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L’aide médicale à mourir (AMM) est un soin de fin de vie offert au Québec depuis 2015 qui consiste « en l’administration de médicaments ou de substances par un médecin à une personne en fin de vie, à la demande de celle-ci, dans le but de soulager ses souffrances en entraînant son décès » (Loi concernant les soins de fin de vie. RLRQ, c. S-32.0001). Cette option est encadrée au Québec par la Loi concernant les soins de fin de vie (LCSFV). Le but visé est de soulager au mieux la souffrance des personnes en fin de parcours, dans le respect de leur autonomie. En juin 2016, le Parlement du Canada a aussi adopté une loi fédérale qui permet aux adultes canadiens admissibles de demander l’aide médicale à mourir.

La légalisation de l’AMM au Québec, survenue à la suite d’un profond débat social culminant avec la tenue de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité en 2012, n’a pourtant pas mis fin aux débats autour de la question. Ainsi, les critères d’admissibilité selon la loi du Québec et selon la loi canadienne ont fait l’objet de nombreuses modifications. Cela concerne notamment le critère de « fin de vie » au Québec et celui de « mort naturelle raisonnablement prévisible » au fédéral, d’abord nécessaires pour qu’une demande d’AMM soit admissible mais qui ne sont plus obligatoires; deux parcours distincts ont été créés, selon que la mort soit ou non raisonnablement prévisible. De même, le projet de loi 11 adopté au Québec en juin 2023 et qui entrera en vigueur au cours des prochaines années vient notamment baliser les demandes anticipées d’AMM, permettre la pratique de l’AMM par les infirmières praticiennes spécialisées (IPS), interdire aux maisons de soins palliatifs d’exclure l’AMM de leur offre de services et préciser la notion de « handicap » (Projet de loi 11, 2023).

Selon le rapport 2022-2023 de la Commission sur les soins de fin de vie (CSFV), « le nombre d’AMM administrées et la proportion de décès sont en augmentation au Québec depuis l’entrée en vigueur de la LCSFV » (CSFV, 2023, p. 7). Ce sont 5 211 personnes qui sont ainsi décédées d’avril 2022 à mars 2023, soit 6,8 % des décès enregistrés au cours de cette période. Ce pourcentage place le Québec devant la Belgique et les Pays-Bas quant au pourcentage de décès par AMM. Or, cette trajectoire du mourir, bien qu’elle soit de plus en plus choisie, est encore relativement nouvelle pour les Québécois. Elle commence à être explorée dans la littérature afin de comprendre, notamment, les effets que peut avoir ce choix de la mort médicalement assistée pour la personne elle-même et pour celles et ceux qui l’accompagnent (Dees et al., 2013; Ummel, 2020; Oczkowski et al., 2021).

Notre recherche, réalisée dans le cadre d’une maîtrise en travail social, apporte sur ce plan une contribution novatrice en s’attardant au vécu de proches d’une personne ayant formulé une demande d’AMM, une perspective encore peu documentée dans le contexte québécois. Alors que l’approche des soins palliatifs reconnaît un rôle central aux proches, l’implication de ceux-ci dans le processus d’AMM n’est pas nécessairement attendue. La loi, qui vise surtout à protéger la personne qui fait une demande d’AMM contre toute influence indue des membres de sa famille sur ses choix, n’oblige pas que l’information leur soit fournie, et ils n’ont pas toujours accès à des services professionnels pour les accompagner dans cette trajectoire de fin de vie particulière. Pourtant, nos expériences cliniques en tant que travailleuses sociales nous ont permis de constater qu’en parallèle avec le processus de décision de la personne concernée, chacune des étapes du processus d’AMM, de la période de réflexion menant à la demande formelle jusqu’au décès et au deuil, pose aussi des défis particuliers pour les proches (Dumont, 2023; Ummel, 2020).

À la suite d’une brève recension des écrits au sujet du vécu des familles et des proches en contexte d’AMM, nous présenterons la méthodologie qualitative de cette recherche qui nous a permis de recueillir les témoignages de sept participants ayant accompagné un proche dans une demande d’AMM. L’analyse des données met en évidence les défis rencontrés à travers certains moments charnières des processus vécus. Enfin, l’article propose une discussion des implications cliniques des données présentées en vue d’une amélioration des pratiques d’accompagnement des proches touchés par une demande d’AMM.

Recension des écrits

Les lois sur le sujet étant récentes, peu d’écrits scientifiques documentent l’expérience que vivent les familles canadiennes durant le processus de mort assistée[1]. La recension des écrits a permis de repérer une douzaine d’articles abordant spécifiquement l’expérience des familles canadiennes (Holmes et al., 2018; Hales et al., 2019; Brown et al., 2020; Hashemi et al., 2021; Oczkowski et al., 2021; Thangarasa et al., 2022) ou québécoises (Ummel, 2020; Aubin-Cantin, 2021; Dumont, 2023). Soulignons par ailleurs que la recension internationale des écrits de Goldberg et al. (2021) comprend des articles canadiens, et que les écrits de Laperle et al. (2021, 2022) s’intéressent au deuil, notamment après une mort assistée, en contexte québécois. Ces écrits, de même que la littérature internationale sur le sujet, permettent de dégager quelques éléments qui nous semblent centraux dans la compréhension du vécu des proches à travers le processus d’AMM.

D’abord, il importe de reconnaître que perdre un proche par mort assistée est différent à maints égards d’un autre type de décès, et que cela peut influencer les besoins d’accompagnement des proches (Wagner et al., 2012). À partir d’entrevues de patients, de médecins et de familles réalisées aux Pays-Bas, Dees et al. (2013) découpent en quatre étapes le processus de mort assistée : la demande informelle, la demande officielle, l’approbation de la demande et le moment de la mort assistée. Le temps qui s’écoule entre ces différentes étapes serait un élément essentiel pour les proches (Oczkowski et al., 2021), cette succession d’étapes étant intimement liée à leur capacité d’adaptation (Snijdewind et al., 2014). Ce cheminement, durant lequel les proches attendent consciemment ce qui survient habituellement sans rendez-vous fixe, est souvent marqué par des sentiments d’inconfort (Dees et al., 2013; Gamondi et al., 2019) et d’étrangeté (Holmes et al., 2018). Les proches vivraient un dilemme profond entre, d’une part, la reconnaissance de la souffrance vécue par la personne qui demande une mort assistée et le respect de son autodétermination et, d’autre part, leur souhait que cette personne reste en vie (Holmes et al., 2018; Gamondi et al., 2019). À cela s’ajoutent d’intenses émotions, parfois cachées pour protéger la personne malade (Andriessen et al., 2020).

Les recherches mettent en lumière le fait que le processus d’acceptation de la mort devancée, choisie, est souvent très différent pour la personne concernée et pour ses proches, ce qui peut même les placer dans des positions opposées (Snijdewind et al., 2014; Ummel, 2020; Thangarasa et al., 2022). Des médecins affirment être particulièrement soucieux de cette différence de rythme et de niveaux d’acceptation (Dees et al., 2013). Les écrits montrent que le processus serait positif pour la majorité des proches (Goldberg et al., 2021), puisqu’il leur permettrait d’avoir des discussions importantes avec la personne en fin de vie et de mieux se préparer au deuil. La prévisibilité du décès en contexte de mort assistée favorise la mise en place de rituels ou à tout le moins donne la possibilité de faire ses adieux (Dumont, 2023; Hashemi et al. 2021; Oczkowski et al., 2021). Cette étape de préparation, parfois impossible dans d’autres situations, serait importante pour le deuil des proches (Ummel, 2020), tout comme le sentiment de paix lié au fait que la souffrance de la personne malade ait été écourtée (Hashemi et al. 2021).

Selon la littérature, d’autres éléments peuvent cependant complexifier le deuil des proches en contexte d’AMM. Les études empiriques de Wagner et al. (2012) et de Holmes et al. (2018), ainsi que la revue systématique de Gamondi et al. (2019), montrent par exemple que certains proches craignent la perception de leur entourage. Ils évitent alors de parler de la cause du décès avec certaines personnes pour ne pas être confrontés à des réactions négatives ou à des opinions en défaveur de la mort assistée (Holmes et al., 2018; Hashemi et al., 2021). Laperle et son équipe (2021, 2022) soulignent également que le deuil faisant suite à une mort assistée peut susciter des défis relationnels au sein des familles, par exemple lorsque certains membres s’opposaient à cette décision. Finalement, Dees et al. (2013) rappellent que l’accompagnement postdécès n’est pas systématiquement offert aux proches à la suite d’un décès par AMM, alors que les entrevues réalisées dans le cadre de leur étude ont permis de mesurer l’importance de revenir sur les événements avec ceux-ci. Certains auteurs recommandent même de déployer des ressources d’accompagnement pour les proches pendant tout le processus de mort assistée, afin de faciliter leur deuil (Hales et al., 2019; Goldberg et al., 2021).

Les recherches portant sur le contexte québécois, bien qu’encore relativement rares, indiquent que les réalités et les besoins des proches devraient être mieux évalués dans les situations de mort assistée (Snijdewind et al., 2014; Brown et al., 2020; Oczkowski et al., 2021). Leur perspective devrait être prise en compte, replaçant le processus d’AMM au coeur d’une triade formée par le corps médical, la personne concernée et ses proches. Cet effort d’écoute et de compréhension de l’expérience des proches est au coeur du projet de maîtrise sur lequel se base cet article. La section qui suit en détaillera le cadre théorique et l’approche méthodologique.

Présentation de la recherche

Les données présentées dans cet article sont tirées d’un mémoire de maîtrise (Lamothe, 2022)[2], basé sur une recherche qualitative de type descriptif interprétatif (Corbière et Larivière, 2014), qui a pour objectif de décrire l’expérience vécue du processus d’AMM selon la perspective d’un membre de la famille ou d’un proche. Le mémoire s’appuie sur la théorie de la reconnaissance (Honneth, 2000), laquelle comprend la reconnaissance sociale, juridico-politique et affective. Ce cadre théorique a été porteur dans les réflexions autour des différentes dimensions de l’expérience des proches tout au long du processus d’AMM. Comme ces analyses théoriques sont développées dans le mémoire (Lamothe, 2022), le présent article se concentrera sur les aspects cliniques des résultats.

Des entretiens individuels semi-dirigés (n = 7) d’une durée d’environ une heure ont été réalisés en novembre et décembre 2021 auprès de personnes dont un membre de la famille avait fait une demande d’AMM recevable au cours des dernières années, que le décès soit finalement survenu par AMM ou non. Le guide d’entretien permettait d’explorer le champ de réflexion ouvert par les questions suivantes :

  1. Sur le plan social, quelle est l’influence des représentations sociales de l’AMM sur les familles?

  2. Sur le plan juridique, quelle place les familles occupent-elles dans le processus d’AMM?

  3. Sur le plan affectif, comment les familles perçoivent-elles les relations avec leurs proches et le personnel soignant durant le processus d’AMM?

Le recrutement des participants s’est fait sur une base volontaire dans les régions de Montréal et des Laurentides. L’utilisation de la technique « boule de neige » à partir des premiers participants, souvent utilisée pour des sujets intimes ou des questions délicates (Pires, 1997), s’est avérée efficace. L’échantillon final (voir tableau 1) est constitué de 7 participants, majoritairement des femmes (1 homme seulement), en couple ou mariés (1 personne célibataire), dont la langue maternelle est le français. L’échantillon est relativement diversifié en ce qui concerne le lien entre le participant et la personne qui a fait la demande d’AMM, le lieu du décès et l’âge des participants.

Tableau 1

Données sociodémographiques des participants

Données sociodémographiques des participants

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Les entretiens ont été retranscrits intégralement avant d’être soumis à une analyse de contenu thématique (Paillé et Mucchielli, 2016). Une immersion dans les données brutes a permis de repérer les mots-clés des témoignages, de les regrouper en thèmes récurrents puis de les relier aux catégories d’un arbre de codification. Celui-ci a été peaufiné par une démarche itérative et réflexive menée par la première auteure et appuyée par ses directrices de recherche (dont la deuxième auteure). Une analyse processuelle (Langley, 1999) a ensuite permis de mettre en lumière de façon plus explicite les moments charnières du processus d’AMM pour les proches.

Résultats : l’AMM en tant que processus

Le recours à l’AMM inscrit la personne concernée ainsi que ses proches dans un rapport à la mort particulier : celui de la « mort médicalement assistée », de la « mort planifiée ». Les témoignages recueillis permettent de saisir que l’AMM, loin de ne concerner que le moment du décès, doit être perçue comme un processus impliquant aussi différentes étapes précédant la mort ainsi que la période de deuil qui s’ensuit pour les survivants. Comme l’explique Hédouin (2004, p. 27) à partir d’une ethnographie menée dans un établissement gériatrique, « il importe de ne pas focaliser l’attention sur l’événement de clôture, mais de considérer les transformations qui y mènent; se préoccuper de l’accomplissement plutôt que du moment fatidique ». En contexte d’AMM, le mourir n’implique donc pas que le dernier souffle; les proches en vivent les répercussions bien avant et bien après celui-ci. Quelques moments clés de ce parcours sont mentionnés dans les témoignages recueillis et nous pouvons ainsi nous y référer pour bonifier la description du processus en quatre grandes étapes que proposent Dees et ses collègues (2013). La figure 1 présente, sur une ligne de temps, les points tournants et les moments critiques au cours du processus d’AMM, tels que décrits par les proches qui, souvent, les vivent avec beaucoup d’intensité.

Figure 1

Ligne de temps – Processus d’AMM

Ligne de temps – Processus d’AMM

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Ce processus est d’une durée variable selon les situations; notre échantillon nous a permis de discuter d’expériences qui se sont déroulées sur une période allant de deux jours à quelques années entre la première mention de l’AMM et le décès. Il va sans dire que cette variation engendre des situations bien différentes pour les proches, notamment en ce qui concerne le temps dont ceux-ci disposent pour s’adapter. Rappelons par ailleurs que la décision d’informer et/ou d’impliquer la famille dans le processus d’AMM revient à la personne concernée. Certaines familles peuvent même ne jamais être informées que le décès est survenu par AMM, si tel est le souhait de la personne concernée. Les témoignages recueillis dans le cadre de notre étude reflètent cette diversité : l’implication des proches a commencé dès le début du processus pour certains (au moment où la personne concernée en fait mention, en discute et réfléchit à cette possibilité) et, pour d’autres, beaucoup plus tard, alors que la date de l’AMM avait déjà été choisie. Par-delà l’intérêt que peut susciter cet effort d’identification des différentes étapes du processus et leur présentation sous la forme d’une ligne de temps, il importe de se rappeler de la pluralité des parcours possibles vers l’AMM, de même que de la diversité des expériences et des cheminements de chacun des proches. La suite de cet article illustre les enjeux propres aux différentes histoires des participants.

Première mention d’AMM : des conversations difficiles et salutaires

Le choix de divulguer ou non son intention de faire une demande d’AMM et d’annoncer ou non qu’une demande d’AMM ait été approuvée appartient entièrement à la personne concernée. Ce faisant, la LCSFV garantit à la personne le respect de la confidentialité de ses décisions médicales. La famille peut tout de même participer aux réflexions précédant la demande officielle, comme ce fut le cas par exemple pour une participante (E2) impliquée dès le tout début, et dont le parcours auprès de son amie a finalement duré deux ans. D’autres participants ont appris qu’une demande avait été faite lorsqu’ils ont été invités à se rassembler quelque temps avant l’AMM. Si la plupart des participants ont affirmé être en faveur du droit à la confidentialité garanti par la LCSFV, ils ont toutefois clairement nommé leur besoin d’avoir une place dans le vécu de l’être cher et d’avoir l’opportunité de dire, de partager, de vivre ensemble ces moments chargés d’émotions. Deux participantes ont d’ailleurs indiqué qu’elles auraient été en colère de ne pas être avisées du processus d’AMM.

Pour la plupart, le moment de la divulgation du choix d’avoir recours à l’AMM a été ressenti comme une étape très chargée émotivement, indépendamment du fait que cette divulgation soit survenue au début du processus ou peu avant le décès. Plusieurs ont d’ailleurs des souvenirs flous de ce moment – qui leur en a parlé, avec quels mots et à quel moment, ce qu’ils ont répondu –, ils ne s’en souviennent pas toujours clairement, tant le choc a été grand. Parmi les participants, certains l’ont appris directement de la personne en fin de vie, d’autres par des intermédiaires (un autre membre de la famille, le plus souvent). Cinq participants ont souligné avec emphase les aspects positifs de l’ouverture d’un dialogue avec la personne concernée autour de l’amorce du processus d’AMM. Pour plusieurs, cela a été l’occasion d’une discussion à propos de la mort, et l’AMM est devenue un puissant catalyseur permettant d’aborder de front ce sujet tabou dans notre société. Deux de ces participants ont utilisé des objets de médiation (livre, entrevue télévisée) pour nourrir la conversation[3], ce qui leur a permis d’explorer leurs vécus respectifs avec l’être cher. Des participants (3) ont noté vivre un deuil plus serein, en comparaison avec d’autres vécus par le passé, grâce aux conversations franches et au temps partagé de manière consciente avec leur proche avant son décès.

Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit de moments difficiles à vivre pour les proches. Se juxtaposent, pour une majorité, le soulagement de voir la souffrance de leur proche s’achever et la peine immense de réaliser concrètement l’imminence de son décès. La question de la souffrance de la personne malade s’est avérée centrale dans les témoignages recueillis, certains en ayant été davantage témoins ou conscients que d’autres. L’un des participants l’exprime ainsi : « Ça a été un choc, mais en même temps, je lui ai demandé pourquoi. Elle a dit : “je commence à souffrir, puis je ne veux pas souffrir”. J’ai fait comme, ben je t’accompagne dans ça. Ça n’a vraiment pas été long, moi j’ai fait le switch. » (E6) Si la souffrance est au centre de la démarche d’AMM pour la personne malade, le fait d’en être témoin facilite le processus d’acceptation des proches.

Démarches d’évaluation de la demande et choix de la date : le temps s’étire puis accélère

Les participants présents lors de la phase d’évaluation de la demande d’AMM ont confié avoir ressenti ce passage comme interminable et pénible. Les récits de nos participants décrivent notamment leur appréhension d’un refus ou d’un changement de scénario, qui serait vécu difficilement alors qu’ils travaillent à l’acceptation du choix. Pour un participant, par exemple, cette étape a été particulièrement anxiogène : il craignait que les évaluations révèlent un possible état dépressif de la personne qui avait fait la demande d’AMM et que cela remette en question la validité de la demande. Les témoignages recueillis laissent entrevoir qu’un tel refus aurait pu être déstabilisant pour les familles et qu’il y aurait lieu de leur offrir un soutien psychosocial adéquat dans ces situations.

Si l’étape de l’évaluation de la demande laisse aux proches l’impression d’un ralentissement du temps, l’approbation de la demande enclenche au contraire une accélération du temps, accompagnée du sentiment que ce qui se passe va maintenant trop vite. L’officialisation de la date de l’AMM, qui amorce un « décompte » avant la mort, est un grand défi pour la plupart des proches. Les émotions sont vives et les réactions très diverses selon le lien entre la personne et son proche, sa position face à la mort assistée et son degré d’acceptation de la demande (Thangarasa et al., 2022). Les proches rencontrés rapportent avoir été traversés par beaucoup d’émotions, parfois contradictoires, ressenties simultanément. « De pas s’juger par rapport aux émotions qu’on ressent parce que y’a de la colère, de la frustration, de l’acceptation, y’a… Tsé y’a vraiment… D’la joie, du bonheur pis là… Toute… Toute est mêlé ensemble pis tu te sens mal de ressentir certaines choses, mais j’pense que c’est legit là. » (E7)

Les témoignages recueillis dans le cadre de cette étude décrivent une certaine période de flottement plus ou moins confortable à partir du moment où la date de l’AMM est officiellement confirmée. Absorber l’information que la mort d’un proche est inscrite à l’agenda, alors qu’avant l’apparition de l’AMM, il y avait toujours une forme d’incertitude sur le moment d’un décès, demande du temps et des ajustements. On comprend dès lors qu’une fois la date fixée, un changement de plan soit déstabilisant pour les proches. Une participante expliquait, par exemple, que la montée fulgurante du niveau de souffrance a poussé la personne malade à demander que le moment de l’AMM soit devancé. Dans ce cas précis, la personne malade demandait que l’AMM lui soit administrée l’après-midi même, parce qu’elle n’en pouvait plus. Comme c’était impossible de le faire, elle a plutôt eu recours à la sédation palliative continue. Un autre participant a vécu une situation similaire et, dans son cas, l’AMM a pu être administrée à quelques heures d’avis au lieu du délai de six jours prévu : « C’est rapide, c’est un choc, mais en même temps une délivrance pour la personne que t’aimes… » (E6)

Les heures menant à l’AMM : montagnes russes d’émotions

L’approche du moment fixé pour l’AMM suscite de profondes émotions : anxiété, fébrilité, agitation, inquiétudes et torpeur (Rainville et al., 2021), de même que découragement, fatigue et peur (Brown et al., 2020). Pour certains, l’AMM est un choix qui donne accès à une certaine forme de contrôle, ce qui calme leurs appréhensions, alors que pour d’autres, cela crée de l’anxiété et une charge émotive susceptible d’envahir les derniers moments avec le proche. Les témoignages recueillis dans le cadre de la présente étude permettent d’éclairer cette étape charnière entre le choix de la date et le moment du décès, une période déterminante pourtant peu abordée dans la littérature.

Pour certains, cette étape est l’occasion de rendre hommage à la personne qui a choisi de décéder par AMM. Cinq des participants à notre étude ont organisé un rassemblement d’adieux. Certains participants, un peu mal à l’aise, ont même nommé cela une fête, en référence à la joie ressentie pendant cet événement :

On lui avait donné une bague d’enfant avec un coeur. Pis on avait mangé plein de cochonneries, ce qu’a voulait manger. On avait dit, là, on bouffe, on s’en fiche! A faisait du diabète. On s’en foutait! Pis là, elle était assise, pis elle montrait sa bague comme ça. Écoute. Elle était heureuse.

E5

Ces participants relatent ce moment comme marquant et positif, bien que très douloureux. Dans un seul cas, dans un contexte impliquant la surconsommation d’alcool, les émotions vives ont donné lieu à un conflit.

Par ailleurs, le fait de connaître le moment exact du décès implique une prise de décision par rapport à la présence ou à l’absence des proches lors de l’AMM. L’expérience des proches est très variée à cet égard. Parmi nos sept participants, trois étaient présents au moment de l’AMM et quatre étaient absents. Parmi ceux qui étaient présents, deux l’ont été à la demande de leur proche en fin de vie et une personne a demandé de pouvoir accompagner son proche. Du côté des participants absents, deux l’ont été de leur propre choix et deux à la demande de la personne en fin de vie. Rétrospectivement, tous les participants étaient en paix avec cette situation bien que, sur le moment, quelques-uns aient éprouvé des doutes quant au meilleur choix. L’une confie : « J’pas sûre que j’aurais été capable… il ne me l’a pas demandé là [sanglots]… mais d’y tenir la main. » (E3) Une autre participante note le privilège d’avoir été choisie pour être là, alors que seuls trois membres de la famille étaient au chevet de la personne : « Je me sentais un peu imposteur de pouvoir être là… mais tellement chanceuse. » (E4) Ces témoignages montrent toute la charge émotive et la complexité au coeur de cette décision.

Les dernières minutes avant le décès par AMM sont racontées par tous les participants comme extrêmement intenses. Les personnes présentes tentent de retenir leurs émotions. Certaines ont parfois à ce moment des réactions totalement imprévisibles. Deux de nos sept participants ont rapporté des effets physiologiques : des crises de panique dans un cas et des vomissements subits dans l’autre. Les témoignages recueillis démontrent chez certains une méconnaissance du déroulement concret de l’AMM, amplifiée par les rumeurs et préjugés véhiculés dans leur entourage. Toutes sortes de scénarios circulent et viennent nourrir les appréhensions des proches. Parmi les éléments qui ont été mentionnés lors des entrevues, signalons la peur que la personne se réveille, des inquiétudes quant à l’apparence du corps après le décès ou, même, la possibilité que la personne explose. Une participante a aussi raconté avoir eu un choc, car on lui avait dit que les personnes recourant à l’AMM étaient toujours alitées, faibles, ne mangeant plus, alors que son expérience a été tout autre : son proche a mangé avec la famille avant de se lever, de serrer un par un les membres de la famille en guise d’adieu, puis de monter à sa chambre rejoindre l’équipe soignante. Cette participante a été troublée par son expérience, car elle n’était pas du tout préparée à un pareil scénario.

Après l’AMM : besoin de partager l’expérience

L’après AMM comporte des défis pour les proches, que ce soit à très court ou à plus long terme dans le processus de deuil. De façon très concrète, les instants qui suivent le décès par AMM peuvent être anxiogènes. Par exemple, une participante a confié avoir été dérangée par le moment – qui lui a paru extrêmement long – durant lequel le médecin remplissait des papiers après le décès. Pour d’autres, en contexte de décès à domicile, la gestion de la dépouille a été éprouvante; une participante a dû coordonner la récupération du corps par la morgue sans y avoir été préparée, parce que la personne qui devait le faire en était émotionnellement incapable. Enfin, selon les témoignages, le suivi postdécès est très inégal, que ce soit entre les régions ou encore selon le lien avec le proche décédé. En effet, les participants qui n’étaient pas les proches aidants principaux du défunt n’ont pas eu de suivi avec l’équipe de soin, alors que le besoin de parler de leur expérience était palpable et même souvent à l’origine de leur participation à notre recherche.

À plus long terme, le fait que le décès soit survenu en contexte d’AMM peut influencer le processus de deuil vécu par les proches et les familles. Notamment, le deuil peut être pénible pour les personnes qui n’étaient pas à l’aise avec le choix de l’AMM. Un participant relate les difficultés d’un membre de la famille, qui n’acceptait pas le recours à l’AMM, à se remettre du décès pourtant survenu il y a plusieurs années. Ce proche a d’ailleurs refusé de participer à la présente étude parce que le sujet était encore trop douloureux pour lui. En ce sens, nos données corroborent notre propre expérience clinique et des résultats mentionnés dans la littérature (Thangarasa et al., 2022; Laperle et al., 2022) quant à l’intérêt d’offrir aux personnes qui sont peu ou pas favorables à l’AMM un espace sécuritaire de parole afin de briser leur isolement (Des Aulniers, 2020; Thangarasa et al., 2022) et de valider leur vécu.

Discussion

La discussion des résultats de notre étude s’articule autour de deux éléments qui nous semblent centraux dans les témoignages recueillis : le rôle crucial que peut jouer l’équipe soignante auprès des proches et l’importance d’ouvrir le dialogue pour permettre leur implication, lorsque celle-ci est souhaitée, tout au long du processus d’AMM. Nous aborderons ensuite les limites et les retombées potentielles de l’étude.

Reconnaître le rôle fondamental de l’équipe soignante auprès des proches

Lors des entrevues, les participants à notre étude ont souligné l’impact de l’équipe soignante sur leur expérience, et ce, à chacune des étapes du processus d’AMM, soit de la première mention jusqu’au deuil. Plusieurs ont indiqué que l’implication active et la présence attentive des soignants avaient fait contrepoids aux formalités et procédures médicolégales, perçues comme froides et impersonnelles. À l’instar des témoignages recueillis par Oczkowski et al. (2021), les personnes rencontrées ont insisté sur le fait que l’authenticité et l’ouverture perçues lors des échanges avec les professionnels (infirmières, travailleuses sociales, médecins) avaient facilité leur cheminement sur le plan émotif.

La loi québécoise, davantage que d’autres cadres législatifs à l’international, reconnaît l’importance, tout au long du processus, de l’implication active des professionnels de la santé auprès de la personne qui formule une demande d’AMM. Nous postulons que cette présence est tout autant importante auprès des familles et des proches touchés, rejoignant ainsi les propos exprimés par les participants de Dumont (2023). Tandis que l’aspect proprement médical concerne peut-être plus directement la personne qui formule la demande d’AMM, le rôle des professionnels psychosociaux (travailleuses sociales, psychologues, intervenants en soins spirituels) nous semble particulièrement central dans l’accompagnement à offrir aux proches. Ces professionnels représentent parfois le principal, sinon le seul, soutien sur lequel ils peuvent s’appuyer durant les moments charnières du processus. Une équipe soignante qui est adéquatement formée saura, par exemple, jouer de façon proactive un rôle de médiateur, de facilitateur au moment des premières conversations autour d’une éventuelle AMM; fournir des informations claires et complètes; ou encore soutenir les familles aux différentes étapes précédant ou suivant le décès par AMM. Sur ce plan, nous rejoignons les conclusions d’un nombre grandissant d’auteurs (Laperle et al., 2022; Brown et al., 2020; Oczkowski et al., 2021) qui rappellent que les soignants peuvent, par leur attitude et leurs interventions, teinter le souvenir d’une fin de vie.

Or, s’il importe que l’équipe soignante acquière les compétences et savoirs nécessaires pour offrir un accompagnement et un soutien adéquats aux proches, encore faut-il que l’environnement de travail le permette. En ce qui concerne les conditions de travail, il faut assurer un rythme de travail qui favorise le déploiement du savoir-être et du savoir-dire du personnel, de manière à développer un lien de confiance et une relation thérapeutique solide avec les proches et les familles. Sur le plan de l’accès aux services, nos travaux ont contribué à mettre en évidence une faille du réseau de la santé et des services sociaux concernant les proches, qui n’ont pas systématiquement accès à un soutien au cours du processus ou à la suite du décès. Par ailleurs, l’absence quasi systématique d’ouverture de dossier pour les proches rend invisible le travail qui est fait auprès d’eux par des équipes dévouées. Enfin, nous croyons fermement que des investissements sont incontournables afin d’assurer le déploiement et la qualité des services que nous jugeons nécessaires pour les proches impliqués dans une demande d’AMM. La relation de confiance que certains participants à notre étude avaient développée avec le personnel régulier durant le processus d’AMM, et l’impact positif de celle-ci dans leur cheminement et leur deuil, confirment par ailleurs l’importance d’utiliser ces investissements pour assurer la présence d’intervenants en nombre suffisant et une certaine stabilité au sein des équipes.

Favoriser l’implication des proches dans le processus d’AMM

C’est par la reconnaissance du rôle essentiel de l’équipe soignante et l’instauration d’un contexte de travail qui permet les interventions proactives auprès des familles et des proches qu’il sera possible d’envisager des pratiques visant une réelle prise en compte de leurs besoins. À travers tout ce processus complexe et unique de la mort assistée, l’implication des membres de la famille et des proches, dans la mesure des possibilités et des volontés de chacun, serait une pratique à privilégier (Snijdewind et al., 2014; Gamondi et al., 2019; Brown et al., 2020; Oczkowski et al., 2021; Rainville et al., 2021). La suggestion d’adapter l’approche centrée sur le patient, actuellement utilisée en soins palliatifs pour la recentrer plutôt sur la triade personne malade, famille et médecin (Dees et al., 2013; Brown et al., 2020), nous semble porteuse à la lumière des témoignages recueillis dans le cadre de notre étude. Tout porte à croire qu’une implication des proches, dès les premières étapes du processus d’AMM, sinon même en amont lors du diagnostic ou du basculement en soins palliatifs, est souhaitable, afin de leur transmettre de l’information juste, de leur permettre de poser leurs questions et d’être témoins du cheminement et des motivations de leur proche à faire une demande s’il y a lieu. Parallèlement, un travail plus large sur les représentations sociales entourant l’AMM ainsi que sur la diffusion de connaissances sur les différentes étapes du processus d’AMM nous apparaît être d’une grande importance pour faciliter l’expérience des proches.

Laisser du temps aux proches et mettre en place des conditions permettant d’harmoniser leur niveau d’acceptation du décès prochain avec celui de la personne qui fait la demande devraient être au centre des efforts. Tenter de construire un pont entre l’accélération du processus de fin de vie et le temps dont les proches ont besoin pour accepter l’imminence de la mort est un travail d’équilibriste que toutes les équipes de soignants devraient perfectionner (Dees et al., 2013; Brown et al., 2020; Oczkowski et al., 2021; Thangarasa et al., 2022). Comme le soulignent Rainville et ses collègues (2021), impliquer les proches n’est pas toujours facile ni possible, mais leur participation active peut permettre une discussion honnête entre tous les acteurs, et préserver le respect du choix de la personne.

Évidemment, donner aux proches une place dans le processus d’AMM ne devrait jamais se traduire par une imposition d’une forme ou d’une autre d’implication. Nos données ont permis, par exemple, de mettre en lumière la délicate question de la présence ou de l’absence des proches au moment de l’injection. Certaines personnes craignent qu’on leur demande d’être présents au moment du décès, d’autres craignent de ne pas pouvoir y être. Cette question d’être présent ou non au moment de la mort, élément distinctif spécifique à la mort assistée et auquel peu d’entre nous sommes véritablement préparés, entraîne des émotions, des réactions et, finalement, des décisions éminemment personnelles. Dans la mesure du possible, et bien que l’autodétermination de la personne souffrante soit prédominante, l’équipe soignante devrait donc travailler, parallèlement, à soutenir le respect des positions exprimées par les proches (Hashemi et al., 2021; Rainville et al., 2021). Selon les observations cliniques de Rainville et ses collègues (2021), ne pas respecter les limites et les capacités des proches peut représenter une barrière à leur deuil, qu’on pense au prédeuil adaptatif ou au deuil postdécès.

Enfin, notre étude a mis en lumière la nécessité d’offrir du soutien après l’AMM à tous les proches qui en ressentent le besoin et non pas seulement au proche aidant principal, comme cela est généralement le cas dans le réseau de la santé et des services sociaux. Certains participants ont interprété le fait qu’on ne leur ait pas offert un accompagnement pour le deuil comme un manque de reconnaissance de leur expérience de deuil. Certains nous ont même confié qu’ils auraient souhaité connaître les options qui s’offraient à eux en tant que personnes endeuillées, peu importe qu'ils utilisent le service ou non, l'offre venant valider leur vécu de deuil. Pour certains, ce manque d’espace de parole pour faire un retour sur leur expérience a été une motivation à participer à notre recherche.

Limites et retombées potentielles de l’étude

Notre étude présente certaines limites. D’abord, la taille réduite de l’échantillon, bien que légitime dans le cadre de la production d’un mémoire de maîtrise, ne permet pas de généraliser les résultats. Par ailleurs, l’échantillon est relativement homogène sur plusieurs plans : tous les participants sont majeurs et francophones, l’échantillon est très majoritairement féminin. Aussi, tous les participants se sont dits en faveur de l’AMM à la suite de leur expérience. Nous pouvons penser que les personnes qui sont peu ou pas à l’aise avec l’AMM, et qui évitent de participer à une telle étude, pourraient avoir une perspective bien différente sur leur vécu d’accompagnement. Enfin, rappelons que cette étude s’est déroulée alors que la LCSFV, régissant l’AMM, était en pleine transformation. Les témoignages recueillis ne tiennent pas compte des modifications législatives récentes.

Malgré ces limites, l’étude présente l’originalité de donner la voix directement aux proches en contexte québécois. La diversification de l’échantillon quant aux liens avec la personne qui a fait la demande d’AMM permet d’envisager l’expérience des proches au-delà des réalités des « proches aidants », généralement interrogés dans les études. En cela, nous espérons que nos données pourront nourrir les discussions entre l’équipe soignante, les proches et la personne malade. Cette étude met aussi en lumière la complexité des expériences des proches et la délicatesse avec laquelle doivent être tenues ces discussions entre les différents acteurs. En ce sens, cette recherche bonifie les données démontrant qu’on devrait favoriser la formation spécialisée au sujet de l’accompagnement en situation d’AMM pour les équipes en soins palliatifs.

Conclusion

Le nombre d’AMM administrées est en augmentation au Québec depuis l’entrée en vigueur de la LCSFV en 2015, et les lois la régissant au Québec et au Canada sont en transformation. Le retrait du critère de fin de vie et de l’obligation de consentement final, la réflexion sur l’élargissement aux personnes handicapées, inaptes ou encore souffrant uniquement d’un trouble de santé mentale, sont autant d’exemples de la grande mutation qui a présentement cours dans le domaine des soins de fin de vie au Québec. C’est dans ce contexte que cet article s’est penché sur l’expérience des personnes dont un proche a fait une demande d’AMM. La pratique de l’AMM étant relativement récente au Québec, et chaque cas étant singulier, nous avons voulu bonifier les connaissances au sujet de l’expérience qu’en ont les proches, dans une optique d’amélioration continue des pratiques.

Nous avons montré l’importance d’inclure les proches, lorsque cela est souhaité par eux ainsi que par la personne concernée, à chacune des étapes charnières du processus d’AMM. L’expérience des proches est en effet marquée par la cohabitation d’émotions contradictoires, rendant à certains moments l’expérience hautement exigeante émotionnellement, voire douloureuse ou insupportable. Ressentir en même temps un soulagement de savoir que la personne chère verra sa souffrance s’achever et une douleur immense de comprendre l’imminence choisie de son décès est pénible. En ce sens, même lorsque planifiée, la mort peut surprendre et faire souffrir. Il importe donc de développer des services propres aux proches, à chacune des étapes du processus d’AMM et jusqu’après le décès, en tenant compte de tous les proches, incluant ceux qui sont moins à l’aise avec l’AMM. Les témoignages recueillis montrent le puissant impact du savoir-être des membres de l’équipe soignante durant le processus et son influence sur ce qui restera ancré dans la mémoire des proches par la suite.

Globalement, les participants racontent une expérience somme toute positive de ce choix qu’a fait la personne malade de procéder à une demande d’AMM. Si la vue d’ensemble et le recul permis par le temps qui a passé depuis les événements leur permettent d’avoir un souvenir positif, ils relèvent tout de même certains moments éprouvants dans le processus. Notre étude propose modestement quelques éléments de compréhension de ces moments clés vécus par les proches, mais il reste beaucoup à faire, sur le plan de la recherche et sur celui des pratiques cliniques, pour tenir compte de la complexité du vécu des proches au cours du processus d’AMM. Autant les ressources financières qu’humaines nécessaires à leur accompagnement doivent être mobilisées pour une poursuite exemplaire des changements dans l’univers des soins palliatifs et de la fin de vie au Québec.