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La violence de la crise financière et économique qui s’est abattue sur l’ensemble du globe à partir de 2007 a suscité un intérêt soudain pour la finance. Avant cette déferlante, Wall Street était un lieu mythique peuplé de Golden Boys mi-honnis, mi-adulés. La crise a provoqué une prise de conscience de l’importance sociale de la finance : la finance globalisée entraîne des externalités négatives et peut s’avérer socialement inefficiente. La gestion de la crise a ensuite révélé une norme paradoxale du système : la privatisation des gains et la socialisation des pertes. Dans un sursaut de lucidité, l’ère post-2007 allait ainsi être rythmée par des vagues de mouvements sociaux – le mouvement Occupy – et par une pléthore d’ouvrages proposant d’expliquer la crise financière.
L’ouvrage d’Alexander et de Dhumale ne fait pas partie de cette littérature ad hoc. Les directeurs proposent un ouvrage collectif qui étudie, de façon minutieuse, différents aspects de la régulation internationale de la finance. Loin des discours simplificateurs – « la solution est plus de régulation après des années de dérégulation » –, Alexander et Dhumale comprennent la régulation internationale de la finance comme complexe, nécessitant d’être appréhendée dans ses diverses facettes en adoptant une perspective multidisciplinaire. L’ouvrage passe ainsi en revue un large éventail de questions, subdivisées en cinq thématiques.
La première traite à la fois de l’innovation dans les marchés financiers, de la régulation de la finance de l’ombre (shadow banking) et du rôle de l’éthique. On notera en particulier la contribution d’Alexander, Eatwell et Persaud sur l’évolution de la nature des marchés, qui offre une excellente entrée en matière pour comprendre la crise financière de 2007. Les auteurs étudient le phénomène de désintermédiation bancaire qui s’est produit avant la crise, ainsi que l’apparition et la multiplication de certains types de produits financiers, dont les obligations adossées à des actifs (collateralized debt obligations [cdo]). Ces produits ont à la fois changé les marchés du crédit et créé de nouvelles formes de risques. Les auteurs montrent également comment les règles de transparence appliquées aux agences de notation ont joué un rôle paradoxal ; du fait de l’obligation de publier les méthodologies de notation en détail, des produits financiers tels que les obligations adossées à des actifs sont créés de façon à obtenir la meilleure notation possible, ce qui entraîne un effet d’homogénéisation de ces produits. Alexander, Eatwell et Persaud en appellent à une réflexion critique en matière de transparence et de standardisation afin de garder à l’oeil de possibles risques systémiques. D’autres auteurs en appellent cependant à davantage de transparence et de régulation dans des cas tels que les marchés de gré à gré.
La deuxième partie du livre aborde une question essentielle, qui continue de jouer un rôle non négligeable dans les effets de la gestion de la crise financière : les fonds propres réglementaires et les effets des règles méthodologiques appliquées en la matière sur le comportement des banques. En lien avec cette question, cette partie de l’ouvrage étudie également l’évolution des règles édictées par les accords de Bâle. La partie suivante suscitera un intérêt certain ; elle porte sur la régulation financière au sein de l’Union européenne et sur les premières années de la gestion de la crise financière au sein de l’ue. Une quatrième partie se penche sur une question moins connue du grand public, mais néanmoins importante : la régulation des contreparties centrales. La dernière partie, enfin, aborde des thématiques variées, en mettant en perspective l’approche plus technique des quatre parties précédentes. Les contributions abordent des sujets tels que : la crise bancaire japonaise ; le phénomène d’illusion de liquidité ; la taxe financière comme outil de régulation ; la gouvernance des institutions internationales ; ainsi qu’une réflexion sur la contestation du néolibéralisme.
L’ouvrage n’est pas à proprement parler un Research Handbook. Il propose davantage une analyse et une réflexion sur une série de questions fondamentales pour le futur de la régulation internationale de la finance. Cet ouvrage doit être pensé comme un complément à la réflexion élaborée par les éditeurs dans Global Governance of Financial Systems. The International Regulation of Systemic Risk (Alexander, Dhumale et Eatwell, 2005), qui était une étude cruciale et, sous bien des aspects, presciente. Tel est particulièrement le cas pour des questions telles que les externalités négatives de la finance, les potentiels effets procycliques de la régulation micro-prudentielle et, en général, le rôle de la régulation internationale.
à la lecture de l’ouvrage, l’affairement contemporain dans la gestion de la crise financière peut se faire inquiétant. L’illusion qui semble dominer est qu’il suffit de recourir à des doses massives de politiques non conventionnelles, de réguler les bonus et d’ajouter quelques centaines de pages de régulation micro-prudentielle. Le Research Handbook d’Alexander et Dhumale, à l’instar des recommandations du rapport de la Warwick Commission on International Financial Reform, est un rappel cinglant que la réforme de la régulation internationale de la finance doit être appréhendée dans toute sa complexité, en tenant compte des risques systémiques.