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« Tout·e apprenant·e est confronté·e à un double problème : se mettre au travail et y rester »

Cosnefroy (2010)

Introduction

La formation professionnelle (FP) québécoise est une filière éducative diversifiée, rapide, accessible et qualifiante (Masdonati et al., 2015 ; Solar-Pelletier, 2016). Malgré ces avantages, elle constitue une voie éducative peu empruntée par les jeunes au Québec (Cournoyer et al., 2016 ; ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur [MEES], 2018). Malgré un accroissement des taux d’inscription dans les dernières années, différents programmes de FP peinent à recruter suffisamment d’élèves pour assurer leur pérennité (MEES, 2018) et sont contraints d’être fermés. La fermeture d’un programme de FP entraîne son lot de conséquences : pénurie de main-d’oeuvre qualifiée pour la région, menace pour la viabilité de l’établissement scolaire (Lafontaine, 2019 ; MEES, 2018) et migration des élèves vers d’autres régions pour réaliser leurs études (Richard et Mareschal, 2013). Pour limiter la fermeture d’un ou de plusieurs programmes de FP, les centres de formation professionnelle (CFP) recourent de plus en plus au dispositif de formation individualisée (Table des responsables de l’éducation des adultes du Québec [TREAQ], 2017). Ainsi, contrairement à la formation collective, la formation individualisée permet à l’élève de commencer ses études à tout moment puisque les établissements scolaires présument qu’un nombre suffisant d’inscriptions permettant de financer l’offre de formation sera atteint durant l’année scolaire (Accès Études Québec, 2021 ; Lacasse, 2012). Malgré une implantation de plus en plus fréquente dans les CFP, on ignore empiriquement de quelle manière le corps enseignant de la FP au secondaire s’approprie ce dispositif et comment sa mise en place influence les stratégies motivationnelles employées.

Le dispositif de formation individualisée et son mode de fonctionnement en formation professionnelle au secondaire

Le dispositif de formation individualisée, largement implanté dans le milieu québécois de la formation générale des adultes (Voyer et al., 2014), prend appui sur des principes andragogiques tels que l’autonomie, l’expérience individuelle et la réalité de l’adulte (Landry, 2017 ; Voyer et al., 2014). Ce dispositif amène l’élève dans un processus d’apprentissage autodirigé (Knowles, 1975 ; Poisson, 2010). Concrètement, dans le contexte de la FP au secondaire, l’élève réalise ses apprentissages de manière autonome à l’aide de différentes méthodes pédagogiques (lectures individuelles, visionnement de capsules vidéo, résolution de problème, laboratoires, exercices répétitifs ou projets) préalablement choisies par la personne enseignante (Lacasse, 2012). Cette dernière est présente en classe ou en atelier pour répondre aux questions des élèves, réaliser des démonstrations et donner de brefs exposés théoriques (Accès Études Québec, 2021). Étant donné que les élèves se situent à différentes étapes de leur parcours de formation, les interactions entre les élèves et la personne enseignante se réalisent souvent individuellement ou en sous-groupe (Lacasse, 2012). En somme, dans ce dispositif de formation, la personne enseignante n’est plus l’« agent·e principal·e de la transmission du savoir et du développement d’habiletés chez le sujet » (Legendre, 2005, p. 575). Elle est plutôt un·e facilitateur·trice, un·e guide procédural·e (Yasmin et al., 2019) qui soutient l’élève alors qu’il ou elle dirige ses apprentissages. Ce changement de rôle amène à réfléchir aux stratégies motivationnelles que les personnes enseignantes emploient auprès de leurs élèves. En effet, comme un dispositif de formation individualisée exige d’être suffisamment motivé pour se mettre à la tâche et pour s’autoréguler en cours d’apprentissage (Carré, 2010), il y a lieu de croire que la position occupée par la personne enseignante (davantage en retrait) influence les stratégies motivationnelles employées par celle-ci (Artino et Stephens 2009 ; Gegenfurtner et al., 2019).

Devant ce constat, cet article propose d’explorer les stratégies motivationnelles employées par les personnes enseignantes de la FP et de vérifier si ces stratégies varient selon le contexte dans lequel elles oeuvrent (individualisé ou collectif).

Cadre de référence

La motivation scolaire est définie comme une force, interne ou externe, qui oriente les comportements d’une personne apprenante (Fréchette Simard et al., 2019). Selon la théorie de l’autodétermination (Deci et Ryan, 1985 ; 2012), les individus chercheraient naturellement à se développer, à s’intégrer et à se sentir bien (Ryan et al., 2019). Pour y parvenir, trois besoins fondamentaux devraient être comblés : le besoin d’autonomie, de compétence et d’appartenance (Deci et Ryan, 2020). Le besoin d’autonomie renvoie à la perception d’agir librement et d’être à l’origine de ses actions (Deci et Ryan, 2020 ; Fréchette-Simard et al., 2019). Le besoin de compétence, pour sa part, renvoie au sentiment d’efficacité de l’élève et au jugement porté envers sa capacité à réussir une tâche (Bouffard et al., 2005 ; Deci et Ryan, 2020). Enfin, le besoin d’appartenance renvoie à la perception d’appartenir à un groupe, d’y être lié (Deci et Ryan, 2020 ; Fréchette-Simard et al., 2019).

En raison du rôle majeur exercé par la motivation de l’élève dans son parcours scolaire, plusieurs recherches se sont attardées aux facteurs susceptibles de l’influencer (p. ex., Eccles et Wigfield, 2020 ; Elliot et Hulleman, 2017 ; Ryan et Deci, 2017). À cet effet, Deci et Ryan (2020) soulignent que le soutien aux besoins fondamentaux de l’individu par les personnes enseignantes favoriserait une motivation de meilleure qualité (c.-à-d. davantage autonome). Pour soutenir les besoins fondamentaux de l’élève, la personne enseignante peut, par exemple, offrir des tâches intéressantes, significatives, variées et qui représentent un défi accessible aux élèves (Deci et Ryan, 2020). Elle peut également offrir de l’écoute, du renforcement positif, des encouragements, des conseils et être réactive aux commentaires et aux questions des élèves en plus de reconnaitre leur point de vue (Reeve et Jang, 2006). Les actions qui ne soutiennent pas les besoins de l’élève (p. ex., exercer du contrôle sur la personne apprenante ; utiliser des récompenses ou des punitions) sont susceptibles de favoriser une motivation de moins bonne qualité (c.-à-d. davantage contrôlée ; Deci et Ryan, 2020).

À l’heure actuelle, peu d’études ont documenté les stratégies motivationnelles employées par le corps enseignant de la FP au Québec, notamment les personnes enseignantes qui oeuvrent en contexte d’enseignement individualisé. Comme la formation individualisée est de plus en plus utilisée en FP (TREAQ, 2017) et que les études s’étant attardées aux environnements misant sur apprentissage autodirigé (p. ex., formation en ligne) ont souligné l’importance de la motivation scolaire pour la persévérance et la réussite (Artino et Stephens 2009 ; Gegenfurtner et al., 2019), il convient de documenter les stratégies employées par les personnes enseignantes oeuvrant dans ce contexte, ce qui constituait l’objectif de la présente étude.

La présente étude

Cette étude entendait répondre aux questions suivantes : (1) Quelles sont les stratégies motivationnelles employées par les personnes enseignantes de la FP au secondaire? et (2) Ces stratégies varient-elles selon le dispositif de formation mis en place ? La présente étude s’inscrivait dans le projet Signé FP[1], lequel visait plus globalement à étudier le rôle du climat de classe et des relations élèves et enseignant·e·s dans la motivation et la réussite des élèves en FP.

Méthode

Afin de répondre à ces questions de recherche, une démarche quantitative de type déductive a été privilégiée (Chevrier, 2009). Cette approche nous a amenées à employer une échelle validée auprès d’une population enseignante québécoise et qui comprenait une variété de stratégies motivationnelles, lesquelles soutiennent ou non les besoins décrits par la théorie de l’autodétermination, soit l’Échelle de mesure des stratégies employées par les enseignants pour développer et soutenir la motivation de leurs élèves (Bouffard et al., 2005).

Échantillon

Au total, 79 personnes enseignantes (femmes : 58,1 %), âgées de 26 et 65 ans (M : 46,9 ; É.T. = 1,23), ont été rencontrées par notre équipe de recherche entre le 15 février et le 15 juin 2017. Ces dernières ont été recrutées sur une base volontaire alors qu’elles participaient à une rencontre pédagogique dans leur CFP. Ces personnes enseignaient alors dans un établissement situé dans la grande région métropolitaine. Elles avaient en moyenne 11,4 années d’expérience en enseignement (É.T. = 6,92) et près de la moitié de cet échantillon (46,5 %) comptait dix ans et moins d’expérience. 22 enseignant·e·s intervenaient en formation individualisée et 57 enseignant·e·s en formation collective.

Procédure

Préalablement à la collecte de données, une certification éthique a été obtenue auprès du Comité institutionnel d’éthique de la recherche avec des êtres humains de l’Université du Québec à Montréal. Un devis incluant une seule collecte de données a été priorisé afin de collecter l’ensemble des données nécessaires à la réalisation de cette étude. Après avoir été informées des objectifs et des modalités de participation à l’étude, les personnes participantes ayant consenti à prendre part au projet de recherche ont rempli un questionnaire de façon anonyme.

Instrument

Un questionnaire autorapporté a permis de recueillir des données sociodémographiques des personnes participantes (âge, genre, dispositif de formation mis en place) de même que les mesures issues de l’Échelle de mesure des stratégies employées par les enseignants pour développer et soutenir la motivation de leurs élèves (Bouffard et al., 2005). Cette échelle est composée de 45 items répartis en huit catégories de stratégies : (1) valorisation des efforts, (2) utilisation de punitions, (3) autonomie et stimulation cognitive, (4) maitrise des apprentissages, (5) utilisation de récompenses, (6) utilisation de félicitations, (8) émulation positive et (8) émulation négative. Pour chaque stratégie évoquée, la personne participante devait indiquer si elle employait celle-ci. Une échelle de Likert en sept points (pratiquement jamais à pratiquement toujours) permettait à la personne de nuancer la fréquence d’utilisation de ladite stratégie. Bien que les huit catégories de stratégies motivationnelles énumérées plus haut aient été développées sur la base de différents modèles théoriques de la motivation (p. ex., autodétermination, attribution causale, conditionnement opérant, sentiment d’efficacité personnelle ; Bouffard et al., 2005), les items qui les composent sont susceptibles de soutenir ou de miner l’autonomie, le sentiment de compétence et le sentiment d’appartenance de l’élève, trois besoins fondamentaux devant être comblés pour se développer, s’intégrer et se sentir bien (Deci et Ryan, 2019).

Traitement des données

Afin de répondre aux objectifs de la présente étude, différentes analyses ont été menées à l’aide du logiciel SPSS. D’abord, des analyses préliminaires ont permis d’expliquer les corrélations parmi l’ensemble des variables. Ensuite, des analyses de variance ont été réalisées afin de déterminer si les stratégies employées par les personnes enseignantes variaient selon le dispositif de formation.

Résultats

Analyses préliminaires

Comme l’outil utilisé dans le cadre de cette étude n’avait pas été validé auprès de personnes enseignantes oeuvrant en contexte de FP, une analyse en composantes principales a d’abord été réalisée afin d’expliquer les corrélations parmi un ensemble de variables en déterminant le nombre et la nature d’un ensemble restreint de facteurs (Caron, 2018 ; Yergeau et Poirier, 2021). Au terme de cette analyse, seulement 35 items ont été retenus pour les analyses principales. Ces items étaient répartis en cinq facteurs : (1) utilisation du renforcement, (2) maitrise des apprentissages (3) stimulation cognitive (4) importance des efforts et (5) valorisation de l’autonomie.

Analyses principales

Afin de déterminer quelles étaient les stratégies motivationnelles employées par les personnes enseignantes de la FP au secondaire, des analyses descriptives ont été réalisées (moyennes et écart-type). Dans l’ensemble, toutes les stratégies motivationnelles étaient employées, mais à une fréquence variable, comme cela est présenté dans le tableau 1. En somme, les personnes enseignantes de notre échantillon utilisent, en ordre, la stimulation cognitive (5,74), l’importance des efforts (5,66), la maitrise des apprentissages (5,33), la valorisation de l’autonomie (4,19) et le renforcement (3,19).

Tableau 1

Moyennes et écarts-types des stratégies motivationnelles employées par les personnes enseignantes en formation professionnelle

Moyennes et écarts-types des stratégies motivationnelles employées par les personnes enseignantes en formation professionnelle

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Pour déterminer si les stratégies motivationnelles employées par les personnes enseignantes de la FP variaient selon le dispositif de formation mis en place, des analyses de variance multivariées et univariées ont été réalisées. L’analyse multivariée fondée sur la statistique de Lambda de Wilks a révélé un effet significatif d’interaction entre les stratégies motivationnelles utilisées et le dispositif de formation mis en place (F (5, 72 = 4,10 ; p < 0,05, η2 = 0,22). Ainsi, les stratégies motivationnelles utilisées par les personnes enseignantes qui intervenaient en formation individualisée variaient significativement de celles utilisées par celles qui oeuvraient en formation collective.

Pour examiner plus en détail les effets significatifs du contexte de formation pour chacune des stratégies motivationnelles employées, des analyses univariées ont été menées pour décomposer les effets et, ainsi, déterminer quelles stratégies variaient selon le dispositif. Les analyses univariées subséquentes ont montré que le dispositif de formation dans lequel la personne enseignante intervenait affectait l’utilisation de la stratégie motivationnelle de la maitrise des apprentissages (F (1, 76) = 7,48 p < 0,01 ; η2 = 0,09) et celle de la stimulation cognitive (F (1, 76) = 8,05 p < 0,01 ; η2 = 0,10). Cependant, le dispositif de formation ne semblait pas engendrer de manière significative l’utilisation du renforcement (F (1, 76) = 0,88 p = 0,35 ; η2 = 0,01), l’importance des efforts (F (1, 76) = 2,59 ; p = 0,11 ; η2 = 0,03) et la valorisation de l’autonomie (F (1, 76) = 0,00 ; p = 0,99 ; η2 = 0,00).

Ainsi les personnes enseignantes qui interviennent dans un dispositif de formation individualisée recourent davantage à la stratégie de maitrise des apprentissages que leurs collègues qui enseignent dans un dispositif collectif. En outre, elles utilisent moins la stratégie de stimulation cognitive que les personnes enseignantes qui oeuvrent dans un dispositif de formation collective. Les moyennes et les écarts-types pour chacune des dimensions examinées (stratégies motivationnelles employées) sont présentés dans le tableau 2.

Tableau 2

Moyennes et écarts-types des stratégies motivationnelles employées par les personnes enseignantes en fonction du dispositif de formation

Moyennes et écarts-types des stratégies motivationnelles employées par les personnes enseignantes en fonction du dispositif de formation

* L’astérisque indique une différence significative dans l’utilisation de la stratégie selon le dispositif de formation.

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Discussion

Stratégies motivationnelles employées en contexte de formation professionnelle au secondaire

La présente étude visait d’abord à identifier quelles étaient les stratégies motivationnelles employées par les enseignants de la FP au secondaire, et ce, indépendamment du dispositif de formation mis en place. Dans l’ensemble, les personnes enseignantes rencontrées recourent davantage aux stratégies motivationnelles de stimulation cognitive (p. ex., « Proposer des exercices excitants pour stimuler les élèves à travailler fort. »), d’importance des efforts (p. ex., « Féliciter les élèves pour l’attention qu’il·elle·s ont porté à leur travail ») et de maitrise des apprentissages (p. ex., « Dire que l’important n’est pas d’aller vite, mais de bien comprendre ce qu’il·elle·s font »), lesquelles sont associées à l’apprentissage et au développement des compétences et répondant ainsi au besoin de compétence des élèves (Deci et Ryan, 2020). Ce résultat est en cohérence avec le profil des personnes enseignantes de la FP qui sont d’abord des expert·e·s du métier enseigné (Coulombe et al., 2020). Par ailleurs, les personnes enseignantes rencontrées recourent moins à la stratégie de valorisation de l’autonomie. Ceci peut avoir un effet négatif sur la motivation des élèves réalisant une FP, notamment parce que l’autonomie est l’un des trois besoins fondamentaux devant être comblés pour qu’un individu se développe, s’intègre et se sente bien (Deci et Ryan, 2020). Enfin, les personnes enseignantes de notre échantillon utilisent très peu la stratégie de renforcement, laquelle comportait des items misant sur la comparaison sociale (p. ex., « Nommer les élèves qui ont le mieux réussi) et sur le recours aux récompenses, à l’émulation et aux punitions (p. ex., : « Accorder des privilèges lorsque les élèves s’améliorent »). Ce résultat est encourageant puisque de tels comportements ne soutiennent pas une motivation autonome chez l’élève, laquelle est réputée être davantage bénéfique (Deci et Ryan, 2020).

Stratégies motivationnelles employées en contexte de formation individualisée

Cette étude visait également à vérifier si les stratégies employées par les personnes enseignantes de la FP au secondaire variaient selon le dispositif de formation mis en place. Dans l’ensemble, les résultats de notre étude sont mitigés. Ainsi, ils soutiennent partiellement l’hypothèse selon laquelle le dispositif de formation employé influence les stratégies motivationnelles mises en place (Artino et Stephens 2009 ; Gegenfurtner et al., 2019). En effet, il était attendu que toutes les stratégies motivationnelles employées diffèrent selon le dispositif de formation mis de l’avant, tel que rapporté par Voyer et ses collaboratrices (2015). Les résultats de notre étude indiquent qu’en contexte de formation individualisée, les personnes enseignantes recourent plus souvent à la stratégie motivationnelle maitrise des apprentissages que les personnes enseignantes qui interviennent dans un dispositif de formation collective. Cependant, les personnes enseignantes de formation individualisée recourent moins à la stratégie stimuler cognitivement que ceux qui oeuvrent en formation collective. Ceci peut en partie s’expliquer par le fait que les interactions sont moins nombreuses en contexte de formation individualisée (Lacasse, 2012). Par ailleurs, le dispositif de formation employé ne semble pas affecter de manière significative l’utilisation du renforcement par les personnes enseignantes, l’importance des efforts et la valorisation de l’autonomie, un résultat surprenant compte tenu de l’importance de ces stratégies pour soutenir un apprentissage autodirigé (Carré, 2010). En effet, comme les interactions entre les élèves et la personne enseignante se réalisent souvent individuellement ou en sous-groupe et que la personne enseignante est un·e guide procédural·e qui soutient l’élève dans ses apprentissages (Yasmin et al., 2019), il était attendu que ces stratégies soient plus prégnantes en contexte de formation individualisée. Dans l’ensemble, il semblerait que les personnes enseignantes soient davantage centrées sur la finalité de l’apprentissage au détriment du processus d’acquisition des connaissances et du développement des compétences. Ce résultat va dans le sens des obstacles à l’accompagnement individualisé documentés par Voyer et ses collaboratrices (2015) qui relatent que l’accompagnement individualisé en milieu de travail est souvent considéré comme étant moins efficace pour la transmission de contenus et le développement de compétences, car il est plus centré sur les impératifs liés à la production et aux savoir-faire de l’entreprise.

Dans l’ensemble, ces résultats soulignent l’importance de former les personnes enseignantes qui oeuvrent en FP aux diverses stratégies motivationnelles qui s’offrent à elles et à l’importance de bien répondre aux besoins des élèves afin de soutenir une motivation de qualité. Ce constat est d’autant plus important que ce n’est qu’une fois en poste que la majorité des personnes enseignantes de la FP entreprendra la formation universitaire obligatoire de 120 crédits, à temps partiel, sur une durée pouvant aller jusqu’à dix ans (Beaucher, 2020). Ces résultats démontrent également l’importance de poursuivre les recherches tenant compte des influences potentielles que peuvent avoir les dispositifs de formation sur les stratégies motivationnelles employées par les personnes enseignantes de la FP.

Conclusion

Cette étude comporte certaines limites qu’il convient de rapporter et de considérer dans les recherches à venir. D’abord, les résultats sont fondés sur un échantillon de convenance de petite taille provenant d’un seul établissement scolaire, ce qui limite la possibilité de généraliser ces résultats à l’ensemble de la population enseignante de la FP. Il est donc souhaitable de répliquer les résultats de cette étude à l’aide d’autres échantillons (incluant des établissements de différentes tailles et de régions variées) ; ceci, afin d’augmenter la justesse des inférences pouvant être posées à propos des personnes enseignantes qui interviennent en formation individualisée. Qui plus est, le recours à un plus grand échantillon permettrait de considérer l’influence potentielle de différentes variables telles que la composition du groupe, le programme de formation enseigné ou le contexte éducatif. Ensuite, une autre limite de cette étude réside dans le recours exclusif à des instruments autorapportés pour mesurer les variables à l’étude. Ceci a pu contribuer à augmenter le risque de désirabilité sociale et à influencer les résultats obtenus. Pour contourner cette limite, il serait souhaitable de reproduire les résultats de cette étude en recourant à des mesures objectives (p. ex., observations en classe).

En dépit de ces limites, l’étude réalisée a innové en examinant les stratégies motivationnelles employées par les personnes enseignantes de la FP. Celle-ci est d’ailleurs parmi les premières études à avoir examiné de quelle manière ces personnes s’approprient le dispositif de formation individualisée et les stratégies motivationnelles qu’elles emploient. Dans l’ensemble, les résultats ont permis de vérifier qu’il existe des différences entre le contexte de formation individualisée et collective. D’une part, ceci souligne la nécessité de poursuivre les études dans ces contextes de formation pour mieux comprendre le processus motivationnel des élèves qui s’y inscrivent. D’autre part, une avenue pertinente de recherche consisterait à mieux documenter les perceptions des élèves sur les répercussions des stratégies motivationnelles employées par les personnes enseignantes, de même que leur répercussion sur le rendement et la persévérance scolaire des élèves.