Corps de l’article

1. Introduction

Il est largement reconnu que toute langue ne peut être considérée comme une entité uniforme puisqu’il existe une grande variabilité intralinguistique (Gadet, 2021), notamment sur les plans phonique, lexical et morphosyntaxique[1] (p. ex., Labov, 1976). Cette variabilité, habituellement désignée par le terme « variation », regroupe des phénomènes linguistiques aussi appelés « variables » (p. ex., négation) et les différentes réalisations qui en découlent, nommées « variantes » ou « traits » (p. ex., maintien ou absence du « ne » de négation) (Labov, 1976). Cette variation est entre autres influencée par des facteurs extralinguistiques selon quatre plans : temporel (usages classés en fonction des périodes historiques de la langue), géographique (variétés régionales et nationales), sociale (usages selon le sexe [genre], l’âge et le milieu socioculturel et socioéconomique du locuteur) et situationnelle (variétés formelle et informelle)[2] (voir Reinke et Ostiguy, 2016). En ce qui concerne la variation situationnelle, les paramètres suivants sont pris en compte : le sujet dont on parle, les relations personnelles et sociales entre les interlocuteurs, le type de communication (exposé magistral, échange par textos, etc.) et le médium de transmission du message (oral ou écrit).

La maîtrise des normes et usages propres à un groupe de locuteurs est une composante essentielle de la compétence communicative de tout locuteur (Hymes, 1972), que ce soit en langue première (L1) ou en en langue cible (Lx)[3]. Bachman (2010) fait référence à cet aspect de la compétence communicative sous le terme « compétence sociolinguistique », qui est la capacité de comprendre les conventions liées à l’emploi de la langue et à adapter son discours en fonction du contexte et de ses conventions. Pour la développer, il est nécessaire de s'engager dans des expériences langagières diversifiées et riches (p. ex., Nardy et coll., 2013). Selon Bachman (2010), le locuteur a notamment développé sa compétence sociolinguistique lorsqu’il est conscient des différents registres linguistiques et des variétés de langue. Toutefois, le développement de cette compétence n’a pas toujours été possible dans un cadre scolaire, particulièrement en Lx, entre autres en raison du fait que peu de place y est accordée pour traiter de la variation. En effet, la langue enseignée à l’école (langue de scolarisation) s’aligne sur une langue normée et écrite (Bautier, 2001) reposant sur des normes prescriptives (Le Ferrec, 2008). Il semblerait donc que la langue de scolarisation est empreinte de l’idéologie du standard, soit « une langue [qui] se limite exclusivement aux structures de son registre standard (notamment écrit) et [dont] toutes les autres formes d’expression sont des déviances dont il faut se débarrasser sans quoi la langue risque de se désagréger » (Remysen, 2018, p. 42).

Cela dit, même si la variation est traditionnellement peu abordée en salle de classe (Beaulieu et Dupont Rochette, 2014), plusieurs chercheurs s’intéressent depuis quelques années à son traitement en contexte scolaire (p. ex. Beaulieu et coll., 2018 ; French et Beaulieu, 2020 ; Mougeon et coll., 2002 ; van Compernolle, 2013). Cette préoccupation d’intégrer la variation en classe se manifeste aussi dans les programmes ministériels, plus particulièrement le programme de formation linguistique pour les nouvelles personnes immigrantes Francisation : Formation générale des adultes (FFGA) (MEES, 2015). En effet, ce programme présente plusieurs traits associés à la langue informelle, qui sont généralement intégrés dans des savoirs à mobiliser en compréhension orale (CO), et ce, dès les niveaux débutants. Plusieurs de ces traits sont aussi associés au français québécois (FQ), particulièrement au français oral québécois, comme l’affrication (p. ex., « petit » prononcé [pətsi]) (MEES, 2015, p. 66).

Actuellement, l’exposition à la variation se fait habituellement par l’intermédiaire du matériel pédagogique utilisé en classe (Monerris Oliveras, 2015), qui peut par exemple prendre la forme de manuels ou de matériel audio et/ou vidéo. Toutefois, les études portant sur ces supports ont montré qu’ils ne présentent pas la langue telle qu’elle est employée dans la vie réelle (p. ex., Étienne et Sax, 2009 ; Veilleux, 2011), ce qui peut nuire au développement de la compétence sociolinguistique. Le manque d’accès à du matériel représentatif de la langue constitue un enjeu de taille autant pour les enseignants que pour les apprenants. C’est dans cette perspective que nous nous sommes penchées sur le contenu de matériel (manuels et vidéos YouTube sur le FQ) pouvant servir d’appui à l’enseignement en français Lx, notamment dans le but de rendre compte des représentations envers le FQ. Par « représentations », nous entendons les opinions, jugements et perceptions sur la façon dont le locuteur parle et dont les autres parlent (Klinkenberg, 1999).

2. Étude des représentations sur les variétés nationales dans des manuels de français Lx

La première autrice, dans son mémoire de master, s’est entre autres penchée sur les représentations de français nationaux, dont le FQ et le français de France (FF), dans un corpus de dix manuels édités en France (n = 5) et au Québec (n = 5) (Duchemin, 2017). Les manuels ont été analysés selon la méthode employée par von Munchöw (2004), qui s’inscrit en linguistique de discours contrastive. D’une part, l’analyse descriptive et interprétative des manuels a révélé que la variation y occupe peu de place. D’autre part, en ce qui concerne le FQ, l’analyse du contenu des manuels a fait ressortir qu’il s’agit de la seule variété géographique explicitement traitée dans les manuels québécois et celle qui est la plus souvent mise de l’avant, autre que le FF, dans les manuels français. De plus, lorsqu’il est question de variation, l’accent est principalement mis sur les différences, présentées comme des « écarts », et les éléments linguistiques traités en FQ sont principalement des traits associés à la langue informelle. Ces écarts prennent la forme d’oppositions entre les traits spécifiques aux variétés nationales et ce qui est présenté comme étant le français standard, qui prend habituellement la forme du FF, plus précisément celui de Paris, qui est généralement présenté comme étant homogène sur tout le territoire (Bautier, 2001; Le Ferrec, 2008). Il semblerait donc que les manuels étudiés reflètent l’idéologie du standard. Les résultats obtenus viennent appuyer ceux d’autres études sur les manuels, notamment en ce qui concerne le peu de place accordée à la variation (p. ex., Beaulieu et coll., 2016) et le fait que la langue présentée dans les manuels n’est pas représentative de l’usage réel des locuteurs (p. ex., Etienne et Sax, 2009). Toutefois, dans ces études, il a plutôt été démontré que les manuels privilégient habituellement les variantes formelles alors que des variantes informelles seraient plus indiquées en raison du contexte de communication (p. ex., dialogue entre amis).

3. Étude des représentations d’enseignants sur le français québécois présenté dans des vidéos YouTube

La deuxième autrice s’est intéressée aux représentations des enseignants de français Lx sur le FQ présenté dans des vidéos YouTube (Reid, 2020). L’un des objectifs était de documenter, par l’intermédiaire d’une entrevue semi-dirigée, les représentations d’enseignants de français Lx (n = 4) sur du matériel traitant du FQ et pouvant servir d’appui en enseignement de la CO. Selon le programme FFGA (MEES, 2015, p. 24), cette compétence doit être favorisée dès les premiers niveaux d’apprentissage d’une langue, dans le but d’habituer l’élève à un système phonologique autre que celui de sa L1. Bien que la CO soit considérée comme un facteur de réussite pour les apprenants de Lx, le français oral spontané est peu inclus en classe (Field, 2009), même si les élèves ont révélé avoir de la difficulté à comprendre les locuteurs natifs (Calinon, 2009), notamment en FQ (Harvey, 2017). De plus, peu d’études se sont attardées à la place qu’occupe la variation dans le matériel audio qui leur est présenté (Chung et Cardoso, 2022). Considérant qu’il existe peu de matériel (pédagogique) audio représentant adéquatement le FQ (Veilleux, 2011), les enseignants peuvent avoir recours à du matériel audio gratuit et facilement accessible en ligne, réalisé par des non-linguistes, soit des vidéos YouTube. Dans le cadre de cette étude, les participants ont visionné les trois vidéos les plus populaires présentant le FQ. Les réponses à l’entrevue ont révélé que trois enseignants sur quatre n’utiliseraient pas ces vidéos pour enseigner la CO, notamment en raison du discours négatif employé pour parler du FQ, ce qui contribue à nourrir l’idéologie du standard en contexte scolaire (Remysen, 2018). Le discours des participants s’éloigne de cette idéologie et présente plutôt un discours descriptif (sans jugements). Ils ont d’ailleurs rapporté que le contenu abordé par les YouTubeuses était peu contextualisé, peu nuancé et faussement représenté et ont souligné l’importance de ne pas surgénéraliser l’emploi des traits présentés à l’ensemble des locuteurs du FQ. Le quatrième participant, pour sa part, les utiliserait pour enseigner les particularités du FQ, principalement en raison du caractère humoristique des vidéos. Ces résultats nous amènent donc à penser que d’autres enseignants pourraient s’en servir en classe de français Lx.

4. Proposition pédagogique : de la recherche à la classe

Bien que ces projets de recherche s’inscrivent dans des contextes et des courants différents, il ressort de ces deux études que les manuels, comme les vidéos YouTube, sont porteurs de représentations, habituellement négatives, sur le FQ. Comme ces supports sont (ou peuvent être) employés en classe, il nous a apparu pertinent de mettre à profit les résultats de nos travaux respectifs, ce qui a mené à l’élaboration d’un atelier pour des étudiants au baccalauréat en enseignement du français langue seconde dans une université québécoise. Les objectifs de cet atelier étaient de les initier à la variation linguistique et de développer un regard critique sur les ressources pédagogiques (manuels) ou non (vidéos YouTube) pouvant servir d’appui à l’enseignement. Dans le cadre de cet article, nous vous présentons quatre défis, présentés dans cet atelier, à considérer pour parler de variation en classe de français Lx. Ces défis sont mis de l’avant afin de proposer des pistes de réflexion concrètes facilitant la prise de conscience relative au discours véhiculé dans le matériel disponible. Ces pistes de réflexion pourront guider les enseignants dans le choix (ou la modification) du matériel, afin qu’il soit fidèle à la langue telle qu’elle est parlée au Québec et exempt de représentations négatives.

5. Défis à considérer

Nous avons ciblé quatre défis communs à nos projets respectifs, qui sont courants et/ou pertinents, lorsqu’il est question de traiter du FQ dans les manuels et dans les vidéos YouTube : le manque de contexte(s), la présentation binaire des traits, la stigmatisation et les appellations et définitions. Pour chaque défi, un exemple appartenant à l’un ou l’autre des corpus sera présenté et décrit.

5.1. Défi 1 : le manque de contexte(s)

Le premier défi prend racine dans le choix, fait par plusieurs créateurs de matériel, de présenter la langue de façon « isolée », ce qui se manifeste par un manque de contextualisation. Les traits du FQ choisis sont donc généralement présentés dans des listes de mots ou dans des phrases décontextualisées.

La vidéo Parler québécois en 5 minutes a été réalisée par la YouTubeuse française Denyzee (2018), qui aborde la variation géographique en mettant de l’avant le FQ, notamment dans l’extrait suivant.

Dans cet extrait, Denyzee propose des phrases qu’elle présente comme étant équivalentes (p. ex., « en tout cas » devient « entéka »), et elle explique ces différences ainsi : « Partez du principe qu’un Québécois n’a pas le temps, donc tous les mots sont raccourcis » (Giuliano, 2018, 4 min 20 s). Toutefois, il n’est jamais mentionné qu’il s’agit de variantes possibles selon le contexte de l’interaction, notamment en ce qui concerne l’emploi de « dès que » (variante formelle) opposé à « mais que » (variante informelle), ce qui omet par le fait même la variation situationnelle. Cette façon de faire ne permet pas de donner une vision représentative des usages réels au Québec, d'autant plus qu'il est possible de remarquer des inexactitudes dans les informations données. Par exemple, le phénomène que Denyzee associe au fait « de ne pas avoir le temps », soit l’économie linguistique, est aussi répertorié, à des degrés divers, chez l’ensemble des locuteurs francophones (p. ex., la réalisation de « il » en [i] ou en [j]).

De plus, le fait de présenter la variété de façon décontextualisée mène souvent à une présentation binaire des traits (défi 2) et à la stigmatisation des usages (défi 3).

5.2. Défi 2 : la présentation binaire des traits

Comme mentionné précédemment, le deuxième défi découle du choix de présenter les traits du FQ de façon isolée, principalement sous forme de liste de mots ou de phrases décontextualisées. Ce choix engendre une présentation binaire (ou par paire) des traits, c’est-à-dire qu’un trait propre à une variété est présenté (p. ex., mitaine) et qu’il est ensuite associé à un équivalent (p. ex., moufle) dans une autre variété de français ou en français dit standard, qui prend généralement la forme du FF.

L’exemple 2 est tiré du manuel français Reflets2 (Capelle et Gidon, 2002) destiné à des élèves de français Lx de niveau débutant et intermédiaire. L’encadré propose plus spécifiquement des variantes lexicales du FQ oral, opposé à des variantes lexicales du FF.

Du point de vue de la variation géographique, les traits choisis sont opposés à ce qui est associé à des variantes neutres ou formelles en FF, soit la variété propre au lieu d’édition du manuel, mais il n’est jamais mentionné que les équivalents recensés en FF (sauf pour « déjeuner », « diner » et « magasiner ») sont aussi couramment employés en FQ. Par ailleurs, les termes « déjeuner » et « diner » sont aussi répertoriés dans les variétés belge et suisse. En ce qui concerne la variation sociale, certaines variantes sont vieillies, comme « bonjour » pour signifier « au revoir » (Banque de dépannage linguistique, 2023). Pour ce qui est du traitement de la variation situationnelle, bien que les auteurs ont voulu montrer le « français parlé par la majorité des Québécois », l’emploi de (certains de) ces termes n’est pas exclusif à la langue orale. De plus, les traits présentés n’appartiennent pas au même niveau de langue selon les dictionnaires, ce qui implique qu’ils ne s’emploient pas nécessairement dans les mêmes contextes. Par exemple, dans Usito, « magasiner » est neutre tandis que « char » est familier (donc informel). Enfin, il est à noter que certaines inexactitudes sont présentes en ce qui concerne les équivalences proposées, entre autres celle pour « camisole », un t-shirt ayant des manches, contrairement à la camisole (FQ), qui n’en a pas (l’équivalent en FF le plus près serait « un maillot de corps »).

En résumé, cet exemple présente principalement des traits du FQ qui sont associés à la langue informelle ou qui sont vieillis, en plus de comporter des inexactitudes sur leur emploi et leur sens. Cette présentation binaire des traits du FQ, particulièrement lorsqu’il y a opposition entre emplois informel et formel, peut contribuer à une vision stéréotypée ou folklorisée de la langue (Duchemin, 2017 ; Reid, 2020), donc à sa stigmatisation.

5.3. Défi 3 : la stigmatisation

Le troisième défi met en évidence le fait que les usages des Québécois sont généralement associés à des traits informels, et que ces traits sont opposés à des variantes formelles indiquées comme appartenant au FF. De plus, ces usages peuvent aussi être stigmatisés, c’est-à-dire qu’il s’agit de variantes dont l’emploi est jugé négativement par les locuteurs (voir aussi Exemple 2).

Dans l’extrait suivant (Exemple 3), qui est aussi tiré de la vidéo Parler québécois en 5 minutes, Denyzee présente une variante phonétique, associée aux variations situationnelle et sociale, soit la prononciation de « oi » en [wa] et en [we].

Dans cet exemple, la présentation qu’elle fait de la prononciation des sons est figée, binaire et non contextualisée, ce qui donne l’impression qu’il n’y a qu’une seule façon de prononcer chaque son en FQ. D’une part, il n’est jamais mentionné que le son « oi » [wa] se prononce de la même façon en FQ et en FF, et ce, dans une variété de contextes. C’est d’ailleurs le cas pour les mots présentés dans l’exemple. D’autre part, au Québec, cette prononciation est non seulement informelle, mais aussi stigmatisée parce que jugée vulgaire, de mauvais goût et/ou dépeignant une absence d’éducation (Dumas, 1987). Donc, ce trait ne sera pas nécessairement utilisé par l’ensemble des locuteurs québécois. La YouTubeuse, en opposant ce trait socialement dévalorisé à un trait formel, stigmatise, en quelque sorte, la prononciation des Québécois.

Ce défi nous apparait particulièrement important à considérer lorsque l’on s’adresse à un public ayant déjà des représentations et attitudes négatives envers le FQ et/ou à un public non initié puisque cela peut jouer sur l’image que l’on se fait de cette variété, notamment en surgénéralisant l’emploi de traits informels à l’ensemble de la population. Cet aspect fera l’objet du défi suivant.

5.4. Défi 4 : Les appellations et définitions

Le quatrième défi porte sur la façon de nommer et de définir les différentes variétés de français ainsi que les phénomènes linguistiques qui en découlent afin qu’elles soient adéquates et représentatives. Par exemple, lorsqu’il est question du français sur le territoire canadien, plusieurs dénominations existent, entre autres, « français québécois », « français laurentien » et « français acadien ». Il arrive que les deux premières soient interchangées, alors qu’elles ne désignent pas exactement la même réalité linguistique (Côté et Villeneuve, 2017).

L’Exemple 4 qui illustre ce défi est tiré du manuel français Tout va bien!3 (Augé et coll., 2005), qui est destiné à des élèves de français Lx de niveau intermédiaire.

Dans cet exemple, les auteurs présentent des réalisations du français parlé dans trois espaces géographiques francophones distincts, à savoir le joual pour le Québec, le verlan pour la France et les pays francophones européens et des particularités lexicales propres au continent africain. Pour ce qui est du Québec, le FQ parlé est désigné comme étant le joual, alors qu’il s’agit en fait d’une variété populaire (variation sociale), donc socialement dévalorisée (voir notamment Laur, 2023). Il est à noter que d’autres variétés sociales et situationnelles sont en usage au Québec, comme le démontrent les études sur la langue orale normée (p. ex., Bigot, 2021). Dans un autre ordre d’idées, tous les traits présentés sont associés à la langue informelle (p. ex., emploi du joual et du verbe « embarquer ») et/ou considérés comme fautifs selon les ouvrages de référence (p. ex., « la bonne air »).

Les observations découlant de ce défi viennent appuyer le constat émis précédemment quant à la surgénéralisation de l’emploi de traits informels lorsqu’il est question de variation en FQ[4]. Ce constat est au coeur des propositions que nous présenterons dans la section suivante.

6. Discussion et conclusion

Considérant ces défis dans les supports étudiés, nous proposons les pistes d’évaluation et de réflexion suivantes.

 (suite)

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En ce qui concerne le contenu, en raison du format restrictif (nombre de pages du manuel et durée de la vidéo), il est possible d’anticiper le fait que le matériel et les explications fournies ne sont pas exhaustifs, ce qui peut (partiellement) expliquer la nature des défis présentés précédemment. Il est donc conseillé de consulter des ouvrages spécialisés sur le sujet (p. ex., Reinke et Ostiguy, 2016), afin de pouvoir compléter, préciser et assurer l’exactitude des informations présentées. De plus, à notre avis, les enseignants gagneraient à se concentrer sur la présentation du ou des contextes dans lesquels s’inscrit l’emploi des variantes informelles. De cette façon, les apprenants seront exposés à la langue telle qu’elle est réellement parlée tout en étant en contact avec un discours nuancé et exempt d’idéologies linguistiques (Remysen, 2018). Il est d’ailleurs peu surprenant de retrouver ce discours dévalorisant la langue informelle dans le matériel étant donné la longue tradition normative en français (Bautier, 2001; Le Ferrec, 2008). Cela dit, étant donné le peu de matériel portant sur la variation disponible, ces supports peuvent tout de même s’avérer utiles pour traiter de la langue. Ce matériel pourrait donc être utilisé en classe, en autant que les enseignants aient les outils nécessaires pour les appuyer dans l’évaluation du matériel, qu’il soit à visée pédagogique ou pas.

Porter un regard critique sur le matériel permettrait avant tout d’en voir les limites et les lacunes. Ce travail donnerait l’occasion de valider ou d’invalider le choix du matériel dans une visée pédagogique et d’ensuite cibler les éléments qui devraient être bonifiés pour donner une vision plus juste de la langue telle qu’elle est réellement employée dans la communauté d’accueil des apprenants du français Lx. Les modifications permettraient par le fait même d’aligner les pratiques d’enseignement sur certaines recommandations faites par Remysen (2018) en L1, soit intégrer la notion de variation linguistique en classe, éviter de promouvoir une conception désincarnée de la langue formelle (ou informelle dans le cas du matériel qui nous intéresse) et découvrir les règles et les structures de la langue.