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Au-delà de son sens premier universel et communément admis, la notion d’orphelinat nécessite quelques précisions. Tout le monde sait, ou croit savoir, ce qu’est un orphelinat : un établissement où l’on élève des orphelins, aux termes du dictionnaire. Toutefois, sans être erronée, cette définition demeure très incomplète, au Québec comme en France. D’après nos recherches (Peter, 2009) et selon une formulation synthétique, un orphelinat est un établissement confessionnel privé, recueillant et éduquant des enfants en situation familiale malheureuse. C’est donc une oeuvre mixte, à la fois hospitalière et scolaire, qui tient le juste milieu entre l’hospice et l’école. Deux ambivalences viennent cependant obscurcir les contours de l’institution : en premier lieu, il y a paradoxalement très peu d’orphelins dans les orphelinats; en second lieu, il y a très peu d’orphelinats entièrement gratuits. Ces structures abordent la définition de l’orphelin dans sa portée la plus large, où l’absence parentale n’est pas due qu’à la mort. Leur population se compose pour l’essentiel d’enfants délaissés, soit après le décès d’un parent, soit après une insuffisance morale ou matérielle des parents. La plupart de ces « orphelins » paient une pension, souvent dérisoire ou adaptée aux ressources parentales, mais cette rétribution complique la distinction entre les établissements charitables (orphelinats) et les établissements enseignants (pensionnats).

Étroitement lié à la société industrielle, le temps des orphelinats s’ouvre avec le deuxième quart du XIXe siècle, autour de 1825, et s’achève avec le deuxième quart du XXe siècle, autour de 1975. L’imprécision qui caractérise le début et la fin de cette période s’explique par la dimension locale de l’initiative charitable. De part et d’autre de l’Atlantique, le mouvement des orphelinats concorde avec le renouveau religieux qui caractérise le XIXe siècle. L’aggravation de la pauvreté, causée par l’industrialisation, provoque un ajustement des actions sociales catholiques et protestantes. Par exemple, les autorités ecclésiastiques vont favoriser l’implantation congréganiste pour assurer le service des hôpitaux et des écoles. Que ce soit en France ou au Québec, les communautés religieuses domineront largement la direction des orphelinats, mais les premières institutions de ce type seront d’origine protestante[1]. Des phénomènes plus conjoncturels, réactions aux faits ou au droit, peuvent expliquer le développement des orphelinats. Sur le plan factuel, les épidémies, les guerres, les crises économiques et sociales suscitent les démarches caritatives en faveur de l’enfance. Ainsi, certains établissements apparaissent-ils au Canada et en France, peu après 1830, en réponse à la pandémie de choléra[2]. L’épidémie de typhus, qui sévit dans les années 1846-1847 au sein de la communauté irlandaise de Montréal, engendre de même la création d’orphelinats[3]. En Europe, quelques asiles naissent de la guerre franco-allemande de 1870[4]. Au Québec, la Grande dépression des années trente génère une vague sensible de fondations, mais aussi une augmentation des admissions. Sur le plan juridique, il existe une corrélation très nette entre les orphelinats et la législation. En France, il s’agit d’un lien indirect, puisque ces institutions apparaissent à la suite des resserrements opérés dans le service public de l’enfance assistée sous la Restauration (1815-1830). L’administration royale adopte une définition plus précise des populations à secourir; les orphelinats fleurissent sous la monarchie de Juillet (1830-1848) pour prendre en charge les enfants exclus de la définition légale. Au Québec, il s’agit d’un lien plus direct, puisque beaucoup d’orphelinats sont créés dans le sillage de textes phares, comme la Loi des écoles d’industrie en 1869 et, dans une plus large mesure, la Loi de l’assistance publique en 1921.

La part française de cet article provient pour l’essentiel de notre thèse, qui s’intéresse au régime juridique des orphelinats (Peter, 2009). L’intérêt réside dans le vide juridique et scientifique qui entoure longtemps ces structures. L’institution semble hors du droit, elle n’a pas de régime juridique propre, mais emprunte à d’autres ses composantes (associations, fondations, congrégations). L’assemblage hétéroclite ainsi obtenu forme un cadre réglementaire par défaut. Cette situation appelle deux remarques : d’abord, les matériaux nécessaires à la construction juridique des orphelinats n’ont pas eux-mêmes de statut légal; ensuite, ces matériaux contiennent par nature une marque régalienne. L’étude d’une telle oeuvre prend donc tout son sens au regard de l’État. Le sujet ne s’anime d’un véritable intérêt historique et juridique qu’avec l’avènement de la Troisième République. À partir de 1880, la tolérance à l’égard de l’oeuvre charitable des congrégations cède la place à une méfiance totale envers leur oeuvre enseignante. L’affrontement idéologique entre l’Église et l’État s’empare du thème des orphelinats en insistant sur la question de l’éducation en internat. Tandis que les méthodes de l’assistance publique évoluent, les orphelinats gardent intacte cette spécificité de l’enfermement. Le décalage se traduit par un renforcement du poids de l’État.

La possibilité d’étendre notre étude au Québec nous est apparue à travers les vicissitudes d’une congrégation religieuse spécialisée dans l’oeuvre des orphelinats agricoles. Expulsés de France au début du XXe siècle par la République anticléricale (Laperrière, 1999; Cabanel et Durand, 2005), les Frères-Ouvriers de Saint-François-Régis s’installent sur les bords du lac Saint-Jean en 1903, pour y fonder un orphelinat peu de temps après. La part québécoise de cet article correspond aux recherches effectuées dans le cadre d’un stage postdoctoral subventionné par le Centre de recherche sur l’adaptation des jeunes et des familles à risque (JEFAR) de l’Université Laval.

La présente étude forme donc une synthèse géographique de nos recherches sur l’histoire du droit des orphelinats. Notre approche s’inspire d’un graphique, dont l’axe des abscisses représente une dimension géographique (le parallèle entre la France et le Québec) et l’axe des ordonnées symbolise une dimension juridique (le rapport entre l’action publique et l’initiative privée). Les différences entre le Québec et la France en matière d’orphelinats découlent de l’organisation générale de l’assistance à l’enfance dans ces deux États. En France, les orphelinats du secteur privé se définissent par opposition au service public de l’enfance assistée. Au Québec, en l’absence de service public, l’assistance à l’enfance relève entièrement du secteur privé, dominé par l’Église et ses communautés religieuses, avec l’appui financier du gouvernement provincial. Une nouvelle fois, nous choisissons donc de considérer l’histoire des orphelinats à travers leur rapport avec l’État afin de mettre en lumière les spécificités françaises et québécoises. Il s’agit d’observer ces diverses nuances sous deux angles différents mais progressifs : un point de vue extérieur permettra d’envisager la visibilité des orphelinats (1), un point de vue intérieur permettra de détailler leurs activités (2).

1. Considérations sur la visibilité des orphelinats

L’ambivalence des orphelinats, qui n’accueillent pas de véritables orphelins, pose la question de leur visibilité dans le paysage institutionnel. Les orphelinats français et québécois procèdent au XIXe siècle d’une charité spontanée difficile à cerner. Toutefois, leurs destinées se séparent au début du siècle suivant : tandis que les premiers subissent un coup d’arrêt avec l’anticléricalisme républicain et adoptent une posture de discrétion, les seconds se développent avec la Loi de l’assistance publique qui permet leur reconnaissance et leur financement.

Il convient ici de dissocier les aspects abstraits ou intellectuels des aspects concrets ou matériels. Certes, un orphelinat se définit avant tout comme un établissement hospitalier appartenant au patrimoine immobilier (1.2), mais c’est aussi un sujet d’étude relevant du patrimoine scientifique (1.1).

1.1. Les mots ou le patrimoine scientifique

L’historiographie des orphelinats, essentiellement alimentée par des hagiographies de fondateurs ou de brèves notices historiques locales, manque longtemps de consistance. En France comme au Québec, l’institution ne bénéficie que de sources imprimées assez limitées : les réflexions des partisans d’orphelinats agricoles engendrent un foisonnement de bulletins, tous circonscrits à cette seule éventualité; de même, les rapports annuels des orphelinats protestants, très précieux, gardent un côté systématique et répétitif.

1.1.1.

En France, l’anticléricalisme va conférer aux orphelinats une image négative. Dès la fin du XIXe siècle, la réputation de ces établissements se dégrade fortement. L’éducation en internat, derrière les murs et les grilles, suscite les critiques et alimente les rumeurs, ou du moins le mystère. Nos recherches n’ont finalement mis au jour que peu de travaux sur cette institution. En exagérant le trait, le thème des orphelinats paraît inconnu des écrivains, méconnu des historiens et ignoré des juristes.

La littérature du XIXe siècle n’offre étrangement que très peu de références, préférant évoquer les orphelins plutôt que les orphelinats. L’institution ressemble à un mythe, dont le sens se perpétue à travers l’imagination collective, et que la tradition littéraire même n’a pas osé s’approprier. L’oeuvre immense d’Émile Zola, constituant certainement l’un des meilleurs témoignages sur le siècle, ne renferme ainsi que très peu d’occurrences[5]. La littérature de jeunesse contient quelques éléments épars, notamment chez Alphonse Daudet[6]. Au XXe siècle, seules deux oeuvres récentes, dont l’histoire se déroule dans les derniers temps des orphelinats, apportent une vision très critique de cette institution qui est associée à un système d’éducation archaïque (Ludger, 1987; d’Humilly, 1988).

Les études historiques s’intéressent surtout au service public de l’enfance assistée ou aux établissements privés correctionnels. Dans les ouvrages relatifs à l’assistance publique ou à la charité privée, les orphelinats occupent une place mineure. Depuis le XIXe siècle, les historiens s’intéressent à la construction du service public de l’enfance assistée et n’abordent pas le sujet des orphelinats, ou bien de manière très accessoire (Lallemand, 1885 : 343-345, soit trois pages sur près de huit cents). Il faut toutefois préciser que les auteurs contemporains, même s’ils se cantonnent à l’assistance publique, consacrent plus d’espace aux oeuvres privées (Laplaige, 1989; Jablonka, 2006). Les recherches sur la bienfaisance privée réservent aussi de larges passages à ces établissements (Dhont, 2001 : 353-365; Vernier, 1993 : 162-178), cependant l’oeuvre des orphelinats ne connaît pas d’études globales. Des structures similaires ayant une vocation correctionnelle, auxquelles l’État confie longtemps l’encadrement des enfants délinquants, font au contraire l’objet d’écrits historiques approfondis (lire, entre autres, Gaillac, 1971; Rouanet, 1992). Néanmoins, ces dernières années, plusieurs travaux de grande valeur se sont intéressés aux orphelinats, tout en restant focalisés sur une oeuvre en particulier (Gaudrie, 1993; Gardet et Vilbrod, 2000).

Le droit français ignore volontiers cette institution, aucune loi ne définissant ni ne prévoyant les orphelinats. En l’absence d’un cadre juridique adapté, bon nombre d’orphelinats, au XIXe siècle, se créent et fonctionnent en dehors de toute intervention étatique, généralement au sein de structures agréées déjà existantes, comme les hôpitaux-hospices ou les maisons conventuelles, et ne songent pas à réclamer une reconnaissance particulière. Cependant, certains procédés juridiques, dérivés des concepts d’association et de fondation, permettent aux orphelinats d’obtenir la reconnaissance d’utilité publique. Les oeuvres protestantes françaises ont d’ailleurs recours à cette procédure. L’anticléricalisme modifie le regard de l’État sur les orphelinats catholiques. Accusés de dénaturer l’instruction professionnelle en tombant dans ses errements industriels, les orphelinats motivent les lois relatives au travail des enfants dans les établissements de bienfaisance, notamment celle du 22 novembre 1892 : à la fin du siècle, les rares juristes qui s’intéressent à ces structures ne traitent que de leur application (Fleurquin, 1899; Boizet, 1908). De même, la réglementation des institutions qui recueillent des mineurs relevant du pénal ne tient jamais compte des orphelinats[7]. Enfin, la surveillance des orphelinats constitue la genèse de la Loi du 14 janvier 1933 qui s’appliquera plus largement à tous les établissements privés pratiquant l’hospitalisation, sans mentionner une seule fois le mot « orphelinat ».

1.1.2.

Au Québec, le gouvernement provincial laissant la gestion de l’assistance aux initiatives privées religieuses, le corpus juridique relatif aux orphelinats s’avère également très mince. L’acte concernant les écoles d’industrie du 5 avril 1869 reconnaît et subventionne des établissements à vocation préventive, à destination des enfants orphelins, abandonnés ou maltraités (Joyal, 2000). Sans être un acte fondateur du droit des orphelinats, cette loi prépare un terrain juridique très favorable à toutes les formes d’institutionnalisation. Le texte donne en effet une définition très large de l’école d’industrie : « toute école dans laquelle est ordonnée une éducation pour former à l’industrie et où les enfants sont logés, habillés et nourris, aussi bien qu’instruits ». Ce type d’école présente un statut ambigu, proche de l’orphelinat, en accueillant l’enfance en danger, l’intervention du pouvoir judiciaire en plus. D’ailleurs, plusieurs institutions québécoises ont ce double statut d’école d’industrie et d’orphelinat spécialisé[8] et accueillent parfois des orphelins et autres cas de charité en faible proportion, de l’ordre de 10 % environ, selon les registres d’admissions qui ont pu être retrouvés. En conséquence, même si les études historiques ont, comme en France, une préférence pour la vocation correctionnelle des établissements privés et s’intéressent davantage aux écoles de réforme et d’industrie (Fecteau et al., 1998; Ménard, 2003), elles bénéficient aux recherches sur les orphelinats (Roy, 1990; Divay, 1999; Dale, 2006). C’est la Loi de l’assistance publique du 18 mars 1921 qui place les orphelinats au centre de l’organisation sociale de l’aide à l’enfance en les intégrant aux institutions d’assistance publique. La Loi donne une définition très large de l’indigent, qui inclut les enfants malheureux : « toute personne hospitalisée ou recueillie dans tout établissement reconnu d’assistance publique par le gouvernement au conseil, en vertu des dispositions de la présente loi, et dans tout hospice, hôpital, crèche, sanatorium, refuge, institution de charité publique, qui ne peut subvenir, ni directement, ni indirectement à son entretien d’une façon temporaire ou définitive, ayant son domicile dans la province de Québec ». La possibilité de reconnaissance améliore la connaissance de cette oeuvre. Par exemple, les chercheurs québécois soulignent tous la définition équivoque de la population recueillie (Fecteau et al., 1992)

Les sciences sociales fournissent une bonne part de la documentation sur les orphelinats québécois. À partir des années trente, le débat opposant le placement institutionnel au placement familial génère une multiplication des sources. Les défenseurs des institutions passent en revue certaines oeuvres : même si les solutions préconisées semblent quelque peu érodées, ces ouvrages apportent bon nombre d’éléments sur les orphelinats (Saint-Pierre, 1932 et 1946; Bourgeois, 1947). En outre, la généralisation des formations universitaires en service social après la Seconde Guerre mondiale augmente la bibliographie de ces structures. Il s’agit de mémoires de maîtrise en service social des années cinquante qui retracent la vie d’un orphelinat à une période donnée (de Passillé, 1945; Bonnier, 1946; Sr Saint-Vincent-de-Paul, 1949; Gagnon, 1949; Giroux, 1950; Lagacé, 1950; Hessian, 1951; Lévesque, 1952; Foster, 1953; Côté, 1953; Boisclair, 1954). Ces monographies reflètent les théories sociales de l’époque et manquent parfois d’objectivité – il arrive que l’auteur du mémoire soit une religieuse de l’institut – mais elles ont le mérite de dresser un tableau complet de l’institution étudiée. Toute cette réflexion universitaire favorisera l’accroissement du rôle des travailleurs sociaux dans les orphelinats (COBEQ, 1968). Enfin, l’émotion récente suscitée par la tragédie des « orphelins de Duplessis » provoquera également une effervescence intellectuelle sur la question de l’enfermement des enfants (Fecteau, 2001; Bienvenue, 2003; Lacasse, 2010). Les articles de presse et les témoignages (Dufour, 2002[9]) incitent le gouvernement provincial à ouvrir des enquêtes qui s’appuient sur des études historiques (Malouin, 1996[10]).

1.2. Les murs ou le patrimoine immobilier

Il y a deux sortes d’orphelinat : les « authentiques » et les « abrités ». La première catégorie comprend les structures qui ont pour unique vocation d’accueillir des enfants en situation familiale malheureuse. La deuxième catégorie regroupe les structures à vocation plus large, scolaire ou hospitalière, au sein desquelles l’orphelinat n’est qu’une oeuvre parmi d’autres.

1.2.1.

En France, aux rares orphelinats authentiques pour la plupart protestants, il faut ajouter une distinction complexe des orphelinats abrités entre ceux des établissements congréganistes privés (couvents, hospices, écoles) et ceux des établissements hospitaliers publics (hôpitaux-hospices, bureaux de bienfaisance). Le dénombrement des orphelinats à l’échelle du pays s’avère donc quasiment impossible. Les enquêtes officielles sur le sujet n’aboutissent qu’à des approximations, allant du simple (environ huit cents établissements) au double (plus de mille six cents)[11]. Ces imprécisions ont justifié le choix d’un contexte géographique restreint pour nos recherches de doctorat. Une étude centrée sur la circonscription départementale offre la possibilité de répertorier toutes les structures et d’en établir un classement utile à une réflexion juridique. L’État abandonnant très tôt le domaine de l’assistance aux départements, cette délimitation administrative et territoriale aide à contextualiser ces établissements méconnus. Le Tarn offre par ailleurs un excellent résumé du climat politique français sous la Troisième République. Patrie de personnalités républicaines d’envergure nationale comme Émile Combes et Jean Jaurès, le département se caractérise aussi par une grande richesse religieuse, dont témoigne la présence active des catholiques et des protestants. Une émulation positive entre les deux confessions chrétiennes engendre la création de nombreux orphelinats, plus d’une trentaine pour ce seul département.

1.2.2.

Certainement inspirés des orphenages anglo-saxons, les orphelinats du Québec offrent une visibilité plus franche. Leur recensement ne peut évidemment être exhaustif, mais la province en comptera près d’une centaine en tout[12]. D’une part, cela se matérialise par la fondation ex nihilo d’imposants orphelinats authentiques[13]; ces établissements de grande taille, souvent mixtes, accueillent plusieurs centaines d’enfants, jusqu’à six cents pour les plus importants[14]. En comparaison, les plus grands orphelinats du Tarn fonctionnent avec une centaine d’enfants alors que les plus petits en recueillent moins d’une dizaine[15]. De plus, les orphelinats québécois sont des constructions nouvelles, ou des reconstructions en raison d’incendies qui ravagent régulièrement ces bâtiments. Néanmoins, si l’on construit de nouveaux immeubles, on n’hésite pas non plus à les détruire : nombre de ces grandes bâtisses disparaissent durant la deuxième moitié du XXe siècle dans le cadre des politiques de réhabilitation urbaine. D’autre part, les orphelinats du Québec se distinguent par leur administration rigoureuse. Notons la véritable et précoce organisation juridique des sociétés de dames charitables qui, dès le début du XIXe siècle, encouragées par le gouvernement provincial, présentent une administration remarquable[16]. Plus tard, les orphelinats congréganistes et les oeuvres protestantes adoptent également une organisation juridique poussée, sollicitant l’incorporation légale, puis la reconnaissance comme institution d’assistance publique, bénéficiant de subventions gouvernementales. En France, on retrouve cette rigueur administrative essentiellement chez les protestants : ne jouissant pas, à la différence des congrégations catholiques, d’une structure juridique pour pérenniser leurs oeuvres, les orphelinats protestants revendiquent systématiquement la reconnaissance comme établissement d’utilité publique et se conforment à la réglementation étatique.

2. Considérations sur les activités des orphelinats

Un orphelinat comporte à la fois une oeuvre d’accueil, en recueillant des enfants en souffrance, et une oeuvre d’enseignement, en leur donnant des éléments d’éducation. Les deux critères caractérisent cet internat comme une oeuvre mixte, hospitalière et enseignante. Un tel dédoublement se retrouve dans les orphelinats français et québécois[17], néanmoins son contenu varie en fonction des spécificités locales, notamment du poids de l’Église catholique. La mixité nécessite de s’intéresser aux populations concernées (2.1) et aux méthodes employées (2.2).

2.1. L’oeuvre hospitalière et sa population

Les deux systèmes d’assistance répartissent les enfants en difficulté selon une trilogie classique : abandonnés, orphelins, délinquants. Un régime institutionnel spécifique correspond à chacune de ces populations. Laissons de côté la catégorie des jeunes délinquants, qui connaît d’ailleurs une prise en charge similaire, à travers l’action d’établissements privés subventionnés par les gouvernements (maisons de correction en France, écoles de réforme au Québec), pour se focaliser sur la séparation entre les abandonnés et les orphelins. La légitimité de l’enfant est un critère qui distingue longtemps les établissements. Dans la conception chrétienne opposant les enfants du « vice » à ceux du « malheur », l’état civil – le droit – et la conduite – les faits – des parents conditionnent l’admission future de leur enfant s’ils viennent à décéder. Suivant une discrimination traditionnelle qui se poursuit au XIXe siècle, un orphelin est un enfant légitime[18]. Lui seul subirait une misère imméritée que les orphelinats entendent combattre, laissant à d’autres institutions la charge des enfants naturels ou illégitimes.

2.1.1.

En France, l’affirmation des grands principes de l’assistance publique relègue les orphelinats dans un rôle concurrentiel. Au début du XIXe siècle, Napoléon Ier entreprend une réorganisation complète de l’aide à l’enfance en s’inspirant des idées de l’Ancien Régime et de la Révolution. Le décret du 19 janvier 1811, texte de référence pour toute la durée du siècle en matière d’enfance assistée, désigne parmi les hôpitaux publics des hospices dépositaires chargés de recueillir les enfants au moyen d’un tour[19]. De même, il détermine trois catégories d’enfants qui relèvent de l’assistance publique : les enfants trouvés, les enfants abandonnés et les orphelins pauvres. La classification s’effectue d’après la situation des parents : inconnus (enfants trouvés), connus (enfants abandonnés) ou décédés (orphelins pauvres). L’accroissement extraordinaire des admissions entraînant une hausse continue des dépenses publiques, l’institution n’aura de cesse d’affiner sa définition de l’enfance à assister. La catégorie des orphelins pauvres ne tarde pas à être exclue par les règlements ultérieurs. L’administration accentue ainsi la dichotomie traditionnelle entre les enfants illégitimes et les enfants légitimes. Rejetés par les gouvernements, ces derniers trouveront refuge dans des orphelinats. Se destinant à l’enfance en danger, non couverte par l’assistance publique, la mission des orphelinats se veut donc complémentaire de l’action publique. Cependant, l’État coordonnera aussi des mesures préventives pour prendre en charge d’autres populations et éviter les abandons ou la délinquance : les enfants pauvres de familles indigentes, aidés à domicile par les bureaux de bienfaisance; les enfants secourus temporairement, maintenus auprès de leurs mères moyennant indemnités[20]; les enfants moralement abandonnés, recueillis sur le modèle des enfants assistés depuis la Loi du 24 juillet 1889. Poursuivant dès lors un même objectif, la mission des orphelinats apparaît comme concurrente de l’assistance publique. Les quelques subventions départementales dont bénéficiaient certains orphelinats s’arrêtent brutalement dès le début de la Troisième République.

À l’instar du décret de 1811 pour le XIXe siècle, la Loi du 27 juin 1904, qualifiée de « charte de l’assistance à l’enfance », fixe la nouvelle orientation de l’action publique. En consacrant la volonté de prévention sociale qui anime les pouvoirs publics depuis trois décennies, le gouvernement républicain marque sa rupture avec les conceptions assistantielles du siècle précédent; « l’assistance publique opère sa mue » (Jablonka, 2006 : 23).

2.1.2.

Au Québec, la gestion religieuse de l’assistance considère les orphelinats comme un rouage essentiel de l’aide à l’enfance. Au début du XIXe siècle, le gouvernement ne s’engage pas dans le domaine de l’assistance, bien au contraire : « l’État se retire complètement de l’administration des établissements » (Malouin, 1996 : 24). Il se contente de superviser les initiatives religieuses par l’attribution de l’incorporation légale ou l’autorisation des acquisitions immobilières. Passé le premier tiers du siècle, l’Église prend donc le contrôle du secteur social, notamment par l’intermédiaire des congrégations religieuses. Ces dernières connaissent un essor extraordinaire pour prendre en charge toutes les oeuvres d’assistance, de soins et d’enseignement. Les entreprises sociales et morales apparaissent comme d’excellents moyens de répandre la foi, surtout lorsqu’elles concernent l’enfance. Ainsi, la mise en place d’un véritable réseau charitable protestant, à Montréal notamment (Harvey, 2003b), témoigne d’une volonté forte de jouer un rôle en matière d’assistance en ce début de siècle. Les protestants sont d’ailleurs les premiers à fonder un orphelinat en 1822.

L’intervention du gouvernement provincial se généralise finalement au siècle suivant avec la Loi de l’assistance publique du 18 mars 1921, par la subvention des établissements religieux privés[21]. Trois grandes institutions se partagent l’enfance nécessiteuse : les crèches recueillent les enfants illégitimes, abandonnés à la naissance; les orphelinats accueillent les « orphelins » légitimes, c’est-à-dire les enfants en situation familiale malheureuse; les écoles d’industrie prennent en charge les enfants en danger, qu’il faut préserver d’une influence néfaste. Mais cette partition n’est souvent que théorique et ses frontières restent perméables. Les populations glissent aisément d’une structure à l’autre, produisant entre elles une complémentarité de fait. En principe, l’oeuvre des orphelinats ne s’adresse pas aux enfants illégitimes, abandonnés à leur naissance dans les crèches et destinés à être adoptés avant l’âge de trois ans. Cependant, le nombre des entrées (abandons) restant supérieur à celui des sorties (adoptions), les crèches deviennent bien vite surpeuplées[22]. Elles conservent auprès d’elles les enfants jusqu’à l’âge de six ans, voire plus, se transformant ainsi en orphelinats pour enfants illégitimes[23]. La surpopulation des orphelinats perpétue cette situation délicate[24]. Les tentatives gouvernementales visant à désengorger les crèches et les orphelinats demeurent trop restrictives pour être efficaces et traduisent l’influence considérable de l’Église au point de vue politique et social. La Loi concernant l’adoption du 15 mars 1924 se voit apporter des restrictions importantes dès la législature suivante. Le texte de 1925 marque le recul de l’État sous la pression conservatrice et cléricale (Goubau et O’Neill, 2000). La Loi d’assistance aux mères nécessiteuses du 14 avril 1937 est adoptée afin d’encourager les mères dans le besoin à garder leurs enfants, mais c’est une initiative trop tardive et trop limitative. Elle ne tient pas compte des « filles-mères », qui ne bénéficieront d’une aide qu’avec la Loi du 12 décembre 1969 sur l’aide sociale, portant abrogation de la précédente (Malouin, 1996). À l’âge de six ans, les enfants non adoptés sont donc transférés dans un orphelinat agricole ou une école d’industrie. Il arrive que différentes catégories d’enfants se côtoient au sein d’un même établissement. Les structures maintiennent pourtant une différence de traitement entre les enfants suivant un critère financier (pensions parentales, allocations gouvernementales).

2.2. L’oeuvre enseignante et ses méthodes

L’éducation dans les orphelinats français ou québécois suppose deux distinctions classiques et subséquentes : la première dissocie l’instruction primaire et l’apprentissage professionnel; la seconde sépare les filles et les garçons. Par ailleurs, cette question de l’enseignement relève de la problématique plus large du placement institutionnel. Au XXe siècle, ce thème suscitera de vifs débats, au Québec comme en France, en opposition avec les théories progressistes sur le placement familial.

En France, l’oeuvre des orphelinats se détermine une nouvelle fois par opposition aux principes de l’assistance publique. En 1811, les dispositions relatives à l’éducation des enfants systématisent les méthodes élaborées depuis l’Ancien Régime : mise en nourrice des enfants en bas âge, placement en pension à l’âge de six ans, puis en apprentissage à douze ans. L’hôpital n’est qu’un dépôt, un refuge temporaire, un lieu de transition. Pour des raisons financières (réduire les dépenses des hôpitaux-hospices), sanitaires (préserver la santé des enfants) et sociales (leur faire prendre l’habitude du travail), l’assistance publique préfère procéder au placement familial des enfants assistés. L’enfermement reste exceptionnel et se limite au maintien à l’hospice des enfants infirmes ou malades. Or les orphelinats agissent parallèlement à l’action publique, s’appuyant sur ce moyen ancestral[25]. Une certaine méfiance de l’extérieur, renforcée par les maux de la société industrielle, explique que pour les orphelinats français, le placement intervienne tardivement ou de façon très exceptionnelle. Les établissements ne placent les enfants qu’après la période d’apprentissage, une fois qu’ils sont en état de gagner leur vie[26]. Après 1904, l’assistance publique à l’enfance abandonne son caractère hospitalier et renforce le principe du placement des pupilles. Il s’agit d’une remise en cause générale de l’enfermement, donc des orphelinats. Le gouvernement pose une norme d’assistance à laquelle les méthodes de la charité privée ne correspondent plus. Cette évolution juridique annonce la naissance du secteur médicosocial pour servir de cadre structurant au pis aller du placement familial des enfants en difficulté (Donzelot, 1977).

Au Québec, l’État n’ayant pas posé de principe, les orphelinats ne forment pas une exception. Le secteur social se construit au gré de l’initiative religieuse pour laquelle l’internat constitue le mode d’assistance normal. Si le placement rural des enfants illégitimes est encouragé, il n’est pas érigé en système immuable et prend souvent la suite des orphelinats agricoles. La gestion diocésaine de l’assistance à l’enfance entraîne une combinaison des méthodes. Les enfants des crèches seront, sinon adoptés, ou bien mis en nourrice, ou bien placés en institution[27]. Les orphelinats québécois se caractérisent bien évidemment par l’éducation en internat, mais ils peuvent aussi procéder au placement et de manière plus précoce. Il arrive que les garçons fassent leur apprentissage professionnel à l’extérieur dès l’âge de treize ans (Joyal, 1999)[28], même si la majorité est envoyée dans un orphelinat spécialisé ou une école d’industrie. Cette longue domination religieuse de l’assistance explique que la controverse sur le placement institutionnel apparaisse plus tard, dans les années trente, et plus intensément.

Les orphelinats prétendent former un cadre complet d’éducation, les occupations des enfants se partageant entre l’enseignement primaire et la formation professionnelle. L’avenir des enfants assistés se confond, quasiment depuis les origines de la charité, avec l’apprentissage d’un métier. Il s’agit de rendre les garçons utiles à la société et de faire des filles de bonnes épouses, mères, servantes ou religieuses. À cet égard, la statistique démontre que les orphelinats conviennent mieux aux filles qu’aux garçons[29]. Les normes morales préconisent une surprotection des jeunes filles pour les maintenir à l’abri de l’extérieur corrupteur (COBEQ, 1968). Cette différence peut s’expliquer par la nature de l’apprentissage dispensé dans les orphelinats. Il est plus simple de recueillir et d’élever des orphelines, en les cantonnant à des travaux de couture, que des orphelins qui exigent une formation professionnelle plus lourde et plus coûteuse à organiser : aménagement d’ateliers, achat de machines, recrutement de contremaîtres, etc. La période d’apprentissage souligne la séparation entre les filles et les garçons. Les orphelinats occupent les premières à des travaux d’intérieur en les formant aux métiers du ménage et de l’aiguille. Les ouvroirs constituent pendant très longtemps le prolongement naturel des orphelinats de filles; ils seront remplacés au XXe siècle par des centres ménagers en France ou des instituts familiaux au Québec. Les orphelinats emploient les seconds à des travaux d’extérieur en leur enseignant soit les métiers de l’agriculture à la campagne, soit les métiers de l’artisanat et de la petite industrie en ville. Au Québec, ces dernières formations relèvent davantage des écoles de réforme, où il s’agit de corriger le comportement des jeunes délinquants par l’apprentissage d’un métier. Généralement, les garçons de treize ans sont envoyés dans des orphelinats agricoles.

Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, la France et le Québec connaissent un véritable engouement pour ce type d’établissement. Ces institutions apparaissent comme le remède idéal à tous les maux de la société industrielle. En France, le concept de l’orphelinat agricole se situe à la confluence de deux idées reçues, représentatives des inquiétudes récurrentes de l’époque : d’abord, « les campagnes manquent de bras »; ensuite, « les villes regorgent d’orphelins ». De ce double constat caricatural naît une thèse très optimiste consistant à guérir, l’une par l’autre, la dépopulation des campagnes et la démoralisation de l’enfance. Opposant le « bien » rural au « mal » urbain, les partisans des orphelinats agricoles produisent une littérature abondante, quoiqu’assez vite répétitive (Hervé, 1868; de la Bastie, 1869; de Gouvello, 1869; Rouquette, 1869; Blanc, 1885). Au Québec, ces thèmes trouvent à la fin du XIXe siècle un écho plus pragmatique avec des fondations s’inscrivant dans le mouvement de colonisation des cantons du nord[30]. Le cadre institutionnel privilégié est alors classiquement celui de l’école d’industrie, à l’exemple des orphelinats agricoles d’Huberdeau[31] et du Lac-Sergent. Au total, la province ne comptera qu’une douzaine de ces structures, pour la plupart créées dans le sillon de Loi de 1921.

Conclusion

Les orphelinats restent donc longtemps perçus comme des oeuvres charitables dont les méthodes éducatives redonnent un avenir à des enfants que l’infortune menait inéluctablement à la marginalité. En France et au Québec, cette perception évolue vers une vision plus critique, notamment concernant la valeur de l’enseignement dans les orphelinats.

La controverse apparaît en France dès la fin du XIXe siècle, avec l’arrivée au pouvoir des républicains. À partir de 1880, de vives critiques s’élèvent à l’encontre des orphelinats. La Troisième République, ayant instauré l’école publique (laïque, gratuite, obligatoire), condamne la concurrence des congrégations religieuses. Le gouvernement remet alors en cause l’enseignement primaire et professionnel dans les orphelinats congréganistes. D’après les enquêtes générales sur l’enfance assistée, le temps consacré à l’étude y est restreint, trois heures par jour en moyenne, et les orphelins terminent la plupart sans aucun diplôme. Le personnel, exclusivement religieux, ne détient le plus souvent aucune qualification. La contestation semble épargner les orphelinats protestants, très attentifs à l’instruction primaire, qui n’hésitent pas à envoyer les enfants à l’école publique. Par ailleurs, les enquêtes dévoilent des abus relatifs au travail des enfants. L’intention charitable s’est en effet parfois muée en logique commerciale et, dans certains orphelinats, les enfants ne travaillent pas pour se former à un métier, mais seulement au bénéfice de l’établissement. Aux critiques des enquêtes s’ajoutent les attaques politiques. Même si certains établissements, improprement dénommés orphelinats, connaissent un fonctionnement industriel et exploitent les orphelins à des fins mercantiles, la situation de la plupart des orphelinats est plus ambiguë parce que le travail des enfants y révèle deux facettes : un aspect scolaire, car les orphelins suivent un apprentissage professionnel, et un aspect économique, car les produits du travail des orphelins servent de ressources à l’établissement. L’ambivalence qui naît de ce dernier aspect fait dire aux observateurs républicains que les écoles catholiques ne sont que des ateliers à main-d’oeuvre quasi gratuite.

De l’autre côté de l’Atlantique, passé le premier tiers du XXe siècle, la critique se greffe au débat sur l’institutionnalisation des enfants. La commission Montpetit, créée en 1930, exigera que les orphelinats suivent les programmes scolaires du Conseil de l’instruction publique. La préconisation n’aboutit véritablement qu’après la Seconde Guerre mondiale, mais cette instance reste largement dominée par le religieux[32]. Les monographies d’après-guerre relatives à ces structures soulignent une bonne situation scolaire : le personnel enseignant, mêlant des laïcs aux religieux, y est souvent qualifié et les enfants sortent diplômés de l’institution (Sr Saint-Vincent-de-Paul, 1949; Foster, 1953). Il convient néanmoins de nuancer ces constatations, car les orphelinats organisent l’enseignement selon l’origine des enfants, délaissant les illégitimes pour accorder plus de temps aux enfants dont les parents ou le gouvernement paient l’entretien. Les illégitimes sont très vite envoyés dans des orphelinats agricoles où ils reçoivent une instruction limitée (Dufour, 2002). Concernant l’apprentissage professionnel, beaucoup d’écoles n’auraient d’« industrie » que le nom, n’organisant pas de véritables ateliers et se contentant d’utiliser les enfants pour l’entretien de la maison. Même les défenseurs du placement institutionnel concèdent ne pas connaître la qualité réelle de l’instruction dans les orphelinats québécois, certains évoquant un « point d’interrogation » sur la valeur de cet enseignement (Saint-Pierre, 1932 : 67).

Après la Seconde Guerre mondiale, un changement général va affecter les populations traditionnelles des orphelinats. Le personnel hospitalisé, composé essentiellement d’enfants en danger, diminue progressivement en raison de l’amélioration de la condition économique et sociale des familles. Le personnel hospitalier, congréganiste, rencontre un problème croissant de recrutement qui s’amplifiera avec la crise des vocations. En France, la disparition des orphelinats s’effectue progressivement, à partir des années cinquante. Dans un climat apaisé au sein des relations entre l’Église et l’État, quelques-uns se transforment en institutions modernes d’aide à l’enfance, avec la collaboration et sous le contrôle des pouvoirs publics. Les mutations québécoises interviennent à la fin des années soixante et sur une période beaucoup plus brève. La Révolution tranquille entraîne la disparition complète et rapide des orphelinats religieux et ramène dans le giron du gouvernement provincial l’ensemble du secteur de l’enfance en difficulté (Peter, 2011).