Abstracts
Résumé
L’article s’intéresse à la collection « Les Singuliers » parue aux éditions Les Flohic puis aux éditions Argol. Son éditrice et maîtresse d’oeuvre, Catherine Flohic, qui a d’abord fait ses armes dans une maison d’édition dédiée à la valorisation du patrimoine régional français, a créé en 2000 cette collection d’entretiens illustrés, qui mettent en vedette un écrivain interrogé par un proche ou un critique, dans le but de « remonte[r] le cours d’une vie à l’oeuvre ». Cette collection paraît ainsi particulièrement intéressante pour interroger la patrimonialisation de la littérature contemporaine et plus spécifiquement de l’écrivain contemporain.
Abstract
The article focuses on the collection “Les Singuliers” published by Les Flohic and later by Argol. Its publisher and project manager, Catherine Flohic, who first worked in a publishing house dedicated to the promotion of the regional cultural heritage in France, created in 2000 this collection of illustrated interviews, in which a writer is engaged in a conversation with a relative or a critic, with the aim of “going back over the course of a lifetime of achievement”. This collection thus seems particularly interesting for questioning the patrimonialization of contemporary literature and more specifically of the contemporary writer.
Article body
L’identité de la collection « Les Singuliers » est d’abord associée à celle de son éditrice, Catherine Flohic, qui en a été l’instigatrice et en reste aujourd’hui la principale artisane[2]. Or cette dernière a un parcours d’éditrice original, qui l’a amenée à jouer à la fois un rôle d’éclaireuse de la littérature et de l’art contemporains et de conservatrice de la petite et grande histoire des régions de France. Fondatrice, avec son mari Jean-Luc Flohic, de la revue d’art Eighty[3] dans les années 1980, elle a aussi fait ses premières armes au sein de la maison d’édition Flohic, fondée par ce dernier et spécialisée dans la valorisation du patrimoine régional français[4]. Quand elle décide de développer le volet littéraire de Flohic, au tournant de l’an 2000, elle le fait avec une expertise que possèdent peu de ses pairs en matière de promotion de la création actuelle comme de mise en mémoire des productions traditionnelles. Flohic, en difficulté financière, devient Les Flohic en 2000, sous la houlette de Catherine et Jean-Luc Flohic, mais fait faillite trois ans plus tard. C’est alors que l’éditrice fonde une nouvelle maison, Argol, en recentrant ses activités autour de la littérature. Des cinq collections littéraires qu’elle avait fondées chez Les Flohic, deux passent chez Argol : la plus ancienne et la plus fournie, « Musées secrets », rebaptisée « Entre-deux[5] », qui donne carte blanche à un écrivain pour évoquer un artiste de son choix, et une des dernières nées, déjà bien fournie, « Les Singuliers ». Deux des cinq volumes des « Singuliers » parus chez Flohic ont d’ailleurs immédiatement été réédités chez Argol[6], la collection occupant manifestement une place de choix dans le projet éditorial de Catherine Flohic.
Il est vrai que la formule des « Singuliers » est originale dans le paysage littéraire de l’époque : elle propose de très longs entretiens avec des écrivains contemporains, de deux cents pages en moyenne, accompagnés d’une anthologie et de nombreuses illustrations. Comme en outre les écrivains sollicités sont souvent des artistes[7], la collection concilie le goût de l’éditrice pour l’art, pour la littérature actuelle et pour l’archive. Aujourd’hui, « Les Singuliers » représente plus de 17 % des publications d’Argol. De toute évidence, elle exige un grand investissement en temps et en argent : chacun des volumes suppose une imposante recherche documentaire et un travail coûteux avec le metteur en page, sans compter la négociation de droits d’auteur pour les images et les citations, dont témoignent les longues listes de crédits en fin de volume. Il faut ajouter que Catherine Flohic a été l’interlocutrice de Philippe Djian pour le premier volume de la collection. « Les Singuliers » porte donc sa signature à un double titre, en tant qu’éditrice et en tant que coauteure.
Le catalogue de la collection reflète d’ailleurs clairement la bibliothèque élective de Catherine Flohic. On y retrouve des écrivains qu’elle connaît personnellement et d’autres « dont l’oeuvre [l]’intéressait en tant que lectrice, pour lesquels il n’existait pas ce genre de livre et [qu’elle avait] vraiment le désir de mieux connaître[8] ». Cette bibliothèque élective aboutit à un catalogue très varié. Certains auteurs de la collection publient essentiellement de la poésie (Jude Stéphan, Michel Deguy), d’autres se consacrent plutôt au récit (Philippe Djian) ou au théâtre (Valère Novarina), d’autres expérimentent différents genres (Pascal Quignard passe du roman à l’essai ; Michel Butor, du récit à la poésie ; Pierre Bergounioux, de la fiction à l’autobiographie). D’autres sont plus difficiles encore à catégoriser, comme Hubert Lucot et Raymond Federman. Ajoutons que ces dix-sept écrivains sont français en majorité mais aussi suisse-allemand (Paul Nizon), espagnol (Enrique Vila-Matas), franco-américain (Raymond Federman) et franco-mexicain (Frédéric-Yves Jeannet), et qu’ils appartiennent à différentes générations biologiques comme littéraires. Cette diversité générique, nationale et générationnelle est remarquable, surtout pour une collection qui ne peut, par définition, que puiser dans la littérature en train de se faire.
Pour décrire cette fabrique singulière du patrimoine littéraire contemporain que constitue la collection de Catherine Flohic, je procéderai en deux temps. Tout d’abord, il me semble important de revenir sur le choix de la formule de l’entretien. Si ce choix n’est pas sans précédent, il est néanmoins original. Il témoigne tout à la fois d’un intérêt pour la parole vive de l’écrivain (que l’on archive), mais aussi d’un exercice de littérarisation du genre de la monographie d’auteur. Dans un second temps, je m’intéresserai à la façon dont les différents volumes des « Singuliers » fabriquent de l’autorité, ce qui est doublement un enjeu pour la période actuelle : non seulement, dans tout contemporain, le canon n’est pas encore fixé, mais en plus, dans notre contemporain en particulier, la notion de canon – comme celle d’auteur d’ailleurs – a été fortement ébranlée. Je suivrai donc ce fil conducteur pour cette seconde partie : comment invente-t-on des auteurs après la mort de l’auteur, et d’après quels modèles ?
Le choix de l’entretien
Archiver la parole vivante
Comme Catherine Flohic l’explique à Odile Cornuz, c’est en réalisant une série d’entretiens avec des artistes pour Eighty qu’elle a pris la mesure du potentiel de cette forme. Ces entretiens visaient à prendre le contre-pied de l’interview de presse « un peu superficie[lle] ou trop brè[ve][9] ». Et, en effet, si l’interview est un moyen privilégié pour « recueillir des informations à la source et sur le vif […] [en] répond[ant] à deux des impératifs du journalisme moderne : vitesse et efficacité[10] », l’entretien façon Catherine Flohic est tout le contraire. Au temps court de la promotion d’un livre, les « Singuliers » préfèrent le temps long de la célébration d’une oeuvre[11]. Et au rendez-vous professionnel, ils substituent la rencontre vraie, privilégiée, entre un créateur et quelqu’un qu’il connaît parfois intimement.
Le projet des « Singuliers » s’inspire clairement d’autres paradigmes et, en premier lieu, de celui du dialogue et même du dialogue socratique et de son travail maïeutique. L’éditrice exprime en effet sa préférence pour des échanges « un peu vifs[12] », où l’interlocuteur relance l’écrivain, tout en adoptant une posture apparemment naïve[13]. « Les Singuliers » emprunte encore à la conversation, à son art et à son ton, à sa lenteur aussi. Non seulement le tutoiement est presque toujours de mise, mais les interlocuteurs, qui sont en général de veilles connaissances, évoquent des personnes, des lieux, des événements comme de bien entendu, sans même les expliciter pour le lecteur. Comme, par ailleurs, les entretiens débutent sans la rituelle mise en contexte des interviews journalistiques, et comme les noms des locuteurs ne sont pas rappelés, le dispositif ressemble fort à celui du roman dialogué ou du dialogue philosophique. Depuis quelque temps, Catherine Flohic a rendu plus explicite l’inscription des « Singuliers » au sein de ces paradigmes : le sous-titre « Rencontre » a été remplacé par celui de « dialogue » pour les quatre derniers volumes consacrés à Georges Didi-Huberman, Michel Deguy, Jean-Christophe Bailly et Valère Novarina, et un prochain volume pourrait s’appeler « conversations[14] ».
Littérariser la monographie d’écrivain
C’est enfin d’un troisième paradigme que l’éditrice a pu s’inspirer, celui de l’entretien littéraire, dont David Martens et Christophe Meurée ont retracé l’histoire[15]. Comme les conversations ou les dialogues, l’entretien littéraire valorise un échange approfondi, dialectique, mais il tire en outre sa littérarité du statut de son interlocuteur principal (un écrivain), de l’objet de la discussion (la littérature), ainsi que de son caractère travaillé. L’histoire de ces entretiens littéraires, en France, est presque aussi longue que celle de l’interview[16]. Mais c’est surtout au cours des décennies 1950-1970 que l’entretien d’écrivain a été l’occasion de grandes messes radiophoniques et télévisuelles : de « Lectures pour tous » de Pierre Dumayet à « Apostrophe » de Bernard Pivot[17]. Non content d’être légitimé par de grands intervieweurs, plébiscité par le public[18], l’entretien littéraire a encore été adoubé dans la seconde moitié du XXe siècle par les écrivains et les éditeurs eux-mêmes. Les nouveaux romanciers, voire les nouveaux nouveaux romanciers, d’Alain Robbe-Grillet à Denis Roche, en passant par Marguerite Duras, Michel Butor et Nathalie Sarraute, sont loin d’avoir boudé la forme. Avec la complicité de leurs éditeurs (Corti, Minuit, Le Seuil), qui ont republié leurs entretiens en volume, ils ont pu paver le chemin aux contemporains[19].
C’est donc de manière fort avisée que Catherine Flohic décide de s’intéresser à cette forme au début des années 2000. Avec « Les Singuliers », elle reprend la formule éprouvée de l’entretien littéraire mais la renouvelle, voire la renforce : ses ouvrages seront des livres-entretiens, tout entiers tissés d’un seul et même échange réalisé spécifiquement pour l’occasion, et non des livres d’entretiens, recueils de textes de seconde main, tels que diverses maisons d’édition en publient. La formule de l’entretien présente un autre avantage non négligeable pour l’éditrice. Elle lui laisse probablement plus de chance de convaincre des auteurs déjà reconnus de signer un livre dans sa maison[20] : d’une part, le livre exige de l’écrivain moins de travail (apparemment du moins), d’autre part, sa physionomie le distingue nettement du reste de l’oeuvre et il est dès lors plus facile pour lui de se détourner de son éditeur attitré. Catherine Flohic prend soin par ailleurs de rendre l’expérience séduisante en laissant une grande liberté aux écrivains, laissés maîtres du choix de leur interlocuteur comme du mode de l’échange : oral ou écrit, avec réécriture partielle ou importante, etc. Hubert Lucot, par exemple, est allé jusqu’à réécrire certaines questions. Et, de fait, « Les Singuliers » sert bien de porte d’entrée des écrivains chez Argol, où ils publient ensuite très souvent d’autres textes[21].
Une autre dimension du projet de Catherine Flohic pourrait toutefois paraître plus rebutante aux écrivains. L’éditrice insiste pour que l’entretien et le choix de la documentation aient un angle biographique, pour qu’ils éclairent ce qu’il reste du « matériau de la vie[22] » dans l’oeuvre. Au-delà de la délicate question de la mise en scène de soi, dont on verra qu’elle n’est justement pas du goût des auteurs sollicités, le projet de Catherine Flohic peut dès lors rappeler celui des monographies d’écrivains illustrées[23], à forte teneur autobiographique et archivistique, et dont l’image est certainement un peu désuète et scolaire. En somme, la formule de Catherine Flohic risque de perdre là en capital symbolique ce qu’elle pouvait avoir gagné dans le choix de l’entretien revisité comme « rencontre » ou comme « dialogue ». Mais l’éditrice a choisi de placer sa collection sous le patronage d’une monographie illustrée oblique, susceptible de rallier ses futurs collaborateurs, celle du Roland Barthes par Roland Barthes[24]. Si, parmi les monographies illustrées, les volumes de « Qui suis-je ? » et de « Contemporains », axés sur l’entretien, semblaient s’imposer comme modèle des « Singuliers », c’est plutôt le livre de Roland Barthes, qui prend à revers la ligne éditoriale des « Écrivains de toujours », que l’éditrice leur a préféré. C’est à partir de cet exemple ou de ce contre-exemple qu’elle a cherché à inventer ou réinventer l’auteur après la mort de l’auteur[25].
La fabrique de l’autorité
Le modèle du Roland Barthes
Les ressemblances entre les « Singuliers » et le Roland Barthes sont nombreuses. Elles s’imposent dès la couverture, notamment dans la façon dont les auteurs sont présentés. Si les couvertures des collections « Écrivains de toujours » et « Les Singuliers » ont évolué dans le temps, elles présentent une constante : celle de concentrer fortement l’attention sur l’écrivain qui fait l’objet du livre. De même que la maquette du Seuil gomme le nom du commentateur pour mettre en valeur celui de l’« écrivain de toujours », celle des Flohic place le nom de l’intervieweur sur un plan inférieur et le fait précéder de la mention « Rencontre (ou dialogue) avec… ». La maquette d’Argol fait même apparaître le nom de l’intervieweur dans une taille de police inférieure. Par ailleurs, comme la plupart des titres de la collection de Catherine Flohic mentionnent le nom de l’écrivain, ils reproduisent l’étrange bégaiement du Roland Barthes par Roland Barthes, semblant désigner l’écrivain tout à la fois comme l’auteur et l’objet du livre.
Dans les rééditions du Roland Barthes et dans les éditions des « Singuliers », la photographie en couverture achève de désigner « l’écrivain de toujours » comme centre de l’ouvrage, le faisant apparaître seul, en très gros plan ou en plan américain. Une seule couverture des « Singuliers » propose un dispositif quelque peu différent, celle du livre consacré à Pierre Bergounioux, qui accorde une part plus importante au nom et à l’image de l’intervieweur[26]. Sur la première édition, celle des Flohic, le frère intervieweur apparaît sur la photographie et son prénom figure à côté de celui de l’écrivain comme auteur de l’ouvrage. Il reste tout de même au second plan sur l’image et son prénom arrive après celui de Pierre, en dépit de l’ordre alphabétique.
Les similitudes entre les volumes des « Singuliers » et le Roland Barthes se poursuivent enfin dans l’appareil critique, qui est conforme au projet d’érudition dont relèvent les monographies d’écrivains. Les livres proposent pareillement, en fin de volume, une biographie et une bibliographie de l’auteur, une bibliographie des oeuvres citées et des études sur l’auteur, ainsi qu’un index (au début, Catherine Flohic ajoutait même une revue critique des ouvrages de l’auteur).
Au premier coup d’oeil, donc, la filiation entre le Roland Barthes et les « Singuliers » est manifeste. Cependant, dès la lecture des quatrièmes de couverture, le projet des « Singuliers » semble plus difficile à rattacher à la figure barthésienne. Ce qui frappe, au contraire, c’est la façon dont les descriptifs de la collection renouent avec le vocabulaire et les principes de l’histoire littéraire traditionnelle. Les quatrièmes de couverture des premiers « Singuliers » présentent la collection dans un vocabulaire proche de celui du manuel scolaire : « Autoportrait et lecture accompagnée, les rencontres des Singuliers remontent le cours d’une vie à l’oeuvre. » Loin du pamphlet antiautoritaire de Barthes sur « La mort de l’auteur » dont le Roland Barthes porte encore la marque, les résumés des « Singuliers » adoptent un ton volontiers consacralisant : Jude Stéphan est décrit comme l’« un des poètes majeurs », Paul Nizon comme « l’un des plus grands littérateurs de langue allemande », et l’oeuvre de Michel Butor, comme « canon[ique] » et l’« une des plus importantes de notre temps ». Il en va bien entendu d’un enjeu promotionnel, mais pas seulement, comme le confirment les explications de l’éditrice sur son projet. À contre-courant des discours sur la fin de la littérature, la collection veut en effet présenter l’image d’une littérature vivante mais aussi majeure. La formule de l’entretien, en ceci, est doublement efficace. D’une part, elle donne à lire une parole incarnée de l’écrivain et, d’autre part, elle mobilise la scénographie de la visite au grand écrivain, dont Olivier Nora a fait un des lieux de mémoire français[27]. Si Catherine Flohic n’aime pas les intervieweurs trop révérencieux, le rôle qu’elle leur assigne, c’est-à-dire celui de « faire-valoir[28] », montre bien qu’elle envisage la relation entre l’écrivain et son commentateur comme une relation asymétrique : la naissance du lecteur est loin de se payer de la mort de l’auteur.
Inventer des auteurs après la mort de l’auteur
En redonnant la parole à l’écrivain pour éclairer son oeuvre, l’éditrice l’institue comme un détenteur incontournable du sens de ce qu’il a produit : « [L]a parole de la personne vivante est essentielle dans la compréhension de son oeuvre et doit précéder ou accompagner toutes les analyses et exégèses[29] », explique-t-elle. L’attachement de l’éditrice à la biographie n’est d’ailleurs pas qu’exégétique, le dévoilement de l’homme derrière l’écrivain lui apparaît comme « touchant » et relevant du « privilège »[30]. La scène inaugurale de la collection est remarquable à cet égard. Sans aucune entrée en matière, elle projette le lecteur dans la cuisine de Philippe Djian où il prépare, avec Catherine Flohic, un lièvre au curry. « Comme ça, en petits cubes ? / Oui, allons-y. / Et maintenant ? / Prenez les oignons. Nous allons pleurer ensemble[31]. » On reconnaît ici les débuts in medias res typiques de la collection, ainsi que l’absence de signalisation des locuteurs. Le ton, par ailleurs, est donné : voilà le lecteur, comme un voyeur, dans la « cuisine » de la création, et même dans celle de l’édition, puisque les interlocuteurs sont en train de mettre en place sous ses yeux la recette des « Singuliers » elle-même. Le lecteur est de surcroît prévenu : cette effraction dans la vie privée du grand homme pourrait lui tirer des larmes…
Si le projet des « Singuliers » a des affinités réelles avec une forme d’histoire littéraire traditionnelle, on voit bien qu’il ne manque pas d’ironie dans sa réalisation. Il se crée même, au sein de la plupart des livres, une tension entre la formule proposée – révérencieuse, sacralisante, un peu scolaire – et la façon dont elle prend forme sous l’impulsion des auteurs sollicités, tension qui n’est pas sans rappeler celle qui régit le Roland Barthes. Catherine Flohic a d’ailleurs sollicité des écrivains qui n’étaient pas a priori les plus enclins à accepter de se mettre en scène, et ce, pour des raisons diverses. La plupart ont gravité autour de groupes formalistes, du Nouveau Roman à la littérature à contraintes, et notamment autour de la collection « Le Chemin » de Georges Lambrichs[32], qui a continué de rassembler des écrivains dits expérimentaux après les années 1970. Plusieurs auteurs des « Singuliers » ont même assidument mis en question les notions d’auteur et d’oeuvre dans la continuité du projet textualiste. L’imprononçable Jude Stéphan se plaît à effacer son nom sous des pseudonymes. Hubert Lucot et Raymond Federman sont rompus aux jeux autofictionnels brouillant l’identification de l’auteur. Pascal Quignard limite strictement ses apparitions. Et les plus jeunes ne sont pas en reste : Philippe Beck revendique une existence impersonnelle et Frédéric-Yves Jeannet fait penser aux écrivains négatifs que Vila-Matas met en scène. Quant à un écrivain comme Bergounioux, s’il n’hésite pas à se faire l’archiviste de sa propre existence et s’il revendique clairement une conception déterministe de la création, c’est cette fois-ci sur le statut d’exceptionnalité de tout individu et donc de l’auteur qu’il s’inscrit en faux : « À quelques détails près, nous sommes tous interchangeables[33] », assène-t-il.
Plusieurs ouvrages des « Singuliers » renouent ainsi avec la modalité contradictoire du Roland Barthes. Le travail d’illustration en témoigne à nouveau. A priori, il signale une pleine acceptation du jeu de dévoilement. Dans le Roland Barthes, comme dans « Les Singuliers », de nombreuses photographies donnent à voir l’homme, seul, en famille (Catherine Flohic a une prédilection pour les images de l’écrivain enfant) ou en ses lieux chers (maisons ou rues habitées, paysages familiers, etc.). Les différents portraits le dévoilent à tous les âges, parfois sur la même page, comme pour montrer les effets du vieillissement ou de la classicisation. D’autres illustrations permettent de mettre en scène non pas l’homme mais l’écrivain. C’est le cas des photographies, incontournables du genre, qui le présentent dans son atelier, assis à son bureau en train d’écrire ou encore entouré d’autres écrivains. C’est le cas encore des divers documents tels que les brouillons et la correspondance avec les éditeurs[34] qui dévoilent les coulisses de l’écriture. Le Roland Barthes comme les « Singuliers » semblent ainsi concéder au genre de la monographie d’auteur sa poétique, celle du redoublement : tout propos appelle une illustration, sous la forme d’une image et parfois même d’un texte. La mention d’un lieu sera si possible imagée par une photographie réalisée pour l’occasion, ou exhumée d’un fonds personnel voire d’un fonds d’archives public[35]. Une référence littéraire s’accompagnera soit de reproductions de couvertures, soit d’extraits choisis. Mais la moquerie point aussitôt dans les excès. De même que Roland Barthes transforme malicieusement son livre en reliquaire en fournissant un vieux rapport de cure qui recense ses crachats et ses pesées[36], Prigent participe à cette folie de la trace en fournissant une dérisoire carte d’adhérent « actif » du cercle des « Amis du parler Gallo[37] ». De même, quand le Roland Barthes fournit un sujet de dissertation tiré du Degré zéro et quand Philippe Djian revisité reproduit l’image d’une pile de « thèses » consacrées à l’auteur[38], ces monographies d’auteurs mettent ironiquement en abyme le processus de classicisation qu’elles-mêmes accomplissent. Le mode oblique de fabrique de l’auteur propre au Roland Barthes, entre consécration et dérision, autoconsécration et autodérision, se retrouve donc bien dans les volumes des « Singuliers ».
L’auctorialité partagée
On peut se demander toutefois qui est responsable de cette oblicité. Car chaque « Singulier », quand bien même il s’attache à construire une figure d’auteur, met dans les faits en partage son auctorialité. L’écrivain n’y est pas le seul maître à bord, loin s’en faut : il ne dirige pas l’entretien et doit, en partie au moins, déléguer le choix du paratexte et des illustrations. On touche ici bien entendu à une différence majeure entre les « Singuliers » et leur modèle. Quand le Roland Barthes abolissait la confrontation entre auteur et lecteur au profit de l’autocommentaire, la collection « Les Singuliers » la rétablit. Quand Roland Barthes préfaçait son propre livre, c’est l’interviewer qui le fait pour son singulier[39]. Enfin, de manière significative, alors que le Roland Barthes assortissait les photographies de légendes signées par l’auteur et fortement subjectives (« La demande d’amour[40] », « Me fascine, au fond, la bonne[41] »), les volumes des « Singuliers » adoptent des formules brèves plus impersonnelles et conventionnelles (« Les grands-pères », « La mère », « La maison natale », « Avec sa femme »). Cette façon de faire, qui n’est pas propre aux « Singuliers », puisqu’on la retrouve dans bien des monographies illustrées[42], crée une mise à distance et signale encore une fois l’intervention d’un tiers, en l’occurrence de l’éditrice. Le terme d’« autoportrait » avancé en quatrième de couverture des premiers « Singuliers », s’il peut convenir au Roland Barthes, s’applique moins exactement ici[43].
Les ouvrages des « Singuliers » rejoignent en cela davantage le modèle des autres volumes d’« Écrivains de toujours ». Alors que le Roland Barthes aspirait à s’extraire de l’espace d’étayage de l’oeuvre pour s’inscrire dans l’espace de l’oeuvre lui-même[44], les « Singuliers » tendent à s’y maintenir. Selon Catherine Flohic, les ouvrages qu’elle a édités ont pour vocation non pas de faire oeuvre mais de conduire à l’oeuvre, de la faire lire ou relire[45]. La présentation distinctive dont jouissent les extraits de l’oeuvre, sous la forme d’anthologie ou d’inédits, est à cet égard significative. Comme le remarque David Martens à propos d’autres monographies d’écrivains illustrées :
La « coupure fondatrice » qui fonde [l’espace canonique] relève d’une « ritualisation » se traduisant au sein de ces ouvrages par la séparation marquée entre les textes de présentation et ceux qui relèvent de l’oeuvre à titre d’échantillons, sous forme d’extraits intégrés ou de morceaux choisis rassemblés dans une section spécifique. Du point de vue du système de valeurs régissant le discours littéraire, s’il contribue à instituer l’espace canonique, l’espace d’étayage apparaît fonctionnellement comme son subordonné[46].
En l’occurrence, il faut inclure, à mon sens, les entretiens dans « les textes de présentation » et les inédits dans les « échantillons » de l’oeuvre. Au sein des ouvrages édités par Catherine Flohic, les extraits d’anthologie et les inédits apparaissent soit en face du texte de l’entretien, soit dans sa marge, soit encore dans des pages à part, selon une scénographie qui semble en effet indiquer qu’ils n’appartiennent pas tout à fait au même monde. Le metteur en page serait peut-être bien en peine de faire autrement. Mais la maquette des « Singuliers » ne se contente pas de tenir séparées littérature première et littérature seconde, elle souligne par des effets de mise en page le caractère exceptionnel de ce qui appartient à la « vraie » oeuvre. Les inédits, par exemple, sont non seulement présentés à part, mais non paginés et encadrés. La mise en scène de la coupure fondatrice est ici on ne peut plus claire. Peut-être était-il d’autant plus nécessaire d’appuyer la séparation entre le commentaire et l’oeuvre que le commentaire est ici en partie assumé par l’écrivain lui-même[47]. C’est donc en l’occurrence la différence hiérarchique entre ce que Dominique Maingueneau appelle l’« espace canonique » (soit l’oeuvre proprement dite) et l’« espace associé » (soit les textes d’accompagnement de l’oeuvre signés par l’écrivain[48]) que rejoue symboliquement la maquette de la collection.
Le cadre proposé par les « Singuliers » incite ce faisant à reconduire des séparations et des hiérarchies que le Roland Barthes s’était plu à défaire : celle entre l’auteur et le lecteur d’une part, celle entre l’oeuvre et ses entours d’autre part. Les créatures échappent toutefois à leur créateur et, dans les faits, les volumes préparés par Catherine Flohic sont loin de respecter si simplement ces hiérarchies. L’écrivain, avec l’aide parfois de son intervieweur, peut jouer avec la formule qu’on lui propose, voire la détourner : Hubert Lucot se sert de son « Singulier » pour faire de sa vie une fiction et Beck, pour proposer une création originale appartenant de plein droit à son « oeuvre ». Pour autant, le dispositif de la collection étant ce qu’il est, aucun « Singulier », pas plus que le Roland Barthes aussi oblique soit-il, n’échappe tout à fait au jeu de la fabrique de l’auteur et de l’oeuvre. Que la collection « Les Singuliers » contribue à la patrimonialisation de la littérature actuelle, son seul intitulé le signifie clairement : il reconduit le régime de singularité propre à l’art moderne, tout en mettant cette singularité en série. De ce fait, le projet de Catherine Flohic paraît représentatif des contradictions de toute entreprise de patrimonialisation fondée à la fois sur la rareté (le patrimoine est unique, il menace toujours de disparaître) et sur le nombre (du patrimoine, on fait des listes).
En parlant du contemporain dans une forme, l’entretien, qui plaît aux contemporains, la collection de Catherine Flohic est certainement « de son temps ». On peut toutefois se demander, pour conclure, à qui elle s’adresse. Pas aux universitaires, si l’on en croit l’éditrice. Ces derniers seraient trop révérencieux, « trop théoriques et “intellectuels” », trop désintéressés des liens entre « la vie et l’oeuvre ». Pas au grand public non plus, si l’on en juge par le choix du grand format, par le prix (entre 25 et 30 euros) et par la mise en page austère (noir et blanc, multiples illustrations en petit format sur papier mat). Bref, la collection paraît plutôt s’adresser à un public d’amateurs cultivé[49]. Est-ce toutefois son public réel ? Pour répondre à cette question, on peut avancer quelques pistes qui semblent indiquer que le public réel de la collection est bien universitaire. Tout d’abord, si la réception est assez ténue du côté de la critique immédiate, elle est relativement abondante et positive du côté de la critique universitaire[50]. Ensuite, les ouvrages des « Singuliers » sont certes présents dans les bibliothèques municipales, mais ils sont surtout beaucoup achetés par les bibliothèques universitaires[51]. Il faut dire que le catalogue des « Singuliers » et les palmarès de l’université française se recoupent en large part[52]. Il faut croire que l’entreprise de patrimonialisation de la « littérature qui se fait » de Catherine Flohic n’est pas sans lien avec celle initiée par l’université française. C’est de fait au même moment, au tournant de l’an 2000, que la collection a été fondée et que les études littéraires françaises se sont massivement tournées vers le contemporain[53].
Appendices
Note biographique
Mathilde Barraband est professeure à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Directrice du laboratoire de recherche « L’art en procès » (www.uqtr.ca/art-en-proces), elle consacre ses travaux aux rapports entre art et droit, à l’histoire littéraire du contemporain et à la réception du corpus contemporain par l’université. Elle est membre du Conseil de l’Association internationale des études françaises (AIEF, Paris), du Centre de recherche Figura sur le texte et l’imaginaire de l’UQAM et du Champ d’étude du récit actuel et contemporain (CERACC) de la Sorbonne Nouvelle. Elle a notamment publié, avec Marie-Odile André, Du « contemporain » à l’université. Usages, configuration, enjeux (Presses Sorbonne Nouvelle, 2016).
Notes
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[1]
Je souhaite remercier vivement Catherine Flohic de m’avoir permis de reproduire des illustrations de sa collection et pour le temps qu’elle a bien voulu prendre pour répondre à mes questions. Je tiens aussi à préciser que lorsque l’article a été rédigé, le dernier volume de Georges Didi-Huberman (Pour commencer encore, dialogue avec Philippe Roux, Paris, Argol [Les Singuliers], 2019) n’avait pas été publié. Si la référence se trouve en bibliographie, les statistiques que propose l’article portent sur le corpus antérieur à cette parution.
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[2]
Odile Cornuz, « Textes, documents et postures : vers le musée personnel. Les entretiens “Singuliers” d’Argol », non publié.
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[3]
La revue est devenue Ninety puis Twenty-one dans les décennies suivantes.
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[4]
La maison s’est notamment distinguée par une de ses collections proposant de recenser et commenter les richesses des trente-six mille communes de France, département par département, monument par monument, objet par objet.
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[5]
La ligne éditoriale des deux collections est la même. Le site des éditions Argol présente celle d’« Entre-deux » en ces termes : « Carrefour de la littérature contemporaine de création. Rencontre d’un écrivain avec une oeuvre ou un artiste » (site Internet Argol [http://www.argol-editions.fr/f/index.php?sp=coll&collection_id=2]).
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[6]
Ceux de Nizon et Bergounioux, qui ont reparu respectivement en 2005 et en 2008, sous une nouvelle couverture mais selon une maquette inchangée.
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[7]
Quignard est musicien, Bergounioux sculpteur, Butor photographe, etc.
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[8]
Catherine Flohic, « Une expérience vivante de l’écrit. Rencontre avec Catherine Flohic », dans David Martens et Christophe Meurée (dir.), Secrets d’écrivains. Enquête sur les entretiens littéraires, Bruxelles, Les Impressions nouvelles, 2014, p. 138.
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[9]
« En tant que lectrice je ne trouvais pas de livres sous cette forme. Il existait des entretiens un peu superficiels ou trop brefs dans la presse et d’autres entretiens universitaires peut-être un peu trop théoriques et “intellectuels” » (Catherine Flohic, « Une expérience vivante de l’écrit », art. cit., p. 137).
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[10]
David Martens et Christophe Meurée, « Les écrivains en questions », dans David Martens et Christophe Meurée (dir.), Secrets d’écrivains, op. cit., p. 9.
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[11]
Voir la distinction que propose Gérard Genette entre « interview » et « entretien » (Seuils, Paris, Éditions du Seuil, 1987, p. 360 et suiv.).
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[12]
Catherine Flohic, « Une expérience vivante de l’écrit », art. cit., p. 140.
-
[13]
Ibid., p. 136.
-
[14]
Ibid., p. 146.
-
[15]
David Martens et Christophe Meurée, « Ceci n’est pas une interview. Littérarité conditionnelle de l’entretien d’écrivain », Poétique, no 177, vol. 1 (2015), p. 113-130.
-
[16]
Parmi ses précurseurs, on peut citer un Jules Huret à la toute fin du XIXe siècle ou, mieux, un Frédéric Lefèvre qui, dès les années 1920, et avec un fort succès déjà, proposait de relativement longs entretiens d’écrivain aux lecteurs des Nouvelles littéraires dans sa rubrique « Une heure avec ». Jules Huret et ses enquêtes de 1891 sont souvent cités mais ils soumettaient tous les écrivains aux mêmes questions.
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[17]
Catherine Flohic les cite volontiers parmi ses inspirations : « Je conserve des souvenirs très précis et définitifs d’émissions de radio et de télévision qui ont soutenu mes lectures. […] J’étais très attentive à cette qualité de réflexion apportée à l’écriture d’oeuvres remarquables » (Catherine Flohic, « Une expérience vivante de l’écrit », art. cit., p. 136). On peut aussi penser aux entretiens d’André Parinaud et de Jean Amrouche ou ceux d’André Crémieux avec Louis Aragon. Pour plus de détails, voir Pierre-Marie Héron (dir.), Écrivains au micro. Les entretiens-feuilletons à la radio française dans les années cinquante, Rennes, Presses universitaires de Rennes (Interférences), 2010, et Fanny Jaffray, « L’entretien d’écrivain », dans Sofiane Laghouati, David Martens et Myriam Watthee-Delmotte (dir.), Écrivains modes d’emploi, de Voltaire à bleuOrange, revue hypermédiatique, Morlanweilz (Belgique), Musée Royal de Mariemont, 2012, p. 225.
-
[18]
Voir David Martens, « (Auto)portraits de l’écrivain en vis-à-vis I. L’entretien dans les collections de monographies illustrées de poche “Qui êtes-vous ?” (La Manufacture) et “Les contemporains” (Le Seuil) » [en ligne], Mémoires du livre / Studies in Book Culture, vol. 7, no 1 (2015), paragr. 17 [https://id.erudit.org/iderudit/1035766ar]. Les grandes messes radiophoniques et télévisuelles que j’ai évoquées, de même que les trente-cinq volumes d’entretiens que les éditions Belfond ont publiés entre 1966 et 1993 n’invitaient pas que des écrivains. L’engouement pour la forme de l’entretien depuis quelques décennies dépasse le cadre de la littérature. Qu’il soit audio, audiovisuel ou écrit, celui-ci jouit d’une même faveur auprès de la philosophie, de l’histoire, de l’art, de la psychanalyse, etc., qui ont eux aussi produit ces dernières décennies leurs grands ouvrages d’entretiens voire leurs séries ou leurs revues strictement dédiées à cette forme. Le projet de la Société de psychanalyse de Paris de constituer une « mémoire vivante » de la psychanalyse par la réalisation d’une série d’entretiens filmés avec les grands théoriciens et cliniciens français, tout comme la création en 2011 de la revue d’art et d’esthétique Tête-à-tête qui ne publie que des entretiens « de fond » sont deux exemples parmi d’autres.
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[19]
On peut se demander si l’entretien n’est pas la réponse du moment à un problème déjà ancien : celui qui fait que, depuis le romantisme, la littérature répond d’un « régime problématique », « dans lequel il faut sans cesse légitimer sa démarche créatrice » (Dominique Maingueneau, Le Discours littéraire. Paratopie et scène d’énonciation, Paris, Armand Colin [U. Lettres], 2004, p. 115), celui qui fait que la littérature autonomisée semble ne plus pouvoir être reçue dans l’espace publique « sans le soutien de discours d’accompagnement qui en explicitent les raisons, la valeur et le sens » (Mathilde Barraband et Jean-François Hamel, « Les entours de l’oeuvre. La littérature française contemporaine par elle-même » [en ligne], @nalyses, vol. 5, no 3 [automne 2010] [https://uottawa.scholarsportal.info/ojs/index.php/revue-analyses/article/viewFile/582/484]). C’est d’ailleurs de cette façon que Nathalie Heinich explique le goût des critiques d’art contemporains pour l’entretien (Nathalie Heinich, Le Paradigme de l’art contemporain. Structures d’une révolution artistique, Paris, Gallimard [Bibliothèque des Sciences humaines], 2014, p. 178). Quoi qu’il en soit, la pratique de l’entretien tisse un lien entre deux générations d’écrivains français, celle des Nouveaux romanciers et celle des « contemporains », que le discours critique a tendance à disjoindre.
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[20]
Cela avait déjà été la stratégie du Seuil avec la collection « Écrivains de toujours », comme le souligne Hervé Serry, Le Seuil. 70 ans d’histoire, Paris, Éditions du Seuil / IMEC, 2008, p. 48.
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[21]
Si la collection « Musées secrets » a d’abord joué le rôle de porte d’entrée chez les Flohic, c’est bien « Les Singuliers » qui assume cette fonction chez Argol depuis lors. Djian, Nizon, Quignard et Juliet avaient donné un ou plusieurs textes à « Musées secrets » avant de faire leur « Singulier ». Mais Stéphan, Beck et Jeannet signent avec leur « Singulier » leur première collaboration avec Catherine Flohic. C’est aussi la première collaboration significative de presque tous les autres auteurs depuis. Les livres collectifs de la collection « Écrire » constituent une autre porte d’entrée dans la maison Argol.
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[22]
Selon les explications de l’éditrice, lors d’un entretien qu’elle nous a accordé en juillet 2007, suivi de nouveaux échanges en 2019.
-
[23]
Le genre est en réalité fort large. On peut penser à « Poètes d’aujourd’hui » (Seghers, 1944), « Écrivains de toujours » (Éditions du Seuil, 1951), « Qui suis-je ? » (La Manufacture, 1985) et « Qui êtes-vous ? » (1986), aux « Contemporains » (Éditions du Seuil, 1988), voire aux « Cahiers de l’Herne » (1960), aux « Albums de la Pléiade » (Gallimard, 1960) et à « Quarto » (Gallimard, 1995).
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[24]
C’est lors d’un entretien téléphonique qu’elle m’a accordé en juillet 2007 que l’éditrice m’a expliqué avoir eu le Roland Barthes à l’esprit au moment de créer sa collection. La couverture du Roland Barthes apparaît d’ailleurs en illustration dans deux volumes des « Singuliers ».
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[25]
Les « Cahiers » consacrés à un auteur de la revue L’Animal. Littératures, arts & philosophies, fondée en 1996, adoptent une formule très proche de celle des « Singuliers ».
-
[26]
Les autres volumes proposent aussi une photographie de l’écrivain et de son intervieweur mais à l’intérieur du livre et mêlée à tant d’autres.
-
[27]
Voir Olivier Nora, « La visite au grand écrivain », Les Lieux de mémoire, Paris, Gallimard (Quarto), 1997, t. II, p. 2131-2156. Ce sont bien des accès privilégiés aux personnes et aux coulisses de la création que les volumes des « Singuliers » sont supposés ouvrir au lecteur : « J’ai la chance d’être éditrice, et donc en contact direct avec des écrivains », explique l’éditrice pour justifier son projet, « [j]’avais le privilège d’avoir accès à leurs réponses et j’ai eu le désir de les partager et de les donner à lire à un public » (Catherine Flohic, « Une expérience vivante de l’écrit », art. cit., p. 136-137).
-
[28]
Ibid., p. 141.
-
[29]
Ibid., p. 136. Voir aussi : « Dans le mode de création littéraire de beaucoup d’auteurs, le rapport entre la vie et son intégration dans l’oeuvre est particulièrement présent, et seule la partie anthologique liée à l’entretien peut en présenter la particularité (ce qui n’est pas souvent exploré dans les études universitaires qui leur sont consacrés). Ces entretiens représentent justement le moment de mettre en place, du vivant de l’écrivain, ce qu’il a à dire sur sa manière de faire se joindre la vie et l’oeuvre, les rencontres, les lectures, etc. » (ibid., p. 139).
-
[30]
Ibid., p. 145.
-
[31]
Philippe Djian, Philippe Djian revisité, rencontre avec Catherine Flohic, Paris, Les Flohic (Les Singuliers), 2000, p. 11.
-
[32]
C’est le cas de Butor, Stéphan, Lucot, Deguy, Quignard. C’est aussi dans cette collection que quelqu’un comme Prigent a d’abord essayé d’être publié (Christian Prigent, Christian Prigent, quatre temps, rencontre avec Bénédicte Gorillot, Paris, Argol [Les Singuliers], 2010, p. 98). Sur la collection « Le Chemin », voir Marie-Anne Macé, Le Roman français des années 1970, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1995.
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[33]
Pierre Bergounioux, « Entretien avec Catherine Argand », Lire, novembre 2002, p. 103.
-
[34]
Quignard ou Lucot publient par exemple une série de lettres d’acceptation ou de refus. D’autres illustrations, par ailleurs, révèlent l’écrivain en artiste : il en va ainsi des reproductions de partitions et de dessins de Barthes, comme des photographies de Quignard au piano et de Bergounioux sculptant.
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[35]
Pour le livre consacré à Bergounioux, Catherine Flohic s’est chargée d’explorer les archives municipales et départementales et a notamment découvert le fonds photographique d’un peintre de Brive, voisin des Bergounioux, dont la chambre était mitoyenne de celle de Pierre Bergounioux. Ce peintre, qui s’est donné la mort alors que l’écrivain avait seize ou dix-sept ans, a inspiré le personnage du peintre de La Mort de Brune. Dans L’Héritage, les très nombreuses photographies de la vie briviste dans les années 1950 et de la maison des Bergounioux sont celles de ce peintre. C’est par ailleurs Pierre Bergounioux qui a sélectionné voire réalisé les photographies de ses proches (père, mère, frère, cousins) et des lieux qui lui sont familiers (Brive, la Bouriane) pour illustrer le livre (il s’agit des clichés datés de 2002). Les photographies personnelles de l’écrivain sont celles qui ne sont pas citées dans les crédits photographiques en fin de volume. Ces précisions nous ont été apportées par l’éditrice lors d’un entretien en juillet 2007, suivi de nouveaux échanges en 2019.
-
[36]
Roland Barthes, Roland Barthes, Paris, Éditions du Seuil (Écrivains de toujours), 1995 [1975], p. 41.
-
[37]
Christian Prigent, Christian Prigent, quatre temps, op. cit., p. 168.
-
[38]
Philippe Djian, Philippe Djian revisité, op. cit., p. 144.
-
[39]
Une seule préface apparaît dans toute la collection, celle de Chantal Lapeyre-Demaison pour le volume consacré à Quignard (Pascal Quignard, Pascal Quignard le solitaire, rencontre avec Chantal Lapeyre-Desmaison, Paris, Les Flohic [Les Singuliers], 2001).
-
[40]
Roland Barthes, Roland Barthes, op. cit., p. 8.
-
[41]
Ibid., p. 15.
-
[42]
Les identifications à la première personne d’Annie Ernaux dans son « Quarto » (« Ma mère », « Mon mari et David ») font à cet égard contraste (Annie Ernaux, Écrire la vie, Paris, Gallimard [Quarto], 2011).
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[43]
Parmi les similitudes, notons toutefois que l’abécédaire, chez Barthes, comme les entretiens, dans « Les Singuliers », ont un même aspect fragmentaire et que, de la même façon que l’abécédaire permet de briser la linéarité et le caractère téléologique du récit de soi, l’ordre des questions dans les « Singuliers » se refuse généralement à suivre une ligne chronologique.
-
[44]
Voir Pascale Delormas, « Espace d’étayage : la scène et la coulisse. Contribution à l’analyse de la circulation des discours dans le champ littéraire », Cahiers voor Literatuurwetenschap, no 6 (2014), p. 59-70, citée par David Martens, « (Auto)portraits de l’écrivain en vis-à-vis », art. cit.
-
[45]
« Les auteurs sont très attachés à leur “Singulier”, un ouvrage clé qui peut représenter un moment pivot dans leur travail – certains disent testament, d’autres témoignage, d’autres recherche… Mais je ne crois pas que l’on puisse parler vraiment d’oeuvre » (Catherine Flohic, « Une expérience vivante de l’écrit », art. cit., p. 142). Catherine Flohic fait une exception toutefois pour le volume de Beck : « Je crois que pour lui c’est vraiment un livre de création » (ibid., p. 141).
-
[46]
David Martens, « (Auto)portraits de l’écrivain en vis-à-vis », art. cit., p. 10. Le terme de « ritualisation » est emprunté à Dominique Maingueneau (Le Discours littéraire, op. cit., p. 114).
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[47]
On pourrait parler ici d’« espace d’étayage associé », selon la proposition de David Martens. Voir David Martens et Christophe Meurée, « L’intervieweur face au discours littéraire : stratégies de positionnement chez Madeleine Chapsal, Jacques Chancel et Bernard Pivot » [en ligne], Argumentation et analyse du discours, no 12 (2014) [http://aad.revues.org/1639], et David Martens, « (Auto)portraits de l’écrivain en vis-à-vis », art. cit., note 56.
-
[48]
C’est-à-dire les entretiens, commentaires, manifestes, ouvrages sur d’autres écrivains, etc. Voir Dominique Maingueneau, Le Discours littéraire, op. cit., p. 113 et suiv.
-
[49]
David Martens va dans le même sens, en soulignant que la collection semble s’adresser à un public « choisi » (David Martens, « (Auto)portraits de l’écrivain en vis-à-vis », art. cit., paragr. 32).
-
[50]
Les ouvrages des « Singuliers » sont souvent mis à profit dans des études universitaires sur les auteurs et font l’objet de recensements et de travaux universitaires, dont quelques-uns décortiquent le processus de panthéonisation dont ils relèvent. Notons d’ailleurs qu’environ un quart des écrivains sollicités par Catherine Flohic ont choisi de réaliser leur entretien avec un universitaire, parfois avec un universitaire qui leur avait consacré sa thèse.
-
[51]
En comptant les exemplaires des Flohic et d’Argol répertoriés dans les catalogues des bibliothèques municipales parisiennes, on obtient le classement suivant : Roubaud (9), Butor (6), Vila-Matas (5), Nizon et Bergounioux (5), Prigent, Jeannet, Djian (2), Quignard, Stéfan, Federman et Juliet (1), soit douze volumes sur les seize de la collection. Dans les bibliothèques universitaires françaises, le classement est le suivant : Nizon et Bergounioux (28 ouvrages chacun), Roubaud (22), Quignard (20), Vila-Matas (18), Butor (16), Prigent et Beck (13), Novarina (12), Stéfan et Federman (11), Juliet (9), Jeannet et Djian (6), Bailly (4), Lucot (2), soit douze volumes sur les seize de la collection.
-
[52]
On en jugera par la présence de ces auteurs dans la recherche universitaire, comme dans les programmes des concours de l’enseignement (Quignard). Tous les auteurs français ou presque sélectionnés par Catherine Flohic ont fait l’objet d’une ou de plusieurs thèses, et certains font partie des favoris des doctorants selon une étude que j’ai coréalisée en 2008 : Butor (rang 21 pour 14 thèses déposées), Novarina (rang 30, 12 thèses), Roubaud (rang 34, 11 thèses), Deguy (rang 55, 6 thèses), Bergounioux (rang 62, 5 thèses), Juliet et Stéphan (rang 93, 3 thèses), Prigent (rang 113, 2 thèses), Djian, Beck, et Federman enfin (rang 175, 1 thèse). Voir Marie-Odile André et al., « La littérature française contemporaine à l’épreuve du fichier central des thèses », Revue d’histoire littéraire de la France, no 3, vol. 111 (2011), p. 709-716.
-
[53]
Voir Marie-Odile André et Mathilde Barraband (dir.), Du « contemporain » à l’université. Usages, configurations, enjeux, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle (Roman XX/XXIe), 2015. Ce mouvement de renouvellement dans la continuité explique peut-être qu’ils dessinent un portrait-robot étonnamment semblable et très traditionnel de l’écrivain contemporain digne d’une monographie : d’âge mûr, il a une oeuvre abondante, et c’est un homme blanc. Ainsi, l’âge moyen des auteurs de la collection est de soixante-six ans et l’âge médian est de soixante-quatre ans et demi : Beck et Deguy avaient respectivement quarante-trois et quatre-vingt-six ans au moment de la parution de leur « Singulier ». Aucune femme ne figure au catalogue des « Singuliers ». À titre de comparaison, la proportion de notices accordées aux écrivaines contemporaines au sein des histoires de la littérature française publiées depuis 2000 est en moyenne de 8,15 % (Audrey Lasserre, « La place de nos contemporaines dans les histoires de la littérature récentes ou l’écrivaine future », dans Marie-Odile André et Mathilde Barraband (dir.), op. cit., 2015, p. 87-99). Notons toutefois qu’Audrey Lasserre a travaillé sur des corpus plus étoffés. Avec dix-huit ou dix-neuf auteurs (si l’on compte le dernier volume sur Didi-Huberman) au catalogue des « Singuliers », il est difficile de réaliser des statistiques. Toutefois, on aura une idée plus claire des proportions si l’on précise qu’avec une femme à son catalogue, la collection serait dans la moyenne basse des histoires littéraires et, avec deux femmes, dans la moyenne haute.
Bibliographie de la collection « Les Singuliers »
- Djian, Philippe, Philippe Djian revisité, rencontre avec Catherine Flohic, Paris, Les Flohic, 2000, 201 p.
- Nizon, Paul, La République Nizon, rencontre avec Philippe Derivière, Paris, Les Flohic, 2000 [Argol, 2005], 217 p.
- Quignard, Pascal, Pascal Quignard le solitaire, rencontre avec Chantal Lapeyre-Desmaison, Paris, Les Flohic, 2001, 247 p.
- Juliet, Charles, Charles Juliet en son parcours, rencontre avec Rodolphe Barry, Paris, Les Flohic, 2001, 166 p.
- Bergounioux, Pierre, Pierre Bergounioux, l’héritage, rencontre avec Gabriel Bergounioux, Paris, Les Flohic, 2002 [Argol, 2008], 195 p.
- Stéfan, Jude, Jude Stéfan, rencontre avec Tristan Hordé, Paris, Argol, 2005, 176 p.
- Beck, Philippe, Beck, l’impersonnage, rencontre avec Gérard Tessier, Paris, Argol, 2006, 249 p.
- Jeannet, Frédéric-Yves, Frédéric-Yves Jeannet, rencontre avec Robert Guyon, Paris, Argol, 2006, 244 p.
- Federman, Raymond, Federman hors limites, rencontre avec Marie Delvigne, Paris, Argol, 2008, 255 p.
- Lucot, Hubert, Lucot, H.L., rencontre avec Didier Garcia, Paris, Argol, 2008, 227 p.
- Roubaud, Jacques, Roubaud, rencontre avec Jean-François Puff, Paris, Argol, 2008, 145 p.
- Butor, Michel, Michel Butor, rencontre avec Roger-Michel Allemand, Paris, Argol, 2009, 211 p.
- Prigent, Christian, Christian Prigent, quatre temps, rencontre avec Bénédicte Gorrillot, Paris, Argol, 2009, 250 p.
- Vila-Matas, Enrique, Vila-Matas, pile et face, rencontre avec André Gabastou, Paris, Argol, 2010, 208 p.
- Novarina, Valère, Valère Novarina. L’organe du langage c’est la main, dialogue avec Marion Chénetier-Alev, Paris, Argol, 2013, 249 p.
- Bailly, Jean-Christophe, Jean-Christophe Bailly. Passer définir connecter infinir, dialogue avec Philippe Roux, Paris, Argol, 2014, 183 p.
- Deguy, Michel, Noir impair et manque, dialogue avec Bénédicte Gorrillot, Paris, Argol, 2016, 260 p.
- Didi-Huberman, Georges, Pour commencer encore, dialogue avec Philippe Roux, Paris, Argol, 2019, 260 p.
Références
- André, Marie-Odile et Mathilde Barraband (dir.), Du « contemporain » à l’université. Usages, configurations, enjeux, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle (Roman XX/XXIe), 2015.
- André, Marie-Odile et al., « La littérature française contemporaine à l’épreuve du fichier central des thèses », Revue d’histoire littéraire de la France, no 3, vol. 111 (2011), p. 695-716.
- Barraband, Mathilde et Jean-François Hamel, « Les entours de l’oeuvre. La littérature française contemporaine par elle-même » [en ligne], @nalyses, vol. 5, no 3 (automne 2010) [https://uottawa.scholarsportal.info/ojs/index.php/revue-analyses/article/viewFile/582/484].
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- Genette, Gérard, Seuils, Paris, Éditions du Seuil, 1987.
- Heinich, Nathalie, Le Paradigme de l’art contemporain. Structures d’une révolution artistique, Paris, Gallimard (Bibliothèque des Sciences humaines), 2014.
- Héron, Pierre-Marie (dir.), Écrivains au micro. Les entretiens-feuilletons à la radio française dans les années cinquante, Rennes, Presses universitaires de Rennes (Interférences), 2010.
- Jaffray, Fanny, « L’entretien d’écrivain », dans Sofiane Laghouati, David Martens et Myriam Watthee-Delmotte (dir.), Écrivains modes d’emploi, de Voltaire àbleuOrange, revue hypermédiatique, Morlanweilz (Belgique), Musée Royal de Mariemont, 2012, p. 224-225.
- Lasserre, Audrey, « La place de nos contemporaines dans les histoires de la littérature récentes ou l’écrivaine future », dans Marie-Odile André et Mathilde Barraband (dir.), Du « contemporain » à l’université. Usages, configurations, enjeux, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle (Roman XX/XXIe), 2015, p. 87-99.
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- Martens, David, « (Auto)portraits de l’écrivain en vis-à-vis I. L’entretien dans les collections de monographies illustrées de poche “Qui êtes-vous ?” (La Manufacture) et “Les contemporains” (Le Seuil) » [en ligne], Mémoires du livre / Studies in Book Cultlure, vol. 7, no 1 (2015) [https://id.erudit.org/iderudit/1035766ar].
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- Nora, Olivier, « La visite au grand écrivain », Les Lieux de mémoire, Paris, Gallimard (Quarto), 1997, t. II, p. 2131-2156.
- Serry, Hervé, Le Seuil. 70 ans d’histoire, Paris, Éditions du Seuil / IMEC, 2008.