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Au Canada, les traités modernes, notamment ceux négociés et signés dans le cadre de la Politique sur les revendications territoriales globales (1973, 1986, 1993 et 2014) et de la Politique sur le droit inhérent (1995), redéfinissent les termes des relations entre les Premières Nations, les institutions étatiques et la société majoritaire. Plus souvent qu’autrement, les processus de négociation menant à de telles ententes s’étendent sur plusieurs décennies, sont parsemés d’embuches et traversés de conflits d’interprétation entre les attentes, les objectifs et les conceptions autochtones et étatiques.
Ainsi, lorsque le CIÉRA a annoncé le thème de son colloque annuel 2018, soit la réconciliation, il m’est apparu évident que toute la question touchant le territoire et les revendications territoriales ne pouvait être éludée. Une véritable réconciliation, une véritable décolonisation ne peut faire fi de la question territoriale qui se situe au fondement des aspirations et des revendications autochtones pour une plus grande autodétermination. Un sujet pour le moins complexe, épineux et hautement politique. Un sujet que les gouvernements fédéral et provinciaux et la société majoritaire souhaiteraient probablement mettre sous la table ou ensevelir sous des formes et des promesses de réconciliation plus « cosmétiques » et moins compromettantes pour les pouvoirs en place. Ceci pour dire qu’une réconciliation réelle et effective exige du courage, de la volonté et de l’imagination politiques afin de repenser de fond en comble les relations entre les Autochtones et l’État canadien, au-delà d’une relation coloniale qui a la vie dure et qui perdure. Or, une réelle réconciliation commence là où furent établis les premiers contacts et les premières alliances entre les peuples autochtones et les nouveaux venus, soit sur et avec le territoire.
Nous avons invité quatre conférenciers à s’interroger, en prenant appui sur leurs propres travaux et expériences, sur de tels processus, ainsi que sur les termes des traités et leur mise en oeuvre. Nous leur avons posé la question suivante : dans quelle mesure les traités modernes contribuent-ils tantôt à la reconnaissance et à l’autodétermination des Premières Nations, tantôt à la poursuite du projet colonial et donc à leur subjugation et leur dépossession, territoriale, politique et culturelle ?
Parties annexes
Note biographique
Sylvie Poirier est professeure titulaire au département d’anthropologie de l’Université Laval et directrice de la revue Anthropologie et sociétés. Elle conduit des recherches auprès des Autochtones d’Australie (Désert occidental) et de la Nation Atikamekw Nehirowisiw (Haute-Mauricie, Québec). Parmi ses domaines de recherche figurent : cosmologies et ontologies autochtones; territorialités et savoirs autochtones; contemporanéités et résistances autochtones; l’anthropologie du rêve. Elle est l’auteure, entre autres, d’une monographie, A World of Relationships. Itineraries, Dreams and Events in the Australian Western Desert (2005, University of Toronto Press); co-éditrice (avec Françoise Dussart) de Entangled Territorialities. Negotiating Indigenous Lands in Australia and Canada (University of Toronto Press, 2017); et co-éditrice (avec John Clammer et Éric Schwimmer) de Figured Worlds. Ontological Obstacles in Intercultural Relations (University of Toronto Press, 2004).