Abstracts
Résumé
Cet article explore les rôles du coaching en situation d’apprentissage auprès de membres d’équipes qui sont des employés permanents de deux organisations, et ce, selon une variété de situations et de pratiques favorables au développement des compétences professionnelles en gestion de projet des individus et des équipes. Ces rôles stimulent de nombreuses réflexions pour répondre aux besoins d’une entreprise, mais aussi aux besoins de développement professionnel individuels et collectifs. Des résultats d’une recherche réalisée au sein d’une organisation publique et d’une expérimentation relative au déploiement d’une pratique en ressources humaines (RH) de coaching collectif ont été intégrés à des réflexions managériales et andragogiques afin de proposer des recommandations ainsi que des pistes de réflexion. La contribution de cet article répond au besoin de comprendre comment la pratique de coaching s’intègre aux situations de gestion de projet et favorise le développement des compétences par des pratiques réflexives.
Mots-clés :
- Rôles,
- coaching,
- gestion de projet,
- apprentissage expérientiel,
- compétences
Article body
Introduction
Pour certains auteurs, la notion de coaching fait référence au domaine sportif avec l’entraînement des équipes. Au cours des années 80, des dirigeants d’entreprises se sont approprié cette vision de développement de compétences, de motivation et de compétition. Aujourd’hui, de nombreuses organisations publiques et privées sont assujetties à des changements récurrents d’ordres économiques et sociaux afin d’améliorer la performance individuelle de leurs employés, et offrent la possibilité d’être accompagnés par un coach (Angel & Amar, 2005). Avec la popularité de la pratique en ressources humaines (RH) de coaching, les gestionnaires et les coachs offrent une multitude d’options d’accompagnement : les coachés peuvent être des individus, des équipes de travail ou de projets (Ayache & Dumez, 2021). De ce fait, la performance des employés et la pratique en (RH) de coaching devraient, de nos jours, être abordées simultanément de manière individuelle et collective (Brulhart et al., 2019; Jones et al., 2016; Rapp et al., 2016; Salas et al., 2015; Theeboom et al., 2014). À titre d’exemple, les organisations publiques, traditionnellement structurées pour réaliser des actes professionnels routiniers dans le but d’appliquer les lois en vigueur, intègrent peu à peu la gestion de projet pour améliorer la qualité des services à la population, contrôler les contraintes administratives liées à des questions budgétaires, d’échéances, de risques, et augmenter leur autonomie ainsi que leur imputabilité (Mazouz, 2017). Certaines de ces organisations intègrent progressivement la gestion de projet aux actes professionnels répétitifs (ou routiniers) des employés. Comparativement aux actes routiniers qui peuvent être spécifiques à un employé qui exerce un métier ou une profession, la gestion de projet mobilise une équipe. L’intégration de ces nouveaux actes professionnels oblige les gestionnaires et leurs employés à développer des compétences dites « de projets », permettant que le travail d’équipe et les compétences nécessaires à la finalisation du projet, qu’elles soient déjà démontrées ou en développement, soient suffisamment présentes dans l’équipe, mais pas nécessairement chez chaque personne de l’équipe. Tout comme pour les gestionnaires, le développement de ces compétences peut être défini comme un processus continu et itératif de réalisation d’activités de formation (Roe, 2015) au bénéfice du projet. Pour Le Boterf (2011), la pratique réflexive proposée par Schön (1994) et l’apprentissage expérientiel exposé par Hattie (2017), dont le cycle d’apprentissage a été défini par Kolb (2015), sont des pratiques prometteuses pour le développement des compétences, y compris celles spécifiques à la gestion de projet (Crawford et al., 2006). Sense (2011) et Svejvig et Andersen (2015) suggèrent que les pratiques réflexives devraient être utilisées en situation de gestion de projet pour favoriser le développement des compétences des membres des équipes. Ballesteros-Sánchez et al. (2019) précisent que le coaching est une pratique en RH favorable au développement des compétences de projets pour les chefs. À cet égard, ces auteurs soutiennent le besoin de documenter l’application du coaching exécutif en situation de gestion de projet. De surcroît, nous ajoutons à cette zone grise des écrits scientifiques qu’il pourrait être davantage pertinent de s’attarder à tous les membres de l’équipe, considérant l’aspect social de la gestion de projet. En ce sens, Brulhart et al. (2019) précisent la nécessité de documenter les besoins des membres des équipes selon les phases de travail en situation de gestion de projet.
En s’appuyant sur une recherche réalisée dans une organisation publique québécoise (Desjardins, 2020) où des gestionnaires et des employés réalisent des actes professionnels répétitifs et d’autres supplémentaires liés à la gestion de projets, ainsi que sur une expérimentation dans une entreprise privée, cet article explore plus précisément des phénomènes de coaching individuel et collectif par l’expérience vécus par des professionnels, selon des pratiques réflexives soutenues. Selon Button et al. (1996) et Pastré (2005), apprendre sans soutien peut compromettre la pratique de développement des compétences en gestion des ressources humaines. De ces phénomènes de coaching, une question émerge donc, à savoir quel est le rôle du coach? En situation de gestion de projets, dépendamment de l’organigramme de l’organisation, les cadres ont une responsabilité administrative envers leurs employés. Le service des ressources humaines peut leur offrir un soutien ou les accompagner dans le développement des compétences. Lorsque les chefs de projets ne sont pas des cadres, ils sont désignés comme des coordonnateurs de ressources humaines, financières, matérielles, et ils doivent respecter les lignes hiérarchiques de l’organisation.
Cet article contribue à documenter l’application du coaching exécutif en situation de gestion de projet, comme le propose Ballesteros-Sánchez et al. (2019), et par le fait même les besoins des membres des équipes selon les étapes du projet, selon Brulhart et al. (2019).
1. Problématique et objectifs de l’article
Les gestionnaires et les employés des organisations publiques et privées peuvent réaliser des actes professionnels répétitifs afin de répondre à des besoins standards de leurs clients et de projets pour offrir un produit ou un service unique. Cette évolution des fonctions liées à la réalisation d’actes routiniers, mais aussi à la gestion de projet, suggère que les gestionnaires et les employés doivent maîtriser des compétences liées non seulement à leur métier, mais aussi aux projets. Les compétences de métier reposent sur les actes professionnels relevant du secteur d’activité de l’employé (Cheng & Dainty, 2005) et les compétences de projets peuvent être des actes de nature contextuelle (ex. : stratégie organisationnelle, gouvernance, culture, valeurs…), relationnelle (ex. : communication, leadership, travail d’équipe…) et technique (ex. : gestion de la portée, des délais, des informations, de la qualité, des finances, des ressources…) (International Project Management Association [IPMA], 2015). Une compétence de métier peut être développée dans une perspective à long terme puisque les activités routinières à réaliser sont répétitives comparativement aux compétences liées à la gestion de projet où le temps est déterminé, assez court la plupart du temps, et l’objectif est précisément ciblé. Plus encore, il faut considérer les caractéristiques distinctes de la gestion de projet, telles que : unique, sociale, temporaire, multidisciplinaire, etc. (Svejvig & Andersen, 2015). En ce sens, une adaptation des pratiques de gestion des ressources humaines est nécessaire et par le fait même, celles du coaching. Les compétences (des employés) en lien avec la réalisation du projet et les compétences (des coachs) en accompagnement de l’équipe et de ses membres au bénéfice du projet sont à préciser, pour chaque projet. Des pratiques en éducation et en andragogie, domaine de l’éducation des adultes (Knowles, 1984), peuvent être mobilisées pour le développement des compétences nécessaires pour tous les projets. En effet, la gestion de projet et l’aspect singulier de chaque projet bénéficient que les employés et les coachs apprennent par l’expérience (Hattie, 2017; Kolb, 2015) et selon des pratiques réflexives (Schön, 1994).
La finalité de la pratique en RH visant le développement des compétences de projets est davantage centrée sur les résultats collectifs et non sur les compétences de chaque membre de l’équipe selon leurs aspirations professionnelles spécifiques considérant l’aspect social de la gestion de projet. Par ce fait même, l’aspect collectif qui est présent dans la pratique de coaching peut être envisagé comme adéquat pour le développement des compétences de gestion de projet, à la différence des autres pratiques en RH. Cependant, l’apprentissage, et donc le développement des compétences, reste un processus individuel. Le fait que cela se réalise collectivement peut favoriser la motivation intrinsèque, si et seulement si les enjeux de compétition et de comparaison sont évacués, selon Kanawattanachai et Yoo (2007). Pour modérer ces biais,
le coaching d’équipe vise l’amélioration de la performance collective du groupe par le renforcement de la cohésion, la mise en cohérence et l’accord sur les objectifs et la contribution de chacun à une stratégie partagée et fédératrice des énergies
Angel & Amar, 2005, p. 9
Selon nous, cela nécessite que les coachs démontrent des compétences andragogiques avancées.
En gestion de projet, on considère que ce sont les résultats des projets qui priment et, chaque personne peut démontrer un développement de certaines compétences nécessaires au projet sans pour autant avoir développé l’ensemble des compétences nécessaires au projet, ni qu’elles soient développées complètement (si le projet ne le nécessite pas). Toutefois, pour atteindre les résultats des projets, les membres des équipes doivent travailler ensemble pour rassembler l’ensemble de leurs compétences. Cet aspect social de la gestion de projet nécessite une maîtrise des compétences dites interpersonnelles. Les compétences du coach au sujet de la dynamique des groupes et du soutien pour maintenir ou créer des relations positives sont alors essentielles.
L’objectif de cet article est d’explorer plus précisément les rôles du coach en situation non seulement individuelle, mais aussi collective d’apprentissage par l’expérience pour des professionnels, selon des pratiques réflexives soutenues. Pour réaliser cet objectif, nous présentons un cadre conceptuel relatif à la gestion de projet et au développement des compétences de métier (employés et coach/RH) et de projets. S’appuyant sur une recherche réalisée dans une organisation publique (Desjardins, 2020) et une expérimentation dans une entreprise privée, nous présenterons la méthodologie et une partie des résultats de l’analyse, bonifiée par une discussion continue, intégrée dans le texte, et interdisciplinaire en gestion et en éducation sur le phénomène à l’étude, ainsi que par l’intégration d’une analyse compréhensive de l’expérience en lien avec le coaching collectif réalisée en entreprise privée. Cette problématique managériale peut soulever la question suivante : quel est le rôle du coach auprès des équipes de projets, des chefs de projets, des cadres et du service des ressources humaines? Pour développer ce sujet, nous avons choisi d’utiliser, en cohérence avec l’objectif poursuivi, une approche inductive selon la méthodologie de la théorisation enracinée (Luckerhoff & Guillemette, 2012, 2017) pour offrir une analyse compréhensive à partir des vécus expérientiels des membres des équipes de projets qui vivent le phénomène à l’étude.
2. Cadre conceptuel
Dans cette partie, nous abordons la gestion de projet, les compétences selon les paradigmes en gestion et en éducation, le développement des compétences et la pratique de coaching en RH.
2.1 La gestion de projet
La gestion de projet peut être définie selon trois visions distinctes. La première est celle mécaniste du Guide to the project management body of knowledge (Project Management Institute [PMI], 2021), où une démarche unique de gestion est proposée. La deuxième est celle critique où l’aspect contextuel est indissociable pour promouvoir une approche managériale adaptée (Turner et al., 2010). La troisième est une vision plurielle de la gestion de projet proposée par Svejvig et Andersen (2015), où cette dernière est définie comme un processus itératif d’actions managériales et d’apprentissages professionnels visant la réalisation d’objectifs précis, qui nécessitent que les compétences nécessaires à la finalisation du projet soient développées au sein de l’équipe. Cette pratique est aussi sociale puisqu’elle rassemble une équipe où les membres peuvent évoluer et apprendre les uns des autres. Le processus d’apprentissage fait référence à des pratiques réflexives comme pratiques en RH reconnues en matière d’amélioration des compétences des chefs de projets notamment (Crawford et al., 2006). Toutefois, ce sont tous les membres de l’équipe qui doivent améliorer certaines compétences précisées selon leur rôle et leur fonction au sein du projet, afin d’atteindre les résultats fixés du projet et de refléter l’aspect collectif.
2.2 Les compétences selon les paradigmes en éducation et en gestion
Avant de définir la pratique en RH de coaching et les rôles du coach, il convient de définir ce qu’est une compétence afin d’assurer une cohérence entre les concepts mobilisés. Pour les sciences de l’éducation, selon une définition fondée sur l’approche par compétences (APC), « la compétence est une action réflexive de mobilisation de ressources internes structurées et de ressources externes disponibles, cette mobilisation inclut une sélection et une combinaison de ces ressources et est adaptée à une famille de situations » (Guillemette, 2021, p. 148). Selon l’apprentissage expérientiel et le cycle d’apprentissage, en lien avec l’APC, une compétence est une action menée avec réflexivité dans/sur/pour l’action (Schön, 1994), en mobilisant les ressources internes et externes. La compétence doit être énoncée de manière à évoquer un résultat attendu observable. Elle ne doit pas être confondue avec une habileté ni avec une connaissance, qui sont des ressources internes mobilisables, selon la réflexivité de la personne qui agit, selon la situation singulière à laquelle elle fait face.
Pour les sciences de la gestion, cette proposition de définition d’une compétence est reprise et Enlart (2017) ajoute la notion de contexte qui peut être l’environnement organisationnel.
2.3 Le développement des compétences dites « de projets »
Pour aborder le développement des compétences de projets pour les employés qui occupent une double fonction (de routine et de projet), il importe de définir ce processus. De façon générale, selon Roe (2015), le développement des compétences est un processus continu et itératif qui a pour but d’enrichir le répertoire des comportements des employés par la réalisation d’activités de formation visant un nombre limité de compétences.
En science de la gestion, le développement des compétences est lié à la stratégie de l’organisation en vue de réaliser des objectifs précis (Storey et al., 2019).
En sciences de l’éducation, les compétences s’apprennent et se développent selon des stades précis, caractérisés par des indicateurs, qui sont également des actions observables. Dans la perspective d’apprentissage expérientiel (Hattie, 2017; Kolb, 2015), il s’agit de partir de la pratique et non de la théorie. Selon les connaissances fondées dans la recherche en éducation, ajoutons que l’apprentissage chez les adultes est soutenu par plusieurs principes, selon Knowles (1984) : les adultes ont besoin d’être impliqués, tant dans la planification que dans l’évaluation de leurs apprentissages; ils sont plus intéressés par les apprentissages qui sont pertinents et qui ont un impact direct sur leur travail ou leur vie personnelle; l’expérience est la base de l’apprentissage; et enfin, l’apprentissage chez les adultes est plus centré sur les problèmes que sur des contenus ou des sujets (Kearsley, 2010). Ainsi, le développement des compétences est lié à la professionnalisation des actes. Pour ce faire, il est essentiel de favoriser le sentiment d’efficacité professionnelle (Bandura, 1997) et les expériences (situations d’apprentissage) pour le développement des compétences doivent être proposées en respectant la zone proximale de développement (ZPD) des compétences (Vygotski, 1997). Cette zone caractérise les situations où la réussite est possible, la tâche n’est ni trop facile ni trop difficile, et où il s’agit d’offrir du soutien andragogique mesuré (de l’aide suffisante, puis de plus en plus d’autonomie).
Lorsque nous reprenons la proposition de Svejvig et Andersen (2015) concernant l’aspect social de la gestion de projet, l’aspect collectif du développement des compétences nous impose de considérer les aspects individuels et collectifs de la zone proximale de développement et du sentiment d’efficacité personnelle mais aussi collective. Vygotski (1978) considérait déjà que l’apprentissage est un processus social et que ce qui est appris se fait d’abord dans l’interaction avec d’autres puis est intégré dans les structures cognitives de l’individu.
2.4 Le coaching comme soutien au développement des compétences
Pour réaliser un accompagnement du développement professionnel des employés, différentes méthodes andragogiques s’offrent aux gestionnaires : des séminaires et des formations scolaires à l’extérieur de l’organisation, du coaching, du mentorat, de l’apprentissage vicariant et de l’observation (des gestionnaires par l’employé; Peretti, 2011) à l’intérieur de l’organisation.
En matière de développement des compétences par la technique andragogique de coaching, des auteurs proposent le coaching exécutif. Pour Sperry (1993), Peterson (1996) et Tobias (1996), il s’agit d’un processus de formation individualisé qui vise le développement professionnel des compétences de l’employé dans le cadre d’une relation personnelle entre un coach et un coaché. Le processus de soutien et d’apprentissage se fait donc en individuel. Certains auteurs (Peterson, 1996; Sperry, 1993; Tobias, 1996) suggèrent six étapes pour réaliser ce processus de coaching :
Établissement d’une relation de confiance entre le coach et le futur coaché;
Évaluation des compétences du futur coaché et de son milieu professionnel;
Rétroaction de cette évaluation;
Établissement d’un plan de développement des compétences incluant des objectifs de formation;
Réalisation des activités de formation;
Évaluation des progrès effectués.
Angel et Amar (2005) considèrent que les pratiques réflexives sont centrales dans le processus d’accompagnement, puisque le coaché possède les ressources nécessaires pour lever les obstacles professionnels. Mais les interactions sociales stimulent aussi les apprentissages (Bourgeois & Nizet, 2015; Vandenplas-Holper et al., 2006). En effet, selon Sense (2011) et Picq (2016), considérant l’aspect social de la gestion de projet, la situation est propice au développement des compétences.
En résumé, dans une organisation où chaque projet implique des livrables uniques, des compétences complémentaires à celles des secteurs d’activités des membres des équipes devraient être développées. Pour favoriser le développement des compétences dites de projets, nous nous inspirerons de la proposition de formation individualisée de Sperry (1993), de Peterson (1996) et de Tobias (1996). Notre contribution reflète non seulement les rôles du coach en matière de coaching individuel, mais aussi collectif pour soutenir la formation et le développement des compétences.
3. Méthodologie
Pour explorer le phénomène potentiel de la pratique en RH de coaching lors d’une situation de gestion de projet pour favoriser le développement des compétences des membres d’équipes, une recherche a été effectuée dans une grande organisation publique où des employés réalisent des activités routinières et des projets (Desjardins, 2020). Cette organisation emploie des milliers de personnes qui réalisent majoritairement des activités routinières et certaines d’entre elles doivent également travailler sur des projets. Pour soutenir la réalisation des tâches liées aux activités routinières, le service des ressources humaines propose des profils de compétences, des descriptions de postes, des rencontres de suivi, etc. Ainsi, les compétences développées et nécessaires à la réalisation des projets ne sont pas documentées. Pour analyser le vécu et les interprétations plurielles des employés et des gestionnaires qui occupent des doubles fonctions au sein de cette organisation, cette recherche a utilisé le paradigme qualitatif (Paillé & Mucchielli, 2016).
Pour mobiliser les écrits scientifiques, les pratiques professionnelles, les différentes opinions et les vécus des personnes participantes à la recherche dans un contexte organisationnel précis (réalisation d’actes routiniers et gestion de projets), l’étude de cas est pertinente (Miles et al., 2019). Selon Yin (2018), la portée de l’étude de cas permet de comprendre un ou des phénomènes (en l’occurrence le ou les « cas ») en contexte réel (actuel), surtout lorsque les frontières ou les délimitations entre ceux-ci et leur contexte ne peuvent être dissociés. L’auteur ajoute que pour saisir et respecter l’aspect multidimensionnel du sujet ou d’un cas, la multiplication des sources d’information s’avère nécessaire. Yin (2018) ajoute qu’il s’agit d’un processus unique de collecte de données avec une multiplication des sources d’information afin de trianguler les données et d’enrichir la réflexion par rapport aux données obtenues. L’observation, la documentation et l’entretien de groupe permettent de dégager une vision globale du sujet ou du cas tout en enrichissant l’unité d’analyse, comme l’a suggéré Yin (2018).
3.1 La collecte de données
Pour explorer le phénomène du coaching lors de la gestion de projets, une première recherche a été réalisée dans une organisation publique où les employés ayant une double fonction ont participé à des entretiens de groupes. Les gestionnaires de métier, du bureau de projets et du service des ressources humaines ont également été interpellés pour définir le soutien qu’ils peuvent apporter. Dans une perspective où la gestion de projet présente une situation propice au développement des compétences individuelles au sein d’une équipe, le recours à l’entretien de groupe est congruent. Selon Krueger et Casey (2000), un entretien de groupe est une discussion soigneusement planifiée et conçue où les membres du groupe s’influencent mutuellement en répondant aux idées et aux commentaires des autres. Nous avons recueilli des données à partir d’entretiens de groupe et d’observations directes, en rencontrant différents professionnels, de même qu’en consultant des écrits administratifs.
Quelques semaines après la publication de cette recherche, une expérimentation a été réalisée dans une entreprise privée composée d’une centaine d’employés. Sa grande caractéristique distinctive est que sa structure organisationnelle est par projets, ce qui signifie que la majorité des employés travaillent à la réalisation de plusieurs projets simultanément. Les profils de compétences sont liés au métier et à la gestion de projet. Une méthode unique de gestion de projets est développée et utilisée par tous les employés afin que les gestionnaires puissent avoir un suivi en temps réel de tous les projets. Ceci a permis de recueillir d’autres données.
3.2 Principes d’analyse des données
Les approches inductives ne portent pas sur les personnes, ni sur les vécus, mais sur des phénomènes à partir des vécus des personnes qui les vivent. Les compréhensions sont enracinées dans les vécus et sont ajustées à la diversité de ces vécus grâce à une analyse rigoureuse des données empiriques recueillies en lien avec les situations à l’étude. Ainsi, les analyses favorisent l’amélioration des connaissances et l’amélioration continue des pratiques. C’est selon la version francophone la plus fidèle à la Grounded Theory (Glaser & Strauss, 1967), la méthodologie de la théorisation enracinée (Luckerhoff & Guillemette, 2012, 2017), que nous avons mené cette analyse compréhensive. La première liste de codes émergents contenait des métacatégories comme concepts sensibilisateurs, lesquelles correspondaient aux grandes étapes du coaching exécutif de Sperry (1993), de Peterson (1996) et de Tobias (1996) : l’évaluation des compétences, la rétroaction de l’évaluation, la conception du plan de développement et la réalisation des activités de formation, l’évaluation du progrès effectué. Cette liste était ouverte et dynamique, selon le critère essentiel de l’emergent-fit, et s’est donc enrichie au fil de la codification. La mobilisation des données, incluant des écrits scientifiques (Horincq Detournay, 2018), et l’expérimentation professionnelle menée après la première recherche ont également favorisé l’analyse présentée dans cet article.
4. Présentation et discussion des résultats
Pour explorer les rôles du coach lors d’une situation de gestion de projet afin de développer les compétences de projets des membres des équipes, certaines grandes étapes du processus de coaching exécutif ont été reprises et ont évolué selon l’emergent-fit. Le coaching exécutif ainsi défini nécessite des compétences nécessairement en lien avec l’andragogie.
4.1 Le rôle du coach lors de l’évaluation initiale des compétences de projets
Lorsqu’un gestionnaire d’une organisation mobilise les différentes études et données relatives à un projet, par exemple les objectifs, les ressources humaines et financières nécessaires, les contraintes potentielles…, comme le propose Project Management Institute (2021), il devrait également cibler quelques compétences nécessaires à sa gestion. Au plan andragogique, chaque compétence doit être décrite comme une action observable incluant son stade de développement. À partir d’une grille descriptive des compétences, les employés peuvent compléter leur évaluation à la suite d’une présentation. Selon l’analyse menée, les employés croient qu’ils pourront réaliser une autoévaluation de leurs compétences de projets, mais ils insistent sur le fait qu’ils ont besoin de conseillers (coachs) pour les soutenir, les observer et les guider dans cette procédure de gestion de l’évaluation. Leur préoccupation tient au fait qu’ils ne sont pas habilités à faire des évaluations de manière autonome comme lors de la gestion d’un projet. Ils ajoutent que dans le cadre de la démarche d’évaluation, un coach peut observer et identifier leurs forces et leurs faiblesses ainsi que recenser les évaluations de chacun des membres pour faire une synthèse afin de cibler une compétence à développer collectivement. Par le fait même, ils suggèrent que la rétroaction se déroule en équipe lors d’une discussion afin de préserver l’aspect collectif de la démarche. À la lumière de cette recherche, nous proposons que l’autoévaluation soit en soi une compétence à développer et qu’elle doive être soutenue par le coach comme les autres compétences.
Lors du déploiement dans l’entreprise privée, une personne du service des ressources humaines a été mandatée pour réaliser ce rôle de coach. Avec la direction générale, ils ont ciblé une première compétence à développer pour tous les employés. Considérant que les employés travaillent simultanément sur plusieurs projets, le choix d’une compétence unique pour tous vise à alléger le processus administratif et à établir un langage commun. Pour soutenir les pratiques réflexives en situation de gestion de projet, ils ont opté pour la compétence liée à la communication interpersonnelle. La personne responsable de la gestion des ressources humaines a élaboré une grille descriptive de cette compétence pour que tous puissent s’autoévaluer. Les employés ont choisi de faire une autoévaluation de leur équipe verbalement pour alléger encore davantage le processus de développement de leurs compétences. Cette autoévaluation a été possible grâce à des discussions de groupe soutenues par leur coach.
4.2 Le rôle du coach au sujet des rétroactions collectives à la suite des autoévaluations
Le processus d’évaluation nécessite une véritable relation de confiance entre le coach et le ou les coachés (Peterson, 1996; Sperry, 1993; Tobias, 1996). Selon l’analyse menée dans l’organisation publique, cette étape pourrait être entamée lors des séances d’observation par le coach et de la rétroaction des autoévaluations en groupe. Les relations et les rétroactions pourraient être profitables lors des entretiens d’explicitation (Vermersch, 2019) des actes et des réussites par chaque membre de l’équipe. Cette explicitation pourrait être suivie d’une réflexion sur les actes qui pourraient être améliorés, les ressources à mobiliser, et ainsi réaliser la seconde étape du coaching exécutif en mode collectif. Pour faciliter le dialogue entre les employés, nous proposons que les compétences concernant les relations interpersonnelles, l’engagement collectif et la communication soient décrites et intégrées au référentiel de compétences dans les situations de gestion de projet. En plus, nous suggérons que les gestionnaires de projets intègrent dans la planification des projets des séances de travail où le coach discutera et réalisera des activités d’apprentissage pour le développement de ces compétences. Cette intégration des activités de coaching dans la planification des projets permettra au coach de réaliser et de favoriser l’émergence de rétroactions positives régulières, précises et soutenues entre les membres de l’équipe de projet.
Lors du déploiement dans l’entreprise privée, les compétences du coach sont devenues une préoccupation pour la direction générale, considérant les exigences du coaching exécutif. Une leçon apprise et observée est que pour favoriser le développement d’une relation de confiance lors de séances de coaching collectif en situation de travail, les compétences relatives à l’accompagnement du soutien du développement des compétences doivent être maîtrisées par le coach. Ainsi, lorsque le coach est un employé du service des ressources humaines, le développement de ses compétences doit aussi être considéré comme un processus de formation. Pour ce faire, ce professionnel bénéficie d’un coaching par une personne externe.
4.3 Le rôle du coach lors de la conception du plan de développement des compétences et de la réalisation des activités de formation en lien avec la gestion de projet
Pour donner suite à la rétroaction collective, la compétence qui constitue le premier stade de développement de compétences compilées devient l’objectif collectif de formation. Pour certains employés, les gestionnaires et les professionnels du service des ressources humaines de l’organisation publique, le coach devrait aider les membres des équipes à définir précisément cet objectif de formation. Ils soulignent que certaines équipes de projets mobilisent des employés et des gestionnaires; de ce fait, un chef de projet peut être subalterne, ce qui le qualifie difficilement pour être un coach. Il revient donc à une personne extérieure à l’équipe de projet d’apporter un soutien aux membres et de réaliser un accompagnement collectif en tout temps. À partir de l’objectif défini, les employés suggèrent de discuter avec le coach de la manière dont le projet devrait être géré pour réaliser des activités formatives en situation de travail, soit les étapes subséquentes de la gestion de projet, telles que la planification et l’exécution (PMI, 2021).
En situation de gestion de projet, le coach pourrait orienter les réflexions collectives entre les membres d’une équipe de projet sur certains événements qui contribuent le mieux au développement des compétences nécessaires. Il est important de noter que ces réflexions devraient faire référence à des réussites vécues par les membres de l’équipe dans le cadre de leur projet (ex. : réalisation d’une ou d’un ensemble de tâches, résolution d’un problème jugé complexe par l’équipe) pour permettre à tous de se remémorer des situations réelles de travail et d’activer les connaissances antérieures. Ensuite, les employés devraient expliciter leurs expériences et parler des défis qu’ils ont rencontrés. À cet instant, le coach qui les accompagne peut mettre en évidence les actions posées en s’appuyant sur des concepts théoriques, faire ressortir avec les membres des équipes des suggestions d’amélioration, et les inciter à prendre des décisions pour leurs actions futures. Il importe de souligner que même si la situation choisie est qualifiée de réussie, certaines actions peuvent être bonifiées. En outre, ces échanges entre les membres des équipes contribuent à modifier leurs comportements, car ils s’avèrent constructifs et qualitatifs (Duijnhouwer et al. 2012; Jawahar, 2010; Smither et al., 2004). Selon Tay (2012), pour qu’une rétroaction ait un impact sur les comportements d’un employé, il faut que les commentaires soient fréquents, objectifs et formulés sur une courte période (Cannon & Witherspoon, 2005; Kuchinke, 2000). Quant à Lewis (2003), il est d’avis qu’une rétroaction faite aux membres des équipes de projets contribue au succès des projets puisque ces membres sont directement impliqués dans les tâches à réaliser. Tout au long du projet, les employés peuvent donc réévaluer l’expression des comportements appropriés sous-jacents à cette compétence et constater s’ils progressent ou pas. Dans cette perspective, la notion de transfert entre les connaissances apprises et les nouvelles façons de réaliser son travail est automatique (Tews & Tracey, 2008).
Par le fait même, l’apprentissage en situation de travail peut permettre de pallier la gestion des délais supplémentaires engendrés par les activités externes de formation. Cette problématique est soulevée par Zwikael et Unger-Aviram (2010) puisque la gestion des projets est figée dans le temps. Considérant que les apprentissages se réalisent en situation de travail et que le coach doit maîtriser un ensemble de compétences liées à la gestion de projet et à l’andragogie, il semble préférable qu’il soit un conseiller externe et non un employé. Avoir le statut de conseiller lui permettra d’intervenir auprès de l’ensemble des membres des équipes même si certains peuvent être des gestionnaires. Cette proposition est également soutenue par Kampa-Kokesch et Anderson (2001) et Smither et Reilly (2001). Nous proposons que le coach prenne cette responsabilité administrative puisqu’il possède la capacité de former tous les membres réguliers de l’équipe durant la gestion du projet et peut anticiper les difficultés avant qu’elles apparaissent.
Lors du déploiement dans l’entreprise privée, l’employé du service des ressources humaines s’est invité dans les rencontres matinales des équipes de projets. Durant ces rencontres, les employés faisaient un bilan des tâches réalisées et celles à faire. Ils prenaient aussi le temps de régler certains problèmes techniques et de poser leurs questions. Le coach intégrait dans les discussions la compétence à développer à partir des situations ou des problématiques soulevées, exposait certains concepts théoriques et soulevait des questionnements relativement à des améliorations potentielles à déployer. Ces améliorations faisaient l’objet d’un suivi les jours suivants. Ainsi, le rôle de ce coach soutient le cycle d’apprentissage de Kolb (2015) selon des pratiques réflexives (Schön, 1994), dans une approche collaborative et à la demande de l’équipe. C’est parfois la personne des RH qui assume le soutien selon le cycle d’apprentissage, mais lorsque les gestionnaires des équipes maîtrisent ce cycle, la personne RH permet l’engagement des gestionnaires à réaliser ce rôle, tout en se retirant elle-même de ce rôle.
4.4 Le rôle du coach lors du suivi de progression des équipes de projets
Pour terminer les étapes du processus de coaching exécutif (Peterson, 1996; Sperry, 1993; Tobias, 1996), il est suggéré de faire le suivi des progrès effectués. Pour les gestionnaires et le service des RH, il faut que cette étape soit très facile et rapide à réaliser. Ils suggèrent de faire le suivi du taux de satisfaction des clients des différents projets réalisés. Ils précisent que si ce taux est en constante montée, les activités de formation mises en place seront jugées comme efficaces. Pour les employés, leur satisfaction à l’égard des activités de formation devrait être également prise en considération. Toutefois, cette manière de procéder à la fin de chaque projet présente des limites puisqu’il n’y a pas d’ajustement réalisé pendant les projets, l’évaluation ayant lieu après-coup. En ce sens, nous suggérons que le coach apprécie la progression effectuée par les résultats de leur autoévaluation collective. L’évaluation de la progression est alors davantage processuelle.
Lors du déploiement dans l’entreprise privée, chaque équipe participante a décidé d’imprimer la grille d’autoévaluation sur une très grande feuille et de l’afficher au mur. Au fil de leurs discussions, ils évaluaient leur progression. Plus encore, les chefs des équipes ont décidé de se planifier des rencontres entre eux pour partager leurs expériences vécues et leurs réflexions concernant les processus de développement des compétences déployées. Ils ont également discuté de la progression de leur équipe et, de ce fait, l’employé des ressources humaines pouvait faire un suivi général de l’activité.
4.5 Résumé des rôles du coach en gestion de projet
Lorsqu’il est question d’étudier le phénomène du coaching, Ayache et Dumez (2021) proposent d’aborder la relation d’aide du coach et du coaché ainsi que la relation marchande entre l’organisation et le coach. Pour cette discussion des résultats, nous aborderons ces deux types de relations vécues à partir de l’analyse des résultats, les écrits scientifiques exposés ainsi que l’expérimentation.
Selon Ayache et Dumez (2021), la relation d’aide pour le coaché devrait découler d’un choix individuel librement décidé, avec des objectifs déterminés à l’avance et à réaliser à l’intérieur d’une dizaine de rencontres. Cette relation devrait être non hiérarchique et exempte de reddition de comptes aux gestionnaires. Cet article expose qu’une adaptation des caractéristiques de cette relation doit être abordée pour répondre à la fois aux exigences individuelles de la pratique en RH de développement des compétences et collectives de la gestion de projet. Nous l’avons fait en nous attardant aux rôles d’un coach au sein de la gestion de projet qui suivent un processus type : l’évaluation des compétences, les rétroactions, le plan de développement incluant la réalisation des activités de formation et le suivi de progression des équipes (voir Figure 1).
Ces rôles rejoignent certains éléments proposés par Ballesteros-Sánchez et al. (2019), soit l’importance pour le coach de maîtriser les compétences nécessaires pour réaliser son mandat. Dans ce cas-ci, le mandat englobe la gestion d’un processus de développement des compétences qui inclut des compétences de nature stratégique, interpersonnelle et technique de projet par la mise en oeuvre de pratiques réflexives. Ces auteurs soulignent que le coaching exécutif est efficace pour le développement des compétences autres que techniques de gestion de projet. Ces différents rôles sont des boucles rétroactives puisque les équipes sont temporaires – il s’agit de projets avec une date de terminaison déterminée et relativement courte. Les formes arrondies peuvent également souligner une réflexivité ultérieure concernant le transfert des apprentissages collectifs d’un projet à un autre ou même pour soutenir un nouvel employé qui s’intègre à l’équipe en cours de projet. Ainsi, le phénomène de coaching est vécu à l’intérieur des équipes de projets, comme le soulignent Wiewiora et al. (2020), mais aussi dans l’organisation par ces transferts interprojets.
Pour l’organisation publique, cette relation d’aide au développement des compétences de projets des membres des équipes de projets est une volonté exprimée par les employés. Toutefois, l’aspect collectif de la gestion de projet peut affecter le libre individuel de vivre une relation avec un coach. Pour ce qui est de l’objectif des séances de coaching menées selon des pratiques réflexives, il est déterminé par l’analyse collective des autoévaluations des compétences des membres de l’équipe. L’analyse des résultats expose également une volonté des employés et des gestionnaires de documenter la progression des compétences développées en situation de gestion de projet dans une perspective de négociation d’une augmentation salariale ou d’une progression de carrière. Cette dualité entre l’aspect individuel du développement des compétences et l’aspect collectif de la gestion de projet est perceptible. Toutefois, cet accommodement peut refléter une pratique en RH adaptée au contexte où des employés réalisent principalement des tâches routinières de manière individuelle et participent à des projets à temps partiel. Pour ce qui est de l’organisation privée structurée par projets, la relation d’aide est vécue entre un employé du service des ressources humaines et les autres employés. Ensuite, lorsque cet employé anime des séances de coaching par des pratiques réflexives auprès des équipes de projets, la relation hiérarchique est présente puisqu’il est rattaché à la direction générale. Plus encore, lorsqu’il n’est pas présent, ce sont les chefs de projets qui animent ces rencontres. Pour ce qui est de la confidentialité, les discussions se réalisent de manière collective, mais la progression du développement des compétences ciblées est affichée à la vue de tous.
Selon Ayache et Dumez (2021), un phénomène de coaching nécessite une relation marchande entre l’organisation et le coach. Pour l’organisation publique, la relation marchande entre les deux devrait être intégrée dans la planification des projets. Cette intégration d’une somme d’argent allouée pour les services d’un coach et du temps réservé au développement des compétences des membres de l’équipe de projet sera ainsi sous la responsabilité administrative du chef de projet et de son supérieur hiérarchique. Une certaine autonomie de gestion pourra ainsi être perçue par les équipes de projets par l’embauche d’un coach externe. Pour ce qui est de l’organisation privée structurée par projets, la relation marchande est vécue entre un employé du service des ressources humaines et le coach. Cet aspect est financièrement intéressant pour la direction générale puisque la relation marchande est pour une seule personne au lieu de toutes les équipes de projets. De plus, lorsque l’employé aura développé ses compétences en matière de coaching collectif, elle sera autonome pour réaliser cette pratique en RH. Plus encore, la communauté de pratique proposée par les chefs de projets concernant le développement des compétences de projets permet à l’employé du service des ressources humaines de favoriser les compétences de coaching de ces derniers.
En somme, le besoin des employés qui s’impliquent dans la gestion de projets, en matière de coaching, est le développement de leurs compétences pour atteindre les résultats des projets. Cette volonté centrée sur les résultats des projets exige une adaptation de la pratique de coaching autant dans le cadre de la relation d’aide que celle marchande. L’aspect collectif de la gestion de projet expose donc une évolution des rôles de coaching.
Conclusion
Avec la popularité de la pratique RH de coaching, les coachs ont adapté leurs pratiques afin de répondre aux besoins des organisations. Certains coachs accompagnent des employés ainsi que des équipes de travail et de projets. Toutefois, la situation de gestion de projet au sein d’une organisation peut différer : cet article présente une organisation où certains employés réalisent des tâches routinières et de projets ainsi qu’une autre axée uniquement sur la gestion de projets. Bien que la méta-analyse de Theeboom et al. (2014) ait démontré que le coaching exécutif a un impact positif sur, entre autres, les compétences des professionnels et que les auteurs Ballesteros-Sánchez et al. (2019) exposent une relation similaire en situation de gestion de projets pour les chefs, nous nous sommes attardées à l’application de cette pratique en RH pour l’ensemble des membres des équipes. Cette problématique scientifique est soulignée par Ballesteros-Sánchez et al. (2019) et Brulhart et al. (2019). La particularité de cet article est que les différents rôles du coach sont intégrés à un processus de développement des compétences axé sur les résultats des projets. Plus encore, ces rôles attribués au coach s’harmonisent aux caractéristiques des projets qui sont temporaires et qui se réalisent en mode collectif. Cette adaptation des rôles soulève de futures préoccupations managériales autant qu’andragogiques, d’où la nécessité de poursuivre le présent dialogue interdisciplinaire. À cet égard, les réflexions andragogiques de cet article permettent de souligner l’importance de réfléchir à un accompagnement de type individuel pour favoriser le développement des compétences des employés, selon aussi leurs aspirations professionnelles et au travers des expériences menées collectivement. Cet aspect ouvre la voie à de nouvelles questions de recherche : un arrimage entre une approche individuelle de cette pratique en RH et une approche collective de la gestion de projet est-il possible? Comment gérer l’aspect temporaire d’un projet dans une perspective à long terme du développement des compétences de métier et de gestion de projet, surtout lorsque les employés possèdent un statut permanent dans une organisation? Comment intégrer l’approche par compétences de métier et de gestion de projet dans les services des ressources humaines au sein des organisations? Quelle sera la complémentarité des rôles entre les coachs et les professionnels des services des RH? Comment les coachs réagissent-ils à la délégation de la tâche d’évaluation des compétences des employés? Ainsi, il s’agit de contribuer à l’avancement des connaissances sur une thématique managériale en plein essor, en lien avec les contextes contemporains et les changements d’ordres économiques et sociaux auxquels les organisations publiques autant que privées font face.
Appendices
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