout comme l’institution d’une parentalité psychologique pleine et entière, auraient sans doute permis d’assurer une protection juridique adéquate à l’ensemble des enfants confrontés au phénomène de la pluriparentalité, quel que soit le sexe des figures parentales en cause. Ainsi, le législateur aurait-il permis d’additionner, au double lien de filiation des enfants partagés entre leur mère et leur père, le support parental de leur conjoint respectif, qu’il soit hétérosexuel ou homosexuel.
Conclusion
Il faut certainement se réjouir de l’intérêt manifesté par l’État à l’égard des enfants pris en charge par les couples de même sexe, trop longtemps marginalisés. En sanctionnant l’homoparentalité, on en légitime l’existence et, incidemment, on contribue à en accélérer l’acceptation sociale, au bénéfice des enfants concernés[93]. Comme d’autres l’ont déjà fait, on doit saluer le courage politique dont les autorités gouvernementales du Québec ont su faire preuve en assumant le leadership d’une telle démarche[94]. Mais au-delà des principes, on parvient difficilement à concilier le choix législatif effectué le 24 juin 2002 avec les objectifs avancés au soutien de la réforme. Ni le réaménagement du droit de la filiation, ni l’action précipitée du législateur, ne peuvent véritablement trouver leur justification dans l’intérêt de l’enfant. Prématurée, la réforme ouvre des perspectives dont on ne peut encore mesurer toute la portée sur le bien-être de l’enfant. Incomplète, elle laisse sans réponse le besoin de protection juridique d’une majorité d’enfants évoluant au sein d’une dynamique homoparentale.
Mais alors, qui sont les véritables bénéficiaires de la réforme? En permettant l’établissement d’un lien filial entre un enfant et deux parents du même sexe, le législateur a-t-il voulu assurer la protection juridique des enfants ou consacrer l’égalité des couples de même sexe[95]? À la lumière des développements précédents, la question mérite certainement d’être posée[96]. Non pas qu’il faille banaliser, voire déconsidérer, les aspirations égalitaires des gais et lesbiennes. La discrimination doit être bannie, dans tous les domaines et sans délai. En toute équité, les couples de même sexe doivent disposer des mêmes droits et des mêmes prérogatives que les couples hétérosexuels[97]. Seulement, la filiation n’est pas un droit des parents ou des personnes qui en jouent le rôle; il s’agit d’un droit de l’enfant qu’on ne peut, sous aucun prétexte, utiliser au service d’une cause, aussi juste soit-elle. Quoiqu’en disent certains militants, on ne saurait donc en débattre à la lumière du droit à l’égalité[98], que ce soit au parlement[99] ou au prétoire.
Parties annexes
Notes
-
[1]
Nous employons l’expression «filiation homoparentale» en référence à l’organisation législative d’un lien de filiation entre un enfant et deux parents de même sexe.
-
[2]
L’auteur remercie ses collègues, les professeurs Danielle Pinard, Michel Morin et Luc B. Tremblay, ainsi que Mme Doris Baril, Me Nicole Poulin et Me Christian St-Georges pour leurs précieux commentaires. Évidemment, les opinions émises dans le présent texte n’engagent que son auteur.
-
[3]
Voir Roderick A. MACDONALD, «Triangulating Social Law Reform», à paraître.
-
[4]
Voir Catherine LABRUSSE-RIOU, «La filiation en mal d’institution», (1996) 227 Esprit 91, 92.
-
[5]
Pierre LEGENDRE, «Analecta», dans Leçons IV, suite 2, Filiation – Fondement généalogique de la psychanalyse, Paris, Fayard, 1990, p. 187. Voir également Françoise HÉRITIER-AUGÉ, «De l’engendrement à la filiation. Approche anthropologique», (1989) 44 Topique – Revue Freudienne 173, 174.
-
[6]
Loi instituant l’union civile et établissant de nouvelles règles de filiation, L.Q. 2002, c. 6.
-
[7]
«Aucune institution du monde n’est biologiquement fondée : naturelle, elle serait alors nécessaire, et nécessaire, universelle. Mais il existe cependant en ce domaine des limites d’ordre biologique qui tiennent à l’ancrage dans le corps humain. La filiation en effet ne peut s’établir qu’en référence au masculin et au féminin, parce que ce sont des hommes et des femmes qui font des enfants dans une suite ininterrompue de générations» : Françoise HÉRITIER-AUGÉ, «De l’engendrement à la filiation. Approche anthropologique», (1989) 44 Topique – Revue Freudienne 173, 174.
-
[8]
Françoise HÉRITIER-AUGÉ, «De l’engendrement à la filiation. Approche anthropologique», (1989) 44 Topique – Revue Freudienne 173, 176. Voir également Irène THÉRY, «Pacs, sexualité et différence des sexes», (1999) 257 Esprit 139, 181.
-
[9]
C.c.Q., art. 523 : «La filiation tant paternelle que maternelle se prouve par l’acte de naissance, quelles que soient les circonstances de la naissance de l’enfant […]».
-
[10]
C.c.Q., art. 108, 109, 111 et suiv.
-
[11]
C.c.Q., art. 115 : «La déclaration de naissance énonce le nom attribué à l’enfant, son sexe, les lieu, date et heure de la naissance, le nom et le domicile des père et mère et du témoin, de même que le lien de parenté du déclarant avec l’enfant. Lorsque les parents sont de même sexe, ils sont désignés comme les mères ou les pères de l’enfant, selon le cas […]». Mes italiques.
-
[12]
Id.
-
[13]
Le Code civil prévoit essentiellement deux modes d’accès au registre de l’état civil. Toute personne peut obtenir un certificat de naissance d’une autre personne, sans condition. Ce certificat énoncera les noms, sexe, lieu et date de naissance de la personne concernée et, si elle est décédée, les lieu et date du décès. Il fera également mention, le cas échéant, du lieu et de la date du mariage ou de l’union civile, et du nom du conjoint. Les personnes mentionnées dans l’acte de naissance, de même que toute autre personne qui justifie de son intérêt, pourront quant à elles obtenir une copieintégrale de l’acte de naissance : C.c.Q., art. 145, 146 et 148. La notion d’«intérêt» n’étant pas définie dans le Code civil, le directeur de l’état civil doit donc évaluer, au cas par cas, les motifs invoqués au soutien des demandes de copie présentées par des personnes dont le nom ne figure pas à l’acte de naissance. Les professeurs Deleury et Goubau estiment, par exemple, qu’un membre de la famille voulant compléter des recherches généalogiques pourrait avoir l’intérêt requis: Édith DELEURY et Dominique GOUBAU, Le droit des personnes physiques, 3e éd., Cowansville, Éd. Yvon Blais, 2002, n° 374, p. 344, note 167.
-
[14]
C.c.Q., art. 577. Ce type d’adoption est connu sous le nom d’«adoption plénière»: Françoise-Romaine OUELLETTE, «Les usages contemporains de l’adoption», dans Agnès FINE (dir.), Adoptions : ethnologie des parentés choisies, Paris, Maison des sciences de l’homme, 1998, p. 155.
-
[15]
C.c.Q., art. 129, 132 et 149. Notons cependant que les empêchements au mariage entre l’adopté et sa famille d’origine demeurent applicables si tant est, évidemment, que les intéressés aient connaissance de leurs liens biologiques malgré la confidentialité du dossier d’adoption. Ainsi, l’enfant adopté ne pourra contracter mariage ni avec ses ascendants biologiques en ligne directe, ni avec ses frères ou soeurs biologiques : C.c.Q., art. 577 et Loi sur le mariage, L.C. 1990, ch. 46, art. 2. Sur les effets du jugement d’adoption, voir Alain ROY, «L’adoption en droit québécois : aspects civils et procéduraux», dans La Famille - Extraits du Répertoire de droit/Nouvelle série, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2000, p. 163, p. 201-203.
-
[16]
Tel est le cas, notamment, du droit français : Code civil français, art. 360 à 370-2. Pour un tableau identifiant les États européens permettant l’adoption simple, voir Isabelle LAMMERANT, «Tableaux comparatifs des législations européennes en matière d’adoption», dans Marie-Thérèse MEULDER-KLEIN (dir.), Adoption et formes alternatives d’accueil, Bruxelles, Éditions Story-Scienta, 1990, p. 217, aux pages 218-219.
-
[17]
Depuis plusieurs années, une personne célibataire peut donc adopter un enfant, et ce, quelle que soit son orientation sexuelle. Voir Alain ROY, «L’adoption en droit québécois : aspects civils et procéduraux», dans La Famille - Extraits du Répertoire de droit/Nouvelle série, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2000, p. 163, à la page 173.
-
[18]
En somme, l’article 546 C.c.Q. permet à toute personne, seule ou conjointement avec une autre personne, d’adopter un enfant. Un frère et une soeur pourraient-ils, sur la base de cet article, adopter conjointement un enfant? On pourrait peut-être le soutenir, mais telle n’est pas l’interprétation actuellement véhiculée par la doctrine et la jurisprudence. Puisque l’adoption vise à doter l’adopté d’un milieu familial de substitution, les «deux personnes» réfèrent, dans l’esprit des juristes, aux seuls conjoints. Par ailleurs, notons que, selon l’article 547 C.c.Q., l’adoptant doit avoir au moins 18 ans de plus que l’adopté, sauf si ce dernier est l’enfant de son conjoint ou si le tribunal n’en décide autrement, dans l’intérêt de l’adopté.
-
[19]
Voir Alain ROY, « Partenariat civil et couples de même sexe : La réponse du Québec », (2001) 35 Revue juridique Thémis 663, 685. Il semble que le Centre jeunesse Batshaw appliquait une interprétation différente, en reconnaissant la légalité d’une adoption conjointe par deux personnes de même sexe : Irène DEMCZUCK, Nicole PAQUETTE et Mona GREENBAUM, « Préambule. Légalité de la parentalité homosexuelle », dans ASSOCIATION CANADIENNE POUR LA SANTÉ MENTALE (Filiale de Montréal), Parentalité gaie et lesbienne : famille en marge? Actes du colloque des 1er et 2 mars 2001, Montréal, 2001, p. 55.
-
[20]
C.c.Q., art. 544, 551 et suiv. (en matière de consentement) et 559 suiv. (en matière de déclaration judiciaire). Notons que, en principe, l’enfant âgé de 10 ans ou plus doit également apporter son consentement à sa propre adoption : C.c.Q., art. 549. Pour de plus amples explications sur les conditions relatives à l’adoption et le processus d’ouverture du dossier d’adoption, voir Alain ROY, «L’adoption en droit québécois : aspects civils et procéduraux», dans La Famille - Extraits du Répertoire de droit/Nouvelle série, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2000, p. 163, à la page 175 et suiv.
-
[21]
C.c.Q., art. 544 et 551 et suiv.
-
[22]
C’est au Directeur de la protection de la jeunesse (DPJ) et aux membres de son personnel dûment autorisés qu’incombe la responsabilité de recevoir les consentements généraux : Loi sur la protection de la jeunesse, L.R.Q., c. P-34.1, (ci-après citée «L.P.J.»), art. 32(g). Le consentement général entraîne par ailleurs une délégation de l’autorité parentale en faveur du DPJ : C.c.Q., art. 556 et 72.1(c) de la L.P.J. Le DPJ pourra par la suite déléguer lui-même l'exercice de l'autorité parentale aux futurs adoptants, en vertu de l'article 72.1(e) de la L.P.J. En outre, selon l'article 199, al. 2 C.c.Q., «le directeur de la protection de la jeunesse est jusqu'à l'ordonnance de placement, tuteur légal de l'enfant [...] au sujet duquel un consentement général à l'adoption lui a été remis, excepté dans le cas où le tribunal a nommé un autre tuteur».
-
[23]
C.c.Q., art. 555. Plus formellement, l’article permet le consentement spécial en faveur de tout ascendant de l’enfant, d’un parent en ligne collatérale jusqu’au troisième degré ou du conjoint de cet ascendant ou parent.
-
[24]
Id.
-
[25]
C.c.Q., art. 579 C.c.Q.
-
[26]
Le parent avec qui un lien de filiation subsisterait pourrait-il donner un consentement spécial en faveur du conjoint de l’autre parent pour parfaire le processus d’adoption? Bien que les auteurs (et, semble-t-il, certains tribunaux inférieurs (voir à cet égard l’article de Michèle Rivet cité à la fin de cette note)) répondent affirmativement à cette question, on peut entretenir de sérieux doutes quant à la conformité d’une telle interprétation avec l’intention du législateur. À mon avis, l’article 555 C.c.Q. consacre le droit d’une personne de donner un consentement spécial à l’adoption de son enfant par son conjoint, mais non par le conjoint de l’autre parent. Dans ses commentaires sur l’article 555 C.c.Q., le ministre de la Justice n’évoque d’ailleurs que cette première hypothèse, sans envisager la seconde, ni même indirectement: Commentaires du ministre de la Justice, tome 1, Québec, Publications du Québec, 1993, p. 333. Par ailleurs, autoriser un parent à se délester privément de son lien de filiation en faveur du conjoint de l’autre (dans un contexte de recomposition familiale) ne risque-t-il pas de transformer l’enfant en monnaie d’échange? Dans le cadre d’une adoption intrafamiliale où l’intervention étatique est réduite au minimum, une telle perspective pourrait fort bien s’avérer contraire à l’intérêt de l’enfant (C.c.Q., art. 543). À l’appui d’une interprétation favorable au consentement donné par un parent en faveur du conjoint de l’autre parent, voir, notamment, Marie PRATTE, «Le nouveau Code civil du Québec : Quelques retouches en matière de filiation», dans Ernest CAPARROS, Mélanges Germain Brière, Montréal, Wilson & Lafleur, 1993, p. 283, à la page 302 et Renée JOYAL, «La filiation homoparentale, rupture symbolique et saut dans l’inconnu», dans Pierre-Claude LAFOND et Brigitte LEFEBVRE, (dir.), L’union civile : nouveaux modèles de conjugalité et de parentalité au 21e siècle, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2003, p. 307, à la page 308. Sur la sujet, voir aussi Michèle RIVET, «La vérité et la statut juridique de la personne», (1987) 18 Revue générale de droit 843, 852.
-
[27]
Tous les adoptants potentiels doivent faire l'objet d'une évaluation psychosociale destinée à déterminer s'ils sont en mesure d'assumer les responsabilités inhérentes à l'adoption d'un enfant. Si l'évaluation s'avère positive, leurs noms s'ajouteront à la liste des postulants tenue par les C.P.E.J. Dans la sélection des adoptants, «le respect de l'ordre chronologique d'inscription sur la liste est subordonné aux besoins et aux caractéristiques des enfants disponibles pour adoption et aux attentes des parents biologiques» : L.P.J., art. 72.3. Voir également DIRECTION DE L'ADAPTATION SOCIALE, L'adoption, un projet de vie - Cadre de référence en matière d'adoption au Québec, Québec, Ministère de la Santé et des Services sociaux, 1994, p. 19.
-
[28]
MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX, L’adoption : un projet de vie. Cadre de référence en matière d’adoption au Québec, Québec, Gouvernement du Québec, 1994, p. 36. Selon des données (non officielles) rapportées dans l’édition du 2 mars 2003 du Journal Le Soleil, environ 8 couples de même sexe auraient, depuis le 24 juin 2002, déposé une demande d’adoption : Claudette SAMSON, «Un geste d’amour, non de charité», Québec, Le Soleil, 2 mars 2003, p. A-1.
-
[29]
Alors que le nombre annuel d’adoptions était de 4 000 dans les années 60, seulement 312 adoptions ont eu lieu entre le 31 mars 1991 et le 31 mars 1992. À cette date, le nombre de couples et d’individus inscrits sur la liste d’attente s’élevait à 3 843 : Id., p. 69. Voir également p. 77.
-
[30]
La Banque-Mixte est composée de couples ou d'individus désireux d'adopter un enfant. À ce titre, ils sont inscrits comme postulants à l'adoption et acceptent de jouer le rôle de famille d'accueil auprès d'un enfant à risque élevé d'abandon et dont le projet de vie est l'adoption à court ou moyen terme. En effet, l’enfant en famille d’accueil pourrait bien devenir adoptable, par suite d’un consentement général des parents biologiques ou par déclaration judiciaire d’admissibilité à l’adoption. La famille d’accueil avec qui l’enfant aura peut-être développé des liens affectifs pourra, dans ce cas, proposer un projet d’adoption aux autorités. Voir les renseignements publiés sur la Banque-Mixte à www.quebecadoption.net.
-
[31]
Selon certaines sources, il n'existerait pas d'État qui accepte expressément que des enfants ressortissants du pays soient adoptés par des homosexuels. Voir les renseignements publiés sur le site de l’organisation «Homoparentalité», à www.cometes.net/hmprt/adopt.php.
-
[32]
Voir Antoine JACOB, La difficile adoption d'enfants étrangers par les homosexuels en Suède, Paris, Le Monde, 6 février 2003, en ligne à www.lemonde.fr/imprimer_article_ref/0,5987,3210--308085,00.html.
-
[33]
Voir C.c.Q., art. 538-542, tels qu’ils existaient jusqu’au 24 juin 2002.
-
[34]
Danielle JULIEN, Monique DUBÉ et Isabelle GAGNON, «Le développement des enfants de parents homosexuels comparé à celui des enfants de parents hétérosexuels», (1994) 15 Revue québécoise de psychologie 1, 3.
-
[35]
L.R.Q., c. C-12, art. 10 : «Toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge, sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la conditions sociale, le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap. Il y a discrimination lorsqu’une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruite ou de compromettre ce droit». Mes italiques.
-
[36]
Certains dénoncent fermement cette nouvelle orientation : Benoît MOORE, « Les enfants du nouveau siècle. Libres propos sur la réforme de la filiation », dans Développements récents en droit de la famille 2002, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2002, p. 75, à la page 86.
-
[37]
Selon l’article 538.1 C.c.Q., « [l]a filiation de l’enfant né d’une procréation assistée s’établit, comme une filiation par le sang, par l’acte de naissance. À défaut de ce titre, la possession d’état suffit; celle-ci s’établit par une réunion suffisante de faits qui indiquent le rapport de filiation entre l’enfant […] [et] la femme qui lui a donné naissance […] ».
-
[38]
C.c.Q., art. 525.
-
[39]
Cette présomption est toutefois écartée à l’égard de l’ex-conjointe lorsque l’enfant naît plus de trois cents jours de la fin de l’union, mais après l’union civile ou le mariage subséquent de la femme qui lui a donné naissance : C.c.Q., art. 538.3 al. 3.
-
[40]
C.c.Q., art. 540 a contrario. Voir Alain ROY, « Filiation homosexuelle. La conjointe de la mère doit-elle adopter l’enfant issu d’une procréation médicalement assistée? », (2003) 105 Revue du Notariat 119. À défaut de reconnaissance volontaire par la conjointe, une possession constante d’état pourrait suffire : C.c.Q., art. 538.1 et 524. Sur l’application de la possession d’état dans un contexte homoparental, voir Benoît MOORE, « Les enfants du nouveau siècle. Libres propos sur la réforme de la filiation », dans Développements récents en droit de la famille 2002, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2002, p. 75, aux pages 82-83. Si une possession d’état ne peut être invoquée, aucun lien de filiation ne sera établi entre l’enfant et la conjointe, malgré son consentement initial au projet parental. Cependant, la conjointe engagera sa responsabilité envers l’enfant et la mère de celui-ci : C.c.Q., art. 540.
-
[41]
C.c.Q., art. 538.2.
-
[42]
Si un préjudice grave risque d’être causé à la santé de l’enfant ou de ses descendants, le tribunal pourrait toutefois permettre la communication de données nominatives aux autorités médicales concernées : C.c.Q., art. 542.
-
[43]
C.c.Q., art. 538.2, al. 2.
-
[44]
Comme le précise l’article 538 C.c.Q., le projet parental réalisé au moyen d’une relation sexuelle pourrait également être celui d’une femme seule ou d’un couple hétérosexuel. Il serait toutefois surprenant, dans ce dernier cas, que le conjoint de la femme privilégie cette alternative au détriment d’une insémination artificielle…
-
[45]
C’est d’ailleurs pour refléter les deux options désormais disponibles que le législateur a modifié le titre qui chapeaute les dispositions pertinentes. Alors qu’il était autrefois question de «procréation médicalement assistée», le Code civil réfère maintenant à «la filiation des enfants nés d’une procréation assistée». Mes italiques.
-
[46]
Voir Journal des débats, Commission permanente des institutions, 15 mai 2002, en ligne à www.assnat.qc.ca/fra/Publications/debats/journal/ci.htm.
-
[47]
C.c.Q., art. 538.1.
-
[48]
C.c.Q., art. 538.3, 538.1, 540 et 524.
-
[49]
C.c.Q., art. 538.2 al. 2 : « […] Lorsque l’apport de forces génétiques se fait par relation sexuelle, un lien de filiation peut être établi, dans l’année qui suit la naissance, entre l’auteur de l’apport et l’enfant. Pendant cette période, le conjoint [ou la conjointe] de la mère qui a donné naissance à l’enfant ne peut, pour s’opposer à cette demande, invoquer une possession d’état conforme au titre ».
-
[50]
Suzanne PHILIPS-NOOTENS et Carmen LAVALLÉE, «De l’état inaliénable à l’instrumentalisation : la filiation en question», dans Pierre-Claude LAFOND et Brigitte LEFEBVRE, (dir.), L’union civile : nouveaux modèles de conjugalité et de parentalité au 21e siècle, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2003, p. 337, à la page 343.
-
[51]
En effet, le délai d’un an court à compter de la naissance, peu importe la connaissance qu’en a le géniteur. Cela dit, après l’expiration du délai d’un an, le géniteur pourrait prétendre à l’inapplicabilité du cadre juridique régissant la procréation assistée en prétendant qu’on ne l’a jamais avisé du projet parental en cause ou en démontrant l’inexistence d’un tel projet. S’il réussit dans sa démarche, le géniteur (devenu père en puissance) pourra réclamer la paternité de l’enfant au terme d’une action en revendication (ou en contestation/revendication si un lien de filiation préexiste avec la conjointe de la mère), laquelle est prescriptible par 30 ans (C.c.Q., art. 531, 532 et 536). Puisque le législateur n’a prévu aucune règle particulière quant à la preuve du projet parental et quant à l’assentiment du géniteur, d’importantes difficultés pourraient se poser. Toutefois, la preuve du projet parental (tel que défini à l’article 538 C.c.Q.) sera probablement facilitée du seul fait de l’homosexualité de la mère. On peut sans doute présumer que la relation sexuelle intervenue avec la personne de sexe masculin a véritablement eu lieu dans un but de procréation. Ainsi, si la mère réussit à démontrer que le géniteur connaissait cette réalité au moment de la relation sexuelle, le géniteur aura plus de difficultés à prouver qu’il ignorait la nature de sa contribution. Notons que certains considèrent que la connaissance, par le géniteur, de l’existence du projet parental d’autrui n’a aucune incidence sur l’application de l’article 538.2 al. 2 C.c.Q. Une telle interprétation me paraît non fondée, puisqu’elle équivaudrait à attribuer au législateur l’intention de cautionner une duperie, au détriment du géniteur. Au soutien de cette interprétation, voir Brigitte LEFEBVRE, «Projet de loi 84 : quelques considérations sur les nouvelles dispositions en matière de filiation et sur la notion de conjoint», (2002) 2 Cours de perfectionnement du Notariat 1, 11.
-
[52]
Évidemment, la mère ne pourrait, au nom de l’enfant, intenter une action en réclamation de paternité contre le géniteur. Admettre une telle hypothèse équivaudrait à reconnaître la possibilité d’un déni, par la mère, du projet parental qu’elle partageait avec sa conjointe. Par ailleurs, on ne peut croire à l’efficacité des dispositions sur la procréation «amicalement» assistée que si le géniteur demeure à l’abri de toute action en réclamation de paternité. Dans le même sens, voir Benoît MOORE, «Les enfants du nouveau siècle. Libres propos sur la réforme de la filiation», dans Développements récents en droit de la famille 2002, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2002, p. 75, à la page 92 et Suzanne PHILIPS-NOOTENS et Carmen LAVALLÉE, «De l’état inaliénable à l’instrumentalisation : La filiation en question», dans Pierre-Claude LAFOND et Brigitte LEFEBVRE, (dir.), L’union civile : nouveaux modèles de conjugalité et de parentalité au 21e siècle, Cowansville, Éditions Yvon Blais, p. 337, aux pages 343-344. Bien entendu, si la mère nie l’existence de tout projet parental et parvient à convaincre le tribunal de la justesse de ses prétentions, le cadre juridique de la procréation assistée ne sera pas applicable et le soi-disant géniteur pourrait devoir faire face à une action en revendication de paternité intentée par la mère au nom de l’enfant, selon les règles générales (C.c.Q., art. 532-536). Au sujet de la preuve du projet parental, voir supra, note 49.
-
[53]
Des questions qui s’ajoutent à celles, déjà très nombreuses, soulevés par la procréation médicalement assistée. Voir Louise VANDELAC, «La famille reconstituée par la biologie : des flous du droit au droit floué?», (1999) 33 Revue juridique Thémis 343.
-
[54]
L’accouchement de la mère sous X, processus admis en droit français, soulève la même question, puisqu’il prive l’enfant du droit d’agir en justice pour faire établir sa filiation maternelle. Voir Code civil français, art. 341-1. Voir également Catherine LABRUSSE-RIOU, «La filiation en mal d’institution», (1996) 227 Esprit 91, 102-103.
-
[55]
Notons que l'article 7 de la Convention relative aux droits de l'enfant reconnaît le droit d’un enfant de connaître ses parents : « L'enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d'acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux » : Voir Rés. AG 44/25, Doc. Off. AG NU, 44e sess., supp. n( 49, Doc. NU A/44/49 (1989) 167. Sur l’importance de ce droit, voir Pierre VERDIER, «Ce que l’adoption nous apprend à propos des enfants qui ne sont pas nés de la sexualité de leurs parents», dans Martine GROSS (dir.), Homoparentalités, état des lieux. Parentés et différence de sexe, Issy-les-Moulineaux, ESF, 2000, p. 33 et Geneviève DELAISI de PARSEVAL, «Qu’est-ce qu’un parent suffisamment bon?», dans Martine GROSS (dir.), Homoparentalités, état des lieux. Parentés et différence de sexe, Issy-les-Moulineaux, ESF, 2000, p. 207, à la page 212.
-
[56]
Pour une analyse de ces enjeux, voir, notamment, Benoît MOORE, «Les enfants du nouveau siècle. Libres propos sur la réforme de la filiation», dans Développements récents en droit de la famille (2002), Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2002, p. 75 et Suzanne PHILIPS-NOOTENS et Carmen LAVALLÉE, «De l’état inaliénable à l’instrumentalisation : La filiation en question», dans Pierre-Claude LAFOND et Brigitte LEFEBVRE, (dir.), L’union civile : nouveaux modèles de conjugalité et de parentalité au 21e siècle, Cowansville, Éditions Yvon Blais, p. 337.
-
[57]
Le droit lui-même a traditionnellement fait écho à cette perception. Qu’elle soit fondée sur la réalité biologique ou non, la filiation reconnue par le droit a toujours été compatible avec le modèle de la parenté généalogique. Ainsi, l’adoption se voulait jusqu’à tout récemment le reflet «fictif» de la réalité biologique, puisque les dispositions législatives la régissant étaient fondées sur le schème père-mère, du moins en principe. Comme l’écrivent Daniel Borrillo et al., «[l]a filiation sociale est en effet, à bien considérer chacune de ces lois, définie sur le modèle de la reproduction biologique : une filiation chassant l’autre, la loi imite la nature en confondant géniteur et parents» : Daniel BORRILLO, Éric FASSIN et Marcela IACUB (dir.), Au-delà du PaCS. L’expertise familiale à l’épreuve de l’homosexualité, Paris, P.U.F., 1999, p. 5.
-
[58]
Sylvia GALIPEAU, «Les enfants de l’homoparentalité», Montréal, La Presse, 27 février 2002, p. B-1.
-
[59]
En fait, l’avant-projet sur l’union civile – silencieux sur la question homoparentale – a été présenté par le ministre de la Justice le 7 décembre 2001. Des auditions portant sur l’avant projet ont eu lieu en commission parlementaire du 5 février au 21 février 2002. Le projet de loi réformant la filiation a quant à lui été formellement déposé le 25 avril 2002. Après de courtes consultations tenues du 15 au 23 mai 2002, le projet a été adopté par l’Assemblée nationale le 7 juin 2002, à l’unanimité. La loi est entrée en vigueur, pour l’essentiel, le 24 juin 2002.
-
[60]
http://www.assnat.qc.ca/fra/Publications/debats/journal/ci/020221.htm#_Toc5784870.
-
[61]
Voir, notamment, Danielle JULIEN, «Trois générations de recherches empiriques sur les mères lesbiennes, les pères gais et leurs enfants», dans Pierre-Claude LAFOND et Brigitte LEFEBVRE, (dir.), L’union civile : nouveaux modèles de conjugalité et de parentalité au 21e siècle, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2003, p. 359, particulièrement aux pages 365-367 (et les nombreuses analyses empiriques étrangères recensées par l’auteure en bibliographie); Danielle JULIEN, Monique DUBÉ et Isabelle GAGNON, «Le développement des enfants de parents homosexuels comparé à celui des enfants de parents hétérosexuels», (1994) 15 Revue québécoise de psychologie 1 et Monique DUBÉ et Danielle JULIEN, «Le développement des enfants de parents homosexuels : état des recherches et prospective», dans ASSOCIATION CANADIENNE POUR LA SANTÉ MENTALE (Filiale de Montréal), Parentalité gaie et lesbienne : famille en marge?, Actes du colloque des 1er et 2 mars 2001, Montréal, 2001, p. 39. Voir cependant les réserves «instinctives» exprimées par certains psychanalystes : Caroline ÉLIACHEFF, «Malaise dans la psychanalyse», (2001) 273 Esprit 62, 74-75 et Claude HALMOS, «L’adoption par des couples homosexuels : et l’enfant?», Psychologies, Paris, mai 1999, p. 26.
-
[62]
Voir Marie-France BUREAU, «L’union civile et les nouvelles règles de filiation : tout le monde à bord pour redéfinir la parentalité», dans Pierre-Claude LAFOND et Brigitte LEFEBVRE, (dir.), L’union civile : nouveaux modèles de conjugalité et de parentalité au 21e siècle, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2003, p. 385, à la page 386.
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[63]
Les dispositions relatives à l’autorité parentale se retrouvent aux articles 597 à 612 C.c.Q. La Cour d’appel du Québec a eu récemment l’occasion de rappeler que les dispositions actuelles du Code civil du Québec ne permettaient pas un tel partage : Droit de la famille 3444, [2000] R.J.Q.2533 (C.A.). Pour une opinion contraire, voir Ann ROBINSON, « Homoparentalité et pluriparentalité : d’une filiation juridique à une parentalité solidaire », dans ASSOCIATION CANADIENNE POUR LA SANTÉ MENTALE (Filiale de Montréal), Parentalité gaie et lesbienne : famille en marge? Actes de colloque des 1er et 2 mars 2001, Montréal, 2001, p. 73, à la page 79.
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[64]
J’emprunte l’expression au professeur Dominique Goubau : «Le caractère contraignant de l’obligation alimentaire des parents psychologiques», (1991) 51 Revue du Barreau 625.
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[65]
Telle était d’ailleurs la position défendue par le Barreau du Québec lors des auditions en commission parlementaire. Voir les propos du professeur Dominique Goubau, en ligne à http://www.assnat.qc.ca/fra/Publications/debats/journal/ci/020212.htm#_Toc4384989. Voir, dans le même sens, Benoît MOORE, « Les enfants du nouveau siècle. Libres propos sur la réforme de la filiation », dans Développements récents en droit de la famille 2002, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2002, p. 75, à la page 97 et suiv. Par ailleurs, notons que l’attribution judiciaire d’une autorité parentale au conjoint du parent existe en droit néo-écossais, sous le nom de « residence order » : Children and Law Family Services Act, S.N.S. 1990, c. 5, art. 79 et 106(9). Dans le même sens, le droit belge prévoit la «tutelle officieuse», institution par laquelle les parents peuvent consentir, sous contrôle judiciaire, à déléguer d’importants attributs de leur autorité parentale en faveur de tiers: Code civil belge, art. 475bis et suiv. Sur le sujet, voir Jehanne SOSSON, «Les aspects juridiques du droit belge en matière de formes alternatives d’accueil», dans Marie-Thérèse MEULDER-KLEIN (dir.), Adoption et formes alternatives d’accueil, Bruxelles, Éditions Story-Scienta, 1990, p.153, aux pages 155-160.
-
[66]
Évidemment, le partage d’autorité parentale, de même que l’institution d’une parentalité psychologique, se seraient avérés incompatibles avec l’adoption extra-familiale où, à l’origine, l’enfant n’est filialement lié à aucun des conjoints. Les procédures d’adoption sur consentement général ou déclaration judiciaire auraient donc dû être menées par un seul conjoint, quitte à ce que ce dernier consente par la suite au partage de l’autorité parentale en faveur de l’autre ou, à défaut, qu’un tribunal lui attribue une parentalité psychologique. Pour d’autres réflexions sur le sujet, voir Agnès FINE, «Pluriparentalités et systèmes de filiation dans les sociétés occidentales», dans Didier LE GALL et Yamina BETTAHAR (dir.), La pluriparentalité, Paris, P.U.F., 2001, p. 69, à la page 89.
-
[67]
Le législateur aurait pu rattacher des droits successoraux aux prérogatives parentales reconnues au conjoint de même sexe, de manière à permettre à l’enfant d’hériter ab intestat de ce dernier, et vice-versa.
-
[68]
Agnès FINE, «Vers une reconnaissance de la pluriparentalité», (2001) 273 Esprit 40, 52.
-
[69]
Selon l’article 601 C.c.Q., le titulaire de l’autorité parentale peut déléguer à tout tiers la garde, la surveillance ou l’éducation de l’enfant. C’est dans cette disposition que, par exemple, la gardienne d’enfant ou les établissements scolaires puisent leur autorité. Comme l’a précisé la Cour d’appel, la délégation ne peut toutefois être que temporaire et demeure susceptible de révocation unilatérale par le titulaire de l’autorité parentale : Droit de la famille-3444, [2000] R.J.Q. 2533 (C.A.).
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[70]
Ainsi, la tutelle, la garde et les droits d’accès sont autant d’attributs de l’autorité parentale qui peuvent être divisés entre plusieurs personnes : C.c.Q., art. 605.
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[71]
C.c.Q., art. 606 et suiv. Sur la question, voir généralement Agnès FINE, «Pluriparentalités et systèmes de filiation dans les sociétés occidentales», dans Didier LE GALL et Yamina BETTAHAR (dir.), La pluriparentalité, Paris, P.U.F., 2001, p. 69, à la page 89.
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[72]
Voir, notamment, les remarques finales du ministre de la Justice de l’époque, Monsieur Paul Bégin, à l’occasion des travaux en commission parlementaire : Journal des débats, Commission permanente des institutions, 15 mai 2002, en ligne à www.assnat.qc.ca/fra/Publications/debats/journal/ci/020221.htm.
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[73]
Il semble qu’aucun autre État que le Québec n’ait reconnu, à ce jour, l’établissement d’une filiation homoparentale autrement qu’à travers un processus d’adoption. En matière d’adoption, le premier précédent remonte au 24 mai 1995, date à laquelle la Cour provinciale de l’Ontario déclarait invalide (parce que contraire au droit à l’égalité consacré par l’article 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (1982), R.-U., c. 11]) la disposition de la loi ontarienne niant aux couples de même sexe le droit de présenter une demande d’adoption : Re K., (1995) 125 D.L.R. (4th) 653. À l’heure actuelle, l’adoption est accessible aux couples de même sexe dans d’autres provinces canadiennes et dans certains États étrangers, que ce soit aux termes de dispositions législatives ou de jugements prononcés par des tribunaux. Outre l’Ontario, tel est le cas de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan, de l’Alberta, de la Nouvelle-Écosse, des Territoires du Nord-Ouest, du Yukon et de l’État du Vermont. Pour un exposé sur le sujet, voir Michel MORIN, «La longue marche vers l’égalité des conjoints de même sexe», dans Pierre-Claude LAFOND et Brigitte LEFEBVRE, (dir.), L’union civile : nouveaux modèles de conjugalité et de parentalité au 21e siècle, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2003, p. 63, aux pages 82 à 85. En revanche, la Cour Européenne des droits de l’Homme a récemment refusé d’autoriser l’adoption d’un enfant par un couple de même sexe : Affaire Fretté c. France (Hudoc référence REF0000334). De même, la Belgique – qui vient tout juste d’autoriser le mariage gai – a, par la même occasion, fermé la porte de l’adoption aux couples de même sexe: Loi ouvrant le mariage à des personnes de même sexe et modifiant certaines dispositions du Code civil (adoptée le 30 janvier 2003, publiée le 28 février 2003 et entrée en vigueur le 1er juin 2003), art. 14, en ligne à www.moniteur.be/index_fr.htm.
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[74]
Isabelle LAMMERANT, L’adoption et les droits de l’Homme en droit comparé, Bruylant, Bruxelles et L.G.D.J., Paris, 2001, no 573, p. 553. Tel est aussi le cas de l’adoption simple du droit français (Code civil français, art. 362). Comme l’écrit le professeur Patrick Courbe, « [l]e jugement qui prononce l’adoption simple n’est pas obligatoirement transcrit sur les registres de l’état civil. Une mention de l’adoption en marge de l’acte de naissance de l’adopté suffit [...]. Son acte de naissance originaire est toujours valable. Solution qui s’explique par le fait que l’adopté garde tous ses liens avec sa famille d’origine» : Droit de la famille, 2e éd., Paris, Armand Colin, 2001, p. 388, n( 995. Voir supra.
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[75]
Comme l’expliquent les professeurs Philips-Nootens et Lavallée, l’adoption néerlandaise constitue en premier lieu un mécanisme de protection de l’enfant, elle est conçue comme un simple transfert des droits parentaux avant que d’être un mécanisme d’établissement de la filiation» : Suzanne PHILIPS-NOOTENS et Carmen LAVALLÉE, «De l’état inaliénable à l’instrumentalisation : La filiation en question», dans Pierre-Claude LAFOND et Brigitte LEFEBVRE, (dir.), L’union civile : nouveaux modèles de conjugalité et de parentalité au 21e siècle, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2003, p. 337, à la page 357.
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[76]
En vertu de ce modèle, conceptualisé par l’anthropologue québécoise Françoise-Romaine Ouellette, «[…] chaque individu est issu de deux autres individus d’une génération ascendante et de sexe différent qui l’auraient en principe conjointement engendrée, ses père et mère» : Françoise-Romaine OUELLETTE, «Les usages contemporains de l’adoption», dans Agnès FINE (dir.), Adoptions : ethnologie des parentés choisies, Paris, Maison des sciences de l’homme, 1998, p. 153, aux pages 156-157. Pour un exposé sur les autres modèles de parenté qui ont pu exister dans certaines sociétés, voir Anne CADORET, «La filiation des anthropologues face à l’homoparentalité», dans Daniel BORRILLO, Éric FASSIN et Marcela IACUB (dir.), Au-delà du PaCS. L’expertise familiale à l’épreuve de l’homosexualité, Paris, P.U.F., 1999, p. 205.
-
[77]
Évidemment, il faut demeurer conscient qu’en matière de régulation sociale, l’objectivité ne sera jamais que relative. Commentant cette réalité, Danièle Loschak observe : « […] derrière les calculs prétendument objectifs se dissimulent des systèmes d’évaluation qui restent fondamentalement normatifs et n’échappent pas à l’emprise des valeurs dominantes» : «Droit, normalité et normalisation», dans Le droit en procès, Paris, P.U.F., 1983, p. 52, à la page 75. Cela étant, certains se commettent dès aujourd’hui à préjuger des conséquences d’une filiation homoparentale sur l’enfant. Pour un préjugé hautement favorable, voir Marie-France BUREAU, «L’union civile et les nouvelles règles de filiation au Québec : contrepoint discordant ou éloge de la parenté désirée», p. 6 disponible en ligne à l’adresse suivante: http://www.chairedunotariat.qc.ca/fr/conferences/uciv/bureau2002.pdf . Pour un préjugé défavorable, voir Suzanne PHILIPS-NOOTENS et Carmen LAVALLÉE, «De l’état inaliénable à l’instrumentalisation : la filiation en question», dans Pierre-Claude LAFOND et Brigitte LEFEBVRE, (dir.), L’union civile : nouveaux modèles de conjugalité et de parentalité au 21e siècle, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2003, p. 337 et Catherine LABRUSSE-RIOU, «La filiation en mal d’institution», (1996) 227 Esprit 91, 93 et 105-106. Sur le sujet, voir également les propos de la psychanalyste Caroline ÉLIACHEFF dans «Malaise dans la psychanalyse», (2001) 273 Esprit 62, 76.
-
[78]
Il est intéressant de noter que certains couples de même sexe se rallieraient eux-mêmes au principe voulant qu’un enfant puisse n’avoir qu’une seule mère et qu’un seul père. Ainsi, l’ethnologue Anne Cadoret écrit : « La famille homosexuelle, quelle que soit la forme d’entrée dans la parenté choisie, doit décider des termes d’appellation de chacun des membres du couple; très peu demandent à être tous(tes) les deux appelé(e)s «Maman» ou «Papa». Dans les appellations de parenté, on note donc un respect implicite de la règle fondamentale de notre système terminologique où ces termes de «Maman» et «Papa» restent uniques, parfaitement descriptifs, parce qu’on n’est engendré que par une seule femme et un seul homme. Mais ce qui est intéressant, c’est qu’une autre appellation de parenté est souvent recherchée; soit les parents choisissent d’être appelés de la même manière, voulant ainsi uniformiser et consolider leurs rôle et statut de parenté; les parents seront ainsi tous les deux appelés «Maman» ou «Papa», suivi du prénom, «Maman Marie» par exemple, soit encore, un des membres du couple, celui qui est le parent légal (et aussi biologique lors de l’insémination) est appelé «normalement» «Maman» ou «Papa»; et la ou le partenaire est appelé(e) par un autre terme de parenté comme «tante»/«oncle», «marraine»/«parrain» ou encore «Maman Marie», «Papa Paul»…»: Anne CADORET, «Figures d’homoparentalité», dans Martine GROSS (dir.), Homoparentalités, état des lieux. Parentés et différence de sexe, Issy-les-Moulineaux, ESF, 2000, p. 169, à la page 172. À l’inverse, il semble que les enfants vivant dans une famille homoparentale savent très bien différencier parent et beau-parent : «Le second parent de même sexe – le compagnon ou la compagne – n’est pas perçu comme un parent de substitution au parent de l’autre sexe, que celui-ci existe ou non. La différence de sexe ou de genre limite cette possibilité d’autant plus que le besoin pour l’enfant d’avoir des référents des deux genres est reconnu par tous. Ce compagnon ou cette compagne ne joue donc pas, au moins au niveau explicite, le rôle de la mère ou du père non présent […] Cette personne peut être assimilée à quelqu’un appartenant à la catégorie de la parenté spirituelle, un parrain ou une marraine qui prend le relais des parents, non pas à titre exceptionnel (par exemple en cas de disparition des parents), mais à titre permanent» : François DE SINGLY et Virginie DESCOUTURES, «La vie en famille homoparentale», dans Martine GROSS (dir.), Homoparentalités, état des lieux. Parentés et différence de sexe, Issy-les-Moulineaux, ESF, 2000, p. 193, aux pages 202 et 203. Voir cependant les observations de A. Brewaeys et al. : «Insémination artificielle. Le fonctionnement familial et le développement des enfants dans des familles de mères lesbiennes», dans Martine GROSS (dir.), Homoparentalités, état des lieux. Parentés et différence de sexe, Issy-les-Moulineaux, ESF, 2000, p. 230, aux pages 233 et 235.
-
[79]
Voir Irène THÉRY, «Le contrat d’union sociale en question», (1997) 236 Esprit 159, 179-182.
-
[80]
Voir Élizabeth Roudinesco, La famille en désordre, Paris, Fayard, 2002.
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[81]
Anticipant l’accroissement constant des demandes d’adoption présentées par les couples de même sexe, l’anthropologue québécoise Françoise Romaine Ouellette écrivait, en 1996 : «[l]’enfant adopté par deux personnes de même sexe […] serait […] délibérément marginalisé par rapport à un système de filiation que l’on peut considérer comme un bien symbolique commun. […] [s]i un jour le législateur permet à deux personnes de même sexe d’adopter conjointement un enfant, le sens de l’adoption – et, avec elle, du lien parent-enfant, s’en trouvera nécessairement altéré» : Françoise-Romaine OUELLETTE, «Les usages contemporains de l’adoption», dans Agnès FINE (dir.), Adoptions : ethnologie des parentés choisies, Paris, Maison des sciences de l’homme, 1998, p. 153, à la page 168. D’autres classent plutôt l’adoption homoparentale au rang des «innovations» que pourraient justifier les changements qu’a connu le «contenu de l’adoption» au cours de l’histoire : Agnès FINE, «Adoption, filiation, différence des sexes», dans Martine GROSS (dir.), Homoparentalités, état des lieux. Parentés et différence de sexe, Issy-les-Moulineaux, ESF, 2000, p. 73, à la page 85. Pour une synthèse du débat anthropologique que soulève la conjugalité homosexuelle et la filiation homoparentale : Éric FASSIN, «La voix de l’expertise et les silences de la science dans le débat démocratique», dans Daniel BORRILLO, Éric FASSIN et Marcela IACUB (dir.), Au-delà du PaCS. L’expertise familiale à l’épreuve de l’homosexualité, Paris, P.U.F., 1999, p. 89.
-
[82]
Voir François DAGOGNET, «La famille sans la nature : une politique de la morale contre le moralisme», dans Daniel BORRILLO, Éric FASSIN et Marcela IACUB (dir.), Au-delà du PaCS. L’expertise familiale à l’épreuve de l’homosexualité, Paris, P.U.F., 1999, p. 79.
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[83]
Certains prennent appui sur le système juridique de l’adoption simple pour plaider en faveur de la filiation homoparentale. Ainsi, Pierre Verdier écrit : «Peut-on avoir deux pères et deux mères? La question ne se pose pas, puisque, de fait, certains enfants ont plusieurs pères et mères. Par hypothèse, tout ce qui existe est possible. Le droit le prévoit d’ailleurs dans le système de l’adoption simple où un enfant peut avoir légalement avoir deux pères et deux mères, l’adoption simple étant une nouvelle filiation qui s’ajoute à la filiation d’origine» : Pierre VERDIER, «Ce que l’adoption nous apprend à propos des enfants qui ne sont pas nés de la sexualité de leurs parents», dans Martine GROSS (dir.), Homoparentalités, état des lieux. Parentés et différence de sexe, Issy-les-Moulineaux, ESF, 2000, p. 33, à la page 38. D’autres encore évoquent l’admissibilité légale d’une adoption par un célibataire pour appuyer leurs prétentions. Le droit, observent-ils, cautionne donc des dérogations au schème biologique : «[…] notre société accepte que des individus célibataires adoptent (ce qui veut dire explicitement que, pour la loi, l’enfant n’a pas besoin d’une mère et d’un père présents) […]» : Geneviève DELAISI de PARSEVAL, «Qu’est-ce qu’un parent suffisamment bon?», dans Martine GROSS (dir.), Homoparentalités, état des lieux. Parentés et différence de sexe, Issy-les-Moulineaux, ESF, 2000, p. 207, à la page 208. Sur la rationalité juridique du mariage gai et, plus accessoirement, de la filiation homoparentale, voir également Daniel BORRILLO, «Fantasmes des juristes vs Ratio juris : la doxa des privatistes sur l’union entre personnes de même sexe», dans Daniel BORRILLO, Éric FASSIN et Marcela IACUB (dir.), Au-delà du PaCS. L’expertise familiale à l’épreuve de l’homosexualité, Paris, P.U.F., 1999, p. 161.
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[84]
Une attente pendant laquelle les représentations culturelles de la filiation auraient sans doute évolué, sous l’impulsion des vents de changements sociaux et juridiques qui, ces dernières années, ont propulsé la conjugalité homosexuelle et l’homoparentalité à l’avant-scène. Dans cette perspective, on peut penser que la prégnance du modèle de parenté généalogique sur lequel notre système de filiation est fondé se relativisera avec les années et que d’autres modèles de filiation s’en trouveront légitimés, y compris la filiation homoparentale. Ainsi, comme l’affirme Marie-Élizabeth Handman, « […] ce qui semble relever de la nature dans notre société relève uniquement de la culture. A quoi on m’objectera que, même si les cultures sont d’une grande diversité, la nôtre est la nôtre et que l’on ne saurait impunément en saper les fondements. Or il est non moins évident, au vu des évolutions historiques, que les fondements pris pour naturels de chaque culture évoluent sous des pressions d’ordre divers et que les cultures ne sont en rien figées» : «Sexualité et famille : approche anthropologique», dans Daniel BORRILLO, Éric FASSIN et Marcela IACUB (dir.), Au-delà du PaCS. L’expertise familiale à l’épreuve de l’homosexualité, Paris, P.U.F., 1999, p. 245, à la page 259. Voir cependant Françoise HÉRITIER-AUGÉ, «De l’engendrement à la filiation. Approche anthropologique», (1989) 44 Topique – Revue Freudienne 173, 174.
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[85]
Selon la présidente de la Coalition québécoise pour la reconnaissance des conjoints et conjointes de même sexe, Mme Irène Demczuck, « […] plus de neuf enfants sur 10 qui ont un parent homosexuel en ce moment sont nés d'unions hétérosexuelles antérieures […] » : Journal des débats, Commission permanente des institutions, 5 février 2003, en ligne à http://www.assnat.qc.ca/fra/Publications/debats/journal/ci/020205.htm.
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[86]
Voir Supra.
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[87]
Benoît MOORE, « Les enfants du nouveau siècle. Libres propos sur la réforme de la filiation», dans Développements récents en droit de la famille 2002, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2002, p. 75, p. 98 et suiv. et Suzanne PHILIPS-NOOTENS et Carmen LAVALLÉE, «De l’état inaliénable à l’instrumentalisation : La filiation en question», dans Pierre-Claude LAFOND et Brigitte LEFEBVRE, (dir.), L’union civile : nouveaux modèles de conjugalité et de parentalité au 21e siècle, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2003, p. 337, aux pages 348-349.
-
[88]
Commentant le droit français, comparable (avec quelques variantes) au droit québécois sur ce point, la sociologue Irène Théry dénonce ce vide en ces termes : « Alors même qu’il vit quotidiennement avec l’enfant, participe à sa prise en charge et son éducation, le beau parent ne dispose d’aucun droit ni devoir d’autorité parentale […]. La non reconnaissance par le droit civil d’une responsabilité alors qu’elle est exercée en fait […] est dommageable. » : Irène THÉRY, Couples, filiation et parenté aujourd’hui – Le droit face aux mutations de la famille et de la vie privée, Rapport à la ministre de l’Emploi et de la Solidarité et au garde des Sceaux, ministre de la Justice, Paris, Éditions Odile Jacob, 1998, p. 215. Il faut toutefois mentionner que la relation d’un enfant et du conjoint de son parent est considérée dans plusieurs lois à caractère social. En permettant à l’enfant d’obtenir différents bénéfices sociaux, ces lois traduisent plus ou moins directement la relation d’interdépendance entre les protagonistes. Voir, notamment, la Loi sur le régime des rentes du Québec, L.R.Q., c. R-9, art. 86, al. 1b) qui intègre le beau-fils ou la belle-fille aux personnes susceptibles de bénéficier d’une prestation. Pour un exposé sur le sujet, voir Claire BERNARD, «Le statut juridique de la famille recomposée et l’intérêt de l’enfant», (1999) 33 Revue Juridique Thémis 343, 355 et suiv.
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[89]
Loi sur le divorce, L.R.C., 1985, c. 3 (2e suppl.), art. 2(2). Comme la Cour suprême l’a écrit en 1998 : « L'interprétation la plus favorable à l'intérêt des enfants est celle qui veut que lorsque des personnes se comportent comme des parents à leur égard, les enfants peuvent s'attendre à ce que ce lien subsiste et que ces personnes continuent à se comporter comme des parents » : Chartier c. Chartier, [1999] 1 R.C.S. 242, 258.
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[90]
Quelques jugements ont confirmé cette absence de relation juridique. Voir, notamment, V.A. c. S.F., [2001] R.J.Q. 36, (C.A.); Droit de la famille-2347, [1996] R.D.F. 129 (C.S.); Droit de la famille1860, [1993] R.D.F. 598 (C.S.). Voir cependant Droit de la famille-3687, [2000] R.D.F. 505 (C.S.) où le tribunal semble, au contraire, reconnaître la potentialité juridique d’une telle relation en droit québécois. Contrairement au Québec, la quasi-totalité des autres provinces canadiennes attribuent des obligations et des droits parentaux au conjoint de fait à l’occasion de la rupture conjugale. Voir Colombie-Britannique: Family Relations Act, R.S.B.C. 1996, c. 128, art. 1 et 88; Ile-du-Prince-Édouard: Family Law Act, 1995 S.P.E.I., c. F-2.1, art. 1(1)(e) et 31.1(1); Manitoba : Family Maintenance Act, R.S.M. c. F-20, art. 1 et 36(1); Nouveau-Brunswick: Family Services Act, S.N.B. c. F-2.2, art. 1 et 113; Nouvelle-Écosse: Maintenance and Custody Act, R.S.N.S. 1989, c. 160, art. 8; Ontario: Family Law Act, R.S.O. 1990, c. F.3, art. 1 et 31(1); Saskatchewan: The Family Maintenance Act, S.S. 1997, c. F-6.2, art. 2 et 3(1) et Terre-Neuve: Family Law Act, R.S.N. 1990, c. F-2, art. 2(1)(d) et 37.
-
[91]
Ainsi, le tribunal conserve toute discrétion pour octroyer la garde de l’enfant ou des droits d’accès à toute personne autre que le parent de l’enfant (y compris le conjoint), s’il estime que l’intérêt de l’enfant le justifie : C.c.Q., art. 33, 605 et 606. La Cour suprême a d’ailleurs confirmé ce principe en 1987 dans l’affaire G.C. c. T.V.-F., [1987] 2 R.C.S. 244. En pratique cependant, il semble que les tribunaux n’attribuent qu’exceptionnellement la garde ou des droits d’accès à d’ex-conjoints de fait. Voir Michel TÉTRAULT, «L’enfant et les droits d’accès du parent psychologique», dans Développements récents sur l’union de fait (2000), Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2000, p. 51, à la page 55, de même que les décisions recensées par l’auteur aux pages 57 et suiv.
-
[92]
Mes italiques. L.R.Q., c. C-12.
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[93]
On aura reconnu ici l’une des quatre fonctions du droit dégagées par Vincenzo Ferrari, soit le « […] (net drive(, c’est-à-dire le pouvoir [du droit] d’orienter globalement une société vers des buts utilitaires» : «Fonction du droit», dans André-Jean ARNAUD et al., Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, 2e éd., Paris, L.G.D.J. et É. Story-Scienta-éditions juridiques et fiscales, 1993, p. 267. Ainsi, comme l’explique longuement Jacques Chevallier, « [l]e droit est aussi un discours imprégné des valeurs fondamentales qui assurent la cohésion du groupe social et transcrivant [sic] les déterminations élémentaires qui sont au coeur de l’ordre social : dans la norme juridique se profile une certaine conception de la (normalité(, pétrie des représentations sociales dominantes. Or, le droit est un vecteur privilégié de diffusion et d’inculcation de ces valeurs et de ces normes, dans la mesure où la conjugaison de la systématicité et de la force persuasive confèrent à son discours une singulière puissance persuasive, en la parant du privilège de l’incontestabilité; les représentations qu’il véhicule bénéficient en effet par projection tout à la fois de l’aura de « rationalité » qui nimbe l’ordre juridique entier et de l’ « autorité » qui s’attache à ses énoncés : la force obligatoire n’est pas limitée au dispositif instrumental, elle s’étend aux valeurs qui en sont le soubassement. Parallèlement à son contenu explicite, le texte juridique impose par voie d’autorité un ensemble de croyances, dont la certitude ne saurait être mise en doute : il suffit qu’elles soient enchâssées dans la loi pour devenir incontestables et sacrées» : «L’ordre juridique», dans Le droit en procès, Paris, P.U.F., 1984, p. 7, à la page 29. Sur l’effet « pédagogique » ou « éducatif » de la loi, voir également Jean CARBONNIER, Flexible droit. Pour une sociologie du droit sans rigueur, 10e éd., Paris, L.G.D.J., 2001, p. 155 et suiv.
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[94]
Ce faisant, l’État a marqué de manière formelle l’entrée des couples de même sexe au sein de ce que Jacques Commaille et Claude Martin appellent le «régime de citoyenneté»: «Les conditions d’une démocratisation de la vie privée», dans Daniel BORRILLO, Éric FASSIN et Marcela IACUB (dir.), Au-delà du PaCS. L’expertise familiale à l’épreuve de l’homosexualité, Paris, P.U.F., 1999, p. 61, aux pages 75-58.
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[95]
Pour une analyse des valeurs sous-jacentes aux aspirations des gais et lesbiennes, voir Andrée LAJOIE, Quand les minorités font la loi, Paris, P.U.F., 2002, p. 34 et suiv.
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[96]
Pour une perspective similaire, voir Suzanne PHILIPS-NOOTENS et Carmen LAVALLÉE, «De l’état inaliénable à l’instrumentalisation : La filiation en question», dans Pierre-Claude LAFOND et Brigitte LEFEBVRE, (dir.), L’union civile : nouveaux modèles de conjugalité et de parentalité au 21e siècle, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2003, p. 337, à la page 353.
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[97]
Il faut ainsi se réjouir du récent dépôt, par le ministre de la Justice du Canada, d’un avant-projet de loi élargissant les conditions d’accessibilité du mariage civil au bénéfice des couples de même sexe: «Le mariage est, sur le plan civil, l'union légitime de deux personnes, à l'exclusion de toute autre personne». Cet avant-projet fait actuellement l’objet d’un renvoi devant la Cour suprême du Canada : Voir MINISTÈRE DE LA JUSTICE DU CANADA, Le ministre de la Justice annonce un renvoi devant la Cour suprême du Canada, Communiqué, Ottawa, 17 juillet 2003. Selon toute vraisemblance, l’avant-projet fédéral fait suite aux décisions de certains tribunaux canadiens ayant déclaré, au cours des derniers mois, l’exclusion des couples de même sexe de la définition du mariage civil contraire au droit à l’égalité garanti par l’article 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés (partie I de la Loi constitutionnelle de 1982) [annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (1982), R.-U., c. 11]). Voir Hendrick c. P.G., J.E. 2002-1742 (C.S.) (Québec); Halpern c. Canada attorney general, (2003) C.A.O. Docket: C39172 et C39174 (Ontario) et Egale Canada inc. c. Canada(Attorney General of), 2003 B.C.J. No. 994 (Colombie-Britannique).
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Certains ne partagent manifestement pas cette perspective. Ainsi, Éric Dubreuil écrit : « Le désir d’enfant n’est pas moins fort chez un homosexuel que chez un hétérosexuel. De ce fait, l’homosexuel doit avoir les mêmes droits qu’un hétérosexuel par rapport à cela […] un homosexuel doit pouvoir se marier s’il le veut et avoir le droit d’avoir des enfants s’il le désire » : Des parents du même sexe, Paris, Odile Jacob, 1998, p. 80 (cité dans Claude HALMOS, «L’adoption par des couples homosexuels : et l’enfant?», Psychologies, Paris, mai 1999, p. 28).
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« […] les questions du mariage et de la filiation sont posées au moment même où les réponses ne sont plus données de manière transcendante. Il convient donc de les produire : ce sont bien des choix politiques. Loin d’être soustraite au débat démocratique, la définition du mariage et de la filiation y est désormais immanente» : Éric FASSIN, «La voix de l’expertise et les silences de la science dans le débat démocratique», dans Daniel BORRILLO, Éric FASSIN et Marcela IACUB (dir.), Au-delà du PaCS. L’expertise familiale à l’épreuve de l’homosexualité, Paris, P.U.F., 1999, p. 89, à la page 92.