Abstracts
Résumé
Même si le Brésil a inclus l’agriculture urbaine dans son programme de lutte contre la faim, les obstacles à son déploiement, à l’entretien et à son maintien dans le temps sont encore nombreux. Plusieurs métropoles brésiliennes ont élaboré des plans d’appui à l’agriculture urbaine dans une perspective d’atteinte des objectifs de durabilité sans toutefois mettre en place des politiques publiques ayant des effets facilitateurs. Les questions auxquelles cet article tente de répondre sont : Quelle marge de manoeuvre possèdent les jardiniers urbains pour mener à bien leurs projets et influencer les politiques publiques municipales d’agriculture urbaine ? Et quel est l’avenir de l’agriculture urbaine et périurbaine (AUP) dans les métropoles brésiliennes ? Le potentiel de pérennisation de l’AUP a été étudié dans les métropoles de São Paulo, Florianópolis et Salvador de Bahia. Nous avançons que l’avenir de l’AUP au Brésil dépendra de la capacité des acteurs à négocier et élaborer des outils et politiques publiques à l’échelle municipale. Les processus de négociation de l’accès à l’espace public sur l’échiquier urbain seront analysés, ainsi que les gains réalisés dans chacune des villes, par le biais de la théorie de la régulation sociale.
Mots-clés :
- Agriculture urbaine,
- Brésil,
- politiques publiques,
- théorie de la régulation,
- villes durables
Abstract
Even though Brazil has included urban agriculture in its anti-hunger program, the obstacles to its deployment, maintenance, and sustainability are still numerous. Several Brazilian metropolises have drawn up support plans for urban agriculture (UPA) with a view to achieving sustainability objectives without, however, implementing public policies with facilitating effects. The questions this paper attempts to answer are: What margin of maneuver do urban gardeners have to pursue their projects and influence municipal public policies in favor of urban agriculture? What is the future of urban agriculture in Brazilian metropolises? UPA’s potential for sustainability has been studied in the metropolitan areas of São Paulo, Florianópolis, and Salvador de Bahia. We argue that the future of UPA in Brazil will depend on the ability of actors to negotiate and shape public policies at the municipal level. The processes of negotiating access to public space on this urban chessboard along with the victories will be analyzed through the theory of social regulation for each locality.
Keywords:
- Urban agriculture,
- Brazil,
- public policies,
- regulation theory,
- sustainable cities
Resumen
Bien que el Brasil haya incluido la agricultura urbana a su programa de lucha contra el hambre, los obstáculos a la extensión, a la conservación y a la persistencia de esta práctica, son todavía numerosos. Varias metrópolis brasileñas han elaborado planes de apoyo a la agricultura urbana para alcanzar los objetivos de durabilidad, pero sin adoptar políticas públicas que los faciliten. En este estudio, tratamos de responder a las siguientes preguntas: ¿ Qué margen de maniobra poseen los jardineros urbanos para realizar sus proyectos e influenciar las políticas públicas municipales en la agricultura urbana ? ¿ Cuál es el futuro de la agricultura urbana y peri-urbana (AUP) en las metrópolis brasileñas ? El potencial de permanencia de la AUP fue estudiado en las metrópolis de São Paulo, Florianópolis y de Salvador de Bahía. Nos arriesgamos a prever que la AUP en el Brasil dependerá de la capacidad de los protagonistas para negociar y para elaborar herramientas y políticas públicas a escala municipal. En esta perspectiva, analizaremos los procesos de negociación para tener acceso al espacio público en la palestra urbana, así como las victorias en cada una de las ciudades, con la teoría de la regulación social.
Palabras clave:
- Agricultura urbana,
- Brasil,
- políticas públicas,
- teoría de la regulación,
- ciudades sostenibles
Article body
Introduction
Les pratiques de production alimentaire en milieux urbains et périurbains dans les pays du Sud global sont souvent poussées par un désir de lutter contre l’insécurité alimentaire, produit de la faible capacité économique des ménages et d’un faible accès physique aux aliments. Dans les grandes agglomérations du Brésil, l’urbanisation a éloigné les sources de production des aliments du centre, augmentant la dépendance envers les systèmes de distribution alimentaire des citadins (Lima Gelbcke, 2018 ; Bricas et Conaré, 2019). Les différents programmes de lutte contre la faim mis en place par le gouvernement fédéral et les autres paliers décisionnels à partir de 2003 font de ce pays un vrai laboratoire pour examiner le résultat de différentes approches et combinaisons de moyens pour venir en aide aux foyers urbains.
L’agriculture de proximité, prenant la forme de jardins communautaires ou collectifs, est entrevue comme une piste possible pour un développement urbain durable et pour offrir davantage d’équité dans l’accès aux aliments frais, nutritifs et issus de l’agroécologie à la population. Depuis que certaines brigades urbaines ont fait de la production urbaine d’aliments l’objet principal de leurs luttes au Brésil en 2012, ce mouvement d’opposition largement politisé, qualifié parfois de « guérilla verte » a pris différentes formes (Giacchè, 2016). Les différentes expériences provenant des trois métropoles que sont São Paulo, Salvador et Florianópolis – sans par ailleurs prétendre qu’elles sont des modèles d’agriculture urbaine et périurbaine (AUP) au Brésil –, illustreront des temporalités différentes dans la construction de politiques publiques ayant le potentiel de soutenir le développement de l’AUP. Le Brésil s’inscrit en tête de lice pour les initiatives de combat à la pauvreté, à commencer par le programme Faim Zéro du président Luiz Inácio « Lula » da Silva en 2003 (Hall, 2006 ; Porto, 2015), mais qu’en est-il de son appui à l’AUP ainsi que de la pérennité de celle-ci et de ses déclinaisons territoriales ?
Production alimentaire dans la planification de villes durables
Le développement de systèmes alimentaires durables se présente comme une piste porteuse de solutions pour les villes afin de se réapproprier la fonction alimentaire, de relocaliser à proximité de leurs habitants une partie de la production maraîchère et d’élevage et de favoriser les circuits courts de distribution et ainsi diminuer leurs émissions de GES (Gonçalves et al., 2014 ; FAO 2014 ; Lima Gelbcke, 2018 ; Requier-Desjardins et Roudart, 2019 ; Taguchi et Santini, 2019). C’est ce que le pacte de politique alimentaire urbaine de Milan (2015) signé par 180 villes du monde préconise en invitant les villes à se rapprocher de leur alimentation et en recréant des lieux de rencontre entre le consommateur urbain et le producteur (Dubbeling et al., 2019). Par-delà les échanges de denrées alimentaires, celui-ci vise à refaire le lien social entre les acteurs de la filière, encourage l’autonomisation des urbains dans leur démarche de se nourrir et favorise les échanges de savoir-faire intergénérationnels (Bricas et Conaré, 2019 : 8). Durant la deuxième Conférence des Nations Unies sur les établissements humains (Habitat-2) en 1996, cette question est devenue un thème central du débat au point de commander la publication d’un document intitulé Urban Agriculture : Food, Jobs and Sustainable Cities, qui fut réalisé dans le cadre institutionnel et scientifique de cet événement (Smit et al., 2001 ; Arlego Paraguassu, 2013). Le lien entre l’agriculture urbaine et les villes durables peut clairement se percevoir alors que les auteurs du document démystifient plusieurs idées reçues autour de l’AUP qui étaient utilisées par ses détracteurs pour la restreindre, par exemple l’idée qu’il s’agit d’une activité temporaire de survie, marginale, basée sur les jardins familiaux, pouvant nuire à l’hygiène publique et occupant des terres qui pourraient avoir une utilisation plus « importante » et rapporter davantage en termes de fiscalité urbaine (Smit et al., 2001). Ces arguments ne reflètent pas les bénéfices individuels, sociaux et environnementaux que les citadins peuvent en tirer (Castelo Branco et de Alcântara, 2011) ni l’adaptabilité et la plasticité de l’AUP qui peut répondre aux besoins donnés d’une population et se greffer à d’autres fonctions de la trame verte des villes. L’exemple des métropoles brésiliennes nous permettra de mieux comprendre les justifications ayant mené les instigateurs de l’AUP à démarrer leurs activités et défendre la pérennité des jardins communautaires et collectifs.
Comme il sera démontré plus loin en passant en revue les progrès réalisés dans l’appui et la reconnaissance de l’AUP, il appert que depuis le début des années 2000, les administrations municipales et les plus hautes sphères de décision au Brésil reconnaissent le caractère multifonctionnel de l’agriculture urbaine et périurbaine pouvant contribuer à affronter les défis alimentaires urbains et à réduire les vulnérabilités des groupes urbains les plus exposés (Santandreu et Lovo, 2007). Alors que certains défenseurs de l’AUP font ressortir sa contribution à la génération d’emplois et de revenus ainsi qu’à la sécurité alimentaire, d’autres semblent mettre l’accent sur sa contribution à la régulation des écosystèmes urbains en tant que partie intégrante des infrastructures vertes du territoire (formant des corridors verts avec les places, les parcs, les parcs linéaires en bordure des cours d’eau et les pistes cyclables). Néanmoins, il fallut attendre l’année 2020 pour que l’exercice de planification de la ville de São Paulo 2021-2024 mette au premier plan les stratégies de l’AUP en tant que moyen d’atteindre une ville plus durable sur le plan environnemental et social. Après des années de lutte de la part des coordonnateurs de jardins communautaires et collectifs, cette reconnaissance facilite la consolidation de leurs activités, garantit l’existence des jardins et favorise l’investissement public pour l’amélioration de leurs installations. C’est l’histoire de cette lutte, de l’insécurité des jardiniers et jardinières, des négociations entre les acteurs de trois régions métropolitaines brésiliennes qui sera exposée et analysée dans cet article. Il s’agira ainsi d’apprécier le chemin parcouru par les guerrilleros verts pour obtenir la reconnaissance dont ils jouissent aujourd’hui – une longue trajectoire de contestation et de développement d’alliances entre les acteurs politiques, citoyens et d’associations d’AUP.
Alors que le cadre juridique qui appuie l’AUP au Brésil s’est défini de manière précise à l’échelle nationale à partir de 2003 (Porto, 2015), le développement de la structure institutionnelle permettant sa mise en place aux échelles municipales et estatales (relatives aux États) n’a pas toujours suivi le même rythme. Castelo Branco et de Alcântara (2011) parlent de manque d’intégration entre les politiques publiques d’AUP au Brésil aux différents échelons de gouvernement. Ces auteurs notent que seul l’état du Minas Gerais s’était doté d’une loi réglementant les pratiques d’agriculture urbaine en 2006 (idem : 4). Ce hiatus institutionnel a eu pour conséquence que les municipalités se sont souvent retrouvées devant des idéaux à atteindre en matière de développement de l’agriculture urbaine, souhaités par les sphères décisionnelles à des niveaux supérieurs, sans pour autant avoir les moyens (que ce soit en termes de ressources financières, humaines, techniques, politiques ou juridiques) de les opérationnaliser. En empruntant la perspective de la théorie de la régulation, l’exposition des études de cas rend compte du fossé existant entre la norme idéalisée (les lois) et la norme effective (la pratique) et du rôle de la négociation des acteurs qui tentent d’influencer les politiques publiques municipales afin de mener à bien leurs projets d’AUP au Brésil.
Conquêtes des agriculteurs urbains du Brésil
L’étude du mouvement d’agriculture urbaine peut s’effectuer à partir de différentes perspectives, telle que celle de la sécurité alimentaire, qui est somme toute assez bien documentée dans les pays en voie de développement et notamment les bénéfices que certains groupes, tels que les femmes, peuvent en tirer (Mougeot, 2005a ; Hovorka, 2005 ; De Bon et al., 2010 ; Mok et al., 2013 ; Orsini et al., 2013 ; Gravel et Mestiri, 2015). Néanmoins, cela ne représente pas toute la réalité de l’AUP au Brésil, même si on retrouve souvent des besoins accrus en aliments frais et sains. On remarque que ces besoins sont intensifiés depuis la crise sanitaire de 2020-2022 : plusieurs groupes de la classe moyenne ont été précipités dans la pauvreté et souffrent de l’inflation galopante qui touche les produits de consommation de base. Par ailleurs, la naissance du mouvement des jardiniers urbains dans la grande métropole de São Paulo, loin des favelas (bidonvilles), se démarque par son origine qui relève davantage de la classe moyenne qu’ouvrière. Ainsi, on retrouve des initiatives de jardiniers urbains militant en faveur d’une réappropriation citoyenne des espaces urbains aux fins de production d’aliments sains (issus de l’agroécologie), de sensibilisation au jardinage, de diversification des fonctionnalités urbaines et de cohésion sociale (Boukharaeva et al., 2005 ; Giacchè et Porto, 2015 ; Nagib, 2016 ; Ruoppolo Biazoti, 2020). Ces guerilleros urbains, comme certains les appelleront, emboîtent le pas des fondateurs du mouvement d’AU aux États-Unis dans les années 1960 et 1970, qui étaient animés par la revendication du droit de cultiver la terre en milieu urbain et de conserver une mixité des usages du sol urbain. Affrontant souvent des autorités peu réceptives, les groupes ont dû se cantonner dans la posture de revendication d’espaces verts ou de terrains vagues accueillant les initiatives citoyennes et le droit à des aliments dépourvus de pesticides (Nagib, 2016 ; Ruoppolo Biazoti, 2020). L’emploi de la perspective de la théorie de la régulation prend son sens dans cette dynamique de demandes, de confrontation et de négociation dans laquelle les acteurs de la société civile doivent entrer pour réclamer davantage d’influence sur les modes de gestion et de régulation des espaces urbains et de leur alimentation.
Concepts et définitions
L’agriculture intra-urbaine et périurbaine est polymorphe et s’adapte aux différentes possibilités présentées par le milieu. Cette recherche ne prendra en compte que la forme des jardins communautaires (lots individuels cultivés dans un même espace) et collectifs (un seul lot cultivé collectivement), résultant de l’association libre des agriculteurs urbains qui se réunissent en tant que membres d’une organisation ou qui répondent à une invitation faite par les autorités municipales, souvent dirigées par un(e) jardinier(ère) en chef. D’autres types d’agriculture intra et périurbaine comprennent les jardins institutionnels (écoles, hôpitaux, prisons), les jardins potagers des foyers domestiques, les pépinières et les jardins sur les toits, mais ils seront laissés de côté aux fins de cette recherche. En essayant de comprendre les différences entre l’agriculture urbaine et rurale, Mougeot (2000 : 11) a défini l’agriculture urbaine et périurbaine, non pas tant par sa localisation, mais par « son intégration dans le système économique et écologique urbain » (ibid. : 10 ; FAO, 2007) :
Urban agriculture is an industry located within (intra-urban) or on the fringe (peri-urban) of a town, a city or a metropolis, and grows or raises, processes and distributes a diversity of food and non-food products, (re)-uses largely human and material resources, products and services found in and around that urban area, and in turn supplies human and material resources, products and services largely to that urban area.
Selon Mougeot (2000 : 17), la majorité des agriculteurs urbains sont des hommes et des femmes ayant un faible revenu qui cultivent pour l’autoconsommation sur de petits terrains qu’ils ne possèdent pas et disposent de peu de protection. Par ailleurs, l’exemple de l’AUP dans les métropoles brésiliennes vient apporter une perspective différente : il n’y a pas de type défini d’agriculteur urbain et le revenu n’est pas nécessairement un facteur d’adhésion. Un autre trait qui caractérise l’AUP est la précarité de la propriété foncière car ces agriculteurs urbains sont sujets à tout changement de titre de propriété ou de projet de développement urbain (FAO, 2007). Cette vulnérabilité les rend réticents à investir dans une structure fixe et durable.
Les multiples fonctions que l’on reconnaît à l’AUP se caractérisent par le terme de la multifonctionnalité. En plus de fournir des aliments sains, frais, variés et de proximité aux ménages citadins parfois moins fortunés, de contribuer à la santé physique et mentale des jardiniers, de participer à une réinsertion sur le marché de l’emploi de certains travailleurs en bâtissant la confiance en soi, de contribuer à un renouvellement du tissu social en intégrant des populations immigrantes (Reyburn, 2002) ou féminines plus démunies, d’offrir des services écologiques essentiels aux écosystèmes urbains, l’AUP a aussi un rôle économique comme fournisseuse de revenus d’appoint et contributrice au budget familial (autoconsommation et vente de produits en bordure de rue) (Duchemin, 2013 ; FAO, 2007 ; Wegmuller et Duchemin, 2010). Dubbeling et al (2011 : 6) résument la multifonctionnalité de l’AUP :
Urban agriculture provides a strategy that contributes to enhanced food security and improved nutrition of the urban poor. Further, it contributes to local economic development, poverty alleviation and social inclusion of the urban poor – and women in particular – as well as to the greening of the city, the productive reuse of urban wastes, and reduced vulnerability to climate change.
Au regard de ce panorama de l’agriculture urbaine et périurbaine, les questions que nous nous posons sont les suivantes : 1) Quelles formes prend l’AUP au Brésil ? 2) Dans quel contexte normatif évolue l’AUP au Brésil ? 3) Quelles influence et marge de manoeuvre possèdent les acteurs de l’AUP pour mener à bien leurs projets et influencer les politiques publiques[1] ? Et 4) Quelle est la perception du futur de l’agriculture urbaine par ses leaders ?
Méthodologie
Cette recherche en est une de longue haleine qui a débuté en 2014 et qui résulte de l’emploi de méthodes qualitatives variées (analyse de discours et de contenu, analyse par catégories émergentes). Les données ont été recueillies à l’aide d’observations sur le terrain, d’entrevues semi-dirigées en personne et d’un suivi à distance (entre 2014 et 2021), d’une revue de la littérature locale et de la littérature scientifique. Cette recherche a été rendue possible par la Mission Québec-Brésil financée par les gouvernements du Canada et du Brésil. Des séjours de recherche à l’Institut forestier de São Paulo (2014-1016) en tant que professeure invitée ont favorisé les déplacements et l’apprentissage du portugais de la première auteure afin de réaliser les entrevues et ont rendu cette recherche possible avec l’aide d’étudiants stagiaires (dont la co-autrice) et de personnes ressources de l’Institut forestier de São Paulo et de la Réserve de la Biosphère de la Ceinture Verte de São Paulo. L’enquête ayant permis de recueillir les données sur le terrain a porté sur les villes agglomérées de São Paulo (métropole regroupant 39 municipalités, capitale de l’État de São Paulo, au sud-est du pays qui compte plus de 20 millions d’habitants), de Florianópolis (capitale de l’État de Santa Catarina, sud du Brésil, population 794 000 habitants) et de Salvador de Bahia (capitale de l’État de Salvador, nord-est du pays, population de plus de 4 millions d’habitants) (figure 1). Le choix de ces agglomérations s’est fait sur la base des contacts établis dans les universités à partir du réseau sur les politiques publiques en Amérique latine dont la première auteure est membre. Aussi, les différents degrés de développement des initiatives d’AUP ont motivé ce choix afin d’obtenir un panorama le plus large possible des différentes applications et expériences au Brésil. Fait important à noter, la ville de São Paulo s’est démarquée en établissant les premières lois régissant la création de jardins partagés dès 2004 (Caldas et Jayo, 2019) ; Salvador de Bahia a emboîté le pas en 2008 avec une approche différente, découlant du ministère de la Santé qui donna rapidement des résultats concluants, et, enfin, Florianópolis a connu une mise en place plus tardive avec des résultats encourageants.
En tout, ce sont 25 personnes-ressources et jardiniers urbains qui ont été interviewés, après avoir été identifiés avec la méthode boule-de-neige, consistant à l’identification des prochains sujets d’entrevue par les premiers contacts –, et certains le furent plus d’une fois. Une vingtaine de sites d’agriculture urbaine furent visités en compagnie de coordonnateurs de jardins, de représentants d’ONG, de professionnels de recherche et d’employés des villes. Nous avons aussi eu la chance d’assister à plusieurs réunions de démarrage de réseaux d’agriculture urbaine, de conférences et de rencontres universitaires (Université de São Paulo et Université Fédérale de Santa Catarina). Les liens maintenus depuis 2016 avec la plupart des participants au réseau des jardiniers urbains dans les trois villes ont permis de procéder à des entrevues de suivi à distance (entre 2019 et 2021) et d’élargir les horizons de la recherche (tableau 1 et figure 2).
Trois catégories de sujets d’entrevues ont été considérées, chacune d’entre elles apportant de précieuses informations quant à l’histoire des jardins, les motivations des leaders (ou « jardiniers militants » comme les décrit Giacchè, 2016) et des participants, leurs luttes, leurs réalisations et l’appui et la reconnaissance des autorités (tableau 2). Voici en bref les thèmes abordés avec les sujets d’entrevue de chaque catégorie.
Nous avons constaté que certains leaders portent différents « chapeaux » par le fait qu’ils sont actifs dans plusieurs organisations ou dans plusieurs luttes ou sphères d’activités. Ainsi, pour éviter de les compter en double, ils ne sont calculés que dans une seule catégorie, mais leur double appartenance sera parfois soulignée étant donné qu’elle s’avère être une stratégie d’influence qui augmente leur impact politique et leur capacité de réseautage. Certains leaders en AUP sont aussi des étudiants engagés ayant produit des thèses doctorales sur le sujet, publications qui sont nombreuses et qui ont été d’un grand intérêt pour cette recherche (Ruoppolo Biazotti, 2020 ; Nagib, 2016, Lima Gelbcke 2018, Arlego Paraguassú, 2013). La présence de ces personnes-ressources au sein du réseau des jardiniers urbains apporte un soutien durable au mouvement d’agriculture urbaine et parfois se transforme en un appui politique concret lorsque ceux-ci deviennent impliqués en politique municipale ou à d’autres niveaux (c’est le cas de 4 sur 8 des leaders en AUP interviewés).
Cadre théorique
Ayant comme objectif de contribuer à la réflexion sur les politiques publiques qui pourraient accompagner le développement de systèmes alimentaires durables des villes brésiliennes, il nous a semblé opportun de mettre en exergue le rôle des acteurs, artisans du changement en agriculture urbaine et périurbaine. C’est depuis la Théorie de la régulation sociale (TRS) de Reynaud (1997 et 1999 ; de Terssac, 2012) que nous analyserons la négociation entre les acteurs étatiques et non-étatiques qui opère dans le but de créer des outils visant la mise en place de politiques publiques municipales répondant aux demandes et aux besoins en aliments frais et de qualité des consommateurs urbains et périurbains. Utilisée premièrement dans les études sociologiques portant sur l’organisation du travail, la TRS laisse cours aux emprunts par d’autres disciplines – y compris celle de la géographie critique –, qui s’intéressent à la répartition du pouvoir et à l’influence des acteurs concernant des enjeux précis, tels que ceux de la planification et l’aménagement urbain. Parce que la TRS s’intéresse aux jeux des acteurs et à leur marge de manoeuvre dans l’élaboration des règles qui régissent l’accès et la gestion d’une entreprise, d’un service ou d’une ressource, nous avons cru bon, à la lumière des travaux de Le Velly et Bréchet (2011), de l’appliquer au développement de l’agriculture urbaine et des politiques publiques municipales qui la régissent. Ces derniers auteurs l’ont adroitement utilisée pour comprendre les règles du marché alimentaire dans le domaine d’application des cantines scolaires en France et ont démontré la capacité de certains acteurs de l’intérieur du système à créer de nouvelles règles afin de favoriser des achats de produits biologiques locaux. Au lieu de voir ces actions comme des actes individuels de contestation des règles, la lecture que propose la TRS est la négociation des règles par le travail d’acteurs pour la mise en place et la constitution de nouvelles règles. Selon de Terssac (2012), un décalage peut se produire entre la règle écrite et la pratique, dans lequel cas peut se produire un conflit qui obligera les acteurs à négocier de nouveaux arrangements afin d’élaborer conjointement les nouvelles règles. Avec cette recherche, nous proposons une lecture transdisciplinaire afin de vérifier l’utilité de la TRS dans un contexte de gouvernance urbaine, où les citoyens, organisés ou non à l’intérieur de mouvements agroécologiques, revendiquent un droit d’appropriation de terres publiques à des fins nourricières.
Dans des collectifs comme les jardins urbains, les acteurs interagissent et recréent un milieu social et de travail qui comporte ses propres règles. Il en naît un schéma de règles effectives qui guide les actions et la vie de groupe et peut éventuellement servir à la résolution de conflits et la médiation. Les interactions avec l’extérieur, voire les acteurs externes, sont aussi relativement gérées afin de trouver une sorte de légitimité, mais le groupe, peu importe son niveau d’organisation, maintiendra des grandes lignes d’action en lien avec les valeurs et les principes qu’il défend.
Des manifestes sont parfois à la base de la fondation de certains de ces collectifs, comme c’est le cas de celui du réseau des jardiniers urbains (hortelões urbanos) qui accompagna la création du jardin Las Corujas à São Paulo (Giacchè, 2016 ; Nagib, 2016). Ce type de textes fondateurs émet clairement les postures des membres et les demandes faites auprès des différents paliers de gouvernement concernant la capacité de se nourrir sainement, avec des aliments libres de pesticides, et à partir de circuits courts afin que les citoyens regagnent le pouvoir de se nourrir selon leurs préférences (Cockrall-King, 2016 ; Kalfagianni et Skordili, 2018 ; Lima Gelbcke, 2018). L’accent est souvent mis sur l’émergence d’une indépendance alimentaire face aux grands complexes agroindustriels brésiliens qui font l’utilisation des produits chimiques jugés nocifs pour la santé des communautés avoisinantes et des consommateurs (Nagib, 2016).
Par ailleurs, l’autonomie de certains acteurs ayant des postes clés dans des organisations pourra créer des opportunités inattendues et faire débloquer des demandes laissées pour compte. La TRS s’intéresse à la marge de manoeuvre que dégagent certains acteurs en prenant des décisions personnelles ou de groupe pour favoriser des ajustements et des réglages face à des règles désuètes ou incohérentes avec une situation donnée, ou par la volonté de remplir un vide, un besoin (de Terssac, 2012).
Politique nationale et municipale en appui à l’agriculture urbaine au Brésil à partir de l’an 2000
À l’échelle nationale brésilienne, ce n’est qu’à partir de 2003 que l’AUP a commencé à être appuyée par le biais de la politique nationale de réduction de la pauvreté (Castelo Branco et de Alcântara, 2011). Il fallut attendre en 2005 pour que la stratégie d’AUP du Brésil soit institutionnalisée par le biais du Plan National de Sécurité alimentaire et nutritionnel avec le Programme Faim Zéro (2003) (Ibid. ; Arlego Paraguassú, 2013 : 105). C’est le ministère du Développement social et du Combat à la faim (MDS) qui coordonna ce plan sous le mandat du président Luiz Inácio « Lula » da Silva, représentant du Parti des travailleurs (2003-2011). D’abord axé sur la lutte contre la pauvreté et la faim en milieu rural, il fut financé par le Programme National d’agriculture familiale – PRONAF – lequel n’est pas seulement axé sur la production rurale, mais aussi périurbaine et urbaine (Castelo Branco et de Alcântara, 2011 ; Bateman et Brochart, 2013). Le Programme national d’agriculture urbaine et périurbaine en 2004, quant à lui, s’intéressa davantage aux métropoles et permit de stimuler la production et l’organisation des jardins urbains publics et de financer l’achat d’outils et d’intrants et la formation des jardiniers à l’échelle des régions métropolitaines brésiliennes (Bateman et Brochart, 2013).
Il faut dire que la municipalité de São Paulo fut la première ville à adopter une législation spécifique avec sa loi donnant lieu au programme PRO-AURP (Programme d’agriculture urbaine et périurbaine) en 2004 ; celui-ci avait parmi ses objectifs le combat à la faim et la production alimentaire d’autoconsommation. Cette initiative du gouvernement de Fernando Haddad à la mairie de São Paulo (2001-2004) ancra les politiques d’agriculture urbaine au ministère du Travail et de l’entrepreneuriat et permit la création des premiers jardins urbains partagés (Giacchè et Porto, 2015 : 149 ; Giacchè, 2016 ;Caldas et Jayo, 2019). En 2010, après que la gestion de l’AUP soit passée aux mains du ministère de l’Approvisionnement et de l’Environnement, une certification garantissant la qualité des produits de l’agriculture urbaine (le seau Guarapiranga) fut créée afin de faciliter la commercialisation des produits et de protéger les consommateurs (Arlego Paraguassú, 2013 : 105). La production certifiée provient de jardins surveillés qui sont souvent situés sur les sites des APA (aires de protection environnementale) dans la Ceinture Verte de São Paulo. La production biologique y est obligatoire en ces sites (entrevue, directrice de la Réserve de la Biosphère de la Ceinture Verte de São Paulo, mars 2016) étant donné la présence de sources d’eau servant à approvisionner la région métropolitaine (Giacchè et Porto, 2015 ;Braga Moraes et al., 2018).
Dans la ville de Salvador, État de Bahia, le plan directeur de développement urbain de 2008 (loi 7400/2008) traite « l’AU comme un axe de la politique de sécurité alimentaire et nutritionnelle et comme l’une des lignes directrices de l’éducation environnementale » (traduit du portugais, Ville de Salvador, 2008 in Arlego Paraguassú, 2013 : 106-7). La loi régulant la production biologique de la ville de Salvador s’en suivit (2008) en appui aux producteurs agricoles sur des terres publiques ou privées.
Dans la suite des choses, le Plan national d’agroécologie et de production biologique à été lancé à l’échelle nationale en 2012 (ayant une composante AU) et, l’an suivant, l’État de São Paulo lançait le programme São Paulo Biologique (appuyant la tenue de foires biologiques dans les parcs et la production de compost dans la ville) (idem ; Nagib, 2016). Un projet de loi cherchant à encadrer juridiquement l’AU à l’échelle du pays a été déposé en 2015 et approuvé par la chambre des députés en 2017, ce qui donna lieu à la Politique nationale d’agriculture urbaine (Gouvernement du Brésil, 2017). Les objectifs de la loi 906/15 étaient les suivants (Ibid.) :
-
Offrir une sécurité alimentaire et nutritionnelle aux familles dans le besoin ;
-
Favoriser l’occupation des territoires inoccupés ;
-
Offrir une alternative de revenus et une occupation aux familles urbaines, et
-
Créer des liens avec les programmes d’acquisition alimentaire dans les sites institutionnels : écoles, pénitenciers, hôpitaux, garderies, etc.
La décentralisation du pouvoir et la collaboration étroite entre les niveaux de gouvernement sont requis pour la mise en oeuvre de la politique, de manière à satisfaire les besoins locaux et à recevoir l’appui financier et technique du ministère en charge (Gouvernement du Brésil, 2017). Par ailleurs, comme le suggère Arlego Paraguassú (2013 : 107-8) :
Le principal problème de l’établissement d’une politique effective pour l’AU est son intégration dans la planification urbaine, étant donné que la majorité des villes brésiliennes n’ont pas ce type de stratégie d’occupation [territoriale] ordonnée, en plus de subir les pressions du marché immobilier, causant la hausse de la valeur des terres urbaines, ce qui rend difficile de destiner ces terres à des activités de régulation écologique de l’écosystème urbain (traduit du portugais).
Présentation des cas à l’étude
L’analyse de l’ensemble des données recueillies pour les sites étudiés démontre que les facteurs qui influencent le plus fortement la gouvernance et la survie des jardins sont : 1) l’implication citoyenne à l’origine du jardin et la motivation des leaders à porter le projet dans le temps ; 2) la participation citoyenne (bénévoles) dans les activités du jardin et son fonctionnement ; 3) l’appartenance à un réseau de jardiniers dans la ville ou à l’extérieur (incluant le web) ; 4) l’ouverture et l’appui des élus municipaux ; 5) les pressions foncières selon la localisation (les jardins qui connaissent souvent un grand succès sont situés sur des terrains non constructibles : des flancs de vallée, des fonds de cul-de-sac, des terrains sous des lignes électriques de haute tension).
Comme il ne sera pas possible de parler ici de chaque jardin visité, nous nous inspirerons de l’étude de Caldas et Jayo (2019) qui caractérise les jardins urbains et périurbains par leur fonction. Ces auteurs suggèrent les catégories suivantes : « AU de visibilité » (localisée au centre des villes) et « AU d’échelle » (localisée en périphérie des villes). La première catégorie de « visibilité » (à fonction militante et éducative) se retrouve davantage en zone intra-urbaine alors que la deuxième, « d’échelle » ou de « production », est davantage située en périphérie des grands centres ; nous garderons cependant en tête que des variations régionales peuvent survenir selon la taille de l’agglomération urbaine et la localisation des terres vacantes, différence que ne font pas les auteurs Caldas et Jayo dans leur typologie (2019).
Région métropolitaine de São Paulo
Les premières activités ayant pavé le chemin du mouvement d’agriculture intra-urbaine agroécologique dans la métropole de São Paulo prirent naissance dans le quartier cossu de Pinheiros, à l’initiative de leaders issus de la classe moyenne, ayant une formation professionnelle. Ainsi, les premières compostières ont été installées en 2010 dans ce qui deviendrait en 2012 le Jardin des Chouettes (Horta das Corujas), situé sur un terrain vacant en pente, jusque-là utilisé par des visiteurs qui venaient y rôder la nuit (Nagib, 2016 ; entrevue avec la co-fondatrice du jardin, Claudia Visoni, 2016). L’équipe dirigeante du maire de la municipalité de São Paulo, l’une des 39 municipalités de la région métropolitaine, y organisa en 2012 les premiers ateliers sur la gestion des déchets organiques de la ville et en 2015 inaugura la première installation de production de compost à partir des déchets organiques recueillis lors des foires alimentaires dans la ville (Nagib, 2016). Le compost produit était destiné aux jardins intra-urbains pour les plantations horticoles et arborifères. En 2016, sous la gouverne de Fernando Haddad, quatre nouvelles usines ont été mises en fonction par la municipalité de São Paulo, s’alimentant des matières résiduelles de différents sites de production et de consommation (foires, jardins, etc.), ayant les mêmes objectifs.
Horta das Corujas, São Paulo, et le réseau des jardiniers urbains
Après avoir veillé à l’amélioration de la qualité du sol, les deux co-fondatrices de la Horta das Corujas devaient ensuite recruter des jardiniers bénévoles pour s’occuper du jardin collectif. Comme le dit l’une des deux cofondatrices, « un potager a besoin d’une mère et d’un père » (traduit du portugais) et celle-ci de préciser que ces derniers seraient les « gardiens » du potager – assurant la survie et la pérennité de celui-ci – en plus des bénévoles qui se relaient pour effectuer les tâches hebdomadaires qui prennent la forme de corvées.
Les deux mêmes leaders sont aussi à l’origine du réseau social des Jardiniers urbains (Hortelões urbanos) qui se trouve sur Facebook et qui, depuis 2012, a réuni des membres qui dépassent les frontières de la région métropolitaine de São Paulo (en 2021, on compte 83 700 membres dans tout le Brésil et le reste du monde). Cette connexion réalisée par le biais des réseaux sociaux facilite les échanges d’idées, de techniques et de recettes entre les membres et permet de rapidement recruter des bénévoles pour les tâches à réaliser les dimanches, jour de corvées. Le réseau des Jardiniers urbains offre aussi un lieu de diffusion d’idées politiques afin de mobiliser les membres autour d’enjeux particuliers ou lors de campagnes électorales. Il n’est pas exagéré de dire qu’il s’agit d’un groupe militant qui travaille à l’appropriation des espaces urbains par les citoyens et qui soutient différentes causes incluant les droits des cyclistes à la ville, la non-utilisation de pesticides en milieu urbain, la survie des abeilles indigènes et les plantes comestibles non conventionnelles (entrevues avec la co-fondatrice Claudia Visoni, 2016 ; Giacchè, 2016).
Lors des visites effectuées au Jardin des Chouettes, nous avons constaté une convergence des représentants de ces différentes causes qui en font une vitrine pour exposer leurs différentes revendications éco-socialistes. Selon la co-fondatrice, l’objectif premier du jardin est effectivement la sensibilisation de la population vivant à proximité, mais aussi des enfants d’âge scolaire le côtoyant avec leurs enseignants. Le fait de miser davantage sur l’éducation que sur la production a fait en sorte que ce jardin ne génère pas de revenus et que sa production est souvent offerte gracieusement aux passants et aux jardiniers, moyennant le respect de certaines règles du site. Ce jardin n’est pas le seul de cette catégorie « de visibilité », mais il est assez unique avec son libre accès et son ouverture à tous et toutes. Il attire des curieux venant au parc en balade ou pour y pratiquer des activités ludiques, touchant ainsi un grand nombre de personnes. Les nombreux écriteaux expliquant la démarche des jardiniers urbains, les noms des plantes et les fonctions des différents éléments du site (compostière, prise d’eau naturelle, ruches), invitent au respect des consignes (figure 3). Le jardin n’est bordé que par une fine clôture démarquant les limites du site, frontière poreuse avec le reste du parc, le rendant à la fois invitant et vulnérable.
Les jardins de l’ONG Cidades Sem Fome en périphérie de la RMSP
Utilisant les sites vacants en périphérie de la région métropolitaine de São Paulo et sous les lignes de haute tension transportant l’électricité, l’ONG Cidades Sem Fome offre la possibilité à des jardiniers urbains de cultiver un lopin de terre afin d’en tirer un revenu. Les espaces sous les pylônes atteignent une longueur de 7 km dans l’est de la ville et plusieurs lots ont été tracés et préparés pour l’usage des jardiniers (figure 4). Des couples retraités y tirent un précieux gagne-pain ainsi que des aliments pour leur propre consommation, incluant des légumes frais, des fruits et certains produits animaliers (oeufs). Ils vivent souvent à proximité de manière à surveiller leurs parcelles, mais malgré tout, certains se sont plaints de vols (de poules par exemple). Depuis 2004, l’ONG Cidades sem Fome vise à appuyer les familles de l’est de la RMSP qui est un secteur plus démuni. Parmi ses réalisations, on compte 25 jardins communautaires, 38 jardins scolaires et la formation de nombreux jardiniers urbains (Cidades sem Fome, site web). Les techniques de production en serres agricoles y sont enseignées et permettent d’atteindre des rendements de production intéressants, tout en protégeant les cultures des gens mal intentionnés. La perte d’animaux ou de cultures par le vol fait partie des facteurs affectant le degré d’implication de certains jardiniers.
Salvador de Bahia
La forme de jardinage en milieu urbain la plus agroécologique et développée à son plein potentiel se trouve à Salvador de Bahia, haut lieu de la culture biologique au Brésil. Aux dires de certains, c’est de l’État de Bahia que proviennent les semences biologiques qui sont utilisées dans le reste du Brésil. Les visites de jardin ont porté sur le site de la vallée du fleuve Vermelho au centre de la ville de Salvador.
La visite du site d’agriculture communautaire dans la vallée du fleuve Vermelho a révélé un cas de cession de terres de la part de la compagnie d’électricité, sur les deux versants de la vallée, ayant un assez fort gradient d’inclinaison. Cette localisation fait en sorte qu’il est préférable de planter des arbres fruitiers afin de limiter les risques d’érosion. C’est ce que les familles de jardiniers ont fait, un mélange de cultures agroforestières typique des gens de Bahia (on dit au Brésil que cette technique est le « todo misturado », tout mélangé, référant aux arbres et plantes qui poussent ensemble) (figure 5). On y retrouve des bananiers et manguiers en abondance pour maintenir le sol en place et à leur base plusieurs cultures maraîchères variées plantées en association. Ces dernières bénéficient de la présence des feuilles de bananiers ou autres arbres fruitiers qui les protègent des forts rayons du soleil. Ce fut le travail de la municipalité que de diviser cet espace en lots et d’assigner ceux-ci aux familles bénéficiaires sélectionnées par le ministère de la Santé de Salvador. Ces dernières les entretiennent et dégagent un revenu de la vente en kiosque en bordure de rue. Les produits frais apportent un complément alimentaire non négligeable pour les familles vivant à proximité dans les édifices à logements. Chaque lot est clôturé et le seul accès est par la porte du kiosque sur la rue (figure 4). Plusieurs familles en ont fait leur activité économique principale.
Florianópolis, État de Santa Catarina
La ville de Florianópolis, dans l’état de Santa Catarina au sud du Brésil, se démarquait par des initiatives prometteuses en agriculture urbaine en 2016 lors de notre visite. Les premiers partenaires à l’origine de ce mouvement sont les étudiants et leur professeur de l’Université Fédérale de Santa Catarina, qui ont formé le réseau SEMEAR (semer en français) en collaboration avec les ministères de la Santé et de l’Éducation de la ville. Des rencontres hebdomadaires donnaient le ton aux avancées qui avaient pour but de définir une politique publique d’AUP, en prenant comme base de référence le Programme municipal d’agriculture urbaine (PMAU), de 2017 qui avait appuyé la création de 100 jardins dans la ville sur des terres publiques (Ville de Florianópolis, site web). L’institution universitaire a été dans ce cas-ci un acteur principal dans la fédération des partenaires d’AUP, notamment par le biais du Centre d’étude et de promotion de l’agriculture de groupe, le CEPAGRO, qui a plus de 30 ans d’existence[2].
Lors de notre visite en 2016, le mouvement SEMEAR en était à ses balbutiements, ayant été créé en 2015. Grâce à la réalisation d’entrevues de suivi, nous avons constaté que cinq ans plus tard, des avancées importantes ont été réalisées notamment en ce qui concerne : la gestion des déchets organiques à l’échelle municipale (gérée par une entreprise mixte, la COMCAP, qui redistribue le compost aux jardins collectifs de la ville) ; le développement de politiques publiques régissant l’AUP, l’institutionnalisation du discours entourant l’AUP découlant de sa prise en charge par un décret de la ville et une cartographie des sites d’AUP (entrevue membre de SEMEAR, octobre 2020). La pandémie COVID-19 ainsi que les jeux politiques à l’échelle nationale (avec le président par intérim Michel Temer (2016-2018), Jaïr Bolsonaro, 2019-2022 et le retour de Luiz Inácio « Lula » da Silva au pouvoir depuis 2023) ont été des facteurs importants dans la reconfiguration des partenaires et des participants de l’AUP dans l’État de Santa Catarina et des services qu’elle rend. D’une part, après deux ans de développement en force, les changements à la présidence du pays auraient eu des impacts sur la dynamique du collectif appuyant l’AUP et sur leur soutien financier. D’autre part, la crise sanitaire a été un facteur d’appauvrissement dans les villes à partir de 2020, affectant de manière considérable les familles tirant un revenu de la vente au quotidien, souvent dans les espaces publics. Ainsi, les collectifs oeuvrant en AUP ont été pressés de produire de plus grands volumes pour contrer la faim de différents groupes de la population (entrevue de suivi, personne-ressource de SEMEAR, 2021).
Les entrevues de suivi ont permis de comprendre les conséquences qu’ont les changements politiques à différents échelons de gouvernance de l’AUP. Comme ailleurs au Brésil, le fait que les jardiniers urbains réclament des produits libres de pesticides (agrotoxicos) semble être déterminant pour les camper dans le positionnement idéologique d’une gauche critique de l’agrobusiness. Le fait de s’allier avec certains politiciens locaux tenant un discours en faveur de l’agroécologie peut à la fois agir en faveur des jardiniers urbains, comme il peut aussi représenter une source de vulnérabilité lorsque leurs alliés sont relégués au rang de l’opposition à la mairie. Ce fut le cas du groupe SEMEAR de Florianópolis qui écopa de l’alternance des partis au pouvoir à l’échelle de la municipalité et qui s’est retrouvé marginalisé. Il semble que l’agriculture urbaine se soit institutionnalisée, mais que la locomotive soit partie seule, laissant le train de citoyens impliqués derrière. Une situation de bris de dialogue semble exister actuellement entre certains représentants des ministères de la Santé et de l’Éducation de la Ville de Florianópolis d’une part, qui ont le budget et le pouvoir décisionnel quant au développement de l’AUP, et d’autre part, le groupe de citoyens du réseau SEMEAR ayant promu l’AUP à Florianópolis depuis 2015, et qui détient la capacité d’agir (savoir-faire, main-d’oeuvre). Ces acteurs de l’AU étant divisés maintenant par des questions d’allégeance politique, il semble que le développement des jardins urbains ait été sinon arrêté, au moins très ralenti en 2019-2020. Il y a tout de même espoir que les activités reprennent avec un éventuel changement de gouvernement municipal (entrevue de suivi avec une membre de SEMEAR, 2021). Un autre changement législatif important est le fait que, depuis 2018, un règlement empêche l’utilisation de produits toxiques en agriculture sur l’Ile de Santa Catarina où se trouve la ville de Florianópolis, sa situation justifiant la protection de l’environnement marin (idem).
Application de la théorie de la régulation sociale
Par le biais de l’étude de l’action publique, la théorie de la régulation sociale (TRS) reconnaît la pluralité des acteurs, leurs préférences, leurs valeurs et leurs choix. Les leaders d’AUP, les jardiniers y participant et les personnes ressources en appui sont les acteurs étudiés. Les jardins urbains, qu’ils soient de visibilité ou de production d’échelle, sont des endroits de rencontres, de collaboration, de partage et d’élaboration de nouvelles règles locales. Les chances qu’ont les jardins de perdurer dans le temps et de se faire reconnaître augmentent avec la constance des efforts de leurs leaders et le développement de partenariats avec les alliés internes et externes. Peu importe les couleurs des représentants du pouvoir municipal, l’AUP se justifie soit par sa contribution au revenu et au bien-être familial (éléments du discours des partis du centre et de la droite politique), soit par ses activités de réclamation/réappropriation de l’espace urbain par les citoyens et de réponses aux besoins alimentaires urgents en temps de crise (discours des partis de la gauche). Malgré le fait que les autorités aient été parfois lentes à répondre et à officialiser ouvertement leur appui à l’AUP, il appert que l’exercice de l’activité de jardinage en milieux urbain et périurbain ait continué en marge de la règle vécue, parfois perçue comme une activité temporaire, jusqu’à l’atteinte d’une reconnaissance qui lui confère le « droit d’exister ». Par exemple, pour la Horta Comunitária da Saúde (jardin communautaire de la Santé) fondée en 2013 dans la ville de São Paulo, huit années de lutte ont été nécessaires pour obtenir la reconnaissance de la part des autorités de la ville afin de garantir l’utilisation d’un terrain vacant au bout d’une rue (entrevues avec feu Sergio Shigeeda, coordonnateur du jardin de la Santé, 2016 et 2020), ce qui fut octroyé récemment en 2021 avec le « Programme des objectifs 2021-2024 » de la ville de São Paulo visant la création de 400 jardins intra-urbains (Ville de São Paulo, 2021 : 48).
Les jeux des leaders et autres personnes ressources de l’AUP autour des règles ont été révélés par les entrevues de la part de ceux qui parviennent à dégager une marge de manoeuvre à l’intérieur des systèmes. Il a été possible d’observer des actions individuelles telles que : 1) la réallocation de fonds à la Ville de São Paulo de la part d’un fonctionnaire du ministère du Travail en faveur de l’agriculture urbaine (afin de créer des bourses de travail pour les jardiniers urbains, fonds qui autrement auraient servi pour une autre activité) ; 2) l’utilisation de l’influence et de la visibilité conférée par les médias sociaux afin d’augmenter la popularité et de garantir la continuité des jardins urbains dans le temps, et 3) l’utilisation fréquente d’une double appartenance institutionnelle pour sécuriser les acquis et collaborer à la création d’outils pour développer des politiques publiques municipales d’AUP. Tel que la TRS le soutient, l’acteur qui se rebelle et choisit d’intervenir personnellement en faveur d’une cause à l’intérieur du système n’a pas seulement la volonté de contester les règles, mais d’en créer de nouvelles. Ainsi, il dévoilera une pluralité de sources de régulations légitimes : les acteurs « tentent d’exercer leur autonomie en grignotant des marges de manoeuvre ou en négociant » (De Terssac, 2012 : 10). En effet, garantir la pérennité des jardins urbains partagés dans les villes brésiliennes étudiées a souvent été un défi de taille pour les leaders en AUP, malgré le fait que des programmes supposément favorables à leur déploiement eurent été développés antérieurement. Cette contradiction justifie le choix du cadre théorique de cette recherche car elle permet de saisir l’importance des jeux des acteurs dans la politique municipale et l’écart entre la règle affichée et la règle vécue. Plusieurs leaders (4/8) convaincus du bien-fondé de l’AUP ont utilisé comme stratégie l’engagement dans la politique municipale pour maintenir leurs acquis et apporter des changements durables. Le plan d’aménagement 2021-2024 de la Ville de São Paulo est le résultat le plus probant de leurs luttes.
Discussion : implications pour les politiques publiques en appui à l’agriculture urbaine
Les discussions avec les coordonnateurs des jardins des trois régions métropolitaines brésiliennes étudiées ont permis de faire émerger un cadre propice pour développer des politiques publiques favorisant l’établissement de l’AUP dans les municipalités. Ce sont les demandes formulées par les leaders et les équipes de jardiniers bénévoles auprès des instances municipales (Mougeot, 2005b) qui peuvent générer de meilleurs outils afin d’améliorer l’intégration des politiques à tous les échelons décisionnels pour soutenir l’AUP. Parmi les gains réalisés de la part des militants d’AUP des métropoles brésiliennes de cette étude, on notera :
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la création de liens entre l’AUP et les programmes d’approvisionnement pour repas scolaires à l’échelle nationale, découlant de la politique des achats locaux et biologiques obligatoires depuis 2003 (Bateman et Brochart, 2013) ;
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la mise en place de réglementations phytosanitaires à l’échelle des territoires de production (ville, états) ;
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l’obtention d’appui des municipalités ou de compagnies privées pour rendre des terrains disponibles ou produire et distribuer du compost pour les jardins, et
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la création de bourses pour la réinsertion socioprofessionnelle et la formation de jardiniers.
Aussi, le suivi effectué en 2020-2021 a permis de constater des progrès dans la reconnaissance officielle des jardins intra-urbains figurant comme l’un des 75 objectifs à atteindre par la municipalité de São Paulo d’ici 2024, visant à rendre la ville plus juste, équitable et durable (Ville de São Paulo, 2021 ; entrevue avec la coordonnatrice de la Horta das Corujas, 2021). Les luttes menées par les personnes ressources en AUP trouvent un débouché heureux lorsque les nouvelles politiques publiques en AUP garantissent : 1) la continuité de l’utilisation du territoire ; 2) l’expansion des parcelles de jardinage en culture agroécologique et leur multiplication ; 3) l’accès à des fonds publics pour les infrastructures de base et les dépenses de fonctionnement ; et 4) le droit de commercialisation des produits du jardinage.
Quel est le futur de l’AUP au Brésil ? À notre grande surprise, pour une majorité de leaders et chercheurs universitaires interrogés, le futur de l’AUP passe par la production familiale en périphérie de la ville car celle-ci offre davantage de volume de production et d’ancrage territorial permettant des investissements sur le long terme et le recrutement de familles qui en font leur gagne-pain principal. De plus, l’AU familiale en périphérie se justifie mieux par sa contribution à la création de revenus et d’emplois. Toujours selon les leaders interviewés, jusqu’en 2021, l’agriculture intra-urbaine dans les villes de São Paulo et de Florianópolis n’était pas reconnue par les instances décisionnelles locales dans sa fonction éducative ni sociale et était dévalorisée étant donné sa faible productivité (peu de valeur économique), malgré l’existence de programmes l’ayant officialisée sur papier. Plusieurs politiciens et citoyens la jugeaient négativement car associée à un courant politique réactionnaire. Pour les autres, l’AUP devrait conserver sa nature de « mosaïque » (leader en AUP, entrevue, 2021) offrant différents services sous différentes formes : il demeure essentiel de conserver des jardins intra-urbains faisant office de parcelles de démonstration et de sensibilisation qui s’insèrent bien dans les infrastructures vertes des villes. Ces jardins intra-urbains offrent des aires de repos et l’opportunité de verdir des quartiers, procurant ainsi des oasis de verdure et de tranquillité au coeur des grandes villes bétonnées surchauffées. Il serait donc important de concevoir des politiques publiques capables d’encadrer l’existence d’une diversité de formes d’AUP en promouvant une vision de développement de l’agriculture de proximité en harmonie avec les préférences des jardiniers et en encourageant les jardiniers à devenir des acteurs de changement durable.
Conclusion
Étant donné que l’approvisionnement en aliments frais, propres et locaux correspondant aux préférences de plusieurs groupes de consommateurs urbains est un élément important de la qualité de vie, sans parler de l’amélioration de la diète et du bonheur de cultiver un jardin partagé, l’agriculture urbaine est sans aucun doute une activité enrichissante pour les citadins et leurs familles. Parmi les nombreux services qui découlent de cette activité productive exercée dans le centre des villes brésiliennes ou à leur périphérie, plusieurs jardins partagés ont le potentiel de verdir le cadre de vie urbain. Les décideurs doivent demeurer attentifs à la demande citoyenne croissante de préserver et d’intégrer les jardins partagés, qu’ils soient éducatifs ou de production d’échelle, aux infrastructures vertes au sein du tissu urbain ou à sa périphérie. L’agriculture de proximité est un outil non négligeable de lutte contre la pauvreté et la malnutrition au Brésil, ce qui semble encore plus vrai dans les moments de crises sanitaires. Malgré les efforts consentis par différents paliers de gouvernement au Brésil, il reste à institutionnaliser l’agriculture urbaine à l’échelle municipale afin de reconnaître sa valeur et ses fonctions et de la vulgariser dans le cadre d’un service essentiel à la vie urbaine. La théorie de la régulation sociale s’est avérée utile pour comprendre le caractère unique des transactions et des arrangements de pouvoir à l’échelle municipale afin de garantir la pérennité de l’agriculture urbaine communautaire.
Malgré de nombreux efforts et des luttes informelles livrées par les coordonateurs de jardins, plusieurs d’entre eux acceptent de dire que le temps est venu de se doter d’un cadre juridique plus large et englobant, permettant la démocratisation de l’agriculture urbaine, renforçant son effet de ruissellement global et diversifiant l’éventail de ses services. Les processus observés d’institutionnalisation de l’AUP dans les régions métropolitaines de São Paulo, Salvador de Bahia et Florianópolis fournissent des pistes de réflexion pour ancrer une stratégie de développement de l’AUP à un ou des ministères (divisions à l’échelle métropolitaine brésilienne), sans par ailleurs négliger la communication avec la base (équipes de jardiniers urbains) et être à l’écoute de leurs besoins précis. Il s’avère important que les instances décisionnelles demeurent bien au fait de la réalité vécue sur le terrain de manière à réduire l’écart entre la règle affichée et la règle vécue.
Quant aux guerilleros verts, ils pourront être reconnus pour avoir montré la voie et souligné l’importance de l’appropriation citoyenne des espaces verts urbains et de leur production alimentaire, mais il est souhaitable qu’un dialogue s’établisse ou soit maintenu entre eux et les autorités municipales peu importe les mandataires élus afin d’atteindre le développement durable de l’AUP pour le bien de tous et toutes. Si une telle situation d’équilibre est atteinte, la dynamique de confrontation cèdera place à une dynamique d’engagement de tous les acteurs travaillant à l’élaboration commune de nouvelles règles pour le déploiement de l’AUP au Brésil.
Appendices
Remerciements
Les autrices sont reconnaissantes de l’aide octroyée par le gouvernement du Canada dans le cadre du projet de recherche conjoint Canada-Brésil sur la gouvernance environnementale en 2014-2016. Des remerciements particuliers sont adressés aux fonctionnaires de l’Instituto Florestal de São Paulo, notamment son ancien directeur, Edgar de Luca, et de la Réserve de la Biosphère de la Ceinture Verte de São Paulo, notamment son ancienne directrice, Malu Gandra, qui ont rendu possibles les enquêtes sur le terrain et facilité les activités de réseautage. Les remerciements vont aussi à tous les leaders en agriculture urbaine rencontrés qui ont eu à coeur de partager le fruit de leur travail et leurs réflexions.
Notes
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[1]
Dans cet article, nous définissons la politique publique comme « un document rédigé par des acteurs gouvernementaux présentant leur point de vue sur un sujet susceptible de générer une action publique et, accessoirement, les aspects juridiques, techniques, pratiques et opérationnels de cette action » (Turgeon et Savard, 2012 : 1).
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[2]
Celui-ci rassemble les étudiants et chercheurs des sciences agronomiques, de l’éducation et autres intéressés par le thème de l’agroécologie et de l’agriculture urbaine. D’anciens étudiants sont devenus jardiniers et certains se sont impliqués en politique municipale, ce qui est venu compléter la force de frappe du mouvement.
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