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Cet ouvrage est le fruit de recherches qui ont commencé il y a près d’une décennie maintenant. Des fouilles ponctuelles ont été effectuées sur une barre de sable, un barachois, situé dans la municipalité de Saint-Maxime-de-Mont-Louis sur le littoral nord de la péninsule gaspésienne. Des vestiges et des objets, témoins d’occupations du milieu du 17e siècle et du siècle suivant y ont été mis au jour. Ils attestent à la fois des activités de pêche sédentaire et saisonnière au Régime français à Mont-Louis.
Chaque année à l’automne, de grandes quantités de morues séchées et de morues vertes, d’huile de saumon et d’autres produits de la pêche étaient expédiées par navire à Québec, où une partie de ces cargaisons était échangée contre des provisions, des équipements, des outils et d’autres denrées visant à approvisionner les pêcheurs et les villageois de Mont-Louis. Avec le temps, d’autres activités économiques viendront s’ajouter à la pêche, comme la coupe du bois et la chasse aux animaux à fourrure.
L’étude de l’archéologue Tommy Simon Pelletier avait pour but de situer avec précision des vestiges des établissements de pêche et, dans la mesure du possible, en déterminer l’âge, le plan et la fonction, en plus d’associer les traces et les objets à des activités spécifiques sur le site.
L’état de nos connaissances sur les établissements de pêche du Régime français est limité. En effet, le nombre restreint d’interventions archéologiques au cours des dernières cinquante années sur ce type de sites ne nous permet de brosser qu’un portrait partiel de la vie des pêcheurs dans ces établissements côtiers. Or, Pelletier s’était donné pour mission de documenter la vie des pêcheurs en puisant dans de nombreux types d’archives. En effet, en plus des activités de terrain, des prospections et des fouilles, il s’est penché sur les documents d’époque et les données ethnographiques, ces dernières étant le fruit d’entrevues avec des habitants de la région, dont certains pêcheurs.
Sur le terrain, des aménagements ont été situés dans un secteur du barachois (140 sur 900 m) près du littoral de Mont-Louis, secteur identifié par Pelletier grâce à des plans d’époque et des découvertes fortuites faites sur le terrain. Des fouilles ont confirmé qu’un site de pêche est situé dans ce secteur (70 sur 90 m). Par contre, il aurait fallu en définir les caractéristiques.
Le secteur exploré a révélé la présence d’objets du Régime français, dont des céramiques françaises, y compris des terres communes de la Saintonge. Toutefois, les strates et les artefacts dans leurs contextes ont aussi révélé à la fois des occupations plus anciennes par des autochtones et d’autres occupations plus récentes et ultérieures que celles du Régime français, au sujet desquels Pelletier ne s’est pas attardé au détail.
Quatre secteurs du littoral ont été explorés. Un premier secteur représente des déchets d’occupation qui remontent au Régime français. Aucune structure n’a été identifiée durant les fouilles. Par contre, il s’agirait d’un secteur pour la préparation de la morue. Aussi, les quartiers des pêcheurs seraient probablement situés à proximité à en juger par la quantité de déchets domestiques exhumés dans les sondages.
Un secteur d’entreposage a aussi été reconnu dans un deuxième secteur fouillé. Il s’agirait probablement du site d’un entrepôt ou d’un magasin, ou de la saline, où le sel était entreposé pour préparer le poisson. Aucun artefact qui se rapporte à la cuisson, au service et à l’entreposage des aliments n’a été mis au jour dans cette aire de fouilles.
Le troisième secteur exploré serait le plus ancien, représentant une occupation qui remonterait au milieu du 17e siècle. En outre, elle recouvre en partie les traces d’un foyer amérindien. Au cours du Régime français, des pêcheurs vivaient dans ce secteur du site et ils y transformaient le poisson.
Des sépultures s’associent au quatrième secteur du site. Par contre, il s’agit de découvertes fortuites et non pas de fouilles effectuées par des archéologues. Pelletier suggère que la chapelle de l’établissement aurait été érigée dans ce secteur du site.
Les découvertes dans chacun des secteurs étudiés sont expliquées en relation aux couches de sols identifiées sur le site. Des descriptions détaillées sont appuyées par des plans, des dessins de paroi, des sondages, de photographies et d’une discussion des objets exhumés durant les interventions archéologiques, et des parallèles sont établis entre les découvertes archéologiques et les données tirées des archives et de l’enquête ethnographique. Il est clair que l’auteur a exploité ces informations au maximum.
Pelletier a su présenter un modèle détaillé pour l’analyse de l’ensemble des données accumulées, cela dans toute leur complexité. Le projet pourra sembler ambitieux pour le néophyte, mais il représente selon nous un modèle à privilégier pour mener à terme une recherche qui vise à identifier dans le temps les vestiges d’un site dont les activités étaient hautement spécialisées. Enfin, l’auteur a élaboré un modèle pour l’exploration d’autres sites qui, nous l’espérons, seront étudiés ultérieurement pour des fins de comparaison. Pelletier a produit une étude des plus intéressantes et nous la recommandons à tous ceux et celles qui s’intéressent à leur histoire.