Résumés
Résumé
Cet article se penche sur différents intervenants, contemporains et passés, pour examiner leur positionnement par rapport à l’alcool consommé par les Anicinabek entre le début du XIXe siècle et aujourd’hui : les commerçants de fourrure, les chamanes, les prêtres catholiques, les membres de la Gendarmerie royale du Canada, les agents des Affaires indiennes et les leaders communautaires anicinabek. Nous explorons d’abord les comportements adoptés par chacun d’eux à l’aide de sources historiques, puis observons la perception contemporaine qu’ont différentes générations d’Anicinabek sur ces mêmes intervenants historiques à partir de sources orales. Ce faisant, nous montrons qu’à la fois chez les Anicinabek et les intervenants eurocanadiens, certaines personnes ont encouragé la consommation d’alcool, alors que d’autres ont plutôt inhibé sa consommation. Nous montrons que les perceptions contemporaines de ces différentes interventions passées peuvent varier en fonction de l’âge de l’informateur et de son vécu.
Mots-clés :
- alcool,
- Amérindiens,
- histoire,
- consommation,
- régulation,
- Algonquins
Abstract
This article examines the position taken by various actors, past and present, with reference to Anicinabek alcohol consumption, between the early nineteenth century and today: fur traders, shamans, Catholic missionaries, members of the Royal Canadian Mounted Police, agents from the Department of Indian Affairs, and Anicinabek community leaders. First, we examine the behaviour adopted by representatives of each category through the lens of historical documentation, which we then compare to the ways contemporary Anicinabek people of different generations perceive these same historical actors. We show that among both Anicinabek people and outsiders, some have encouraged alcohol consumption whereas others have tried to limit or inhibit it. We also show that contemporary perceptions of past attitudes regarding alcohol vary according to the age of the informant and his or her background.
Keywords:
- Alcohol,
- Indigenous peoples,
- history,
- consumption,
- regulation,
- Algonquin
Resumen
Este artículo estudia diferentes actores, tanto contemporáneos como pasados, con el fin de examinar cuál es su posición con respecto al alcohol que consumían los anicinabek entre comienzos del siglo XIX y la actualidad: comerciantes de pieles, chamanes, sacerdotes católicos, miembros de la Gendarmería Real, funcionarios del ministerio de asuntos indigenas y líderes de la comunidad anicinabek. En primer lugar, exploramos los comportamientos adoptados por cada uno de ellos recurriendo a fuentes históricas y luego observamos la percepción contemporánea que diferentes generaciones de anicinabeks tienen sobre dichos agentes históricos a partir de fuentes orales.
Al hacerlo, mostramos que tanto entre los anicinabeks como entre los participantes eurocanadienses, hay quienes alentaron el consumo de alcohol mientras que otros lo han inhibido. Mostramos asimismo que las percepciones contemporáneas sobre estas diferentes intervenciones pasadas pueden variar según la edad del informante y su experiencia.
Palabras clave:
- alcohol,
- amerindios,
- historia,
- consumo,
- regulación,
- algonquinos
Corps de l’article
Introduction
L’alcool ayant une longue histoire chez les Autochtones d’Amérique du Nord, les Anicinabek[1] se posent la question de l’origine de ces breuvages fermentés ou distillés que leurs lointains ancêtres ne connaissaient pas, de la réception de ces breuvages par lesdits ancêtres, des conditions de leur arrivée et des raisons pour lesquelles, d’aussi loin qu’ils s’en souviennent, l’alcool a pu constituer un problème pour eux. Les Anicinabek se souviennent aussi qu’on leur a tout à la fois offert et interdit l’accès à l’alcool. En outre, il s’avère qu’une pluralité d’attitudes et de comportements se manifeste chez les Anicinabek contemporains par rapport à l’alcool.
Pour investiguer ce champ, nous avons mis à contribution les diverses sources à notre disposition : les archives écrites, produites par les missionnaires, les commerçants et les agents gouvernementaux, et la tradition orale, livrée sous forme de récits par des Anicinabek de différentes générations et particulièrement de deux communautés, situées en Abitibi (Québec) : Pikogan et LacSimon[2]. L’idée, en mobilisant les points de vue, forcément différents, des acteurs de cette histoire, n’était pas de reconstruire une vérité en cherchant qui avait raison ou tort. En effet, comme le dit Francis Lévesque (2009, p.76), « ce n’est pas parce que l’on connaît avec exactitude ce qui s’est produit dans le passé que l’on est nécessairement en mesure de comprendre les interprétations contemporaines au sujet de ce qui s’est produit ». Il ajoute qu’on ne peut se limiter à reconstituer ce qui s’est produit : « si le passé est formé de circonstances objectives, l’interprétation de ces circonstances ne l’est pas » (Lévesque, 2009, p.81). Ces interprétations dépendent des cultures des protagonistes, ce qu’a également noté Toby Morantz (2002). Dans ses travaux sur les Innus, Sylvie Vincent (2002) a conclu à l’incompatibilité des versions autochtones et non autochtones des mêmes récits, de l’histoire : non seulement les interprétations divergent, voire s’opposent, mais les prémisses de départ ne sont pas les mêmes, notamment le cadre conceptuel et temporel. Quant à Claude Gélinas (2003, p.19), il estime que « les documents d’archives et la tradition orale sont le reflet de deux conceptions très différentes de l’Histoire ».
Plus qu’une catégorie de source contre une autre, cette approche plurielle permet de mettre au jour des rapports de pouvoir autrement difficiles à deviner. Cette notion a été exposée par Sylvie Vincent dans son analyse des récits innus des premières rencontres avec les Français. En comparant la version écrite de Champlain à celle de la tradition orale innue sur ces rencontres initiales, Vincent montre ainsi comment les rapports de force sont perçus et interprétés par chacun des deux groupes (Vincent, 2013). Une démarche similaire a été entreprise par John Long auprès de Cris de la côte ouest de la baie James. En recueillant différents récits provenant de la tradition orale crie et en les comparant aux données provenant de sources écrites, Long observe ce que les narrateurs cris mettent en valeur. Parmi les récits étudiés figure un récit qui fait état de l’importance de l’alcool dans le commerce des fourrures, révélant ainsi le rapport de force avec les commerçants tel que perçu par le narrateur (Long, 1988). Long va jusqu’à montrer la concordance entre ce que disent d’une part les archives de la Compagnie de la Baie d’Hudson et d’autre part la tradition orale crie par rapport à l’alcool, ajoutant que cette tradition orale exprime également des préoccupations contemporaines.
Nous avons voulu entreprendre une réflexion similaire sur l’alcool, en explorant une pluralité d’attitudes par rapport à la consommation d’alcool (vente, encouragement à consommer, répression), et ce, de la part de différents intervenants. L’objectif est de dégager d’abord comment les intervenants historiques, anicinabek ou non, ont réagi face à l’alcool consommé par les Anicinabek entre le XIXe siècle et aujourd’hui, puis comment ils sont perçus à leur tour par les Anicinabek contemporains, de différentes générations. Nous voulons démontrer qu’à l’intérieur de ces diverses sources (écrites, orales, anciennes, récentes) se révèle une variété de points de vue et d’attitudes par rapport à l’alcool. Notre contribution s’inscrit dans la réflexion amorcée dans ce numéro, dans la mesure où nous nous intéressons à l’évolution des attitudes qu’ont pu avoir les Anicinabek, tout comme différents intervenants eurocanadiens, au sujet de l’alcool consommé par les Anicinabek.
Les Anicinabek de l’Abitibi ont une très longue histoire d’interactions avec des commerçants de fourrures (depuis le XVIIe siècle) et par conséquent, avec l’alcool. Toutefois, ils n’ont eu qu’une interaction très limitée, voire inexistante, avec les missionnaires et les représentants coloniaux avant le XIXe siècle. Ce n’est qu’à partir du deuxième tiers du XIXe siècle que ces intervenants ont élaboré des stratégies restreignant l’accès des Anicinabek à l’alcool, incluant par exemple une confrontation avec les chamanes au sujet de l’alcool. C’est la dynamique de ces accès et interdits qui fait l’objet d’une première analyse. Celle-ci s’appuie sur un corpus archivistique associé précisément aux Anicinabek de l’Ouest québécois. Nous poursuivons la réflexion par un examen des perceptions contemporaines des Anicinabek de ces mêmes intervenants. Pour ce faire, nous utilisons des témoignages[3] recueillis dans les deux communautés concernées, depuis la fin des années 1990, selon deux méthodes : l’entretien informel et l’entretien semi-formel. La majorité des témoignages proviennent d’aînés. Unilingues en algonquin, ils ont connu la fin de la vie semi-nomade, les missions estivales, la pratique catholique assidue et l’arrivée en communauté sédentaire. Les autres témoignages proviennent de leurs enfants, bilingues français-algonquin, qui font partie de la génération ayant fréquenté le pensionnat indien d’Amos. Élevés dans le catholicisme, ils se sont souvent tournés, en général par le biais des thérapies de désintoxication, vers la spiritualité panindienne, à laquelle ils peuvent adhérer simplement par affinité de pensée, ou de façon beaucoup plus active. Certains, moins nombreux, se sont tournés vers les religions évangéliques, qui interdisent toute consommation d’alcool. Les données, recueillies au fil de différents séjours de recherche depuis 1996, ont été puisées dans une vingtaine de récits d’informateurs différents, sélectionnés pour la richesse des données sur l’alcool et le fait qu’ils proviennent de familles différentes pour montrer les convergences de points de vue. Nous comparons donc les perceptions contemporaines qu’ont ces deux générations d’informateurs et l’attitude de différents intervenants associée à l’alcool.
Historique de la consommation d’alcool chez les Anicinabek et sa régulation, l’apport des archives
Les commerçants de fourrure et l’alcool
Inconnu chez les Anicinabek avant le contact avec les Européens, l’alcool a été associé très rapidement au commerce des fourrures. Les archives des commerçants de fourrures impliqués directement dans le secteur de l’Abitibi mentionnent l’alcool de façon spécifique dès la fin du XVIIIe siècle, bien qu’il soit très plausible que l’alcool ait été présent bien avant cette date. À cette époque, l’alcool semble déjà bien intégré au protocole d’échange liant les commerçants à leurs clients fournisseurs de fourrure. Ainsi, les commerçants offraient de l’alcool et de la nourriture lorsqu’ils se présentaient auprès de familles anicinabek ou inversement, lorsque des Anicinabek se présentaient au poste de traite. L’alcool était également obtenu dans le cours de l’échange lui-même. L’association historique entre commerce des fourrures et alcool s’est d’ailleurs ancrée dans le langage. Selon le lexique algonquin rédigé par le sulpicien et linguiste Cuoq, le terme Apiminikwei (minikwe : boire) signifie : « peau de castor préparée pour la vente, paquet de castor destiné à la traite. Les pauvres Sauvages recevaient en retour de ces fourrures, la liqueur de feu qui leur a fait tant de mal, et c’est de là précisément que vient le mot apiminikwei, ce avec quoi on se procure la boisson » (Cuoq, 1886, 57).
La lecture des archives écrites tenues par les commerçants de l’ouest québécois laisse peu de doute sur la place centrale qu’occupait l’alcool dans les échanges commerciaux. Dans leurs journaux, les commerçants maugréent sur le fait que leurs clients ne se présentaient au poste que pour obtenir la ration d’alcool protocolaire ou se plaignent de la quantité d’alcool et de nourriture distribuée avant que la cachette où étaient entreposées les fourrures ne leur soit enfin révélée (Hudson Bay’s Company Archives (HBCA), 1804-1805, 1809-1810). En cela, les archives des commerçants de fourrure laissent l’impression que ce sont eux, les commerçants, qui étaient soumis à la demande pressante d’alcool que leur imposaient les Anicinabek et qu’ils étaient contraints de s’y soumettre afin de satisfaire leurs clients. Ceci engendrait son lot d’inconvénients pour les commerçants, puisque l’alcool était une provision lourde et dispendieuse à acheminer dans les postes éloignés. Le souhait de plaire aux clients en offrant de l’alcool s’observe en particulier dans les contextes de concurrence marchande. Dans les zones ou les périodes où il n’existait que peu de concurrence, la distribution de l’alcool était d’ailleurs faible. Inversement, en contexte de compétition, la quantité d’alcool acheminée à certains postes de traite pouvait être énorme. Ainsi, un inventaire de la Compagnie du Nord-Ouest montre qu’en 1814, 4,5 gallons de spiritueux et 27 gallons de vin liquoreux étaient destinés au poste de Grand lac Victoria, un poste qui opérait alors sans faire face à des concurrents. Le même inventaire montre que 135 gallons de spiritueux et 54 gallons de vin liquoreux étaient destinés au poste du lac Abitibi, qui avait été le théâtre d’une vive concurrence entre compagnies marchandes. Lorsqu’on connaît les routes navigables empruntées par les voyageurs au service des compagnies de traite, le nombre de portages à effectuer et des coûts de transport impliqués, la quantité d’alcool acheminée à Abitibi implique un calcul de coût/bénéfice évident de la part des commerçants dans un contexte de compétition acharnée (HBCA, 1814).
Les sources historiques nous révèlent aussi que la consommation abusive d’alcool était connue des Anicinabek dès une période reculée. En 1840, un homme du secteur du lac des Augustines (près de la source de la rivière des Outaouais), s’exprimait ainsi auprès d’un missionnaire :
Le rum [sic], qui nous rend fous et méchants, nous a été apporté par les blancs. J’ai souvenance, moi, qu’il y a bien des années nous n’en avions pas, et nous étions mieux que nous sommes à présent ; nous n’en avions pas dans ce temps, et nous nous en passions […].
Moreau, 1841b,p.34
Les dérives de comportement associées à l’alcool étaient également connues des commerçants. Les journaux de poste sont ponctués de mentions laconiques telles que « Indians about the place drunk and troublesome » (HBCA, 1809-1810). Le commerçant John McLean, qui a oeuvré en Outaouais dans les années 1820 et 1830 pour le bénéfice de la Compagnie de la Baie d’Hudson rapportait l’observation suivante :
They are immoderately fond of ardent spirits, men, women and-shocking to say-children. This hateful vice, which contributes more than any other to the debasement of human nature, seems to produce more baneful effects upon the Indian, both physically and morally, than upon the European. The worst propensities of his nature are excited by it. While under the influence of this demon he spares neither friend nor foe ; and in many instances the members of his own family become the victim either of his fury or his lust.
The crime of incest is by no means unknown among them ; rum, the greatest scourge and curse of the Indian race, is undoubtedly the principal cause of their dreadful corruption.
Mclean, 1849, p.p.188
Les archives tenues par les commerçants rapportent aussi des rixes survenues entre Anicinabek, ainsi que de la violence faite aux femmes, sous l’emprise de l’alcool (HBCA, 1806-1807, 1849-1850 ; Mclean, 1849).
Pendant la première moitié du 19e siècle, les compagnies marchandes n’ont pas tenté d’intervenir sur la consommation d’alcool de leurs clients, tout en étant conscientes de ses effets. Elles continuaient d’en offrir et d’en vendre à leurs fournisseurs de fourrures au gré des contextes de rivalité entre commerçants, se contentant d’exiger que les Anicinabek aillent boire ailleurs qu’au poste de traite. Certains toponymes, comme la Pointe au vin, au lac Témiscamingue, font d’ailleurs vraisemblablement référence à cette réalité[4].
Intégration du catholicisme chez les Anicinabek et consommation d’alcool
Bien que les missionnaires catholiques aient été à l’oeuvre auprès des populations autochtones du Canada dès le XVIIe siècle, leurs travaux étaient essentiellement limités à la Vallée du Saint-Laurent et des Grands Lacs à l’aube du XIXe siècle et rien ne laisse penser que les Anicinabek à l’étude avaient intégré le christianisme à ce moment. Toutefois, influencée par le courant ultramontain et les efforts missionnaires qui se déployaient dans l’ensemble du monde colonial, l’Église catholique a entamé l’élargissement du rayonnement missionnaire à partir des années 1830. Le projet d’effectuer des missions itinérantes chez les Anicinabek a été mis sur pied par l’évêque de Montréal, Monseigneur Lartigue. Des missions semblables étaient organisées en même temps pour les populations autochtones du Saguenay, du Lac-Saint-Jean et de la Mauricie.
À partir de 1836, une série de missionnaires sulpiciens ou réguliers ont été envoyés chaque été dans ces missions nouvellement créées. En 1844, l’évêque attribuait formellement la tâche aux Oblats de Marie-Immaculée, qui ont maintenu la desserte des missions dites « indiennes » jusqu’au XXe siècle. Chaque été, les missionnaires parcouraient donc un immense territoire, s’arrêtant à chaque destination de mission pendant une dizaine de jours. En plus des missions indiennes dans les bassins de la rivière des Outaouais et de l’Abitibi, ces prêtres desservaient les missions indiennes de la baie James (Moose Factory et Albany), ainsi que certaines destinations de missions de l’est ontarien et du bassin de la rivière Saint-Maurice. En 1863, les Oblats s’installaient de façon permanente sur les rives du lac Témiscamingue et y fondaient une maison oblate. Cette maison leur permettait de gagner du temps de déplacement lorsqu’ils essaimaient dans différentes directions au cours de leurs missions estivales. À cette date, en plus des missions dites indiennes, ils desservaient aussi les chantiers forestiers en expansion, puis les travailleurs du chemin de fer en construction au courant des années 1880.
À la toute fin du XIXe siècle, certains lieux occupés de façon plus permanente par des Anicinabek étaient desservis par un missionnaire résident (comme la réserve à la tête du lac Témiscamingue par exemple). Pour bien des Anicinabek toutefois, comme en Abitibi, la rencontre directe avec les missionnaires ne se faisait que quelques jours chaque année sur une période d’environ un siècle. Ce n’est qu’après le milieu du XXe siècle, dans le contexte de la sédentarisation généralisée des Anicinabek que des missionnaires résidents ont été affectés aux différentes communautés.
Pendant tout le XIXe siècle, la participation des Anicinabek à la mission catholique estivale était volontaire et ceux qui ne souhaitaient pas rencontrer le missionnaire ne se présentaient tout simplement pas au moment convenu. Écrites du point de vue du missionnaire, qui ne pouvait que témoigner des personnes présentes, les archives missionnaires ne permettent de saisir que difficilement les absents et tenter de les quantifier. On sait toutefois que parmi les absents figuraient notamment des chamanes, qui craignaient de voir leur pouvoir contaminé par le catholicisme (Inksetter, 2017 : 270-275 ; 298-300). Les participants à la mission, eux, faisaient preuve de ferveur religieuse et de détermination, acceptant par exemple de demeurer sur place le temps de la mission, même en absence de vivres, en s’astreignant parfois à jeûner (Moreau, 1841a : 22 ; 1842 : 52).
Les premiers missionnaires itinérants n’étaient pas nécessairement opposés à toute forme de consommation d’alcool. Le missionnaire Moreau, par exemple, distribuait une ration d’alcool à ses voyageurs autochtones pour les « encourager » lors des longs portages en route vers sa destination de mission, en 1843 (Du Ranquet, Ouellet et Dionne, 2000). Les missionnaires qui ont étendu leur apostolat chez les Anicinabek cherchaient néanmoins à limiter les « désordres moraux » et ont rapidement ciblé l’alcool comme étant une source de problèmes à éliminer. En 1836, le missionnaire Dupuy voyait dans l’ivrognerie le seul vice à reprocher aux Anicinabek, autrement perçus de façon très favorable : « À part de ce vice [l’ivrognerie], nous n’en voyons pas d’autre à leur reprocher. Le mensonge et le vol sont presqu’inconnus chez eux […] » (Dupuy, 1839, p.47). Les missionnaires ont donc d’abord cherché à travailler sur deux fronts : tenter de convaincre la Compagnie de la Baie d’Hudson de ne plus vendre d’alcool aux Anicinabek d’une part et de l’autre, dissuader les Anicinabek d’en consommer.
La première avenue s’est avérée être un échec. A priori, la Compagnie de la Baie d’Hudson se montrait ouverte à ne plus vendre d’alcool aux Anicinabek, puisqu’elle était bien consciente de ses effets, mais dès que des concurrents en offraient, la Compagnie en faisait de même, au moins jusqu’au milieu du XIXe siècle (Du Ranquet et al., 2000 ; Laverlochère, 1847 ; Moreau, 1842). Par ailleurs, lorsque les Anicinabek exigeaient de l’alcool pour la prestation de certains services, la Compagnie ne voulait pas se placer dans une situation où elle devait la leur refuser. Cette situation survenait par exemple lorsque la Compagnie cherchait à recruter des Anicinabek pour effectuer du transport de marchandises sur de longues distances depuis les postes de traite de l’intérieur du continent vers Moose Factory, centre de transbordement des marchandises (HBCA, 1827, 1828-1829 ; Mitchell, 1977). Encore une fois, les archives offrent la lecture que les compagnies marchandes ne voulaient pas risquer de refuser à leurs clients une denrée souhaitée, si ceux-ci l’exigeaient.
Les missionnaires, tout comme les commerçants, ont d’abord cru au succès de l’introduction du catholicisme pour que les Anicinabek s’abstiennent de consommer de l’alcool de façon abusive (Bellefeuille, 1840a ; 1840b ; Poiré, 1840 ; 1841). Ils se sont rapidement rendu compte que le catholicisme en soi n’offrait pas de solution permanente contre l’alcoolisme. De plus, l’alcool et le catholicisme allaient devenir un enjeu de confrontation entre les missionnaires et les chamanes au cours du XIXe siècle.
Compétition entre missionnaires et chamanes entre les années 1840 et 1880
Les Anicinabek concevaient d’emblée que les prêtres missionnaires détenaient du pouvoir dans leur capacité à transiger avec les forces vives peuplant l’univers. Du point de vue des Anicinabek de cette époque, le pouvoir du prêtre et du catholicisme n’étaient pas perçus comme étant incompatibles avec les pratiques animistes traditionnelles. On pouvait puiser sans problème dans l’un ou l’autre registre (en disant une prière tout en offrant du tabac à la rivière, par exemple), en autant que le résultat fasse une démonstration continue d’efficacité (Inksetter, 2017). Dans le cas contraire, les Anicinabek reprochaient au catholicisme d’être inefficace. Cette situation est survenue à l’occasion pendant la période d’intégration du catholicisme, lorsque des malheurs ponctuels ont frappé (présence de maladie, chasse infructueuse). Si le catholicisme n’avait pas permis de prévenir ces malheurs, il s’agissait alors d’une approche inefficace et il fallait alors se détourner des pratiques proposées par les missionnaires :
Cependant eux aussi [gens d’Abitibi] ont leurs épreuves : depuis plusieurs années, la famine se fait sentir d’une manière terrible dans leur pays naturellement bien pauvre ; le lièvre et la perdrix qui leur offraient, il n’y a pas longtemps encore, une ressource sinon abondante du moins assurée, ont presque entièrement disparue de leurs terres de chasse, et paraissent émigrer vers le Nord. Les quelques infidèles, qui n’ont point voulu renoncer à leurs puériles superstitions et ont refusé de s’instruire de notre religion sainte, ne manquent pas d’attribuer cet état de choses à la colère des Manitous, dont le culte a été abandonné par les sauvages afin de suivre la prière des robes-noires.
Garin, 1855p.8-9
Pendant cette période, une situation de compétition intense s’est instaurée entre les chamanes et les missionnaires catholiques pour le maintien de leur crédibilité respective auprès des Anicinabek. Cette compétition semble avoir été bien présente dans les discussions qu’entretenaient les Anicinabek et leurs chamanes, parfois sous le nez du missionnaire (Du Ranquet et al., 2000). On sait que les chamanes consommaient de l’alcool, mais rien ne confirme qu’ils aient consommé de grandes quantités d’alcool avant l’arrivée des missionnaires. On sait seulement que le rhum et le tabac faisaient partie des paiements exigés pour la prestation de leurs services (Poiré, 1841). Or, dans la compétition engendrée entre chamanes et missionnaires au cours des années suivantes, chacun allait adopter des positions de plus en plus rigides et prôner des attitudes opposées par rapport à l’alcool.
Ainsi, au cours des années 1840, les missionnaires faisaient désormais de la tempérance un critère pour l’obtention du baptême (Laverlochère, 1845b ; Moreau, 1841a). Ils ont établi des sociétés de tempérance au lac Témiscamingue dès 1844 et au lac Abitibi l’année suivante (Laverlochère, 1845a ; 1845b). À cette période, ils décrivaient leur expérience de mission en faisant une association entre ceux qui s’opposaient au catholicisme et consommation d’alcool : « La jonglerie [chamanisme] et la passion du rum [sic] en a néanmoins retenu jusqu’ici quelques-uns dans l’infidélité » (Laverlochère, 1849, p.38). De leur côté et peut-être en réaction aux sociétés de tempérance mises sur pied par les missionnaires, certains chamanes allaient prôner au contraire une consommation importante d’alcool pour maintenir une meilleure harmonie des êtres et des choses. Les propos rapportés aux missionnaires en témoignent dans les années 1840 et 1850 :
À quoi te sert de prier ? disait un de ces infidèles à ce vieillard […], « tu es plus pauvre qu’auparavant, tu n’as plus d’esprit (rhum), tes forces t’abandonnent ; tu es misérable aujourd’hui que tu pries etc.
Moreau, 1842, p.52
Quelques-uns de ceux qui sont baptisés et qui avaient dit au Grand Esprit : je ne boirai plus, ont recommencé à boire cet hiver, parce que les Payens leur ont dit qu’ils mourraient tous, s’ils ne buvaient plus.
Laverlochère, 1850, p.23
Ainsi, pendant cette période, chamanes et missionnaires allaient adopter des attitudes opposées par rapport à l’alcool. Pour les missionnaires, l’alcool était réputé être la source de désordres moraux chez des personnes au comportement autrement exemplaire et il fallait donc le proscrire. De leur côté, les chamanes de cette période imputaient la causalité de certains malheurs au délaissement des pratiques rituelles traditionnelles et à l’abandon de l’alcool. Pour eux, arrêter de boire signifiait la rupture de l’équilibre et la menace de mort.
Au final, ni les chamanes ni les prêtres n’allaient sortir victorieux de cette opposition. En effet, à partir des années 1880, les Anicinabek semblent s’être détournés de leurs chamanes, réputés en perte de pouvoir (Inksetter, 2017). Certaines pratiques animistes se sont certes maintenues et certaines personnes continuaient d’être perçues, par les Anicinabek, comme étant détentrices d’un certain pouvoir, mais il s’agissait d’un pouvoir que les Anicinabek jugeaient affaibli. Les prêtres ne nommaient plus l’existence de chamanes compétiteurs (sorciers) à partir de ce moment (BAnQ Rouyn-Noranda, 1878-1895). Tout se passe comme si, à partir des années 1880, les missionnaires ne faisaient plus face à des opposants directs. Pourtant, bien que le catholicisme ait alors été étendu à tous les Algonquins et que les derniers baptêmes d’adultes aient été documentés vers la fin du XIXe siècle au lac Abitibi, les missionnaires n’ont jamais pu offrir de solution permanente contre l’alcoolisme, qui s’est maintenu comme problème chez les Anicinabek et dont les missionnaires font état dans leurs registres année après année (BAnQ Rouyn-Noranda, 1837-1908).
Régulation de l’alcool et implication de l’État
Après la disparition apparente des chamanes leur faisant compétition dans la deuxième moitié du XIXe siècle, les prêtres ont cherché à limiter l’accès des Anicinabek à l’alcool. Ils ont obtenu un certain appui de la Compagnie de la Baie d’Hudson, qui s’est engagée à ne plus offrir de l’alcool en vente libre dans le territoire de la Terre de Rupert à partir du milieu des années 1850 (Clément, 1853 ; Déléage, 1859). Cette mesure n’a jamais eu pour effet d’empêcher tout accès à l’alcool, surtout lorsque des commerçants indépendants en offraient, et ce, parfois illégalement (Banq Rouyn-Noranda, 1837-1908). En effet, depuis 1868, le gouvernement canadien avait adopté plusieurs mesures législatives interdisant la vente d’alcool aux Indiens (Campbell, 2008 ; Moss, Gardner-O’toole, et Division du droit et du gouvernement, 1991). Les missionnaires ont donc imploré le gouvernement canadien d’appliquer plus fermement cette législation. Mais dans un contexte de territoire immense, d’une cohabitation de plus en plus soutenue entre colons eurocanadiens, bûcherons et Anicinabek sur le territoire du Moyen-Nord québécois, en plus d’une difficulté d’exercer une surveillance sur le terrain, de l’aveu même du gouvernement ces mesures se sont avérées inefficaces pour empêcher l’accès des Anicinabek à l’alcool (Dominion of Canada, 1902 ; Gougeon, 1880 ; Guéguen, 1879). Comme le rapportait le commerçant Charles Cobbold Farr dans ses mémoires sur la fin du XIXe siècle au Témiscamingue :
When first the whitemen began to become common on Kippewa, I have seen this place turned into a very pandemonium, through the effects of whiskey, and bad whiskey at that. I have seen men, women and children writhing upon the floor, all drunk, and knowing not what they did, the work of thoughtless men, who looked upon it as funny. Such sights may again be common as the new railway creeps up north, up to Abittibi, and beyond [...].
Farr, 1905 p.620
Les archives écrites laissent des indices à l’effet que certaines personnes anicinabek influentes ont tenté de convaincre leurs semblables de limiter leur consommation d’alcool à cette époque. Ainsi, une correspondance entre l’agent indien Adam Burwash et le ministère des Affaires indiennes en 1905 révèle que Louis McDougal et John Chichabesh étaient des Anicinabek jugés influents par l’agent. Selon lui, il s’agissait de prohibitionnistes, qui faisaient leur possible pour limiter l’accès à l’alcool à Abitibi. L’agent indien, alors posté à une centaine de kilomètres d’Abitibi, à la réserve du lac Témiscamingue, ne semble avoir joué aucun rôle direct dans la régulation de l’accès à l’alcool à Abitibi ; il ne faisait qu’informer le ministère de la situation (BAC, 1901-1906). Les rapports annuels du ministère des Affaires indiennes du début du XXe siècle contiennent chaque année une entrée où les agents devaient faire état de la « tempérance et morale » des Indiens associés à l’agence dans laquelle ils étaient postés. Les Anicinabek à l’étude ne résidant pas sur une réserve officielle avant le milieu du XXe siècle ne sont pas visés explicitement dans ces rapports. On peut spéculer que l’agent indien exerçait une certaine surveillance, mais n’étant pas directement sur place et les Anicinabek concernés vivant alors dispersés en forêt, les effets d’une telle surveillance devaient être limités. Étonnamment, les archives concernant l’alcool sont limitées pour cette époque pour les communautés visées. Ce n’est que lorsque les Anicinabek se sont sédentarisés au milieu du XXe siècle que l’État semble être intervenu de façon plus régulière dans la régulation de la consommation d’alcool.
Perceptions contemporaines des Anicinabek des attitudes associées à l’alcool, l’apport des témoignages oraux
Comment cette histoire de l’alcool s’est-elle transmise dans les récits des Anicinabek contemporains ? L’histoire orale concernant le XIXe et le XXe siècles accorde une grande place à ickodenapo (prononcer ichkoudénabou, « le breuvage qui brûle ») quand il est question des changements qu’ont vécus les Anicinabek. Dans les communautés anicinabek, les aînés, surtout s’ils sont unilingues et ont connu la vie en forêt, sont considérés comme les meilleurs détenteurs de la tradition orale. Tous les aînés rencontrés au fil des années de terrain, depuis 1996, s’accordent à dire que, de tout ce qui est arrivé avec la colonisation, l’alcool est ce qui a causé le plus de mal. Tout d’abord, les aînés insistent sur le fait que les Anicinabek ne connaissaient pas les boissons alcooliques avant le contact avec les Européens. L’alcool est donc associé à des bouleversements d’origine exogène et aux personnes qui l’ont apporté, à savoir les traiteurs de fourrure, officiels (les commis de la Compagnie de la Baie d’Hudson) ou non (les peddlers, les trafiquants). Ces commerçants, selon les dires des aînés, soit leur vendaient de l’alcool, soit se servaient de ce dernier pour faire boire les Anicinabek avec lesquels ils négociaient pour faire baisser les prix des fourrures. En cela, les témoignages des aînés présentent un rapport de force inverse de celui qui émerge des journaux tenus par les commerçants. L’alcool est toujours évoqué en des termes négatifs, pour les effets et les conséquences néfastes qu’il a engendrés, tels que les accidents ayant conduit à des décès, comme des noyades, ou l’éclosion de querelles et la violence conjugale et familiale favorisées par les enivrements. Les aînés ne fournissent aucune indication sur les quantités d’alcool achetées ou reçues par les Anicinabek au temps du semi-nomadisme et des missions itinérantes. Peu importe le volume, l’alcool, selon leurs dires, n’a jamais été bon pour eux.
Le rôle des missionnaires dans la gestion et, surtout, l’interdiction de l’alcool, est un thème récurrent dans les discours des aînés anicinabek contemporains. Il s’agit d’abord de comprendre les raisons pour lesquelles les Anicinabek participaient aux missions, ici du point de vue des aînés de la fin du XXe siècle – début du XXIe. Pour certains aînés, « avant le curé, le manitokewinni (chamane) faisait régner la peur, la haine, les meurtres et la folie » (Mary, Pikogan, 2000), « le curé a enrayé le manitoke (le fait de chamaniser) en raison des meurtres » (Anne-Hélène, Pikogan, 2000). Ainsi donc, participer aux missions catholiques semblait offrir la possibilité de lutter contre le pouvoir des chamanes, en particulier quand ceux-ci[5] en abusaient ou l’utilisaient de façon malveillante. Aucun aîné ne semble regretter ni les chamanes ni le fait de chamaniser[6], qui permettait à tout un chacun d’obtenir du pouvoir susceptible d’être utilisé de façon malveillante contre d’autres Anicinabek (les chamanes étant les plus expérimentés). En contrepartie, la description de l’action missionnaire, qui n’est ni critique ni laudative, décline les apports des Robes noires aux Anicinabek (l’enseignement de l’alphabet et du catéchisme, par exemple) tout en dressant la liste des obligations imposées pour apprendre à leurs ancêtres à mener une vie exemplaire selon les canons du catholicisme. Les Anicinabek ont particulièrement noté les actions de surveillance menées par les prêtres : surveillance des jeunes couples qui devaient se marier dès les premières fréquentations, surveillance des danses lors des fêtes (les Robes noires faisaient arrêter la musique s’ils estimaient qu’il était tard et que l’heure pouvait favoriser le rapprochement des corps), surveillance de la consommation d’alcool. D’après les aînés, les missionnaires ont demandé expressément à la Compagnie de la Baie d’Hudson de ne plus distribuer ou vendre de l’alcool aux Anicinabek : « Les curés ont demandé et obtenu l’interdiction de consommer l’alcool à Apitipik (lieu de rassemblement estival) » (Judith, Pikogan, 2000). Ils replacent cette interdiction dans le contexte de la volonté missionnaire de modifier les façons de vivre anicinabek afin que celles-ci atteignent le plus haut degré de morale : « le curé nous a soumis à une observation très stricte de règles de vie, dont l’interdiction de boire de l’alcool. » (William, Pikogan, 2000). En cela, les souvenirs des aînés sont tout à fait compatibles avec les sources écrites sur les actions missionnaires au sujet de l’alcool. Ce qui ressort des récits oraux est que, même si les restrictions de consommations d’alcool ont pu être perçues comme bénéfiques, les Anicinabek déplorent surtout que des personnes étrangères leur aient imposé des mesures répressives, ce qui contrevient à une valeur anicinabe très importante, la non-ingérence dans les affaires d’autrui. Ce reproche n’est d’ailleurs pas adressé qu’aux missionnaires. Il l’est aussi aux agents des Affaires indiennes, que les témoignages anicinabek ne mentionnent, quand il est question d’alcool, mais aussi en règle générale, qu’à partir des années 1940 : « lorsque l’agent des Affaires indiennes est arrivé, l’Anicinabe s’est fait dire comment vivre sa vie, mais lui n’écoutait pas l’Anicinabe donner son opinion. » (Rachel, Pikogan, 2007).
Qu’en est-il du lien entre les chamanes et l’alcool ? Tout d’abord, les chamanes buvaient-ils selon les Anicinabek contemporains ? D’après les aînés rencontrés, le fait n’était pas rare. En effet, quelle que soit leur(s) spécialité(s) (interprétation des rêves, prédictions, envoi de sorts, conjuration, détection de gibiers, etc.), les chamanes demandaient une certaine rémunération de leurs services : plus ils étaient renommés pour la qualité de leurs pouvoirs et leur efficacité, plus le paiement était élevé. Il fallait en effet offrir à celui (ou celle) qu’on voulait engager un cadeau et, si celui-ci était agréé, cela signifiait que le chamane acceptait la requête. Un exemple de cadeau de valeur pouvait être un volume d’alcool.
Bien que les aînés actuels ne soient guère diserts sur le sujet, ils semblent penser que la consommation visible d’alcool chez les chamanes, c’est-à-dire jusqu’à l’ivresse, était surtout le fait de ceux utilisant leurs pouvoirs à mauvais escient. Cette position semble confirmer la confrontation entre chamanes et prêtres, visible dans la documentation écrite. Elle laisse entendre que l’état d’ébriété chez les chamanes avait tendance à écorner leur réputation. Si les aînés peuvent associer l’abus d’alcool à une faillite dans la conduite morale, ils ne disent pas expressément si ce qui diminuait le prestige et le crédit de ces chamanes était le fait de boire beaucoup ou le fait d’être des personnages puissants et malveillants, usant de l’alcool contre l’avis des missionnaires.
Ce qui est intéressant, c’est que les informateurs de la génération suivante, c’est-à-dire ayant l’âge d’avoir fréquenté les pensionnats indiens dans leur jeunesse[7], ne paraissent pas tous interpréter l’usage, même excessif, de l’alcool par les chamanes de la même manière que leurs parents : pour certains d’entre eux, surtout pour les hommes qui sont intéressés par le chamanisme, mais qui n’ont pas assisté à la plupart des rituels et des pratiques dont ils ont entendu parler, le fait que les chamanes puissent consommer de l’alcool, sous-entendu à fortes doses, montre qu’ils étaient vraiment très forts, aussi puissants que ce qu’affirment leurs parents. En effet, selon les uns, leurs pouvoirs étaient tellement grands qu’ils étaient capables d’agir sur l’ordre des choses en dépit de l’altération de leur état de conscience ; selon les autres, ils étaient capables de boire sans devenir saouls et sans devenir dépendants. En cela, la génération subséquente conçoit les chamanes d’autrefois comme étant des personnes puissantes, mais pas nécessairement malveillantes, ce qui marque une différence avec la perception qu’ont leurs parents du même sujet. Cette différence est également liée au fait que cette génération, très marquée par son éducation scolaire sous la férule de religieux et ayant dénoncé des prêtres pédophiles, a remis en question le pouvoir de l’Église catholique, mais aussi la diabolisation des chamanes et la marginalisation des Premières Nations. En effet, cette marginalisation provenait à la fois de l’Église et du gouvernement (Carney, 1981) et avait été en partie intériorisée par les Amérindiens eux-mêmes. La questionner s’accompagne aussi d’interrogations sur l’histoire de la consommation l’alcool, qui s’est inscrite dans la vie des Anicinabek dans un contexte de relations de pouvoir.
Quoi qu’il en soit, les chamanes ont fini par perdre leur ascendant, pas à cause de l’alcool, mais à cause de la possibilité qu’ils utilisent à mauvais escient leurs pouvoirs (et peut-être, à moindre degré, de leur incapacité à agir pour rétablir l’ordre social dans un monde en changement). Ne paraissent avoir subsisté après les années 1960 que les chamanes qui n’utilisaient leurs pouvoirs que de façon positive, en général pour guérir et contrecarrer les sorts : des voyants qui pouvaient visualiser le mal dans le corps de quelqu’un, des femmes qui guérissaient en disant les bonnes prières, en soufflant de la fumée, en effectuant certains gestes. Ces personnes devaient quand même se cacher des missionnaires, qui qualifiaient leurs pratiques de « superstitions » et qui interdisaient les rituels nocturnes : or, « le soir, ça marchait mieux, ça fonctionne mieux la nuit ». Mais « ceux qui utilisaient leurs pouvoirs de façon négative perdaient tous leurs pouvoirs en entrant dans une église. Ceux qui les utilisaient de façon positive, au contraire, les renforçaient en entrant dans une église » (Paul, LacSimon, 2017).
Ce qui a enfin frappé les Anicinabek et laissé une trace dans leur mémoire collective est la relation avec les membres des forces policières, qui n’agissaient pas avec déférence envers les Anicinabek, même quand les personnes concernées occupaient des positions d’autorité. Les aînés abitibiwinnik[8] racontent ainsi, choqués, que « même le chef Micen Akatci (Michel Penatouche) a été arrêté et est demeuré en prison pendant un mois ». Ce chef fut pourtant signataire du traité n° 9 en 1906 pour la partie Abitibi-Ontario. Le pouvoir de police était étranger aux lois coutumières anicinabek. Or, à partir des années 1940-1950, dans la région concernée, les lois associées à l’alcool furent appliquées par « ceux qui ont une raie sur leur pantalon » (ka pejikawasiwatc, les membres de la Gendarmerie royale du Canada, ou GRC). Tant à Pikogan qu’à LacSimon, les aînés se souviennent des nombreuses arrestations qui n’épargnaient personne. Les Abitibiwinnik imputent d’ailleurs à l’alcool et aux interventions de la GRC leur abandon de leur lieu de rassemblement estival au milieu des années 1950, abandon qui correspond aussi à la chute drastique du prix des fourrures, à l’absence de magasin sur place pour les échanger (le poste ayant fermé) et au départ massif des enfants pour le pensionnat indien : « Les Anicinabek ont cessé d’aller à Apitipik lorsqu’ils ont été arrêtés par ceux avec les pantalons rayés en raison de la consommation d’alcool. Un avion venait chercher, en plusieurs voyages, les prévenus pour les emmener en prison à Amos » (Luke, Pikogan, 2000). Plus choquant encore, les familles ont soupçonné certains des leurs, proches des autorités policières ou gouvernementales, de collaborer avec le système en dénonçant les buveurs, sans preuve, parfois des semaines plus tard. C’est ainsi le fondement de la structure sociale, de la solidarité entre familles apparentées, qui était ébranlé. L’alcool, son usage, sa répression et tout ce qui en découlait, étaient plus que jamais devenus la première cause de désordre social.
Le rassemblement estival, la réserve, le territoire et l’accessibilité de l’alcool
Dans la construction de la mémoire collective, l’histoire de l’alcool chez les Anicinabek est associée aux retrouvailles estivales des familles semi-nomades : c’est par les traiteurs, rencontrés essentiellement l’été, que les Anicinabek ont connu l’alcool, c’est l’été que l’alcool était le plus accessible, c’est surtout l’été que les gens s’enivraient. Même la fabrication d’alcool maison, enseignée par les atawinnik (commerçants), paraît avoir été une activité principalement estivale (Bousquet et Morissette, 2009). Période oisive de l’année, l’été était propice aux enivrements. Par contraste, le reste de l’année, passé à récolter des fourrures sur le territoire, était un temps d’occupations journalières. Le territoire devint ainsi associé à l’abstinence : « Quand j’étais petit, personne ne buvait dans le bois. Mon père buvait l’été, mais jamais en forêt. Pour moi, c’est le pensionnat qui a tout changé » (Paul, LacSimon, 2017). Une telle assertion est corroborée par un homme de Pikogan : « c’est vrai ce qu’il dit. Tu te souviens de Nabé ? Il était toujours saoul dans la communauté. Mais dans le bois, sur son territoire, jamais il ne buvait » (Joe, LacSimon, 2017). La sédentarisation, imputée à la scolarisation des enfants, qui priva les parents de leur raison d’être, et aux changements économiques (où chômage et précarité se mirent à prévaloir pour la plupart des actifs), est donc perçue comme le facteur qui fit grimper en flèche les abus d’alcool. S’y ajouta, dans les années 1960, le bien-être social, qui « a permis d’acheter de l’alcool avant la nourriture » (William, Pikogan, 2000). Le village fut ainsi tout de suite associé au désoeuvrement, à l’ennui et au mal-être et le territoire à l’activité, au contentement et au bien-être, images qui perdurent de nos jours. C’est pour cela que le bois est souvent utilisé comme espace thérapeutique : le territoire ancestral est le lieu pour se retrouver soi-même, un lieu sain (St-Arnaud et Bélanger, 2005).
Du catholicisme à la spiritualité panindienne
Les Anicinabek ne sont pas restés passifs face au délitement de leur société. Quand les survivants des pensionnats, membres de la première génération à ne pas avoir été élevée en forêt, sortirent de l’école, dans les années 1960 et 1970, ils constatèrent à quel point l’alcool faisait des ravages dans leurs communautés. Ils ont toujours connu les abus de boisson, « d’aussi loin que je me souvienne et de ce qu’on m’a raconté » (homme dans la cinquantaine, Pikogan, 1996). Dès le début des années 1970, certains d’entre eux commencèrent à suivre des cures de désintoxication et à intégrer les principes de la philosophie des Alcooliques anonymes dans leur quotidien. Ils se tournèrent aussi vers de nouveaux mouvements religieux, notamment le pentecôtisme et autres églises évangéliques, pour y chercher l’aide et les réponses que ne semblait plus leur fournir le catholicisme, qu’ils ne renièrent pas pour autant (Bousquet, 2005). Si ces églises permettent, selon ceux qui y adhèrent, de retourner aux anciennes valeurs (l’honnêteté, le respect, dire toujours la vérité), un autre mouvement va éveiller de plus en plus d’intérêt : la spiritualité panindienne, « mouvement à la fois environnementaliste, politique et religieux qui prône le retour aux anciennes traditions et l’abstinence en matière de drogues et d’alcool » (Bousquet, 2012, p.246). Dans les communautés anicinabek de l’Abitibi, plusieurs petits groupes décidèrent de se tourner vers des modèles proposés par la spiritualité panindienne où la sobriété est une valeur cardinale : « on ne savait plus qui on était, on a voulu retrouver l’ancienne ‘médecine’ » (Michel, LacSimon, 2016). Ces hommes, et dans une moindre mesure ces femmes, qui avaient été adolescents ou jeunes adultes dans les années 1970, avaient été et sont toujours très impliqués en politique et dans la construction des services modernes des communautés (« on était les jeunes rebelles, […] on croyait qu’on allait tout changer », Bernard, Pikogan, 2016).
Ce qui est particulièrement notable est l’intérêt que les jeunes élus au poste de chef entre les années 1970 et 2000 vont porter soit au pentecôtisme, soit à la spiritualité panindienne, qui réprouvent tous les deux la consommation d’alcool. Notons d’ailleurs que les désintoxications sont généralement associées, chez les Amérindiens, à une recherche spirituelle, voire une volonté de connaître une version du chamanisme perçue comme tournée vers le bien d’autrui. En effet, le chamanisme est souvent un sujet tabou, et pas seulement chez les aînés, dans les communautés traditionnelles anicinabek comme le sont Pikogan et LacSimon : quand il est mis en actes, par exemple dans des rituels, il peut nuire comme être favorable, rendre malade et tuer comme guérir. C’est l’usage bienveillant du chamanisme qui éveille l’intérêt de ceux qui ne l’ont pas connu. Avoir eu des problèmes d’addiction et avoir suivi une cure de sevrage, généralement assortie d’une psychothérapie et d’un désir de retour à la tradition, sont peu à peu devenus des éléments typiques du parcours d’une personne accédant à un poste de leadership. En bref, tout leader actuel, notamment politique, chez les Anicinabek, se doit de ne pas boire ou d’avoir arrêté de consommer et d’être un leader anti-alcool. Un exemple remarquable parmi d’autres est celui de Fred Kistabish, ancien élève du pensionnat indien d’Amos, chef de Pikogan de 1969 à 1971, puis gérant de bande, directeur général du conseil, enfin directeur du Centre de réadaptation Wapan[9] de 1993 à 2007, aujourd’hui aîné qui ouvre les cérémonies de sa communauté par des prières au Créateur (ex. Guindon, 2007[10]). Retrouver l’ordre, ou plutôt transgresser celui qui avait été imposé devint, et reste, lié à l’élimination de l’alcool, comme une sorte de retour à une période précolonisation.
Conclusion
Parler d’alcool, c’est parler d’ordre et de désordre et par le fait même, d’attitudes entourant la notion de maintien de l’ordre. La notion d’ordre est centrale dans la vision ontologique anicinabe et, par conséquent, il n’est pas surprenant que l’alcool ait fait l’objet de mesures particulières. Dans un contexte de compétition avec les missionnaires pour rétablir l’équilibre cosmique, certains chamanes ont continué à consommer une importante quantité d’alcool au XIXe siècle, alors que les missionnaires exigeaient plutôt la tempérance. Même si la Compagnie de la Baie d’Hudson a cessé de fournir de l’alcool aux Anicinabek à partir du milieu du XIXe siècle et que des mesures législatives en interdisaient la vente, l’alcool n’a jamais cessé d’être accessible pour autant et le catholicisme s’est avéré inefficace pour contrer l’alcoolisme. L’agent indien a tenté d’effectuer une surveillance, accompagné à partir des années 1940 par les forces policières (GRC), mesures qui semblent également avoir été inefficaces. Plus récemment, des mouvements spirituels panindiens, ainsi que certains courants évangéliques gagnent des adeptes dans les communautés anicinabek, entre autres en prônant l’abstinence complète d’alcool et un rétablissement de l’équilibre social.
Les sources historiques, ainsi que les témoignages contemporains se complètent très bien en ce qui a trait à l’histoire de la consommation et la répression de l’alcool. Les archives écrites, tout comme les témoignages oraux montrent que certains intervenants ont favorisé la consommation d’alcool, alors que d’autres cherchaient à l’interdire. Les témoignages oraux contemporains montrent que même si certains Anicinabek réprouvent la consommation abusive d’alcool, ils désapprouvent aussi le fait que des étrangers aient été intrusifs et aient cherché à contrôler les conduites et les comportements.
Plus qu’une dichotomie entre sources écrites et sources orales, il appert que plus le temps passe, plus les différentes générations d’Anicinabek ont des analyses sur le passé qui peuvent s’écarter les unes des autres, en fonction de leurs expériences de vie respectives. Ces divergences sont les plus remarquables en ce qui a trait à la perception des chamanes d’antan et de leur consommation d’alcool. Les Anicinabek les plus âgés ont des perceptions des chamanes d’antan qui se rapprochent de celles des missionnaires du XIXe siècle. De nos jours, les leaders reconnus sont ceux qui prônent l’abstinence d’alcool, tout comme les missionnaires catholiques l’avaient fait au XIXe siècle. Ces leaders font partie d’une génération plus jeune, qui n’a pas le même vécu que ses parents. Plutôt que d’être répressive, leur approche s’accompagne d’une notion de retour aux anciennes traditions et est perçue comme une réactualisation d’une spiritualité ancienne.
Les communautés anicinabek contemporaines sont des communautés « sèches » : on n’y vend pas d’alcool. Cette restriction n’a jamais empêché les problèmes de consommation de se développer. L’histoire l’a montré : la stigmatisation des consommateurs anicinabek a toujours été inefficace. Faut-il alors changer de tactique ? Comment réduire la demande, à défaut de réduire l’offre ? Comme dans les récits anicinabek de tradition orale, s’il est une leçon à retenir du passé, c’est que c’est le bien-être de la société anicinabe qui permet d’offrir un cadre pour rétablir l’équilibre. Car l’alcool, « nous nous en passions très bien » (aînés de Pikogan, 2000).
Parties annexes
Notes
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[1]
Anicinabe, -ek au pluriel : ce terme se traduit par « être humain » (Cuoq, 1886 : 48). Il s’agit de l’ethnonyme vernaculaire des Algonquins.
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[2]
Les territoires ancestraux de ces deux communautés se situent autour de la ligne de partage des eaux, ainsi qu’à la tête du réseau hydrographique se déversant vers le nord.
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[3]
Les noms des Anicinabek cités dans le texte sont des pseudonymes, afin de préserver l’intimité des individus concernés. Tous ont donné leur consentement pour l’usage des données, mais nous n’avons pas pu vérifier qu’ils seraient tous d’accord pour que leurs vrais noms soient cités, certains d’entre eux étant décédés. Nous désirons remercier Anna, Louise-Yvonne, Juliette, Philip, Bob, Dorothy, Pierre, André, Alex, Maurice, Claude, Tom, Edouard, France, Diane, Suzanne, Lucien, Jeannette, Jimmy, et de nombreux autres Anicinabek qui prêtent un concours précieux aux recherches.
-
[4]
Commission de toponymie du Québec, entrée Pointe au vin (www.toponymie.gouv.qc.ca, page consultée le 25 mai 2017)
-
[5]
L’emploi du masculin a ici valeur de neutre : les chamanes pouvaient autant être des hommes que des femmes.
-
[6]
Notons qu’il est tout à fait possible que les aînés eux-mêmes se soient adonnés à des pratiques de chamanisation, mais ils n’en parlent pas. Ils peuvent en revanche raconter les pratiques de leurs parents, surtout quand il s’agit de pratiques en vue d’obtenir une guérison d’un mal quelconque.
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[7]
Les Anicinabek de l’Abitibi ont, en majorité, fréquenté le pensionnat de Saint-Marc-de-Figuery, ou pensionnat d’Amos, entre 1955 et 1972.
-
[8]
Abitibiwinnik : Anicinabek de la bande qui a été sédentarisée à Pikogan.
-
[9]
Le Centre Wapan, situé à La Tuque (Mauricie, Québec), relève du Programme national de lutte contre l’abus d’alcool et de drogues chez les Autochtones (PNLAADA), de Santé Canada, et offre des services exclusivement aux membres des Premières Nations.
- [10]
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