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Andrés Solimano, conseiller régional au sein de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (cepalc) des Nations Unies, directeur local (Country director) de la Banque mondiale et directeur exécutif de la Banque interaméricaine de développement (bid), coordonne la publication de Vanishing Growth in Latin America. Ces actes, remaniés, d’un atelier de travail portant sur la croissance en Amérique latine rassemblent les contributions de praticiens issus d’organisations internationales (bid, cepalc des Nations Unies) et d’universitaires nord-américains et chiliens. L’objet de ce travail est de réfléchir, grâce à des données statistiques, aux performances de croissance de l’Amérique latine dans les vingt dernières années du xxe siècle. Plus précisément, le but de l’ouvrage est d’expliquer non seulement la faiblesse de la croissance latino-américaine mais surtout sa volatilité. Pour ce faire, les auteurs cherchent entre autres à identifier les déterminants des mouvements de croissance du Produit intérieur brut (Growth domestic product), le rôle des institutions, les résultats des politiques macro-économiques dans leur évolution, ou encore les incidences d’une faiblesse structurelle de la croissance. Ils voudraient comprendre ce qui permet d’enclencher un processus de croissance et ce qui permet de le soutenir. Les auteurs se divisent donc le travail entre études thématiques à l’échelle de la région (chap. 2 et 7) et approches concentrées sur des espaces sous-régionaux : Cône Sud (chap. 3), Amérique andine (chap. 4), Amérique centrale (chap. 5), et Amérique du Nord (qui comprend ici également l’Amérique centrale, la République dominicaine et le Mexique, chap. 6).

Ces analyses à l’échelle de l’Amérique latine illustrent en particulier l’hétérogénéité des systèmes économiques nationaux (chap. 2, A. Solimano et R. Soto). La difficulté à déterminer des politiques économiques plus ou moins soutenues par les secteurs privés/publics, adaptées à des critères macro-économiques, est ensuite bien mise en évidence (chap. 2) même s’il reste difficile d’identifier les mécanismes définitifs de la croissance. Et là est bien la difficulté de ce travail ! Les explications descriptives ou théoriques s’appliquent de façon trop aléatoire aux contextes empiriques, elles en deviennent parfois tautologiques. Les conclusions confirment des faits plus qu’elles ne parviennent à en expliquer les ressorts. Ainsi, dans le chapitre 3, J. Blyde et E. Fernández-Arias décrivent parfaitement que les contextes nationaux impriment leurs nécessaires ajustements à un marché internationalisé. Ce faisant, ils se rendent plus ou moins tributaires des termes de l’échange et se fragilisent, comme les configurations du Cône Sud en témoignent. De leur côté, C. Aravena, A. Hofman et A. Solimano, en s’intéressant aux États andins, démontrent très bien que l’investissement, l’ouverture vers l’extérieur ou encore la stabilité politique sont des facteurs qui encouragent la croissance alors que l’inflation tend plutôt à freiner son expansion (chap. 4). Pour l’Amérique centrale, M. Agosín et R. Machado confirment que le cadre juridique, l’éducation et l’investissement technique sont des éléments qui structurent la croissance (chap. 5). Les spécificités économiques locales sont également à prendre en considération dans la physionomie des économies nationales : en Amérique centrale tout comme au Mexique et en République dominicaine, la part du tourisme dans la croissance est un élément essentiel à la santé de l’économie de l’État. Or, ainsi que Jaime Ros le réitère, celle-ci ne peut se développer que dans un contexte politique pacifié et stabilisé (Conflits nicaraguayen, salvadorien et guatémaltèque, chap. 6). De son côté, dans le chapitre 7, M. Gutiérrez fait la démonstration que les niveaux et la composition des investissements (privés/publics) influent directement sur le niveau de croissance, en particulier lorsqu’ils sont orientés vers les outils de production (machines, équipements et construction).

Si l’on considère les ambitions énoncées en introduction, force est de constater qu’à la lecture des différents chapitres, il est très difficile d’identifier clairement les déterminants qui sous-tendent mécaniquement la croissance économique. Le recours à des données statistiques macro-économiques et à des formules mathématiques, nécessaires pour vérifier les hypothèses, rend l’ouvrage définitivement descriptif. Nonobstant, à travers les diverses contributions, la notion de productivité semble jouer un rôle fondamental dans les variations de la croissance latino-américaine (ralentissements et accélérations). Les investissements en machine et en équipement, la part des investissements privés, etc., paraissent également contribuer de manière importante à la croissance tant qu’ils sont soutenus par des politiques publiques adaptées (éducation, infrastructure). En fin de compte, cet ouvrage de macroéconomie, qui reste d’un abord difficile pour le lecteur en sciences sociales, a surtout le mérite d’offrir de nombreuses données chiffrées, illustrant les contextes économiques des États latino-américains sur la presque totalité des 40 dernières années.