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Introduction

Enseigner aujourd’hui au Québec… quelle aventure ! Si la personne enseignante est considérée comme un pilier des institutions éducatives et que cette profession peut constituer une source de bien-être (Goyette et Martineau, 2020), on la décrit aussi comme une fonction complexe, exigeante, difficile et à haut risque psychosocial (Mukamurera et al., 2019). C’est pourquoi plusieurs personnes chercheures ou praticiennes s’entendent sur l’importance d’offrir aux enseignants et enseignantes novices du soutien adapté à leurs besoins ressentis (Carpentier et al., 2019) et un accompagnement qui, selon Boutin et Dufour (2021), se veut la pierre angulaire du processus de l’intégration professionnelle. Cependant, comme mentionné par Gagnon (2020), « assumer le rôle de mentor auprès d’enseignants en insertion professionnelle n’est pas une compétence innée et il est impératif qu’ils reçoivent du soutien professionnel afin de développer leurs compétences » (p. 56).

Au cours des dernières années, nous avons étroitement collaboré au développement d’un programme de mentorat d’un centre de services scolaire, afin d’outiller les personnes mentores à exercer ce rôle avec compétence (Gagnon et al. 2022). Au fil de nos rencontres, grâce à nos lectures, nos échanges dialogiques et nos réflexions, il a été possible pour l’auteur de cet article de développer et d’expérimenter son modèle d’agir compétent et conscient d’enseignant-mentor accompagnant ses collègues dans son école. Ce modèle est résumé dans cette chronique. Mais tout d’abord, nous présentons ce que nous entendons par un modèle d’agir compétent et conscient. En tant que professeure-chercheure (coauteure de l’article), nous accompagnons des leaders en éducation dans la conscientisation et la formalisation de leur modèle (Guay et Gagnon, 2021a). Pour agir avec compétence et conscience en éducation, le personnel scolaire, quelle que soit sa fonction, gagne à conscientiser la façon dont il conçoit son agir professionnel compétent et conscient, c’est-à-dire les forme: 2400691.jpg qu’il veut et peut poser dans un forme: 2400756.jpg spécifique, inspiré forme: 2400757.jpg et de forme: 2400694.jpg explicites (Guay et Gagnon, 2021b).

Le modèle d’agir compétent et conscient d’Yves

Voici à la figure 1 la présentation du modèle d’agir compétent et conscient d’Yves, enseignant-mentor exerçant sa fonction d’accompagnateur auprès d’enseignants novices au primaire et la description de ce dernier.

Figure 1

Modèle d’agir compétent et conscient dYves, enseignant-mentor

Modèle d’agir compétent et conscient d’Yves, enseignant-mentor

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Mon contexte : la présentation du milieu d’accompagnement

L’école Saint-Vincent est une école primaire de 550 élèves. Celle-ci comporte 27 classes de la maternelle 4 ans jusqu’à la 6e année, dont deux classes CDAC[1]. Parmi le personnel, on compte huit membres en insertion professionnelle qui ont moins de deux ans d’expérience. Dans le cadre d’un projet spécial, je suis libéré à 100 % de ma tâche afin d’accompagner mes collègues du primaire, dont plus spécifiquement les personnes enseignantes en insertion professionnelle qui représentent 20 % du personnel enseignant. Mon bureau est situé à l’intérieur de la salle du personnel, ce qui favorise des moments d’échanges précieux.

Mes présupposés

Ce que je cherche avant tout est de créer un environnement favorable aux échanges et à la relation de confiance. Que ce soit pour accompagner des collègues en insertion professionnelle ou des collègues ayant de l’expérience, la théorie de l’autodétermination (Deci et Ryan, 2008) demeure la pierre angulaire de mon modèle d’enseignant-mentor. Cette théorie mentionne que tout individu cherche à satisfaire trois types de besoins psychologiques fondamentaux, soit le besoin d’affiliation, le besoin d’autonomie et le besoin de se sentir compétent. La pratique réflexive constitue également un pilier de mon accompagnement (Hook et al. 2010). Les quatre phases de l’apprentissage selon Kolb (1984) (1 - pratiquer ; 2- analyser ; 3- généraliser ; 4- transférer) guident mes interventions au quotidien. De plus, j’ai le souci de repérer les modèles théoriques les plus pertinents pour appuyer mes interventions, mais également ceux les plus propices à orienter nos choix pédagogiques de façon collaborative (CTREQ, 2015).

Mes intentions d’enseignant-mentor

Que ce soit lors de rencontres d’accompagnement individuel ou lors de rencontres réunissant un groupe de collègues d’un niveau scolaire, je cherche à favoriser des pratiques collaboratives, afin que chacun mobilise son expertise pour apprendre et réfléchir ensemble, en s’appuyant sur ses expériences et des connaissances issues de la recherche, au profit de la réussite des élèves. Par le fait même, cette façon de collaborer comble les trois types de besoins psychologiques fondamentaux.

Mes actions privilégiées pour accompagner les enseignants novices

Voici les trois actions que je privilégie pour accompagner les enseignants novices dans leur insertion et leur développement professionnel.

Mise en place d’un groupe de codéveloppement professionnel

Ce dispositif, qui s’appuie sur le modèle de Payette et Champagne (2006), inclut des personnes enseignantes en insertion professionnelle et d’autres ayant de l’expérience (Gagnon et Gamache, 2022). Cette démarche favorise une certaine ouverture dans l’amélioration des pratiques du point de vue individuel et collectif. Dans ce type d’accompagnement collectif, je ne me positionne pas en expert, mais plutôt en facilitateur. J’écoute, je pose des questions et je propose des réflexions à partir de textes et de vidéos.

Coanimation en classe

Au fur et à mesure que l’année scolaire avance, les personnes enseignantes se sentent en confiance et c’est à ce moment que certaines m’invitent dans les classes afin de faire de la coanimation en fonction d’intentions préalablement identifiées. Ce peut être pour animer une activité pédagogique portant sur l’animation des cercles d’auteurs ou encore pour accompagner les élèves dans le village dans le cadre du cours d’univers social. En tant que coanimateur, je peux décider d’intervenir. Premièrement, si je juge que cela est pertinent, je peux questionner mon partenaire sur les consignes à préciser ou je peux intervenir dans le but de modéliser un type d’intervention, entre autres. Deuxièmement, si je décide de ne pas intervenir sur le coup, nous pourrons analyser ensemble certains éléments de l’activité lors d’une rencontre éventuelle. Dans ces deux contextes, le modèle de Kolb (1984) prend tout son sens.

Accompagnement individuel dans un projet pédagogique de changement

Je soutiens aussi la réflexion de mes collègues en faisant avec eux l’inventaire des ressources humaines, matérielles, théoriques et technologiques disponibles. De plus, je les aide à formuler un plan d’action assorti d’un échéancier, ce qui leur permet de développer un sentiment de compétence et d’autonomie. Des rencontres de régulation sont également à l’horaire. Vers la fin de l’année scolaire, un bilan est réalisé avec le personnel en insertion, afin de faire un retour sur les changements de pratique qu’ils ont vécus au cours de l’année et, par le fait même, de me donner une rétroaction sur l’aide qu’ils ont reçue, ce qui permet d’améliorer l’accompagnement d’une année à l’autre.

Conclusion

À l’heure où les centres de services scolaires développent des programmes d’insertion professionnelle offrant un dispositif de mentorat, nous croyons que le fait d’apporter un soutien à des personnes mentores dans le but de formaliser leur modèle d’agir compétent et conscient représente une voie porteuse. Cela leur permettrait de conscientiser ce en quoi elles croient, ce qu’elles veulent accomplir et d’agir en cohérence en fonction de leur contexte. Et pourquoi ne pas accompagner également les enseignants novices à faire de même, afin qu’ils créent à leur tour leur premier modèle d’agir compétent et conscient d’enseignant ?