Abstracts
Résumé
L’importance du rôle de l’immigration dans la croissance démographique exerce une forte influence sur l’évolution des dynamiques linguistiques et du paysage linguistique au Canada. Les derniers recensements canadiens permettent de constater une diversification linguistique dont témoigne la part croissante des langues maternelles et des langues d’usage au foyer tierces (autres que française ou anglaise). On observe une croissance des « situations complexes » dans l’utilisation des langues au foyer : la proportion de la population qui n’utilise que sa langue maternelle à la maison a diminué de 4,5 points de pourcentage entre 2001 et 2016. On constate le fort pouvoir d’attraction de la langue majoritaire, particulièrement dans le cas de l’anglais. La « complexification » du portrait linguistique familial est majoritairement le fait de l’ajout d’une langue officielle, principalement la langue officielle majoritaire. Plus de 80 % des enfants issus de couples de langue maternelle tierce sont exposés sur une base régulière à au moins une langue officielle à la maison.
Abstract
The major role played by immigration in population growth has a significant influence on the evolution of linguistic dynamics and of the language landscape in Canada. Recent Canadian censuses show an increasing linguistic diversity, featuring a growing number of mother tongues and of home languages other than French and English. We are seeing a growth in complex situations of language use in the family home ; the proportion of the population using only the mother tongue at home has fallen by 4.5 percentage points between 2001 and 2016. The strong power of attraction of the majority language, and in particular of English, is a notable finding. The “complexification” of the familial linguistic makeup is for the most part a result of the addition of an official language, usually the majority official language. More than 80 % of children born to couples with maternal languages other than French and English are regularly exposed to at least one official language within the family home.
Article body
Introduction
L’importance de l’immigration dans la croissance démographique exerce une forte influence sur l’évolution des dynamiques linguistiques et du paysage linguistique au Canada (Statistique Canada, 2017a). Les derniers recensements canadiens permettent de constater une diversification linguistique dont témoigne la part croissante des langues maternelles et des langues d’usage tierces (autres que française ou anglaise) (Statistique Canada, 2017b). Ces constats généraux soulèvent les questions de l’exogamie, de la transmission des langues au sein des familles canadiennes et québécoises en particulier, et celle de la place qu’occupent les langues officielles dans cet environnement linguistique en mutation.
L’objectif de cet article est tout d’abord de présenter quelques éléments de l’évolution récente de la « complexification » du paysage linguistique canadien et d’examiner ensuite la place que prennent les langues officielles dans cet environnement linguistique en mutation, en tenant compte de facteurs tels que l’exogamie, l’usage des langues au foyer et la transmission des langues aux enfants. On constate que malgré la croissance soutenue des langues immigrantes[2] au Canada, la pénétration des langues officielles est importante et contribue au plurilinguisme dans l’espace familial.
Croissance des situations complexes
La proportion de Canadiens qui ont déclaré une langue tierce comme langue maternelle est passée de 18,5 % en 2001 à 22,9 % en 2016 (voir le tableau 1). La croissance est encore plus importante en ce qui a trait à l’utilisation d’une langue tierce à la maison : 21,8 % des Canadiens déclaraient en parler une au moins régulièrement à la maison en 2016, comparativement à 15,2 % quinze ans plus tôt. Cette croissance prend en compte les réponses à la question sur la principale langue d’usage et celles à la question sur les autres langues parlées au moins régulièrement à la maison en plus de la langue principale.
L’Ontario, la Colombie-Britannique, le Québec et l’Alberta sont, dans l’ordre, les provinces où sont établis le plus grand nombre d’immigrants au Canada (Statistique Canada, 2017c). Dans les deux premiers cas, plus d’une personne sur quatre dans la province a déclaré une langue non officielle comme langue maternelle ou comme langue d’usage. Ces proportions sont inférieures dans la province de Québec, qui a la particularité d’avoir le français comme langue majoritaire. Malgré ces proportions plus faibles, la tendance à la hausse y est aussi présente que dans les autres géographies observées.
De façon corollaire, on observe une croissance des « situations complexes »[3] dans l’utilisation des langues au foyer : de 2001 à 2016, la proportion des personnes qui utilisent plus d’une langue à la maison est passée de 13,1 % à 19,4 % (voir le tableau 2). Ces proportions sont à la hausse dans chacune des principales provinces où résident les immigrants, de même que dans l’ensemble du Canada à l’extérieur du Québec.
Transferts linguistiques et exogamie
Une autre façon d’illustrer la croissance des situations linguistiques complexes est de considérer les transferts linguistiques, ce qui désigne les cas où une personne déclare une autre langue que sa langue maternelle comme principale langue d’usage au foyer[4]. On peut distinguer les transferts linguistiques complets, où la langue maternelle n’est plus parlée à la maison au moins sur une base régulière, des transferts linguistiques partiels où elle n’est plus la langue principale, mais est tout de même parlée régulièrement à la maison. Plus encore, on peut concevoir quatre niveaux d’utilisation d’une langue différente de la langue maternelle : 1) les cas où aucune autre langue n’est utilisée à la maison, seulement la langue maternelle ; 2) les cas où la langue maternelle est la principale langue d’usage au foyer (aucun transfert linguistique), mais où (au moins) une autre langue est utilisée (au moins) sur une base régulière ; 3) les transferts linguistiques partiels, où la langue maternelle est remplacée comme langue principale, mais continue à être utilisée régulièrement ; 4) les transferts complets, où la langue maternelle est abandonnée au profit d’une autre langue.
Le tableau 3 présente la proportion de la population qui n’a qu’une langue maternelle et qui ne parle que cette langue à la maison[5]. Ainsi, sont exclues non seulement les personnes qui ont fait un transfert linguistique, complet ou partiel, mais également celles qui, sans avoir fait un transfert linguistique, parlent une autre langue à la maison en plus de leur langue maternelle, soit à égalité avec celle-ci comme langue principale, soit comme autre langue parlée régulièrement en plus de la langue maternelle, qui reste la langue principale.
La proportion de la population qui n’utilise que sa langue maternelle à la maison a diminué de 4,5 points de pourcentage entre 2001 et 2016, passant de 82,3 % à 77,8 % (voir le tableau 3). Ces proportions varient beaucoup d’un groupe linguistique à l’autre : dans l’ensemble du pays, les personnes de langue maternelle anglaise et, dans une moindre mesure, les personnes de langue maternelle française sont beaucoup moins susceptibles d’utiliser une langue autre que leur langue maternelle à la maison que les personnes de la langue maternelle tierce.
Cela donne à penser que l’ajout d’une langue, que ce soit comme langue parlée à la maison ou comme langue maternelle transmise à un enfant, signifie dans bien des cas l’ajout d’une langue officielle, principalement la langue majoritaire. En déclinant les personnes qui parlent une autre langue que leur langue maternelle en fonction de cette langue maternelle, la ou les langues parlées et la langue majoritaire selon la géographie, on constate effectivement le fort pouvoir d’attraction de la langue majoritaire, particulièrement dans le cas de l’anglais. Les personnes de langue maternelle anglaise, qui sont les moins susceptibles de parler une langue différente de leur langue maternelle à la maison, sont néanmoins proportionnellement beaucoup plus nombreuses à utiliser une autre langue au Québec (34,6 %) que dans le reste du Canada (4,7 %) (voir le tableau 4). Lorsque c’est le cas, 84,8 % d’entre elles utilisent le français (dont 5,0 % en combinaison avec une langue tierce) au Québec, comparativement à 28,3 % à l’extérieur du Québec.
De façon corollaire, les personnes de langue maternelle française à l’extérieur du Québec utilisent une autre langue dans une proportion de 65,6 % et elles privilégient l’anglais dans 98,4 % des cas (et seulement l’anglais dans 96,1 % des cas). Au Québec, 9,4 % des personnes de langue maternelle française parlent une autre langue que le français à la maison. Lorsqu’elles le font, elles privilégient largement la langue officielle minoritaire, contrairement à ce qu’on observe chez les personnes de langue maternelle anglaise à l’extérieur du Québec.
Les personnes de langue maternelle tierce ont une propension à utiliser une langue différente de leur langue maternelle à la maison[6] semblable au Québec (72,5 %) et dans l’ensemble des autres provinces et territoires (71,1 %). Lorsqu’elles utilisent une autre langue, il s’agit uniquement de l’anglais dans 96,4 % des cas à l’extérieur du Québec. Au Québec la situation est plus nuancée : lorsqu’elles parlent une autre langue que leur langue maternelle, les personnes de langue maternelle tierce choisissent uniquement la langue majoritaire, le français, dans la moitié des cas (50,0 %). En revanche, près d’une personne sur trois choisit l’anglais (32,2 %), tandis que 16,6 % d’entre elles parlent à la fois le français et l’anglais.
Dans tous les cas observés, la proportion de la population de langue maternelle tierce qui parle une autre langue que sa langue maternelle est supérieure à celles de la population de langue maternelle anglaise ou française. À l’extérieur du Québec, toutefois, la différence entre les populations de langue maternelle tierce (71,1 %) et de langue maternelle française (65,6 %) n’est que de 5,5 points de pourcentage, ce qui témoigne du pouvoir d’attraction de l’anglais sur les personnes de toutes langues maternelles dans ces provinces et territoires.
Ces observations reflètent dans une certaine mesure les différences régionales dans le « marché matrimonial », qui peut varier en fonction des « contacts potentiels » entre les groupes de langue maternelle (Castonguay, 1980 ; Lachapelle et Lepage, 2010). L’ajout d’une langue parlée à la maison découle souvent des situations d’exogamie linguistique[7] (Castonguay, 1979a), c’est-à-dire lorsqu’un couple est formé de deux personnes de langue maternelle différente. On observe une légère diminution de l’« endogamie simple » (voir le tableau 5), ce par quoi l’on entend un couple formé de deux personnes qui partagent la même unique langue maternelle. Par contre, les données ne permettent pas de constater une hausse conséquente de l’exogamie. Si l’exogamie augmente légèrement entre 2001 et 2006, on note plutôt une diminution, tout aussi légère, entre 2006 et 2011, puis une nouvelle hausse, de seulement 0,1 point de pourcentage, entre 2011 et 2016[8].
L’exogamie est relativement plus fréquente chez les minorités linguistiques, comme en témoignent les données présentées au tableau 6. On remarque toutefois que l’exogamie est beaucoup plus importante chez les minorités de langue officielle que chez les autres minorités linguistiques, fait intéressant qui renvoie probablement au niveau d’intégration ou d’isolement des différents groupes linguistiques, ce qui dépasse toutefois les objectifs de cet article.
Ainsi, la croissance des « situations linguistiques complexes » dans les foyers canadiens ne semble pas s’expliquer simplement par la croissance de l’exogamie. Si l’on observe effectivement une hausse du nombre de couples linguistiquement exogames, notamment ceux composés d’une personne de langue maternelle tierce et d’une personne ayant l’une ou l’autre des deux langues officielles canadiennes comme langue maternelle (en ne tenant compte que des réponses uniques, ces derniers sont passés de 500 000 couples en 2001 à 609 000 couples en 2016, soit une croissance de 21,8 %), en termes relatifs, toutefois, les tendances sont loin d’être claires, ce qui laisse à penser que d’autres facteurs sont également à l’oeuvre, dont celui de la transmission linguistique.
Transmission de la langue aux enfants et pénétration des langues officielles dans l’espace familial
Bien que l’exogamie ne soit pas nécessairement en croissance dans la société canadienne, il ne fait aucun doute que ce phénomène favorise le plurilinguisme en milieu familial, notamment en exposant davantage les enfants à plus d’une langue. Plus encore, il semble que l’exogamie favorise particulièrement l’introduction de la langue majoritaire dans les familles. Le tableau 7 présente la proportion d’enfants dont les parents ont effectué un transfert linguistique[9] en comparant le type de couple exogame formé par les parents. En l’occurrence, on compare les couples exogames français-anglais, français-langue tierce et anglais-langue tierce. Au Canada hors Québec, les enfants de couples exogames vivent très majoritairement avec un parent qui a fait un transfert linguistique vers l’anglais lorsque le parent a le français ou une langue tierce comme langue maternelle, y compris pour les enfants issus de couples exogames français-langue tierce (où les parents y trouvent probablement une langue de communication commune). À l’inverse, très peu d’enfants vivent avec un parent de langue maternelle anglaise qui a fait un transfert linguistique.
Au Québec, la situation est moins univoque. Les enfants qui vivent dans un couple exogame où un parent est de langue maternelle tierce voient généralement ce dernier effectuer un transfert linguistique vers la langue officielle de l’autre parent[10], bien que l’anglais soit parfois la langue commune dans les couples français-langue tierce. Par ailleurs, 32,9 % des enfants vivent dans des couples exogames français-anglais où le parent de langue maternelle française fait un transfert vers l’anglais, et 37,8 % où le parent de langue maternelle anglaise effectue un transfert vers le français.
Dans certains cas, la langue majoritaire est transmise aux enfants comme langue maternelle à la place de la langue maternelle des parents. La presque totalité des enfants dont les parents forment un couple endogame dont la langue maternelle est le français (98,8 %) ou l’anglais (99,6 %) se voit transmettre la langue maternelle de leurs parents (voir le tableau 8). Cela est particulièrement vrai lorsque la langue est majoritaire. À l’inverse, plus d’un enfant sur trois issu d’un couple de langue maternelle tierce adopte uniquement une langue officielle comme langue maternelle, et 6,5 % adoptent (au moins) une langue officielle en plus de la langue maternelle de leurs parents.
Dans les cas où une langue officielle est transmise à l’enfant, c’est l’anglais qui prévaut à 86,0 %, alors que le français à 12,6 % et les deux langues officielles à 1,4 % sont beaucoup moins transmises (voir le tableau 9). Le portrait est différent au Québec où 71,8 % des enfants issus de couples de langue maternelle tierce se voient transmettre le français, et 4,6 % le français et l’anglais.
L’examen de la transmission linguistique chez les couples exogames confirme l’importance de la transmission des langues officielles lorsqu’au moins un parent est de langue maternelle française ou anglaise. Plus de 9 enfants sur 10 issus d’un tel couple exogame héritent d’une langue officielle comme langue maternelle, peu importe le type de couple exogame (voir le tableau 10). La seule exception observée dans le tableau 10 concerne les enfants issus de couples formés d’une personne de langue maternelle anglaise et d’une personne de langue maternelle tierce au Québec (89,6 %), où le taux de transmission d’une langue officielle se situe à peine sous le seuil de 90 %.
La pénétration des langues officielles canadiennes dans l’espace familial ne suppose pas nécessairement qu’une langue officielle soit transmise comme langue maternelle. Une langue officielle peut être introduite comme langue d’usage au foyer sous l’influence possible de l’utilisation au foyer de la langue qu’un parent utilise au travail, où les langues officielles sont nettement prédominantes au Canada (Statistique Canada, 2017d). Parfois, l’introduction d’une langue majoritaire dans la famille est plutôt due aux enfants, particulièrement lorsque la langue de scolarisation est différente de la langue maternelle. Parmi les enfants issus de couples de langue maternelle tierce qui se sont vu transmettre uniquement la langue maternelle de leurs parents, 69,0 % parlent l’une et/ou l’autre des deux langues officielles, que ce soit en combinaison avec leur langue maternelle ou non. Le tableau 11 présente la distribution des 1 389 165 enfants issus de couples de langue maternelle tierce selon la forme de leur exposition aux langues officielles dans l’espace familial, le cas échéant. Il permet de constater que plus de 80 % de ces enfants sont exposés à au moins une langue officielle à la maison, et ce au moins sur une base régulière.
Conclusion
L’immigration joue un rôle de plus en plus important dans la croissance démographique canadienne. Par sa diversité, elle modifie le paysage linguistique : le plurilinguisme dans l’espace familial croît rapidement au Canada. Les statistiques tirées des récents recensements de la population canadienne démontrent que la croissance de la présence des langues autres que le français et l’anglais comme langue maternelle ou comme langue d’usage au foyer s’accompagne d’une croissance des « situations linguistiquement complexes » au sein des familles. Les hausses du nombre de personnes qui parlent plus d’une langue à la maison ou qui effectuent un transfert linguistique (dont les cas de figure sont de plus en plus variés) témoignent de cette complexité croissante.
Les statistiques présentées témoignent également du fait que la « complexification » du portrait linguistique familial est majoritairement le fait de l’ajout d’une langue officielle, principalement la langue officielle majoritaire. Au Québec, les formes spécifiques du plurilinguisme témoignent de la cohabitation de plusieurs langues dans un environnement où le français est la langue majoritaire — et la seule langue officielle — au niveau provincial et où l’anglais est la langue majoritaire au niveau canadien et nord-américain, ce qui reflète principalement la situation qui prévaut dans la grande région montréalaise. À l’extérieur du Québec, le plurilinguisme reflète la cohabitation de plusieurs langues, dont le français, avec l’anglais, largement majoritaire.
L’importance numérique croissante des langues tierces au Canada, jumelée à la persistance de la place centrale des langues officielles canadiennes, nous oblige à repenser les outils classiques pour l’étude des dynamiques linguistiques au sein des familles canadiennes, qui sont de plus en plus riches et complexes. L’exogamie et les transferts linguistiques ne témoignent plus simplement d’échanges entre groupes ethnolinguistiques mutuellement exclusifs : ils rendent compte de la richesse et de la complexité croissante des dynamiques linguistiques au sein des familles canadiennes.
Bien que les personnes de langue maternelle française ou anglaise soient beaucoup moins susceptibles de parler une autre langue que leur langue maternelle, surtout lorsqu’ils font partie de la majorité de langue officielle de leur province ou territoire de résidence, ils sont de plus en plus susceptibles d’être en contact avec d’autres langues, y compris dans l’espace familial. L’exogamie favorise les transferts linguistiques (et vice versa), de même que la transmission d’une langue officielle aux enfants, à l’avantage de la langue officielle majoritaire dans la province ou le territoire de résidence. Ainsi, il semble que la place des langues officielles, soit le français et l’anglais, reste centrale au Canada. Dans un contexte d’immigration et de diversification linguistique croissante, la pénétration des langues officielles dans l’espace familial des Canadiens de toutes langues maternelles reste très importante.
Appendices
Notes
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[1]
Une première version de ce texte a fait l’objet d’une communication présentée à Strasbourg en juin 2016 lors du xixe colloque de l’Association internationale des Démographes de Langue Française (AIDELF).
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[2]
Les « langues immigrantes » désignent « les langues (autres que le français et l’anglais) dont la présence au Canada est initialement due à l’immigration postérieure à la colonisation française et anglaise. Outre le français et l’anglais, [les langues officielles canadiennes, ] cette expression exclut les langues autochtones et les langues des signes » (Statistique Canada, 2017a). L’expression « langues tierces » est utilisée pour désigner toutes les langues autres que les langues officielles canadiennes.
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[3]
On définit ici une « situation linguistiquement complexe » comme la présence de plusieurs langues (au moins deux) chez une personne comme langue maternelle ou comme langue d’usage au foyer, par opposition à une « situation linguistiquement simple » où une personne n’a qu’une seule langue maternelle et ne parle que cette langue à la maison.
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[4]
Cette définition est apparue suite au Recensement de 1971, dans lequel une question sur la langue parlée le plus souvent à la maison a été ajoutée (voir notamment Castonguay 1974, 1976 ; Veltman 1976, 1978 ; et Maheu 1978). Puisque les données du Recensement de 1971 ne comportaient aucune information sur les réponses multiples, cette définition supposait implicitement ou explicitement l’abandon de la langue maternelle comme principale langue d’usage. En tenant compte des réponses multiples et de l’ajout en 2001 d’un deuxième volet à la question sur la langue parlée à la maison qui porte sur les autres langues parlées au moins sur une base régulière, le fait de parler principalement à la maison une langue autre que sa langue maternelle ne signifie pas nécessairement l’abandon de cette dernière.
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[5]
Ces proportions excluent les personnes qui ont déclaré plus d’une langue maternelle, l’objectif étant d’identifier les personnes qui sont dans une situation linguistiquement simple (une seule et même langue maternelle et d’usage).
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[6]
Ces proportions sous-estiment légèrement l’utilisation d’une autre langue que la langue maternelle chez les personnes de langue maternelle tierce. En effet, pour 3,8 % des personnes de langue maternelle tierce qui ne parlent qu’une langue tierce à la maison, soit environ 80 000 personnes au Canada en 2016, il s’agit d’une langue tierce différente de leur langue maternelle. Toutefois, la prise en compte de ces situations rares complexifie grandement l’analyse et ajoute peu au propos.
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[7]
Les liens entre exogamie et transfert linguistique ne sont pas unidirectionnels : plusieurs situations d’exogamie sont en fait précédées d’un transfert linguistique (Castonguay, 1979b ; Corbeil, 2005)
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[8]
La baisse globale de l’endogamie simple entre 2006 et 2011 est corollaire de la hausse de l’endogamie chez les couples où au moins une personne a déclaré plus d’une langue maternelle (et dont au moins une d’entre elles est commune aux deux membres du couple). Or, les réponses multiples à la question sur la langue maternelle, tout comme celles à la langue d’usage au foyer, ont la caractéristique d’être plutôt instables d’un recensement à l’autre et l’on ne peut exclure ici l’effet des modifications apportées au questionnaire entre 2006 et 2011 pour expliquer une partie importante des changements observés (voir Statistique Canada, 2013).
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[9]
Ici, la notion de transfert linguistique inclut les cas où une autre langue que la langue maternelle est parlée le plus souvent à la maison à égalité avec la langue maternelle (réponses multiples à la question de recensement sur la langue parlée le plus souvent à la maison). Il s’agit surtout de mettre en évidence l’exposition des enfants à plus d’une langue, particulièrement les langues officielles canadiennes.
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[10]
Il ne faut évidemment pas interpréter cet énoncé littéralement : les données de recensement n’indiquent pas le moment où le transfert linguistique a été effectué (Corbeil et Houle, 2014). Celui-ci peut survenir avant ou après la naissance de l’enfant ; l’enfant n’est donc pas nécessairement témoin du transfert linguistique effectué par son parent.
Bibliographie
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