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Comme le précise Teece (2008), l’apport d’Ikujiro Nonaka aux Sciences de Gestion est considérable. Le modèle de conversion des connaissances dans les projets d’innovation de l’entreprise, le « SECI » (Nonaka et Takeuchi, 1995), est devenu une référence incontournable en management. Mais peu de temps après la publication de l’ouvrage de 1995, Nonaka prend conscience de la nécessité d’expliciter les conditions fondamentales qui président à la conversion des connaissances dans les cas étudiés (Nonaka et Konno, 1998). Selon lui, ces conditions sont inscrites dans la culturelle japonaise. Il va alors introduire cette dimension en proposant le concept de Ba (Nonaka et Konno, 1998), qu’il va définir comme la dynamique d’un contexte partagé entre des acteurs à même de générer de la connaissance. Les différentes étapes du modèle SECI vont être revisitées à partir de cette notion. L’enjeu théorique autour de cette notion est important puisqu’elle conditionne tout simplement le processus de conversion de connaissance comme le reconnait Nonaka dès son premier article sur le sujet (Nonaka, Konno, 1998) dont le titre est éloquent : The concept of Ba : Building a foundation for knowledge creation. Mais cette notion de Ba est complexe. Tout d’abord, comme le précise Fayard (2006), elle est fortement empreinte de la culture japonaise et donc à l’écart d’une tradition cartésienne. Le ba est un idéogramme. Deuxièmement comme le reconnait Teece (2008), Nonaka fait appel à la philosophie pour développer ces concepts, ce qui les rend plus difficiles à appréhender pour les gestionnaires. En effet, Nonaka pour définir le Ba mobilise les travaux du philosophe japonais Nishida (1970, 1990). Enfin, Nonaka reconnait lui-même que cette notion est sous explorée sur le plan empirique (Nonaka alii, 2006). Il en ressort des difficultés de compréhension pour saisir la nature profonde du Ba et au rôle effectif qu’il joue sur la création et le processus global de conversion de connaissances.

L’objet de cet article est d’enrichir la notion de Ba en mobilisant le corpus théorique issu de l’Ecole de la proximité à partir d’une lecture croisée autour d’un cas d’un échec d’un processus de conversion de connaissances. Si le Ba repose sur une approche philosophique, cette Ecole vise à proposer une grille théorique permettant d’analyser des cas empiriques. Au-delà de cette complémentarité, elle partage un certain nombre de points communs avec le modèle SECI et le concept de Ba qui y est associé. Le premier d’entre eux renvoie au rejet des approches purement contractuelles (Williamson, 1994) qui peinent à rendre compte des processus de création de connaissances par exemple. On passe d’une lecture en termes d’allocation de ressources à une perspective centrée sur la création de ressources. Dans les deux cas, il s’agit de s’intéresser aux conditions de l’apparition et au renforcement d’une interaction visant notamment (dans le cas des travaux proximité) ou exclusivement (dans le cas du Ba) à l’échange des connaissances permettant à des collaborateurs d’innover. L’Ecole de la proximité apporte une vision occidentale de ces conditions. Elle s’est construite en France au milieu des années quatre-vingt-dix et regroupe des auteurs qui souhaitent aborder le rôle de l’espace dans les interactions. Si l’espace est d’abord pensé d’un point de vue géographique, il est observé aussi dans sa dimension sociale (Bellet et al., 1993). Ce courant pose comme principe fondamental que la localisation dans un espace géographique et social conditionnent les interactions entre acteurs (Gilly et Torre, 2000; Pecqueur et Zimmermann, 2004; Boschma 2005; Bouba-Olga et al., 2008; Rychen et Zimmermann, 2008).

Ces travaux ont en commun de partager un même objet d’analyse, en l’occurrence les interactions entre individus et/ou acteurs collectifs et de s’inscrire dans une perspective interactionniste basée sur l’échange de connaissances (Nonaka et Takeuchi, 1995; Nonaka et Konno, 1998; Carrincazeaux et al., 2008). L’interactionnisme considère qu’un acteur tient compte dans son action du comportement des autres agents avec lesquels il entretient des liens directs (Grossetti et Filippi, 2004). Par conséquent, les interactions délimitent un voisinage au sein des réseaux sociaux, cadre de cette réciprocité, des relations et de la diffusion des connaissances. Elles deviennent un outil analytique utilisé pour mettre à jour les liens entre modes de coordination, nature des connaissances et processus d’apprentissages, déterminant la co-construction de l’environnement.

Enfin, elles partagent toutes deux un même centre d’intérêt pour les questions liées à l’innovation. En ce qui concerne les travaux de Nonaka (1994), il s’agit fondamentalement de proposer une modélisation du fonctionnement de l’entreprise innovante japonaise. Le SECI est la pierre angulaire de cette modélisation (cf. le modèle intégré du processus de conversion des connaissances dans l’entreprise (Nonaka, Takeuchi, 1997, p.108). Pour l’école de la proximité, il s’agit de traiter des relations sciences industries, des relations inter-individuelles (Grossetti, 2008), des questions environnementales (Torre et Zuindeau, 2009) et des collaborations visant à l’innovation (par exemple Boschma, 2005; Torre et Rallet, 2005; Boschma et Frenken, 2010).

Ces points communs justifient d’aborder la question du contexte mutuel partagé qui préside à la création des connaissances et à leurs conversions comme une manière de construire de la proximité entre des acteurs. Ainsi, nous montrons la fécondité d’une mise en relation entre deux programmes de recherche distincts, d’une part celui de l’Ecole japonaise du management des connaissances, et d’autre part, celui de l’Ecole française de la proximité.

Adoptant une démarche de théorisation ancrée (Glaser, Strauss, 1967), nous proposons d’étudier le cas d’un échec d’un projet de coopération entre la France et la Chine, dans le domaine de la santé. Il s’agit d’une coopération complexe entre des partenaires publics et privés qui ne se connaissent pas et qui va se dérouler pendant plusieurs années. Nous montrons que cet échec résulte essentiellement d’un contexte mutuel partagé insuffisamment développé, qui fait obstacle à la conversion des connaissances entre les acteurs, conversion dont dépend la réussite du projet d’innovation (Nonaka et Takeuchi, 1995). L’apport de ce travail consiste à approfondir cette idée d’obstacle que nous analysons ici comme une absence de proximités, les conditions à l’apparition d’une relation d’innovation collective n’étant pas réunies.

Ce travail s’organise en cinq temps. Dans un premier temps, nous revenons sur le modèle SECI et plus particulièrement sur la notion de Ba, puis, dans un deuxième temps nous faisons état de l’Ecole de la proximité. Après avoir précisé la méthodologie utilisée, nous proposons une description du cas en identifiant les étapes du modèle SECI. Enfin, en conclusion, nous discutons des apports possibles du cadre théorique de la proximité pour aborder les différents contextes mutuels partagés ou non dans le cas étudié.

Le modèle SECI et le Ba

Le modèle de conversion de connaissances de Nonaka

Le point de départ du programme de recherche de Nonaka consiste à rendre compte des nouvelles méthodes de management de projet que développent les entreprises japonaises depuis les années 80 et qui sont au fondement de leurs succès (Imai, Nonaka et Takeuchi, 1985). C’est grâce à cette nouvelle manière de « faire du projet » qu’elles deviennent capables de développer d’une façon permanente de nouveaux produits. Pour rendre compte de cette capacité, Nonaka construit une théorie de la création et de la conversion des connaissances dans les organisations (Nonaka, 1991, 1994; Nonaka et Takeuchi, 1995), mais aussi entre les organisations (Nonaka et al., 2008). Nonaka et al. (2008) ouvrent ainsi la voie à la conversion des connaissances dans des projets de coopération inter organisationnelle, voie que nous empruntons dans cet article. La littérature a principalement retenue des travaux de Nonaka un modèle intra-organisationnel. Pourtant, dès l’ouvrage de 1995, dans le chapitre 7 intitulé « Global Organizational Knowledge Creation » (Nonaka, Takeuchi, 1995, p.219), Nonaka discute précisément les situations dans lesquelles les entreprises japonaises sont tenues de collaborer avec d’autres entreprises non-japonaises et à l’étranger. Enfin, il développera cette dimension inter organisationnelle en appliquant le modèle SECI à l’entreprise étendue, à savoir les relations de l’entreprise avec d’autres organisations et d’autres entreprises (Nonaka et al., 2008).

Cette théorie a développé deux concepts centraux : celui de « connaissances tacites » à partir des travaux de Polanyi et celui de « conversion des connaissances » (le modèle SECI). Nous ne reprendrons pas ici une présentation de ces concepts qui sont largement connus. Nous rappellerons simplement que le modèle SECI (Nonaka, 1991; Nonaka, 1994; Nonaka et Takeuchi, 1995; Nonaka et al., 2008) est un modèle dynamique de conversion de connaissances dans et entre les organisations. C’est un processus qui comprend quatre étapes : socialisation, extériorisation, combinaison, intériorisation. Chaque étape renvoie à différents processus de conversion des connaissances (figure 1). Le lien entre les différentes étapes est profond. Chaque étape contient en son germe la suivante. La manifestation de la socialisation produit en germe l’extériorisation des connaissances explicites qui entraine de lui-même la combinaison avec d’autres connaissances explicites avant qu’elles ne s’intériorisent dans les individus (Fayard, 2006). La création de connaissances organisationnelles est alors un processus sans fin qui se met à jour en permanence (Nonaka et al., 2008) (figure 1). Le modèle de la conversion des connaissances chez Nonaka constitue une routine organisationnelle permanente qui prend la forme d’une spirale.

Nonaka et Takeuchi (1995) se placent dans leur modèle initial dans le cas où les principaux acteurs sont japonais et où l’intention organisationnelle est établie, sans ambiguïté, par l’entreprise. C’est cette intention organisationnelle qui va orienter la spirale de la création des connaissances organisationnelles. Les acteurs ont de fait la même culture et ils sont dans la même intention organisationnelle. Ainsi, les conversions des connaissances s’effectuent à l’écart des problèmes liés à des différences d’ordre culturel et organisationnel. Ces différents éléments de contexte ainsi que des possibilités de contradiction dans l’intention organisationnelle dans la firme seront finalement réintroduits dans des travaux ultérieurs à travers la notion de Ba (Nonaka et al, 2008).

La réintroduction du contexte : la notion de Ba

A l’origine la notion de Ba est introduite par Nonaka et Konno (1998) pour spécifier ce qui peut apparaitre comme une évidence dans la culture japonaise qui n’est pas explicitée au sein du modèle SECI, mais dans le même temps celle-ci constitue le prérequis indispensable pour que le processus de conversion de connaissance ait lieu. C’est l’introduction du concept de Ba qui va permettre de construire les fondements de la création de connaissance. Il s’agit de rendre compte de la nature du contexte à même de produire de la connaissance (figure 1).

FIGURE 1

Le Ba : un contexte mutuel partagé propre à générer de la connaissance

Le Ba : un contexte mutuel partagé propre à générer de la connaissance
Source : Nonaka, I., Toyama, R. et Hirata, T. (2008)

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Nonaka emprunte cette notion de Ba aux travaux du philosophe japonais Shimuzu (1995), qui s’inspire lui-même d’autres travaux philosophiques comme ceux de Nishida (1970, 1990). Cette philosophie bien que fortement ancrée dans une tradition japonaise peut s’apparenter à une philosophie combinant une approche phénoménologique (Husserl, 1970) et pragmatiste (James, 1975). Le Ba est un idéogramme japonais kanji c’est-à-dire ayant un caractère conceptuel dont la partie gauche désigne un « espace présentant un potentiel » et la partie droite « un mouvement qui imprime une direction » (Fayard, 2003). Le Ba dans cette littérature peut être définie comme « un contexte partagé propre à faire émerger une interaction entre des acteurs. Cet espace partagé peut être aussi bien physique (un lieu de travail), virtuel (des échanges par mail) ou mental (des idées), voire une combinaison de ces trois contextes ». (Nonaka, Honno, 1998, p40). Nonaka proposera d’orienter cette interaction uniquement vers la création de connaissance. Le Ba est le support essentiel au développement de la connaissance individuelle et collective. Cette notion s’enracine dans une théorie existentialiste, le Ba est un contexte qui fait émerger du sens. C’est cet espace partagé qui fait sens qui constitue le fondement de la création de connaissance.

Nonaka reprendra ultérieurement cette notion. Le Ba sera défini comme « un contexte partagé émergeant dans lequel la connaissance est créée, partagée et utilisée » (Nonaka et Toyama, 2003, p. 6), comme « un lieu existentiel où les participants partagent des contextes et créent de nouvelles significations à travers leurs interactions » (ibid., p. 7). Il s’agit d’un lieu temporaire dont l’espace et la temporalité singulières doivent être spécifiées : « ici et maintenant ». Il ne s’agit pas d’un lieu permanent, ou de quelque chose qui subsiste au-delà des interactions. Ce sont des subjectivités en partage qui se transforment au cours des interactions Le Ba est un processus et non une substance. En résumé, le Ba est un espace-temps ayant une forte dimension existentielle, à même de créer du sens, propre à permettre aux individus de dépasser leurs propres subjectivités et qui va engager un mouvement collectif de création de connaissance (Lièvre et al., 2016).

Enfin, Nonaka, Toyama et Hirata (2008) seront amenés à proposer cinq caractéristiques du Ba que nous ne ferons que pointer ici : auto-organisation, création d’un sens partagé autour d’une finalité, variété des expériences, une frontière ouverte, un engagement altruiste.

On comprend pourquoi à la vue de ces différents critères Nonaka précisera qu’il y a des similitudes entre la notion de Ba et celle de communauté de pratique (Wenger, 1998), mais aussi des différences comme par exemple autour de la question de la temporalité : autant le Ba est éphémère autant la communauté a une certaine permanence (Nonaka, Von Krog, Voelpel, 2006).

Au final Nonaka va revisiter les quatre formes de conversion des connaissances du modèle SECI à partir de cette notion de Ba (figure 2). Il va proposer des archétypes en matière de contexte partagé propre à chaque opération du SECI. Il distingue dans la phase de socialisation : le « Ba originaire » (Originating Ba), ayant une dimension existentielle et prenant la forme d’un face à face; dans la phase d’extériorisation, le « Ba interactif » (Interacting Ba ), doté d’une dimension réflexive, prend la forme d’une interaction avec des pairs; dans la phase de combinaison, le « Ba système » (Cyber Ba) possède une dimension systémique et prend la forme d’interactions entre groupes; dans la phase d’intériorisation, le « Ba mis en oeuvre » (Exercising Ba) à une dimension synthétique, prenant sa forme dans une pratique in situ.

FIGURE 2

Ba et modèle SECI (à partir de Nonaka et Takeuchi, 1995)

Ba et modèle SECI (à partir de Nonaka et Takeuchi, 1995)

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Le concept de Ba a connu un large écho en Sciences de Gestion (cf. le tableau 1 pour une synthèse). Les travaux se distinguent par leurs hypothèses d’approche du concept de Ba et par les propositions qu’ils formulent. Trois principales catégories de travaux apparaissent. Un premier ensemble part du principe que le Ba, malgré sa forte identité japonaise, peut trouver de larges domaines d’application en Occident. Ainsi, ces travaux proposent un ensemble de développements conceptuels du Ba à partir d’exemples occidentaux (Creplet, 2000; Fayard, 2003; Kaiser et al., 2010). Une deuxième catégorie, faisant l’hypothèse qu’il existe des potentialités encore non exploités du concept, s’intéresse aux conditions de création des connaissances dans les organisations à partir du Ba (Senoo et al., 2007; Choo et al., 2010). Un troisième groupe de travaux postule que le Ba peut trouver des applications variées en matière de management, par exemple dans le management des systèmes d’information, la gestion des compétences, la gestion inter générationnelles ou encore les politiques publiques citoyennes (Baqir et al., 2004; Peillon et al., 2006; Shimada et Dameron, 2015).

Ces travaux récents se sont construits à partir des potentialités mais aussi des limites du concept de Ba notamment celles relatives à l’identification des conditions de création de connaissances par ce contexte mutuel partagé (Choo et al., op.cit.; Senoo et al., op.cit.). De manière continue et complémentaire à l’identification de ces conditions, notre travail analyse aussi la dynamique de conversion des connaissances que peut produire le Ba et qui conditionne la réussite d’un projet. Nous postulons que l’Ecole de la proximité peut mieux identifier les caractéristiques de ce contexte partagé en termes de proximité entre les acteurs.

L’Ecole de la Proximité

Dans les années 1990, se sont regroupés quelques économistes français, bientôt rejoint par des sociologues, géographes et gestionnaires autour de la nécessité d’endogénéiser l’espace dans la théorie économique en lui octroyant une dimension sociale fondatrice. Traditionnellement, le traitement de l’espace a été relégué au second plan : perpétuant la vision walrassienne d’un marché homogène, il a été compris comme un cadre neutre et uniforme, sans relief autre que ceux identifiables par des coûts. C’est bien à un dépassement de cette vision restrictive que s’attache la démarche de proximité, pour prendre en compte les conséquences de la localisation de chaque acteur sur leur action collective dans un espace hétérogène, asymétrique, multiforme, bref à chaque fois singulier et complexe. Ce dépassement suppose la levée de trois contraintes (Bellet et Kirat, 1998) : débuter l’analyse par la formation des hétérogénéités pour s’émanciper de l’hypothèse d’un espace homogène; s’attacher à l’examen des processus de création de ressources pour dépasser l’approche statique de dotations des facteurs; appréhender les flux d’information au-delà du seul marché et des prix.

L’Ecole s’inscrit dans la tradition marshallienne des districts industriels, au côté des approches traitant des systèmes nationaux d’innovation (Lundvall, 1992), des milieux innovateurs (Camagni et Maillat, 2006) ou encore des clusters (Porter, 1998) pour qui la proximité géographique entre firmes est perçue comme un facteur de diffusion des informations et des connaissances. Elle insiste sur le fait que les formes d’action collectives comme les territoires sont des construits dont l’existence n’est pas postulée en début d’analyse. L’approche par la proximité cherche à rendre compte de ce processus de construction par l’analyse des interactions, qui deviennent l’unité d’analyse de base. Elle conçoit les interactions comme situées dans des espaces tout autant sociaux que géographiques. Et afin que de la dimension géographique ne reste pas « un impensé de la gestion » (Lauriol et al, 2008, p. 92), l’Ecole de la proximité a, par la suite, fait l’objet de nombreux développements en sciences de gestion, au moins en France : citons par exemple Adam-Ledunois et Renault (2008), Lauriol et al. (2008), Loilier, (2010), Angué et Mayrhofer (2010), Gomez et al. (2011) ou encore Pihel et Journé (2016).

Tableau 1

Les développements dans et autour du concept de Ba

Les développements dans et autour du concept de Ba

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Elle présente plusieurs dimensions. Intuitivement, on pense en premier lieu à la proximité géographique qui réunit des agents partageant un même espace géographique. Mais l’acteur est présent à la fois « ici et ailleurs » : ici car il est localisé dans un espace géographique au sein duquel il entretient des relations de voisinage, ailleurs car l’acteur est évidemment en relation à distance avec d’autres agents. De fait, on peut être « proche » de quelqu’un tout en étant éloigné géographiquement : la proximité présente alors, au côté de la dimension géographique, une dimension non géographique.

Les dimensions de la proximité

La proximité géographique répond à la question de la position dans l’espace géographique des acteurs, qu’ils soient des individus ou des organisations (Gilly et Torre, 2000; Pecqueur, Zimmermann, 2004). Concrètement, elle renvoie à la distance kilométrique et/ou temporelle qui sépare deux acteurs, tout en tenant compte du coût monétaire de son franchissement. Elle relève en dernier ressort d’un jugement porté par les individus sur la nature de la distance géographique qui les sépare. La proximité géographique peut prendre deux valeurs fondamentales : les acteurs se croient « être proche de » ou « être loin de », ces deux valeurs constituant les extrémités d’un même continuum (Torre et Rallet, 2005).

Si la définition de la dimension non géographique de la proximité fait moins consensus dans la littérature, une lecture principalement cognitive de celle-ci constitue un point commun de nombreux travaux, qui insistent tous sur la nécessité de partager un cadre cognitif commun pour pouvoir se coordonner (cf. tableau 2 pour une synthèse). La proximité organisée se définit par la capacité qu’offre une organisation de faire interagir ses membres (Torre et Rallet, 2005). Cette capacité résulte à la fois d’une logique d’appartenance - à une organisation - et d’une logique de similitude - entre des représentations. La logique d’appartenance traduit le fait que les membres d’une organisation interagissent effectivement grâce et dans un même cadre de règles et de routines de comportements dont ils partagent les mêmes interprétations; la logique de similitude exprime la communauté de croyances et de savoirs que partagent et qui lient les participants. Alors les coopérations entre les individus se développent d’autant mieux qu’ils appartiennent à la même firme ou au même réseau d’innovation. Boschma (2005), adoptant une perspective évolutionniste, propose une définition plus précise de la proximité cognitive, comprise comme le partage d’une même base de connaissances (similaires et/ou complémentaires).

La capacité des acteurs à apprendre suppose qu’ils puissent identifier, interpréter et exploiter les nouvelles connaissances (Cohen et Levinthal, 1990) : leur base de connaissance doit être suffisamment proche de ces dernières afin de les comprendre. La proximité cognitive devient alors une condition essentielle au transfert de connaissance entre acteurs.

L’auteur poursuit en définissant la proximité organisationnelle comme une mesure des relations formelles et informelles qu’entretiennent les membres appartenant à un même arrangement institutionnel (hiérarchie, réseau, marché) au sens de Williamson (1994). Elle évalue le degré de contrôle juridique et économique existant entre les membres d’une organisation ou entre des organisations. Ces relations de contrôle, parce qu’elles réduisent l’incertitude inhérente à toute relation et l’opportunisme des agents, sécurisent le transfert de connaissances (Donada et Nogatchewsky, 2006; Kamminga et Meer-Kooistra, 2007).

La proximité institutionnelle est entendue quant à elle comme la capacité des individus et des organisations à se coordonner grâce au partage de diverses institutions, formelles comme les lois et informelles comme les valeurs et les normes culturelles (Talbot, 2008). Ces institutions fournissent un cadre collectif et stabilisé pour le transfert de connaissances. Les travaux de Hall et Soskice (2001) ont montré qu’une trop forte distance institutionnelle entre des acteurs de pays différents fragilise leurs échanges de connaissances.

Enfin, au niveau individuel et toujours pour Boschma (2005), la proximité sociale mesure l’appartenance des individus à un même réseau social au sens de Granovetter (1985). L’encastrement des relations économiques dans un réseau social crée de la confiance entre les acteurs fondée sur l’amitié, la parenté ou l’expérience passée (Boschma et Frenken, 2010). Ainsi le risque de conflits interindividuel en est diminué.

Des proximités articulées

Ces diverses formes de proximité sont liées : elles se renforcent, se compensent et se détruisent. Une proximité géographique entre deux individus renforce leur proximité sociale, puisque l’amitié se nourrit de fréquentes rencontres. Elles peuvent aussi se compenser, une forte proximité organisationnelle compensant la dispersion spatiale d’organisations engagées dans un processus collectif de transfert de connaissances. Elles peuvent enfin se détruire. Une proximité géographique peut générer des conflits de voisinage (pollution) ou d’usage de l’espace qui mettent fin à un réseau collaboratif par exemple.

Tableau 2

Les dimensions de la proximité

Les dimensions de la proximité

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En outre, la présence de ces formes de la proximité n’implique pas automatiquement qu’une interaction entre deux acteurs proches émerge. Ainsi, deux entreprises, si elles partagent une même zone d’activité, peuvent n’entretenir aucune relation économique : elles sont simplement agglomérées (Gilly et Torre, 2000; Pecqueur et Zimmerman 2004). Deux membres d’une même organisation, (l’Université) ou d’un réseau social (les anciens de l’Université) n’entretiennent pas forcément une relation. Partager des normes culturelles, des représentations, des règles et des connaissances ouvrent seulement la voie à la relation. Les proximités ainsi définies cherchent à évaluer des potentiels d’interactions. En outre, pour que ces dernières deviennent effectives, un ingrédient supplémentaire est indispensable : il est nécessaire que les acteurs aient un projet stratégique pour activer ce potentiel de proximités comme par exemple, concevoir et produire un objet complexe ou transférer des connaissances.

Nous utiliserons dans cet article le modèle de Boshma (2005) qui est à la fois le plus complet et le plus synthétique. Cette typologie, largement reconnue par la communauté scientifique européenne, offre des définitions précises. Cela facilite leur opérationnalisation comme le montre les nombreux travaux empiriques qui les ont utilisées (voir par exemple Knoben et Oerlemans, 2006; Bouba-Olga et al., 2008; Boschma et Frenken, 2010; Balland, et al., 2013; Boschmaet al., 2015; Crespo et al., 2016). Nous aborderons donc la question de la proximité sur le plan cognitif, organisationnel, social, institutionnel et géographique. Dans notre étude cas, nous évaluerons la proximité cognitive par le métier des intervenants, la proximité organisationnelle par le caractère public ou privé des partenaires en relation, la proximité sociale par l’intensité de leurs relations passées, la proximité institutionnelle par leurs cultures et la proximité géographique par l’existence d’un face à face.

Nous devons maintenant présenter la méthodologie retenue ainsi que le cas lui-même.

Méthodologie

Notre méthodologie est qualitative. Nous travaillons sur une étude de cas unique qui analyse différents aspects d’une seule situation aujourd’hui achevée (Yin, 2009). Trois raisons nous ont conduits à choisir ce cas :

  • il s’agit d’un projet de coopération visant à la conversion de connaissances dans le secteur de la santé entre des partenaires privés et publics entre la France et la Chine, sur la période 2007 – 2009;

  • cette étude de cas s’inscrit dans un contexte international entre deux pays (la France et la Chine) éloigné géographiquement. Et clairement, la conversion de connaissances entre des pays aux cultures si différentes pose a priori problème (Bhagat et al., 2002);

  • ce projet a échoué. Nous tentons de rendre compte de cet échec.

L’un des auteurs a participé en tant que médiateur entre la France et la Chine à l’intégralité de ce projet. C’est dans une posture de praticien réflexif au sens de Schön (1994, 1996) qu’il revisite cette action collective. Cette réflexion s’appuie sur des matériaux produits pendant le déroulement de l’action collective et consistant en échanges de mails, de compte-rendu de réunions, de rapports annuels, de documents de travail, de contrats signés, de courriers, de photos et d’articles de presse, etc. La variété et la richesse des données empiriques respectent la triangulation des sources définie par Yin (1984).

Notre investigation s’est inscrit dans le champ de la théorie ancrée de Glaser et Strauss (1967) mobilisant une démarche abductive au sens de Pierce (Richardson, 2006), entendue comme une opération d’inférence non logique (Koenig, 1993), propre à légitimer la construction d’ hypothèses plausibles (Avenier, Gavard-Perret, 2008), dans des interactions systématiques entre le terrain et le corpus théorique. Nous avons réalisé une description factuelle du cas à l’écart des corpus théoriques où nous avons pu identifier un certain nombre de situation d’interaction entre les acteurs qui semblaient jouer un rôle significatif dans le processus de coopération. Les opérations proposées par le modèle SECI sont apparues comme une manière pertinente de rendre compte de ces situations. Enfin pour approfondir les caractéristiques du contexte partagé qui président à la conversion des connaissances, le corpus théorique de la proximité a semblé un angle d’attaque enrichissant. Ce sont principalement sept archives que nous avons mobilisé pour rendre compte de ce cas à partir de cette double lecture théorique.

Trois principales étapes ont jalonné la construction de notre cas. Premièrement, nous avons utilisé le logiciel N’vivo afin d’assembler tous les matériaux écrits par ordre chronologique, matériaux qui représentent au total plus de 3600 pages de supports écrits. Deuxièmement, parmi l’ensemble de nos supports, nous avons sélectionné sept archives de documents relatant les interactions entre les partenaires du projet sur le sol français et chinois. Cette sélection se justifie par notre volonté de relater principalement les résultats des interactions en face à face comme le suggère le modèle conceptuel proposé par Boschma (2005). Enfin, troisièmement, nous avons introduit le modèle SECI comme un outil qui nous permet de rendre compte de la conversion des connaissances dans ce projet de coopération. Par la suite, nous avons ainsi pu construire une seconde version de la description du cas étudié en faisant apparaître les spirales de conversion de connaissances.

Le cas

L’entreprise S est spécialisée dans la conception et le développement de logiciels informatiques destinés au milieu médical. Jean, le directeur de la société a développé une solution informatique pour tester des médicaments sur des patients dans le cadre d’un financement européen. Cette solution informatique permet d’identifier des patients, de les suivre lors des essais cliniques et d’établir des résultats. Jean veut essayer de vendre ces produits en Chine.

En 2006, il saisit l’occasion d’un voyage de courte durée en Chine organisé par le ministère des affaires étrangères pour développer des relations commerciales et technologiques entre les deux pays. Il prospecte et identifie un marché de niche pour ce produit en Chine. A son retour, il convainc ses deux partenaires français, Joël, directeur du Centre Universitaire de lutte contre le Cancer (CUC) et Paul, directeur du Centre de Recherche Pharmacologique (CRP), de démarcher ces clients potentiels. Ils entreprennent une démarche avec un Centre Hospitalier Universitaire Chinois (CHUC).

Nous décrivons dans les lignes qui suivent le cas du montage et du développement de la collaboration avec le CHUC. Les éléments recueillis dans notre étude de cas (observations, notes, entretiens) nous permettent de décrire le contexte dans lequel s’inscrit les relations et rencontres franco-chinoises (cf. tableau 3 ci-dessous). Celles-ci caractérisent chacun des Ba décrits par le modèle SECI que nous déroulons à travers deux spirales successives relatant la genèse puis la construction du projet.

Tableau 3

Modalités de rencontre entre les participants au projet

Modalités de rencontre entre les participants au projet

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Spirale n°1 : la genèse du projet

L’« Originating Ba » (phase de socialisation)

Lors du voyage d’une semaine organisé par le ministère des affaires étrangères en Chine, Jean rencontre à Pékin puis à Shanghai des représentants de l’industrie pharmaceutique chinoise, des conseillers scientifiques de l’ambassade de France en Chine, des investisseurs et des étudiants chinois. La barrière de la langue, la courte durée du séjour et le faible nombre de participants ont limité les échanges individuels et informels [Archive 1] (cf. tableau 4 pour une synthèse des archives utilisées).

L’« Interacting Ba » (phase d’extériorisation)

A son retour en France, Jean rédige une note pour faire le point sur ce qu’il apprit de sa mission en Chine. Premier constat, il y a un déficit de relations et de connaissances entre la France et la Chine dans le domaine de la santé pour envisager des collaborations fructueuses. Dans l’industrie pharmaceutique, les directeurs chinois connaissent mal les démarches de commercialisation des médicaments en Europe, tandis que les Français ne trouvent pas d’infrastructure à même de respecter des normes internationales pour tester leurs médicaments. Deuxième constat, la population chinoise vieillit et rencontre par conséquent des pathologies comme le cancer : il y a un marché potentiel. Enfin il faut embaucher des personnels chinois, parfaitement bilingue chinois et français, ayant des compétences en économie et en gestion pour construire les projets de collaboration.

Le « Cyber Ba » (phase de combinaison)

Il confronte sa connaissance de la situation chinoise avec Joël et Paul. Ils identifient ensemble un projet de transfert de technologie entre la France et la Chine qui portent sur deux systèmes d’informations médicales [Archive 2] :

  • une Plate-forme d’Analyse qui permet de repérer les personnes à risque dans des familles qui ont développé des cancers;

  • un Centre d’Investigation Clinique qui permet d’effectuer des essais cliniques sur ces personnes à risque et de mutualiser les résultats de ces investigations.

Ils embauchent Zing, ayant des compétences en économie et en gestion parfaitement bilingue pour les aider à monter le projet. Profitant de la visite d’une délégation chinoise en France, Jean et Zing présentent le projet en français et en chinois à cette délégation. Le responsable d’une province chinoise déclare : « votre projet est très intéressant, venez visiter nos universités et nos hôpitaux et présentez votre projet » [Archive 3].

L’« Exercising Ba » (phase d’intériorisation)

Jean et Zing répondent favorablement à cette invitation afin de pouvoir tester la réaction des Chinois sur place à leurs propositions. Joël et Paul doivent faire partie de la mission, mais ils n’ont pas les moyens de financer leur déplacement. Jean mobilise le responsable de la cellule valorisation de la recherche pour financer la mission. Le projet se poursuit en déroulant une nouvelle « spirale » du modèle du SECI avec le premier déplacement en Chine des médecins français (Joël et Paul) [Archive 4].

Spirale n°2 : la construction du projet avec le CHU Chinois

La visite de Joël, Paul et Zing au Nord de la Chine du 7 au 11 juillet 2007 est le début de la deuxième spirale de conversion de connaissances. Zing organise le séjour avec les élus chinois rencontrés précédemment.

L’« Originating Ba » (phase de socialisation)

Ils sont accueillis par le gouverneur de cette province. Une visite courte de trois jours sur place, mais très dense. Ils vont rencontrer de nombreux interlocuteurs Chinois en face à face comme le Directeur du Contrôle des Médicaments de la Province, le Responsable des Bonnes Pratiques Cliniques... Ils ont aussi l’occasion de présenter leur savoir-faire devant une vingtaine de médecins chinois de différents hôpitaux. Suite à cette rencontre, ils vont visiter un centre de cancérologie dans un hôpital de province. A la demande du directeur d’un hôpital d’état, Jun, ils sont invités à visiter son hôpital qui est rattaché à l’Université Médicale de Chine. Ils sont accueillis dans cette institution par le directeur lui-même qui affiche d’emblée une volonté de collaboration avec la France. Une visite trop rapide, mais le contraste est saisissant sur le plan de la recherche, sur le plan technique et enfin sur le plan financier entre les deux types de structures. Cet hôpital universitaire est comparable à un hôpital universitaire français (Archive 4, 5).

L’« Interacting Ba » (Phase d’extériorisation)

A la suite de leur mission en Chine, Joël et Paul rédigent leurs rapports pour faire le point sur tout ce qu’ils ont appris et évoqués pendant ce séjour en Chine. Ils intègrent le fait que juridiquement tous les échantillons biologiques humains devront être traités en Chine. Ils comprennent qu’ils ne pourront travailler qu’avec les hôpitaux universitaires parce qu’ils ont des standards médicaux proche de ceux des CHU occidentaux. Mais, il faudra mieux comprendre leur mode de fonctionnement car il y a peu d’échanges entre les services [Archives 5 et 6]. Ils ont aussi compris que les accords devront être gagnant- gagnant avec les Chinois. Joël et Paul trouvent que le CHUC « semble un interlocuteur fiable » [Archive 5] et « manifeste un vif intérêt à collaborer » [Archive 6].

Le « Cyber Ba » (phase de Combinaison)

Mais il reste de nombreuses choses à préciser. Il faudrait retourner en Chine pour affiner le projet. Paul n’est pas disponible et il délègue Christophe, médecin du CHU, pour aller en Chine à sa place. Joël et Zing retournent en Chine du 4 au 7 novembre. Christophe prend le relais et réalise un inventaire complet du fonctionnement du CHUC [Archive 6]. Dans sa proposition de collaboration, Joël souhaite combiner les ressources existantes des Chinois et des Français : les services chirurgicaux du CHUC assurent le recrutement des patients; l’équipe de Joël forme des personnels chinois et Jean transfère la plate-forme informatique au CHUC [Archive 5]. Le prototype est prêt.

L’« Exercising Ba » (phase d’intériorisation)

Joël invite les Chinois en France. Les responsables du CHUC annulent par deux fois cette invitation sans raison explicite. Les français interprètent la situation comme la conséquence d’un contexte politique défavorable entre les deux pays en 2008. Mais Joël maintient sa mission de juin en Chine. Le groupe français propose un événement de promotion de partenariat, en invitant des diplomates français et des directeurs de ministères de cette province chinoise. A cette occasion, Jun convoque Zing dans son bureau : il lui demande si « la technologie proposée par les français est exclusive et si des brevets ont été déposés » [Archive 7]. Il ajoute qu’en « cas de réponse négative, la partie chinoise ne sera pas obligée de coopérer » [Archive 7]. Jun fait pression sur Joël pour obtenir un contrat au mois de juillet mais une fois obtenu : il le refuse : « je ne comprends pas pourquoi les français facture le temps de discussion ? Ce n’est pas correct. Quand vous venez en Chine, c’est nous qui payons l’hébergement, et quand nous allons en France, il nous faut tout payer ! ». Jun ne souhaite pas poursuivre la coopération : « votre proposition n’est pas correcte, les deux parties ne sont pas traitées de la même façon. Votre technologie n’est pas unique et l’intérêt réside dans son logiciel, mais nous n’acceptons pas de payer une licence annuelle, puisque nous sommes dans une relation de collaboration, et non pas celle de client et de prestataire » [Archive 7].

Tableau 4

Archives mobilisées

Archives mobilisées
Source : auteurs

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En les croisant avec le modèle de Boschma (op.cit.), les archives mobilisées pour décrire notre cas nous autorisent une lecture de la conversion des connaissances dans les deux spirales décrites ci-dessus.

Résultats

Le cas met en évidence la complexité d’une coopération entre la France et la Chine dans le domaine de la santé. Le modèle de Nonaka permet de rendre compte du processus de conversion de connaissance au sein de ce projet. En pointant le premier voyage en Chine celui de Jean comme insuffisant pour apprendre suffisamment de choses pour construire le projet, il montre les difficultés de rattrapage tout au long du processus. On sait, chez Nonaka, l’importance de cette opération d’acquisition de connaissance tacite par rapport à une situation qui constitue l’amorce de la spirale. Et c’est bien un facteur propre à la culture Chinoise qui va provoquer in fine l’échec du projet car les interlocuteurs occidentaux ont pris conscience trop tardivement et insuffisamment la question de la nature de la coopération avec des Chinois qui ne peut être jamais à leur désavantage. Nous émettons l’hypothèse que c’est le déficit de contexte partagé dans l’originating Ba lors du premier voyage en Chine qui va être la source de nombreuses difficultés mais sans pouvoir pointer précisément les caractéristiques de cette faiblesse. Or, l’introduction du corpus théorique de la proximité permet d’avancer sur cette question. En effet, introduire les proximités dans le Ba du modèle SECI permet de mettre en évidence les obstacles à la construction d’un contexte partagé propre à permettre une conversion des connaissances en spécifiant les rôles de chaque type de proximité au sein de chaque Ba (cf. tableaux 5 et 6). Nous serons amenés dans notre analyse du cas à d’identifier des proximités premières et secondaires en partant des archétypes proposés par Nonaka des différentes catégories de Ba (cf. tableau 7).

Dans l’Originating Ba, l’objectif est de développer des connaissances tacites. Or, il existe une proximité géographique temporaire entre les interlocuteurs puisqu’il y a eu une rencontre en face à face. Mais les acteurs sont en revanche éloignés culturellement (Jean ne connaît ni la culture ni la langue chinoise), socialement (il s’agit d’une première rencontre) et cognitivement (les médecins et informaticiens n’ont pas la même base de connaissance). En matière de proximité organisationnelle, l’échange se réalise entre des types d’organisation variés (Laboratoires, Universités, Entreprises) pour lesquelles les structures juridiques et logiques de fonctionnement (privée /publique) sont différentes. Cette phase de socialisation est un moment cruciale dans le processus de conversion des connaissances puisqu’il s’agit de son démarrage. Cette phase conditionne largement les autres. Or, il y a une distance importante entre les acteurs selon quatre dimensions : une distance cognitive, sociale, institutionnelle et organisationnelle. La seule proximité qui peut constituer un contexte partagé est géographique. De plus cette proximité est extrêmement réduite de l’ordre d’une semaine. C’est cette faiblesse du contexte partagé que nous traduisons comme une absence de proximité cognitive, organisationnelle, sociale, institutionnelle et comme un déficit de proximité sur le plan géographique qui ne permet pas d’engager d’une manière satisfaisante le processus de conversion des connaissances. Le déficit de connaissances tacites acquises lors de cette phase va se retrouver tout au long du processus. Le déficit de proximité géographique n’est pas compensé par aucune autre proximité. Par ailleurs, cette proximité géographique est nécessaire dans cette phase de l’Originating Ba dont l’archétype est le face à face.

Tableau 5

Spirale 1 : Une lecture du processus de conversion des connaissances en terme de proximité

Spirale 1 : Une lecture du processus de conversion des connaissances en terme de proximité
Source : auteurs

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Dans l’Interacting Ba, l’objectif de cette phase d’extériorisation est de rendre explicite les connaissances tacites construites au cours de la phase de socialisation précédente. Elle doit permettre une codification des connaissances. Les trois interlocuteurs travaillent ensemble sur le même campus et ils sont proches géographiquement, socialement et institutionnellement. Dans le cas étudié, cette codification est rendue difficile parce qu’il y a une insuffisance de proximité cognitive entre les participants (d’un côté un informaticien, de l’autre des médecins). C’est l’informaticien qui doit traduire pour des médecins ce qu’il a appris lors de son séjour en Chine. Il y a aussi une distance organisationnelle entre les médecins qui appartiennent à des structures publiques et l’informaticien qui appartient à une structure privée. Mais on peut émettre ici l’hypothèse que des compensations doivent être possibles avec les autres proximités. L’informaticien s’est spécialisé dans le domaine de la santé. Il est en contact quotidien avec des médecins. Il connait bien les deux médecins avec lequel il travaille depuis de nombreuses années. Enfin on sait que dans le secteur de la santé les frontières entre le public et le privé sont plus poreuses que dans d’autres secteurs. Mais l’absence de proximité cognitive est tout de même un obstacle dans ce processus d’extériorisation. En effet l’archétype de cette opération est celle de l’interaction entre des pairs ce qui met en avant la proximité cognitive entre les acteurs.

Dans le Cyber Ba, l’enjeu est de combiner les connaissances explicites avec d’autres connaissances explicites. Ici, il s’agit de confronter les connaissances explicites des phases précédentes avec celles des responsables politiques chinois en visite en France. On se trouve dans une situation comparable avec la première étape de socialisation où il y a une grande distance entre les acteurs sur tous les registres (cognitifs, sociaux, organisationnels, institutionnels) hormis le registre géographique puisque les acteurs se rencontrent mais là aussi encore brièvement. Il existe une proximité géographique temporaire entre des interlocuteurs éloignés culturellement, socialement (première rencontre) et professionnellement (importante distance cognitive entre des diplomates chinois et le porteur de projet). Par contre, le fait de la présence de l’interprète chinoise qui a été recrutée vient réduire la distance institutionnelle. Mais il s’agit de combiner des connaissances explicites pour améliorer le prototype du projet. On peut émettre l’hypothèse que ce n’est pas la proximité géographique ou sociale ou institutionnelle qui va être discriminante dans ce type d’interaction mais plutôt une proximité cognitive et organisationnelle : il faut pouvoir échanger entre différents groupes appartenant à diverses organisations, et peut être dans des lieux éloignés géographiquement.

L’Exercising Ba est une phase d’intériorisation des connaissances qui vise à mettre en pratique des connaissances explicites construites précédemment afin de faire émerger de nouvelles connaissances tacites utiles au déroulement du projet et à l’amorçage d’une nouvelle phase de socialisation. Dans le cas étudié, c’est une phase où les proximités sont fortes entre les acteurs. En effet, les trois interlocuteurs travaillent ensemble sur le même campus et sont proches géographiquement, socialement et institutionnellement (Joël, Paul et Jean travaillent ensemble depuis 2000). Seule la proximité cognitive reste insuffisante (les médecins et informaticiens ne partagent pas les mêmes bases de connaissances professionnelles). On peut émettre comme hypothèse que les autres proximités vont compenser cette faiblesse. Par ailleurs comme nous l’avons déjà exprimé d’une part la différence de connaissance entre l’informaticien et les médecins est modérée par le fait de l’acculturation de l’informaticien au milieu médical et d’autre part il y a une proximité dans le secteur de la santé entre le public et le privé. Mais on peut émettre l’hypothèse que l’archétype de cette conversion réside dans la capacité de synthèse qui nécessite en premier lieu une proximité cognitive mais aussi géographique qui permet des interactions en profondeur avec les différents acteurs, mais aussi toutes les autres proximités.

Mais le prototype de projet est encore insuffisant. Il faut acquérir de nouvelles connaissances sur les partenaires chinois. Une nouvelle mission en Chine se prépare. Le projet se poursuit à travers le déroulement d’une nouvelle spirale (spirale 2, tableau 6).

Dans cette deuxième phase de socialisation, d’Originating Ba, le contexte partagé est plus favorable que lors de la première spirale. Il existe une proximité géographique et cognitive entre les interlocuteurs. Lors de ce bref voyage, soit 3 jours, Joël et Paul, deux médecins, rencontrent en face à face des médecins chinois et de nombreux acteurs du secteur de la santé, mais une importante distance culturelle et sociale subsiste. La distance culturelle est moindre que lors de la première spirale car Zing joue le rôle d’interprète. Mais c’est une délégation française différente qui se rend en Chine (le groupe français B) qui rencontre pour la première fois les différents partenaires, sauf Zing qui a déjà rencontré le gouverneur lorsqu’il est venu en France. De plus les liens avec Jun, le directeur de l’hôpital, se tissent peu à peu puisqu’il les invite à visiter son institution après la première rencontre. Mais la durée de ce face à face est vraiment de trop courte durée. Il y a un apprentissage important qui est fait par les deux médecins français qui va permettre une réelle avancée dans le projet, mais la distance culturelle est là, les liens commencent juste à se tisser.

Tableau 6

Spirale 2 : Une lecture du processus de conversion des connaissances en terme de proximité

Spirale 2 : Une lecture du processus de conversion des connaissances en terme de proximité
Source : auteurs

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Dans cet Interacting Ba, les interlocuteurs sont proches dans tous les registres de proximité. Les deux interlocuteurs sont deux médecins français qui travaillent ensemble sur le même campus depuis plus de 20 ans. Ils appartiennent tous les deux à des institutions publiques. On peut émettre l’hypothèse que le contexte partagé entre les deux acteurs est très favorable au processus d’extériorisation. Ainsi au terme de cette phase, d’une part, ils pensent qu’ils peuvent avec les connaissances acquises bâtir un projet solide avec les hôpitaux nationaux et d’autre part, que le directeur rencontré sur place est le bon interlocuteur.

Dans ce Cyber Ba, il s’agit d’enrichir le projet pour qu’il prenne la forme d’un contrat que les différents partenaires pourraient signer. Les interlocuteurs sont proches géographiquement et cognitivement : il s’agit de rencontres en face à face entre médecins français et chinois, mais il existe une importante distance culturelle (par exemple, la législation chinoise interdit de sortir de son territoire les échantillons biologiques humains), sociale (c’est la troisième délégation française différente se déplaçant en Chine, groupe français C) et organisationnelle (logiques publique/privée). Nous considérons la proximité géographique comme très secondaire dans cette espace de conversion des connaissances, et c’est plutôt la proximité cognitive qui serait première : il faut pouvoir échanger avec des acteurs très éloignés géographiquement et socialement pour combiner les connaissances explicites autour du projet.

Dans l’Exercising Ba, la proximité entre les acteurs est faible. La proximité géographique temporaire entre les acteurs n’a pas été suffisante pour compenser les autres proximités. De plus, il y a une accélération dans la construction du contrat entre les différents partenaires mais le contexte partagé est insuffisant. Les chinois qui ne veulent plus venir en France, le passage du relais dans le projet entre Joël et Christophe dans la phase précédente qui ne permet pas de stabiliser les relations entre les acteurs. Les différences culturelles dans la compréhension de ce qu’est un accord de coopération entre des partenaires chinois les différentes logiques publiques et privées qui se mêlent. C’est le blocage du partenaire chinois, il ne veut pas signer un tel accord.

Conclusion

La mobilisation de l’école de la proximité et tout particulièrement la synthèse proposée par Boshma selon les cinq dimensions cognitive, organisationnelle, sociale, institutionnelle, géographique a permis de pointer des obstacles à la constitution d’un contexte partagé lors des différents Ba qui constituent le SECI. Nous avons abordé ces obstacles comme un déficit de proximité. En investissant un échec dans un processus de conversion de connaissance selon les différentes phases du SECI, nous avons fait apparaitre des obstacles en termes d’une absence de proximité à construire un contexte partagé entre des acteurs à même de générer des connaissances. Nous posons comme hypothèse plausible que l’on peut rendre compte de l’échec de ce projet comme un déficit de proximité entre les acteurs. L’école de la proximité permet d’identifier la nature de ces déficits de proximités.

Dans le cas étudié, une lecture en termes de proximité met en évidence que ce sont les étapes de socialisation (Originating Ba) et tout particulièrement celle de la première spirale qui ont été les plus problématiques dans leurs tentatives de développer des connaissances tacites en pointant l’absence de proximité cognitive, organisationnelle, sociale, institutionnelle entre les acteurs et l’existence d’une proximité géographique de très courte durée (une semaine) qui n’a pas suffi à compenser le déficit global de proximité. L’archétype de l’Originiting Ba est le face à face qui renvoie à une proximité géographique. Mais Nonaka souligne la dimension existentielle de ce Ba qui renvoie à une proximité sociale au sens de Granovetter. Nous proposons de considérer ces deux proximités comme des proximités premières pour l’Originating Ba (cf. tableau 7).

L’étape d’extériorisation est apparue dans les deux spirales comme la plus propice à construire un contexte partagé avec une situation où toutes les proximités sont présentes, surtout pour celles relatives à la deuxième spirale. Dans cette étape l’archétype est la relation entre les pairs qui renvoie à la proximité cognitive. Nous considérons que la proximité cognitive est première pour l’Interacting Ba (cf. tableau 7).

L’étape de combinaison dans les deux spirales est difficile, et surtout celle relative à la première spirale où il y a une absence de proximité entre les acteurs sur tous les plans hormis la géographique. Mais cette proximité n’est pas importante dans cette étape où ce qui prime ce sont les multiples façons de combiner les connaissances explicites entre des groupes appartenant à des organisations différentes quel que soit leur éloignement géographique. Nous considérons que ce sont les proximités cognitives et organisationnelles qui sont premières dans ce Cyber Ba (cf. tableau 7).

Enfin l’étape d’intériorisation a des facettes différentes selon les spirales. Dans la première spirale, la distance entre les acteurs est réduite, alors que celle-ci s’accroit dans la deuxième spirale en n’ayant qu’une proximité géographique temporaire. Une étape qui n’aboutira pas puisque le contrat ne sera pas signé. La synthèse que nécessite cette étape suppose une proximité généralisée même si les proximités cognitive et géographique peuvent apparaitre comme premières pour réussir cet exercice (cf. tableau 7).

La hiérarchie des proximités contributive à une innovation est discutée dans la littérature de l’Ecole de la proximité. Pour certains (Bellet et al., 1993; Kirat et Lung, 1999; Knoben et Oerlemans, 2006) la proximité géographique et à un degré moindre la proximité organisationnelle ne jouent un rôle que de facilitateur des interactions. Nos résultats sont à la fois convergents avec l’École de la proximité sur cet aspect, mais ils s’en distinguent selon la nature des Ba. Ainsi il apparait que la proximité géographique joue un rôle nécessaire pour l’étape de socialisation (Originating Ba) parce que l’expansion des connaissances tacites suppose le face à face. Enfin nos résultats mettent en avant la proximité cognitive comme une proximité jouant un rôle discriminant. Il s’agit de la proximité la plus présente parmi les proximités premières que nous avons relevées. Ceci est conforme à la position de Boschma (2003) qui met en avant cette proximité par rapport aux autres. En s’appuyant sur les travaux de Nooteboom (2000), il pose la proximité cognitive comme une condition sine qua none de l’apprentissage.

Tableau 7

Proposition d’une hiérarchie des proximités en fonction des différents Ba

Proposition d’une hiérarchie des proximités en fonction des différents Ba
Source : auteurs

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L’analyse des proximités a toujours été définie par ses concepteurs d’abord comme une heuristique permettant de combiner différents cadres théoriques à même de rendre compte des interactions économiques et sociales. En l’appliquant sur le concept de Ba, à partir d’un cas empirique, elle nous a permis de formuler un certain nombre d’hypothèses sur le rôle des cinq formes de proximités propre à constituer le support en termes de contexte partagé à même de générer des connaissances. Au final, plusieurs apports résultent de cet article.

Les premiers sont d’ordre heuristique. Nous avons tout d’abord élaboré un tableau croisant proximités et Ba. De plus, jusqu’à aujourd’hui Nonaka a uniquement appliqué son modèle dans des situations de réussite de transfert de connaissances. En le précisant, nous avons pu l’étendre à une situation d’échec. Deux enrichissements théoriques sont ensuite proposés, puisqu’il apparaît une double complémentarité entre les concepts de proximités et Ba. Il faut en effet constater un enrichissement de ce « lieu existentiel » (Nonaka et Toyama, 2003, p. 6), de ce « cadre subjectif » (Nonaka et al., 2008, p. 9) qu’est le Ba. Ce dernier est entendu comme un lieu temporaire, un couple espace-temps toujours singulier qui ne subsistent pas aux interactions. L’Ecole de la proximité rappelle qu’il existe bien des contextes matériels et immatériels aux interactions qui s’ils en sont leur produit, leur survive. L’approche par la proximité donne aux acteurs une substance tangible et incarnée.

L’autre complémentarité renvoie à la délimitation du contexte. Le Ba doit garder sa frontière ouverte. Il faut gérer une tension entre la constitution d’une clôture qui permet l’auto-organisation et l’ouverture du Ba vers l’extérieur. Ainsi, la plasticité des frontières mise en avant par l’approche par les proximités suggère aussi une connexion avec d’autres Ba. Toutefois, cette ouverture n’est pas infinie comme le rappelle l’Ecole de la proximité. L’idée d’une interaction située implique de concevoir le potentiel d’interaction de l’action comme restreint à son environnement de proximité. En qualifiant la nature et la force du lien entre les acteurs, elle établit une distinction entre ceux qui participent à l’interaction et ceux qui en sont exclus, sans qu’il soit forcement possible de déterminer une frontière franche et lisible.

Enfin, plusieurs limites caractérisent encore ce travail. Une limite renvoie à la généralisation (au sens d’une montée en abstraction) de nos résultats. Cette généralisation est conditionnée à la nécessité, au-delà de ce travail exploratoire, d’approfondir théoriquement les liens existants entre proximités et Ba. Et ainsi de proposer un cadre théorique explicitant les pistes de recherche amorcées dans la discussion. Enfin, une limite plus méthodologique renvoie à la faible représentativité statistique de notre étude de cas au regard des multiples transferts internationaux de connaissances existants. Enfin, une limite plus méthodologique renvoie au choix que nous avons fait dans un premier temps de cibler un seul cas « extrême (Yin, 2009), celui d’un échec où les écarts culturels, sociaux, organisationnels étaient « extrêmes ». Il faudrait choisir d’autres cas présentant d’autres caractéristiques contrastées pour dépasser le statut de ces premiers résultats. On pense à une méthodologie telle qu’elle est proposée par Eisenhart (1989). Investir le cas d’un échec de projet de coopération comme nous venons de le faire dans une perspective interactionniste et proximiste offre peut être, dans un premier temps, une lecture plus précise des obstacles à la conversion des connaissances. Par contre, il sera indispensable, dans l’avenir, de porter notre attention sur un ou plusieurs cas de réussite (Lièvre et Tang, 2015) de coopération dans un contexte proche afin de tester la robustesse de nos conjectures.