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NPS – Quelles sont les conditions d’émergence qui ont favorisé le projet de L’Autre Montréal ? Quelles étaient les idées de départ ?
L’Autre Montréal, c’est d’abord un projet d’éducation populaire à l’intérieur d’une pratique militante, d’un comité logement, celui du Plateau Mont-Royal, qu’on appelait Saint-Louis à l’époque. Dans ce projet d’éducation populaire, il y avait des éléments intéressants et d’autres qu’on a jetés. L’élément le plus intéressant constituait en des visites guidées, les découvertes urbaines. Nous sommes en 1974, en plein dans les démolitions de l’ère Drapeau : raser une partie de Montréal pour desservir un mégacentre urbain qui n’aura jamais vu le jour. On se rappelle que l’administration municipale prétendait que la région de Montréal aurait sept millions d’habitants en l’an 2000, et qu’il fallait modeler une ville à l’image de cette future supercité moderne américaine. Au centre-ville, comme dans le quartier Saint-Louis, au sud du Plateau Mont-Royal, le Comité logement s’est mis sur pied et a mobilisé un certain nombre de gens. Mais on avait de la difficulté à mobiliser largement. Si nous étions des activistes assez militants, les locataires qui venaient au comité logement, surtout pour des questions liées aux augmentations de loyer et à l’état de détérioration de leur logement, participaient rarement aux actions. Alors on s’est dit : il faut donner à ces gens-là des éléments d’analyse de la situation du logement et du quartier, pour que leur situation individuelle soit reliée à une compréhension plus large du problème. Entre autres, on a mis sur pied un cours, que je donnais pendant 14 semaines, à raison de trois heures par semaine aux Ateliers d’éducation populaire de Mercier. Au début du cours, il y avait 25 personnes et, à la fin, il en restait trois, complètement épuisées. On commençait le cours par La question du logement de Engels, que nous avions à peine lue et analysée : dément ! On était des jeunes militants sans beaucoup d’expérience en éducation populaire, et on projetait un certain nombre de connaissances qui nous semblaient pertinentes à des gens qui, au départ, n’aimaient pas lire. Dans un premier cours, nous avons fait l’histoire de Montréal et du quartier avec des diapositives et d’autres éléments visuels. Les gens avaient trouvé ça assez intéressant. Nous avions aussi organisé quelques rencontres très stimulantes sur les droits des locataires en utilisant le théâtre Forum. Donc, à l’intérieur de cette masse imbuvable de matière didactique, qu’on appelait de l’éducation populaire, il y avait des outils qui commençaient à naître.
Nous avons découvert qu’à travers une visite commentée non seulement il était possible de montrer des lieux et des quartiers, expliquer leur histoire, mais aussi de développer chez les gens un sentiment d’appartenance à leur quartier. De plus, nous pouvions faire des liens entre divers phénomènes sociaux et urbains. Par exemple, les liens entre une zone d’incendie ou de démolitions et l’apparition de tel type d’équipement ou la présence de nouveaux projets de développement dans le centre-ville. Ces liens-là se comprenaient, s’éclairaient plus facilement ainsi. Nous nous sommes dit qu’il pouvait être intéressant de rendre l’information plus dynamique et vivante que dans les rencontres formelles, souvent inaccessibles, en particulier pour des gens qui ne maîtrisaient pas la lecture et l’écriture. Le projet a commencé vers 1976 avec des visites commentées liées aux objectifs précis du comité logement Saint-Louis.
Ensuite, le projet des visites est passé sous la responsabilité du Regroupement des comités logement et associations de locataires qu’on avait créé entre-temps, mais c’était la cinquième roue du carrosse. Nous avions intégré le projet des visites au programme d’éducation du Regroupement, mais personne ne le portait vraiment. À l’époque, on faisait trois ou quatre visites par année. En 1983, quelques militants voulant exploiter cet instrument d’éducation populaire se sont réunis et ont créé une corporation autonome, le collectif L’Autre Montréal, qui prenait la responsabilité des activités. Le comité logement et le regroupement des comités avaient de la difficulté à développer ce projet. C’est à ce moment-là que d’autres organismes ont commencé à nous demander d’adapter notre approche à leurs centres d’intérêt. L’approche qu’on utilisait pour faire de l’analyse urbaine ou parler des problèmes de logement pouvait s’appliquer à d’autres enjeux sociaux. L’origine de L’Autre Montréal, c’est donc un projet d’éducation populaire à l’intérieur d’un groupe d’action communautaire, qui va prendre son autonomie tout en continuant à soutenir l’action communautaire. C’est aussi un projet issu de la critique d’une pratique d’éducation politique. Cette pratique était surtout scolaire, théorique, intellectuelle, etc. Avec L’Autre Montréal, on a essayé de développer une pratique accessible et très polyvalente, tout aussi stimulante intellectuellement pour un étudiant universitaire, par le contenu étoffé, que pour une personne analphabète ayant une scolarité réduite et un bagage culturel limité à son expérience propre.
NPS – Si je comprends bien, à partir d’une pratique en comité logement, une pratique de défense des droits, d’action sociale, d’action politique, émerge une pratique d’éducation populaire qui demeure présente dans le réseau des comités logement, mais qui commence à prendre une certaine autonomie. Et vous avez pris cette initiative seul ou avec d’autres ?
Nous étions quelques-uns, dont André Lavallée du Comité logement de Rosemont et Suzanne Laferrière de la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles. Nous avons réuni des militants, mais aussi des gens qui suivaient une formation en urbanisme et qui voulaient sortir de leurs livres ! L’Autre Montréal est demeuré un petit noyau de militants bénévoles jusqu’en 1998. Les circuits se sont développés de deux façons. En groupe, on identifiait des enjeux pour lesquels on se sentait quasiment obligés d’intervenir. Par exemple, en 1986, nous avons pris la décision de faire un circuit sur les réalités multiethniques à Montréal. On venait de vivre une période pendant laquelle plusieurs membres des communautés noires avaient été assassinés par des policiers en service, et nous pensions qu’il était nécessaire de proposer une sensibilisation à l’histoire des communautés culturelles et aux enjeux d’une société multiethnique. Nous avons bâti un circuit sur ce thème et c’est devenu le circuit le plus demandé aujourd’hui.
L’autre façon de faire, c’est en répondant à une commande. Par exemple, en 1989, les groupes communautaires de Montréal nous ont commandé une visite sur l’action communautaire dans le cadre d’une grande opération de visibilité. Si la commande correspond à notre mission, le nouveau circuit va être conçu et animé pour le groupe demandeur puis intégré dans les circuits offerts plus largement par L’Autre Montréal. C’est un peu sur cette base qu’un catalogue d’une soixantaine de circuits s’est constitué ; à partir de nos coups de coeur ou nos coups de gueule, et des demandes externes.
NPS – Il y a donc une interface constante avec les pratiques d’action communautaire ?
Oui et, parfois, on ne sait plus quelle est l’origine d’un circuit. Par exemple, Action autonomie, un groupe de défense des droits en santé mentale, nous a demandé, il y a huit ans, un circuit sur l’évolution des droits en santé mentale et on l’a réalisé. À chaque année, lors de la semaine de la santé mentale, le groupe demandeur nous redemande ce circuit qui est aussi utilisé par des enseignants, par des groupes de défense des droits ou dans le réseau des ressources alternatives. Indépendamment de la commande initiale, L’Autre Montréal a continué à faire évoluer le circuit.
NPS –Vous faisiez une comparaison entre l’intention de départ, les objectifs d’éducation populaire qui étaient déterminants pour la mise sur pied de L’Autre Montréal et, aujourd’hui, le type d’activités que vous organisez. Quels seraient les changements ou les découvertes que vous avez faits entre ces deux périodes ?
En fait, rien n’a changé et beaucoup de choses ont changé. Rien, dans le sens que l’intention et la mission de départ sont restées les mêmes. Il y a tout un secteur de L’Autre Montréal qui n’a pas changé parce que les besoins sont les mêmes chez nos partenaires. Les gens ont toujours besoin d’outils d’éducation populaire et les groupes qu’on dessert ont toujours besoin de nous voir développer des thèmes qui correspondent à leurs préoccupations.
Ce qui a changé, ce sont de nouveaux volets d’intervention. On avait envie de s’associer avec des organismes qui étaient différents de nos partenaires initiaux et qui nous apportaient des contrats contribuant à notre autofinancement et à notre notoriété. Par exemple, il y a quatre ans, Commerce Design Montréal, une division de la Ville de Montréal, nous a commandé un circuit de sensibilisation du public à la qualité du design de commerce. Nous nous sommes éloignés de notre mission de départ, mais ces circuits situent les aménagements contemporains dans l’histoire sociale et culturelle de la ville, et viennent enrichir un volet culturel qui est apparu à côté du volet sociopolitique.
Par ailleurs, comme j’étais fasciné par les peintres qui ont pris Montréal comme sujet, j’ai développé un circuit qui s’appelle Montréal en peintures. À travers ces peintres qui ont vécu presque en même temps et qui ont peint la ville presque aux mêmes endroits, on découvre, du clérico-nationalisme jusqu’au communisme, toute la palette des choix sociaux et politiques qui s’exprimaient à l’époque. Un circuit avec une visée tout à fait sociale, mais en plein dans le domaine culturel. Ce volet culturel qui s’est ajouté n’est pas en contradiction avec notre mission : il l’élargit. Tous ces circuits font que les gens qui y participent ont du plaisir et que leur ville signifie quelque chose pour eux. Quand j’anime la visite sur les peintres et la ville, je montre des endroits disparus, je raconte dans quelles conditions le maire Drapeau les a fait disparaître par exemple. Le contenu sociopolitique est toujours présent.
Un autre élément a changé depuis la mise sur pied de notre organisme. Des clientèles qu’on n’avait pas du tout visées sont devenues des partenaires importants de L’Autre Montréal. La clientèle du milieu de l’enseignement correspond à notre mission parce que nous savons que les étudiants en travail social ou en sociologie vont, dans une certaine mesure, devenir des intervenants dans les communautés. On pense aussi que les étudiants en techniques policières, qu’on a commencé à desservir assez tôt dans l’histoire de L’Autre Montréal grâce à des professeurs éveillés, vont peut-être devenir des policiers et policières plus conscients des réalités sociales un peu grâce à nos circuits. Dans les dernières années, les institutions d’enseignement représentaient jusqu’à 40 % de notre clientèle : cégeps, universités et, depuis quelques années, écoles secondaires et primaires.
La clientèle des fonctionnaires s’est aussi beaucoup développée depuis cinq ou six ans. Quand on a commencé à parler du « virage milieu » dans les institutions publiques, on a vu les gens se questionner sur des milieux d’intervention qu’ils connaissaient mal. La mise sur pied des tables de concertation de quartier nous a permis aussi de répondre à des besoins d’analyse commune des contextes d’intervention. Un exemple : le service de police de Montréal. Nous y avons réalisé des activités de formation dans le cadre du développement de l’approche communautaire des postes de quartier. Elles visaient à faire découvrir le mouvement communautaire à des policiers issus d’un système hiérarchique orienté vers la répression. Nous avons ouvert une fenêtre sur un mouvement communautaire reposant sur une culture démocratique, une histoire et des réalisations importantes pour la vie sociale. Ces formations ont développé la capacité des policiers à travailler avec les groupes communautaires dans un cadre de prévention. Ce n’est pas le type d’organisme qui était visé au départ et nous n’avions pas imaginé que les policiers pourraient devenir des partenaires importants, mais ils le sont devenus.
Les pratiques du début se poursuivent en continuité avec des pratiques nouvellement greffées au projet initial. Cependant, ces ajouts peuvent poser problème. L’élargissement et la diversification des clientèles, les différentes adaptations d’animation, les adaptations de contenu, les formats variés, la gestion d’un catalogue de 60 circuits, c’est un casse-tête pour une équipe ridiculement petite qui a peu de temps pour se retourner entre deux circuits.
NPS – Vous avez évoqué votre pratique d’éducation populaire au moment où vous étiez militant au Comité logement (par exemple, les cercles de lectures marxistes) et vous parlez maintenant de L’Autre Montréal d’aujourd’hui avec des partenaires institutionnels et communautaires diversifiés. Est-ce que votre définition de l’éducation populaire s’est transformée, s’est clarifiée ? Quelle est votre représentation de l’éducation populaire aujourd’hui ?
Au tout début, les circuits appuyaient des démarches que nous contrôlions, c’est-à-dire que les circuits étaient une partie de la démarche générale d’éducation populaire coordonnée par le Comité logement Saint-Louis. Nous étions en mesure de contrôler les tenants et les aboutissants, la préparation et le développement, ainsi que le résultat de la démarche. Aujourd’hui, nous nous situons en seconde zone. Puisque nous sommes en deuxième ligne, c’est-à-dire au service des groupes, il y a certains éléments qui nous échappent. Dans notre définition de l’éducation populaire, qui est d’outiller des gens pour l’action, d’éclairer des enjeux, de susciter des réflexions, nous intervenons dans une étape de la démarche qui a été entreprise par d’autres organismes. Et ces organismes vont poursuivre cette démarche après nous ; cela peut être une occasion de frustrations. Avec certains groupes, il est difficile de cerner dans quel cadre notre activité s’inscrit, de quelle préparation ont bénéficié les participants et quelles vont être les suites apportées. Avec le RAPSIM[1] par exemple, il y a eu toutes sortes de discussions préparatoires pour savoir dans quelle perspective allait s’inscrire l’activité que nous avions conçue pour eux. Par contre, nous avons été moins présent dans le suivi de cette démarche ; mais, nous savions, approximativement, du moins dans quel sens le projet s’orientait.
Dans d’autres cas, si nous connaissons le groupe partenaire et si nous connaissons le cadre dans lequel l’activité s’inscrit, nous n’avons aucune prise sur la démarche en amont et en aval de l’activité. Je ne peux donc pas prétendre que les activités de L’Autre Montréal sont des démarches d’éducation populaire complètes. Dans un contexte dans lequel il y a un contact de trois heures en moyenne, l’interaction, qui est fondamentale en éducation populaire, est très minime malgré le dynamisme de l’animation. Un peu comme dans le théâtre d’intervention, les découvertes urbaines sont des éléments déclencheurs dans une démarche d’éducation populaire. Je nous compare souvent à Mise au jeu ou au Théâtre Parminou, qui interviennent dans une démarche avec un outil suffisamment fort pour réveiller les gens. Une démarche qui peut introduire des réflexions, apporter des informations et des éléments de conscientisation, un outil non discriminatoire sur le plan des connaissances culturelles. En effet, on ne passe pas par le filtre de l’écrit. Il y a un aspect ludique qui aide à accomplir l’effort intellectuel que nous sollicitons. Il y a des éléments dans notre pratique d’animation qui donnent un accès au savoir et à la réflexion, ce que d’autres outils ne permettent pas. Dans ce sens, cette pratique peut ressembler à une pièce de théâtre d’intervention. Mais, dans notre activité, il n’y a pas toujours toutes les dimensions d’une démarche d’éducation populaire dans laquelle nous définissons avec le groupe les motivations et les finalités du projet.
NPS – J’aimerais qu’on revienne sur un aspect que vous avez soulevé auparavant : la capacité organisationnelle de L’Autre Montréal de répondre aux demandes de la communauté. Combien de permanents travaillent à L’Autre Montréal ?
Nous sommes cinq permanents. Dans la vie de L’Autre Montréal, il y a eu un tournant autour de 1998. En 1995, nous étions deux « piliers » bénévoles accompagnés parfois par quelques personnes qui gravitaient autour de nous pour des projets spéciaux. Nous pouvions animer environ 100 à 120 circuits par année en plus de nos responsabilités professionnelles dans nos lieux d’emploi respectifs. Sauf qu’à un moment c’était quitte ou double. Nous devions arrêter ou développer l’organisme. Nous avons profité d’un programme de création d’emplois pour les entreprises d’économie sociale dans le cadre du Fonds de lutte contre la pauvreté. Nous sommes passés d’une organisation militante, dont le nombre d’acteurs bénévoles oscillait entre deux et huit personnes, à une organisation de six salariés avec un conseil d’administration institutionnalisé, régulier, un local, des contrats de travail, un fonds de fonctionnement et la recherche, sans répit, de financement, comme dans tous les groupes. C’est la grande nouveauté depuis 1998 ; un gros changement organisationnel qui aurait pu saboter notre orientation, mais la course aux subventions ne nous a pas fait dévier de notre mission. Par contre, cette orientation nous pose d’énormes problèmes d’identité parce qu’on est en situation d’hybridité totale.
NPS – Que voulez-vous dire par hybridité ? Est-ce que vous faites référence à la conjugaison entre le secteur culturel et le secteur éducation populaire ?
Nous nous sommes d’abord définis comme un groupe d’éducation populaire et de formation. Mais la perception qu’on a de nous, y compris dans le mouvement communautaire dont nous sommes issus, c’est que nous sommes un groupe à dominante culturelle. Certains groupes, qui croient bien nous connaître, parlent de nous comme d’un organisme touristique. Notre clientèle touristique ne constitue pourtant pas une portion très significative de nos activités. Notre pratique culturelle, bien qu’elle soit importante, est le plus souvent intégrée dans les circuits à connotation sociale. En fait, le principal objet de nos activités est la formation : formation académique avec les étudiants, formation continue avec des gens de la fonction publique, éducation populaire, sensibilisation et formation dans l’action avec les groupes communautaires, leurs membres et leurs intervenants. Ce qui touche les loisirs et la culture générale est une dimension secondaire de notre pratique, mais on dirait que notre outil, la visite guidée, avec sa connotation touristique, domine la perception et occulte cette dimension de formation et d’éducation populaire. Cela se traduit durement dans la recherche de financement d’État. N’étant pas un groupe de défense des droits, nous ne pouvons pas être financés par le SACA[2]. Le ministère de l’Éducation s’est débarrassé de nous à l’occasion du grand ménage qu’il a opéré dans la foulée de la nouvelle politique en éducation permanente. Le ministère de la Culture n’a aucun programme pour l’éducation au patrimoine et a de la difficulté à reconnaître notre apport culturel.
NPS – Qu’est-ce qui s’est passé avec le financement que vous aviez eu en 1998 ?
C’était un financement décroissant qui a duré trois ans. Dans le domaine de l’économie sociale, le gouvernement considère que les entreprises, issues, comme nous, de l’action communautaire, peuvent voler de leurs propres ailes après trois ans de soutien. Pourtant, du côté des entreprises privées, on évalue que la période normale de consolidation d’une nouvelle entreprise couvre de sept à dix ans.
En résumé, nous avons développé une pratique qui, au cours des années, est devenue une pratique reconnue, qui a trouvé sa place dans les pratiques d’action collective ou de formation. Cette pratique a trouvé une niche dans un milieu de plus en plus large d’organismes : organismes d’action sociale, établissements d’enseignement, formation continue de fonctionnaires. C’est notre hybridité, notre position au carrefour de l’éducation populaire et de l’animation culturelle, qui a attiré la plupart de ces partenaires ; c’est notre capacité de faire des liens entre les dimensions historiques, sociales, économiques et culturelles qui est notre force. Mais ces attributs nous nuisent dans l’atteinte d’une reconnaissance et, par conséquent, d’un financement adéquat. La situation est paradoxale. L’Autre Montréal n’a jamais eu autant de reconnaissance et de crédibilité sur le plan de la pertinence et en ce qui concerne la qualité de ses activités. Son offre de services n’a jamais été aussi diversifiée ni liée aussi étroitement aux besoins de la communauté. L’organisme a atteint un niveau d’autofinancement peu égalé dans le domaine de l’action communautaire et de l’animation socioculturelle. Il a développé une gestion très serrée. Or son avenir est plus que précaire. Nous sommes au carrefour de plusieurs domaines d’interventions (la formation sociale et l’animation culturelle) ; nous rejoignons des milieux diversifiés (des groupes communautaires aux institutions) ; nous avons un statut de groupe communautaire mais aussi d’entreprise d’économie sociale. L’Autre Montréal semble avoir une identité problématique pour le cadre des programmes de la plupart des bailleurs de fonds gouvernementaux. Actuellement, nous sommes vraiment à la croisée des chemins sur le plan du financement.