Abstracts
Résumé
Cet article s’intéresse à la croissance spectaculaire du tourisme de masse dans la petite ville de Lijiang sur les marches sino-tibétaines. L’auteur, anthropologue ayant cumulé dix-huit années d’expérience dans la région, présente un essai sous forme de réflexion ethnographique sur les dimensions économiques et culturelles de la rencontre touristique mettant la population locale naxi en présence de l’Autre, qu’il soit han ou étranger à la Chine. En dépit d’un influx massif de richesses liées au commerce touristique, une partie de la population locale n’est guère plus prospère qu’il y a vingt ans, tandis que le tourisme accentue des clivages ethniques et sociaux anciens. On note en particulier un changement dans les images de la « naxi-tude » produites à des fins de consommation touristique, ainsi que dans la manière dont ces images deviennent importantes pour le remodelage des identités locales.
Mots clés:
- McKhann,
- tourisme,
- ethnicité,
- Chine,
- Naxi
Abstract
This paper is concerned with the spectacular rise of mass tourism in the small town of Lijiang on the Sino-Tibetan frontier. The author is an anthropologist with 18 years experience in the region, and presents the essay as an ethnographic reflection on the economic and cultural dimensions of the tourism encounter between local Naxi natives and Han and non-Chinese “others”. Despite massive infusions of tourist wealth, some locals are little better off than they were 20 years ago, and for others tourism has led to an intensification of social and ethnic cleavages. Of particular interest are the changing images of “Naxiness” produced in the encounter for tourist consumption, and the ways in which the images become important in the refiguring of Naxi identities.
Key words:
- McKhann,
- tourism,
- ethnicity,
- China,
- Naxi
Article body
Lijiang, une petite ville de 60 000 habitants, est située à la limite du plateau tibétain dans le nord-ouest de la province du Yunnan (République populaire de Chine). L’économie de cette région est traditionnellement centrée sur l’agriculture et l’élevage, mais elle est aussi commerçante du fait de la position de la ville sur une route caravanière reliant la Chine au Tibet. À cet équilibre pluri-séculaire s’est ajoutée l’exploitation forestière au cours des dernières décennies.
Mais c’est dans les années 1990 que tout a basculé. Pratiquement non existant avant le milieu des années 1990, le tourisme national et international a supplanté la coupe forestière comme industrie de premier plan. Le nombre de touristes/jours par an est passé de 100 000 en 1991 à 3,1 millions en 1999, tandis que les revenus touristiques croissaient de 16 millions de RMB à 1,3 milliard environ[2]. Cette croissance phénoménale a fait des riches, mais un bon nombre d’agriculteurs et d’éleveurs dans les villages de la région n’y ont pas trouvé leur compte. Qui plus est, la compétition féroce pour la manne touristique (« S’enrichir, c’est glorieux! », clame le slogan en vogue) a contribué à générer de nouveaux clivages dans la société locale en plus d’en exacerber d’anciens[3].
À Lijiang, l’architecture traditionnelle, les minorités ethniques aux tenues bigarrées et la grande beauté naturelle du site conjuguent une triple invitation à la visite sur laquelle s’est abouchée l’industrie touristique. Sur le plan de l’architecture, le centre traditionnel est constitué d’une ville ancienne (gu cheng) charmante et bien préservée, labyrinthe d’allées pittoresques bordées d’échoppes et de maisons de bois centenaires. Ce centre est divisé par d’étroits canaux sertis d’arbres qu’alimente une source unique. Durant la poussée modernisatrice des vingt dernières années, la grande majorité des villes de Chine remplacèrent leurs quartiers anciens par des quadrillages de larges rues bordées de constructions de béton. À Lijiang, dès les années 1950, une décision inhabituelle pour l’époque visa à préserver la Vieille Ville et à implanter les édifices modernes dans une zone voisine, qu’on appela la Ville Nouvelle. C’est au cours des dernières années que cette décision quasi visionnaire commença de rapporter des dividendes grâce au tourisme han[4] du reste de la Chine venu visiter cette réminiscence d’une ville du passé.
Lijiang est également le siège administratif du Comté Autonome Naxi de Lijiang, symbole de la puissance historique à l’échelle locale d’un groupe tibéto-birman officiellement appelé les Naxi, minorité dominante. Au recensement de 1990, les Naxi étaient au nombre de 278 000, les deux-tiers vivant dans le Comté de Lijiang où ils forment 58 % de la population. Les principaux autres groupes sont, en ordre d’importance démographique décroissant, les Han, Bai, Pumi, Lisu et Tibétains (Guo et He 1994 : 2-4). Il est piquant que cet endroit peuplé de minoritaires soit devenu un site important de l’imaginaire historique des Han. Mais c’est également fort compréhensible. Dans les représentations populaires renforcées par la télévision d’État, les chorales et troupes de danses, les nationalités minoritaires (shaoshu minzu) sont des sociétés simples et amicales qu’il est agréable de visiter, mais elles sont également considérées comme arriérées. Voyager jusqu’au domaine des minoritaires, c’est retrouver un Soi simple et ancien.
Un des principaux attraits de Lijiang est son paysage naturel. L’agglomération se situe dans un joli bassin montagneux que domine à son extrémité nord un spectaculaire pic coiffé de neige, la montagne du Dragon de Jade. Le long de la paroi occidentale de ce pic, court une gorge saisissante, la gorge du Tigre Bondissant, qu’a creusée le cours tumultueux de la rivière du Sable Doré. La montagne et la gorge sont accessibles en un jour à partir de la ville, notamment depuis que de bonnes routes goudronnées ont été ouvertes. Plus loin, à une bonne journée de bus de Lijiang, se trouve le lac Lugu, profond et clair, d’une exquise couleur, dont le principal intérêt par-delà la beauté du site et les promenades en bateau est sans conteste la présence sur ses rives d’un groupe ethnique d’allure pittoresque, les Moso, que l’on considère officiellement comme un sous-groupe des Naxi.
Les principes guidant le développement du tourisme dans la Chine communiste sont bien connus. Depuis la révolution de 1949 jusqu’après la mort de Mao en 1976, le tourisme international et intérieur était étroitement lié au politique. À partir de 1978, sous l’impulsion des « Quatre modernisations », les planificateurs de l’État se tournèrent vers le tourisme international en tant que source de devises fortes, et la décennie 1980 vit arriver les touristes étrangers et se constituer une infrastructure touristique nationale (Zhang 1995 : 3-6). Soutenues par un taux de croissance économique vigoureux, les années 1990 connurent une augmentation importante des revenus par personne en Chine, notamment dans les zones urbaines du sud et de l’est, accompagnée d’une croissance rapide du taux de consommation, incluant les déplacements dans un but de loisir (Qiao 1995 ; Gormsen 1995). Aujourd’hui, si les Chinois voyageant à l’étranger sont toujours relativement peu nombreux, ils dominent de manière absolue le marché du tourisme intérieur.
Lijiang ne fait pas exception à cette tendance nationale. Ma première visite date de 1983, alors que mon emploi d’enseignant de l’anglais à l’Université du Yunnan à Kunming me permit de prendre un congé. À l’époque, il n’y avait dans tout le Yunnan qu’une vingtaine de résidents étrangers, et Kunming était la seule ville « ouverte » de la province. Il ne nous était ainsi possible d’entrevoir la province que munis d’une dispense officielle, uniquement à l’occasion des vacances du festival du Printemps (le Nouvel An). Et encore fallait-il être accompagné d’un collègue désigné par son unité de travail. Mon compagnon pour cette première visite était un jeune enseignant han de mon département qui, dès notre arrivée, nous dirigea sur le meilleur des deux hôtels de la ville, le Guest House d’État numéro Un de Lijiang[5]. J’allais bientôt apprendre que les vacances y revêtaient un caractère résolument spartiate. La routine réglementaire incluait le réveil aux aurores pour la gymnastique collective rythmée par les haut-parleurs publics, lesquels enchaînaient sur les nouvelles de 6 heures. Suivait l’inévitable passage dans les lieux d’aisance collectifs et la toilette en groupe, pour être ensuite convoqués au son de la cloche dans la salle des repas proposant un menu unique, chacun étant tenu d’avoir en main le réglementaire coupon de rationnement pour le riz. Seul, au-dessus de la porte de la salle des repas, l’aspect défraîchi d’une banderole souhaitant « Longue vie au président Mao! » pouvait laisser deviner que Lijiang entrait dans une période de réforme.
La progression de l’infrastructure touristique
Au cours des 18 années qui ont suivi cette première visite, je suis souvent retourné à Lijiang pour mes recherches. Mais aujourd’hui, les bâtiments trapus de style soviétique des années 1960, les rues étroites, les vélos, les carrioles et les chevaux qui caractérisaient la Ville Nouvelle ont été remplacés par des buildings de verre et d’acier rutilants alignés le long de larges boulevards, eux-mêmes encombrés par des centaines de voitures-taxi. Les villages et les fermes de la périphérie d’autrefois ont cédé le pas à une banlieue plantée de complexes résidentiels. En raison d’une stricte réglementation sur la construction, la Vieille Ville a toutefois conservé l’essentiel de son caractère et de son charme. Mais au tofu, aux nouilles, à la maroquinerie, à l’huile et aux échoppes de riz d’autrefois se sont substitués les antiquaires, l’art ethnique, le jade birman, la statuaire érotique, la pharmacopée spécialisée, Kodak et Pepsi Cola. Les touristes arrivent par centaines dans les Boeings et les cars de tourisme et s’abattent par vagues sur la ville. Chaque vaguelette de cette marée suit son guide local aisément reconnaissable à sa fausse livrée naxi, à son fanion et à son bugle (petite trompette), mais on achète ses souvenirs aux boutiques tenues par des étrangers. Écoeurés du regard inquisiteur du touriste, plusieurs anciens résidents ont fui vers les banlieues.
La capacité d’hébergement et de transport sont deux indicateurs utiles de la croissance touristique. Le nombre d’hôtels à Lijiang est passé de deux, à la fin des années 1980, à une vingtaine de grands établissements en 1998 et plusieurs douzaines d’établissements plus modestes. Le coût moyen pour une chambre est passé de 20 à 160 RMB. Plusieurs grands hôtels jouissent d’une cote internationale trois étoiles, et le seul établissement cinq étoiles de la province, le Guafang, appartient à un consortium de Kunming. « Guafang » se traduit par « résidence pour les officiels » et les tarifs vont de 100 $ US pour une chambre normale, à 1 000 $ US pour la suite présidentielle. Le Guagang n’accepte pas les devises chinoises.
Depuis 1996, le nombre de lits disponibles à Lijiang croît à la vitesse moyenne de 400 par mois (IHT 1999), si bien que les autorités ont estimé la capacité totale d’hébergement pour l’été 1999 à 13 500 lits. Mais cette année-là, le Festival du Printemps de Lijiang fut si populaire que tous les hôtels furent saturés, et il a fallu trouver 1 300 lits supplémentaires dans les écoles et les maisons privées. Certains groupes de touristes furent hébergés à 2 ou 3 heures de la ville, d’autres finirent par dormir dans la rue. Le fait que pareil déplacement de touristes se produise à une époque traditionnellement consacrée à la famille à domicile dénote un changement considérable de l’attitude des Chinois face au tourisme.
Entre le milieu des années 1980 et l’année 1994, la majorité des touristes se rendaient à Lijiang en bus : 2 jours depuis Kunming (ou 14 heures par express de nuit) ; 12 heures depuis la gare de Jinjiang[6]. À cette époque, un pourcentage notable de ces visiteurs étaient d’origine étrangère, en majorité des jeunes Occidentaux voyageant sac au dos et disposant de suffisamment de temps et d’argent pour se permettre d’utiliser Lijiang comme étape vers Lhasa.
Aujourd’hui, plus de 90 % des touristes visitant Lijiang sont issus de la nouvelle « classe de loisirs » (« leisure class », MacCannell 1976) chinoise, et ils ne tolèrent plus de passer des jours entiers en bus pour s’y rendre. Un aéroport capable de recevoir des avions à réaction fut construit en 1994 à 30 km de Lijiang. Pendant quelques années, on n’y reçut que 3 ou 4 vols par semaine, provenant tous de Kunming. L’été 1999, ce chiffre était passé à environ 5 vols quotidiens depuis la capitale provinciale, plus deux vols par semaine de Guangzhou et un de Beijing.
On pourrait citer maints autres exemples de développement des infrastrustures touristiques, comme l’augmentation du nombre de restaurants, de taxis, de bus locaux et de bureaux touristiques, ajout de nouvelles et de meilleures routes, la multiplication des boutiques, des banques et des boîtes de nuit. Comme le veut la sagesse populaire, se référant au nouveau district de Shangri-La dans la partie ouest de la ville : « yinhang he binguan bi cesuo hai duo le! » (« on y trouve plus de banques et d’hôtels que de toilettes! »).
Vendre le « Shangri-La »
C’est en 1986, quand la Vieille Ville fut classée trésor national chinois, que la réputation de Lijiang en tant que destination touristique commença de croître. Dans les années qui suivirent, plusieurs documentaires télévisés furent produits et largement diffusés, incluant ma modeste présentation d’un mariage naxi « traditionnel » qui figura aux nouvelles nationales. D’autres furent nettement plus importants, dont une série de quatre heures de la National Geographic Society diffusée sur le réseau PBS aux États-Unis. La ville a également été l’objet de nombreux reportages dans le cahier Travel du New York Times ainsi que dans d’importants journaux internationaux et chinois.
Cependant, le facteur ayant le plus contribué à stimuler l’essor du tourisme à Lijiang fut l’inscription de la Vieille Ville, en 1997, sur la liste des sites du patrimoine mondial de l’UNESCO. Cette reconnaissance advenait juste un an après qu’un tremblement de terre de forte magnitude eut frappé la région (7 à l’échelle de Richter), avec des conséquences qu’on avait d’abord crues désastreuses mais qui, après évaluation détaillée des dégâts, se sont avérées mineures. Le plus gros du travail de « reconstruction » fut en fait une période d’intense expansion, notamment touristique, rendue possible (du moins est-ce la rumeur populaire) par d’habiles tractations du gouverneur naxi de la province, He Jiaqiang, qui remplissait alors son second mandat.
Forts de cette reconnaisance par l’UNESCO, les bureaux de promotion touristique locaux, provinciaux et nationaux s’affairèrent plus que jamais à vendre Lijiang. Cet effort se trouva stimulé par plusieurs visites très médiatisées de la part de hauts dignitaires, incluant le président Jiang Zemin et le premier ministre Li Peng, sans parler du roi et de la reine de Norvège. Après trois années d’une croissance touristique extraordinaire, même le conseiller culturel de l’UNESCO pour la région Asie-Pacifique était forcé d’admettre que « la croissance touristique de Lijiang est totalement hors de contrôle » (IHT 1999).
La plus récente de ces manoeuvres publicitaires, consistant à reconnaître en Lijiang le « Shangri-La » original, est le sujet d’une amusante histoire. Au milieu des années 1990, un habitant de Lijiang, qui était depuis le début des années 1980 l’imprésario de la populaire Association de Musique ancienne Dayan, commença à raconter à son auditoire, majoritairement composé d’étrangers, que la ville voisine de Zhongdian, habitée par les Tibétains, avait servi de modèle pour le Shangri-La du fameux roman Lost Horizon de James Hilton (1933). Mais le jour où Zhongdian commenca à récolter des bénéfices tangibles de cette publicité inattendue, notre conteur modifia son discours et proclama désormais que c’était Lijiang qui était en fait le Shangri-La. On comprend que les autorités de Zhongdian furent promptes à réagir en organisant une conférence dont les éminents participants (incluant un vice-gouverneur de la province et plusieurs lettrés de Kunming) affirmèrent que la première version de l’histoire était la bonne. Ne voulant pas être en reste, les autorités de Lijiang embrigadèrent leur propre batterie de savants qui débusquèrent un minuscule village du comté, Xiang-ge, devenu dès lors « Xiang-ge-li-la » (Shangri-La). Finalement, Shangri-La fut en 1999 le sujet d’une exposition du Musée de la Culture Dongba de Lijiang et on installa des panneaux publicitaires aux points névralgiques de la ville mettant en scène Joseph Rock, explorateur américain dont les reportages sur Lijiang publiés autrefois dans le National Geographic Magazine sont censés avoir suggéré l’idée à Hilton.
Le pouvoir symbolique de l’exotique est inépuisable. Le Myth of Shangri-La de Bishop (1989) et le Virtual Tibet de Schell (2000) discutent le besoin périodique qu’a l’Occident de réactiver ses fantasmes à l’endroit de la chose tibétaine, et le Völkerkundemuseum de l’Université de Zürich a récemment monté une exposition sur le sujet (voir Brauen 2000 et Opitz 2000). À Lijiang, le débat sur Shangri-La, qui a toujours cours, va plus loin : le fantasme occidental d’un Autre imaginaire procure aux Naxi le fondement du fantasme d’un Soi imaginaire. Quelque part dans le courant de ce processus d’« auto-orientalisation », l’Américain Joseph Rock s’est vu attribuer le statut d’ancêtre sacré des Naxi.
Problèmes au Paradis
Le comité sur le patrimoine Mondial de l’UNESCO (1997) décrit la Vieille Ville de Lijiang comme « une ville ancienne exceptionnelle sise dans un paysage grandiose, représentant la fusion harmonieuse de différentes traditions culturelles, et produisant un paysage urbain d’une qualité hors du commun ». En un mot, Shangri-La. Mais, comme dans la vallée de rêve de Hilton, la venue d’étrangers à Lijiang n’est pas sans causer sa part de problèmes. La société de Lijiang a toujours connu des tensions, mais à la différence des années maoistes, quant tous étaient égaux en pauvreté, l’écart entre riches et pauvres au cours des dernières années s’est beaucoup accentué.
« Servez le peuple! » (« Wei renmin fuwu! ») exhorte l’incontournable slogan du Parti Communiste. Mais qui exactement sert-on, et comment, telle est la question que soulève l’analyse de l’industrie touristique à Lijiang. En 1998, les revenus du tourisme pour les quatre comtés formant la préfecture de Lijiang s’élevaient à 1,06 milliard de RMB, soit près de 1 000 RMB par habitant (Zhou 1999). Toutefois, la quasi-totalité de cette somme fut générée dans le seul comté de Lijiang. Et là, c’est la ville de Lijiang et les quelques entrepreneurs touristiques établis sur sa périphérie, aux croisements des flux du tourisme de masse, qui sont la source principale de cette richesse.
Il ne fait aucun doute qu’un grand nombre de résidents anciens de la ville, des gens ordinaires, profitent de ces années fastes. Les propriétaires de restaurants et de guest houses, les hôteliers, les chauffeurs de bus et de taxis, même les gardiens des boutiques touristiques peuvent empocher 20 000 à 30 000 RMB par an, ce qui représente 5 à 6 fois le niveau moyen du revenu national par personne (SSB 1998). En revanche, il est difficile de chiffrer quelle est la part des revenus du tourisme qui prend le chemin de l’extérieur ou qu’empochent les travailleurs et commerçants de l’extérieur opérant sur place. Cette portion est certainement importante. La presque totalité des grands hôtels, des banques et sociétés de grand capital, incluant les lignes aériennes, les compagnies de bus, etc., sont la propriété de Chinois de l’extérieur ou de groupes étrangers. Qui plus est, la plupart des emplois de niveau moyen ou élevé dans ces secteurs (les mieux payés de la ville), sont occupés par des gens de l’extérieur, et ces derniers possèdent un grand nombre de boutiques, petits hôtels et restaurants de Lijiang. À combien s’élève le montant exact de ces sommes ponctionnées localement et redirigées vers l’extérieur par l’entremise de ces intermédiaires économiques ? Nul ne pourrait le dire.
Sans savoir où exactement va cet argent, on sait où il ne va pas, c’est-à-dire vers la population rurale du Comté de Lijiang. Pourtant, il est vrai que l’affluence touristique et le besoin de se restaurer occasionne une demande accrue pour la viande et les produits maraîchers locaux, en quantité et en qualité supérieures à tout ce qu’on avait connu jusqu’alors. Il y a dix ans, Lijiang comptait une place de marché située au coeur de la Vieille Ville. Ce marché a depuis été déménagé à un endroit moins en vue et moins commode pour certains, tandis que six nouvelles places de marché se sont ajoutées. Toutefois, les retombées pour les producteurs locaux ne furent pas ce qu’on aurait pu croire. En 1997, 82 % des habitants du comté de Lijiang étaient des agriculteurs, et 20 % d’entre eux avaient un revenu par personne de moins de 500 RMB par an. Même dans la région du bassin central de Lijiang, qui connaît les revenus agricoles les plus élevés, seulement 30 % des familles de producteurs agricoles ont perçu en 1997 un revenu situé entre 1 000 et 1 500 RMB, alors que 70 % gagnaient entre 500 et 1 000 RMB. Seuls quelques villages dans la périphérie immédiate de la zone urbaine avaient atteint le niveau national moyen par personne de 3 000 RMB (Du 1998). Si l’histoire montre que les paysans de Lijiang furent toujours très pauvres par rapport à la moyenne chinoise (et même par rapport aux standards du Yunnan), ces chiffres nous confirment qu’en dépit d’un revenu moyen par personne de 1 000 RMB dans le comté depuis le boum touristique, ces paysans figurent toujours parmi les plus pauvres.
Si le tourisme n’a pas réussi à améliorer le niveau de vie économique de la population rurale de Lijiang, cela est dû pour une part à la nature même du tourisme de masse en Chine. Le tourisme, comme bien d’autres industries chinoises, est essentiellement dirigé d’en haut. Les gouvernants aux niveaux national, provincial et local décident que pour telle ou telle région, le tourisme est désormais la grande industrie « propre » de l’avenir. Ces pouvoirs déversent de fortes sommes pour y développer le tourisme et encouragent d’autres investisseurs à en faire autant. Cet argent a tendance à être dirigé vers des projets à grande échelle : des logements de luxe dans la vallée des Rapides, un téléphérique sur le flanc de la montagne du Dragon de Jade, une route parcourant la vallée incroyablement encaissée de la gorge du Tigre Bondissant — avec pour conséquence que le flot touristique se trouve bientôt endigué et concentré sur un petit nombre de sites relativement coûteux. En un contraste frappant avec les précurseurs indépendants qui visitaient la vallée sac au dos dix ans auparavant (qui se sont déplacés depuis sur Deqen, où l’herbe est moins chère et les montagnes plus belles), le récent tourisme de masse chinois a développé les grands groupes, les déplacements rapides et les arrêts brefs, évolution rendue possible par les aménagements aéroportuaires de Lijiang, un développement hôtelier de classe internationale et, ultimement, l’UNESCO.
Exemple typique : lors d’une visite à Lijiang, un groupe de 20 à 30 personnes est pris en charge à l’aéroport par un guide local et emmené pendant 2 ou 3 jours, en car de location, d’hôtel en restaurant et de visites en soirées thématiques. Les visites incluent en priorité la Vieille Ville, les deux nouveaux parcs de la montagne du Dragon de Jade (le Bassin du Lac asséché et la Rivière des Rapides), la gorge du Tigre Bondissant, les fresques de Baisha, et deux ou trois petits monastères bouddhiques tibétains. Cette forme dirigiste de tourisme est fortement encouragée par les officiels et les agences, qui considèrent qu’il est ainsi possible d’obtenir un maximum de bénéfices dans un temps minimal, ce qui s’impose en raison de l’investissement élevé consacré à ces sites privilégiés. De plus, les touristes sont de cette façon plus faciles à contrôler tandis que des « hippies » à petit budget, qui parcourent les routes secondaires à vélo dans un état évanescent, sont le cauchemar des bureaucrates. Comme le disent bien des Lijiangais, le revers de la médaille tient au fait que les compagnies et guides (tant locaux que de l’extérieur) disposent de beaucoup trop de pouvoir dans cette équation. Ils ont le loisir de diriger leurs groupes vers les hôtels, restaurants, boutiques et services de leur choix, où ils reçoivent des ristournes de 20 à 30 % en récompense de leur fidélité.
Cet état de choses reflète en partie l’état d’esprit des touristes eux-mêmes. La majorité des touristes faisant partie de ces groupes (qui, répétons-le, composent 80 à 90 % des visiteurs à Lijiang) sont d’âge mûr ou retraités et proviennent des grandes cités de Chine ayant prospéré sous la nouvelle économie. Ces visiteurs âgés ont grandi durant la Révolution culturelle où « descendre dans les campagnes » signifiait alors bien autre chose. Ils n’ont pas le désir d’expérimenter la vie villageoise « authentique » comme l’aiment les « aventuriers » euro-américains, et ils préfèrent souvent la mise en scène des cultures des minorités, comme le leur ont bien inculqué la télévision nationale, la presse populaire et un bon nombre de parcs thématiques minoritaires « à la Disney » établis dans les grandes villes chinoises. À Lijiang, les occasions abondent de voir ces minorités « propres » et toujours prêtes à danser. Aux sites touristiques de la montagne et de la gorge, qui connaissaient un peuplement quasi nul il y a encore dix ans, on trouve maintenant des centaines de petits entrepreneurs naxi, nosu et tibétains qui accepteront volontiers de poser en habits locaux pour une photo, de danser et de chanter, ou de vous emmener pour une balade à dos de mule ou de yak. À l’extrême opposé et en des lieux comme le Palais Dongba de Lijiang, on peut aussi trouver des salles combles de 150 spectateurs ou plus, à raison de 30 RMB par personne où se produisent quotidiennement des performances culturelles de minorités savamment orchestrées.
Si l’on compare le niveau de vie actuel des résidents de longue date avec celui de la population rurale du comté, ou avec celui de populations urbaines de comtés voisins, il est clair que les citadins de Lijiang prospèrent au-delà de tout rapport avec leur nombre absolu. Toutefois, il demeure des zones dans lesquelles ils souffrent sans conteste. Les Lijiangais se plaignent beaucoup aujourd’hui des changements dans l’organisation de l’espace et des valeurs qui y sont associées. À l’époque de ma première visite à Lijiang, tout le charme de la Vieille Ville reposait, à mes yeux du moins, dans la vision de ses allées pavées étroites et denses. Maisons familiales et façades commerçantes disparaissaient derrière les fagots et les outils, la lessive était accrochée aux fenêtres des étages, les braseros fumaient devant les portes, et une panoplie de peaux et d’aliments séchaient aux clous des façades. Sous la férule du gouvernement local, soucieux de « nettoyer » la Vieille Ville, et en accord avec une vision imaginaire des sensibilités touristiques, la plupart de ces articles ont été bannis du champ de vision de même que les activités coutumières les accompagnant. La tendance est à la façade manucurée, jusqu’aux pots de fleurs obligatoires que requiert la loi devant chaque boutique, aux frais du propriétaire. Ce qui était autrefois un espace semi-privé est devenu hautement public ; le privé s’est retiré à l’intérieur des demeures.
À l’inverse, des espaces anciennement publics ne le sont plus aujourd’hui. En fin d’après-midi et les week-ends, le parc du Dragon Noir et son bel étang avaient toujours attiré les Lijiangais. Depuis l’arrivée de tours organisés, les locaux ne s’y sentent plus à l’aise pour flâner. Ceux qui s’y rendent le font désormais dans l’intention de se livrer à l’une ou l’autre forme du commerce touristique : vente de goûters, photographie-souvenir et ainsi de suite. La place centrale de la Ville Nouvelle fournit un autre exemple. Entre une statue de Mao Zedong à une extrémité et le Palais de la Culture à l’autre, un vaste espace dégagé servait autrefois à promener les poussettes en famille et à laisser jouer les enfants, des vendeurs offraient des friandises, et la jeunesse s’y retrouvait le soir pour danser et se conter fleurette. À la fin des années 1980, la place a encore crû en popularité en raison de l’installation de manèges et d’un anneau pour le patin à roulettes. Mais la principale attraction était fournie par le Palais de la Culture (Wenhua Gong) et ses performances artistiques auxquelles tous pouvaient assister moyennant l’achat d’un billet bon marché ; l’accès était parfois même gratuit, ce qui attirait les foules locales et régionales. Détruit lors du tremblement de terre de 1996, il fut remplacé par un édifice fort différent, le Centre des Échanges Culturels Mondiaux (Shijie Wenhua Jiaoliu Zhongxin), construit par le gouvernement préfectoral au coût de 40 millions de RMB. Ce centre ne « sert pas le peuple » comme le faisait l’ancien Palais de la Culture, il n’est presque jamais ouvert au public et on l’utilise plutôt comme site de prestige pour la tenue de conférences nationales et internationales auxquelles peu de locaux sont conviés, événements devenus fréquents en raison de la notoriété de Lijiang (conférences sur le bon développement touristique notamment…). Dans la foulée, la vaste place a été quadrillée d’allées piétonnières circonscrivant des portions de pelouse et de haies bien entretenues, agréables à l’oeil mais peu propices aux jeux d’enfants.
L’exemple le plus frappant de changement dans la mise en valeur de l’espace public met en scène le Square de la Vieille Ville (Sifang Gai). Avant le milieu des années 1990, ce square avait une vocation plusieurs fois séculaire de place de marché pour la viande, les produits agricoles, la restauration et l’artisanat, non seulement pour les résidents de la Vieille Ville mais également pour les paysans des villages de la région. Les efforts en vue de « nettoyer » la Vieille Ville entraînèrent le départ des bouchers, puis des petits restaurateurs et des vendeurs de produits agricoles vers des lieux de plus en plus éloignés, tandis que leur place fut prise sur le square par les vendeurs de souvenirs itinérants et les terrasses de cafés à la mode. Les résidents anciens de la Vieille Ville ont ainsi perdu l’accès facile aux produits de consommation de base, mais ce qui les choque est surtout le fait que les vendeurs itinérants et les cafetiers soient de l’extérieur. L’usage accru des toilettes publiques, de l’eau courante, et les problèmes liés à la collecte du volume important des ordures ainsi générées dans la Vieille Ville atteignent également des niveaux alarmants.
Il est triste de constater que les plus grands perdants de ce développement dû au tourisme sont ceux qui peuvent le moins se le permettre. Pendant des siècles, Lijiang fut un centre commercial et culturel où les habitants de villages éloignés apportaient leurs produits et s’en retournaient avec d’indispensables acquisitions comme le thé, le sel, du tissu, des ustensiles de cuisine et des outils aratoires. Pour beaucoup d’entre eux, Lijiang était la plus grande et la plus attrayante agglomération urbaine qu’ils visiteraient jamais. C’est encore le cas aujourd’hui, mais ces villageois pauvres sont maintenant moins capables que jamais de s’offrir l’accès aux fameux sites culturels dont on leur a vanté les charmes, ni de trouver un toit où loger la nuit, aussi bon marché fût-il. Le fameux palais Mu, résidence officielle de l’ancien « roi » naxi, a été reconstruit récemment avec l’aide d’un prêt de la Banque Mondiale. Afin de rembourser ce prêt, un prix d’entrée de 30 RMB a été établi. Une place sur le téléphérique de la montagne du Dragon de Jade coûte 140 RMB. Très peu de locaux peuvent s’offrir un tel luxe, et il est particulièrement troublant que des institutions internationales comme la Banque mondiale et l’UNESCO en portent la responsabilité, même indirectement[7].
La politique…
Comme l’illustre la lutte pour s’approprier le nom de Shangri-La, la course aux profits touristiques n’a pas peu contribué à exacerber les tensions politiques existantes, notamment entre différents éléments du pouvoir local. Ainsi, la gorge du Tigre Bondissant se situe sur la limite entre les comtés de Lijiang et de Zhongdian, tandis que le lac Lugu chevauche la frontière entre les provinces du Yunnan et du Sichuan. Dans ces deux cas, l’on a vu une intense compétition entre les représentants politiques voisins concernant l’accès routier et le droit de propriété exclusive du site. La ville de Qiaotou à l’extrême aval de la gorge du côté de Zhongdian a récemment été renommée Hutiaozhen (la Ville du Tigre Bondissant), et l’agglomération principale du côté sichuanais du lac Lugu, anciennement nommée Zuosuo, a été rebaptisée Luguzhen (Ville de Lugu), initiatives qui visent à s’attirer une plus grande part des retombées touristiques.
On note également une compétition croissante entre les comtés et la préfecture de même qu’au sein de chacune de ces entités. Le Bureau du Tourisme et le Bureau de la Culture du comté de Lijiang, le Bureau du Tourisme de la préfecture et la toute nouvelle Corporation de la Région touristique de la Montagne du Dragon de Jade exercent leurs pouvoirs sur différents sites et ont tous des intérêts particuliers dans le commerce touristique. Les réglements gouvernant ces sites diffèrent beaucoup, et le contrôle sur les droits d’accès est une question délicate. Ainsi, la responsabilité concernant l’accès à la Région Touristique de la montagne du Dragon de Jade relevait de la Corporation de la Région touristique du même nom au sein de la préfecture de Lijiang (qui y avait construit le téléphérique) ; cette responsabilité lui a été arrachée au profit du gouvernement du comté de Lijiang, et le prix d’entrée a doublé, passant de 20 à 40 RMB. Des tensions du même type existent dans la région du lac Lugu. La moitié située au Yunnan fait partie du comté autonome Ninglang Yi (un comté pauvre dominé par des représentants de la branche nosu de nationalité yi), mais ce comté n’en est qu’un parmi les quatre qui composent la préfecture de Lijiang dans laquelle les Naxi, Bai et Han sont les groupes dominants. La question de savoir à qui devrait être confiée la responsabilité de l’amélioration des routes d’accès (la préfecture ?) ou celle de la récolte des recettes d’accès (le comté ?) s’embourbe dans une négociation ethnique complexe.
Le problème des nationalités
L’histoire des relations entre les groupes habitant la région n’est pas simple. La ville de Lijiang et le comté éponyme sont majoritairement naxi, mais la ville a abrité depuis des siècles un nombre significatif de Han, dont la majorité domine la Chine. La population han de la ville s’est accrue condidérablement durant les premières années de la République Populaire pour ensuite se stabiliser durant la période 1960-1980. Avec le boum touristique des années 1990, un grand nombre de Han se sont mêlés à la foule des nouveaux arrivants et les tensions entre Han et Naxi se sont accrues. Ce qui est également vrai des rapports entre les Lijiangais et les non-Lijiangais en général.
En plus de diriger leurs propres entreprises, plusieurs familles de la Vieille Ville tirent profit de la location de leurs maisons et de leurs échoppes à de nombreux entrepreneurs de l’extérieur arrivés avec le développement du tourisme à Lijiang. Dans une rue de la Vieille Ville dont l’étude fut menée récemment, plus de la moitié des entreprises sont la propriété de non-Lijiangais (principalement des Han), la plupart d’entre eux étant arrivés au cours des 3 ou 4 dernières années. Ils proviennent souvent d’autres régions de tourisme minoritaire où les possibilités de profit se sont amenuisées (IHT 1999 : 19). En dépit des profits engrangés par plusieurs Lijiangais au cours de cet exercice, un sentiment xénophobe se développe. Les habitants parlent avec passion de la « perte » de leur ville (qu’en fait ils ont vendue…), et les journaux locaux impriment des éditoriaux demandant d’interdire aux « étrangers » de faire des affaires dans la Vieille Ville. Même le Secrétaire général du Parti Communiste du comté de Lijiang a déclaré publiquement qu’il faut « encourager les Naxi à revenir vivre dans la Vieille Ville et ne pas l’abandonner à d’autres » (IHT 1999 : 19).
Les Lijiangais se plaignent particulièrement du fait que les « étrangers » ne viennent que pour faire un profit rapide (comme cela semble avoir été le cas à Xishuang Banna et Ruili), et n’ont que faire de la ville. L’une des plus vives pommes de discorde concerne le déversement illégal de déchets et de restes alimentaires dans les canaux de la ville. Il y a du vrai dans cette doléance, mais l’on peut également y déceler une incidence de mémoire sélective. L’état virginal perdu des eaux de Lijiang semble issu de l’imaginaire « vert » des habitants. Il n’a jamais existé pendant toutes les années que l’auteur a consacrées à cette ville, et ça ne pouvait tout simplement pas être les étrangers qui produisaient le plus gros de la pollution avant la vague touristique.
L’envie pure et simple (ce que les Han appellent « l’oeil rouge ») constitue vraisemblablement une cause importante de la xénophobie des Lijiangais. Plusieurs nouveaux entrepreneurs détiennent une longue expérience des affaires qui leur permet de s’imposer, en toute honnêteté et légalité. Plusieurs de ces « étrangers » ayant mené auparavant leur entreprise ailleurs trouvent que les Lijiangais sont d’une particulière mauvaise foi. Un commerçant de Hubei qui a récemment ouvert un café dans la Vieille Ville s’est plaint amèrement à l’auteur du fait que ses voisins naxi avaient répandu des excréments sur le pas de sa porte, empoisonné son chien et insulté son épouse en la traitant publiquement de prostituée.
Le conflit entre les habitants et les étrangers semble en partie refléter les changements dans l’économie chinoise et l’idéologie qui la sous-tend. Le développement touristique dirigiste contrôlé d’en haut est symptomatique d’une persistance de la planification centralisée typique de la période maoiste. Paradoxalement, l’encouragement fourni aux entrepreneurs privés tend à stimuler l’accroissement de la compétition sur le marché, de même que les valeurs individualistes qui l’accompagnent. Beaucoup de Lijiangais éprouvent une certaine confusion : ils espèrent à la fois pouvoir saisir les opportunités offertes par le système de marché, mais s’attendent à voir persister la stabilité et la protection que leur garantissait l’ancien régime.
La concurrence pour le tourisme excite aussi les anciennes tensions entre minorités voisines dans la région de Lijiang. Les relations entre les Naxi et les Nosu (ou Yi) qui, dans le meilleur des cas n’ont jamais été très bonnes, en donnent le meilleur exemple. Les Nosu commencèrent de migrer dans la région il y a environ deux siècles et, de par cette arrivée tardive, ils occupent surtout les hautes-terres montagneuses à la marge du domaine agricole régional, lesquelles suscitent peu la convoitise des habitants de longue date. Ces Nosu furent et sont toujours parmi les habitants les plus pauvres de la région.
L’une des régions où s’installèrent les Nosu se trouve sur les flancs de la montagne du Dragon de Jade, devenus aujourd’hui un lieu convoité de l’industrie touristique. Les nouveaux parcs de villégiature (resorts) de montagne, développés surtout par les gouvernements de comté et de préfecture, se retrouvent sur leur domaine pour ainsi dire, mais le rôle qu’on leur confie dans ces projets se résume aux emplois les plus insignifiants. Des bidonvilles sont apparus, habités surtout par des Nosu (et quelques Tibétains) qui gagnent leur pitance à guider des touristes dans les environs. En dépit du fait que leurs revenus sont médiocres et que l’essentiel des profits du tourisme est canalisé par des acteurs plus importants, les Naxi de Lijiang sont mécontents de l’« intrusion » des Nosu dans les affaires de « leur » comté.
C’est l’inverse qui se produit autour du lac Lugu dans le comté de Ninglang. Les Moso (faisant officiellement partie du groupe naxi) sont depuis longtemps établis sur les rives du lac où se déroulent toutes les activités à caractère touristique, mais le comté est majoritairement nosu (Yi). On rapporte que des Moso se font molester lors de visites au siège du comté, et que des mini-bus (des Moso en possèdent et en gèrent plusieurs) se rendant au lac sont souvent pris d’assaut par des Nosu en colère (Jackie Elfick, communication personnelle, 1996).
Guerres culturelles des années 1990
De nombreux Naxi attribuent le tremblement de terre de 1996 au dieu Saddo de la montagne du Dragon de Jade, dieu tutélaire du bassin de Lijiang. Un remonte-pente a récemment été installé à la Rivière des Rapides, et l’on a fait des plans pour un téléphérique d’une longueur de presque trois kilomètres sur les glaciers de la face orientale. Une nouvelle route à travers la gorge du côté ouest est aujourd’hui achevée. Avec ces trouées, ces tranchées, avec tous ces étrangers foulant aux pieds son territoire, Saddo était pris d’assaut et se vengea en punissant la population de Lijiang.
L’un des groupes qui donna crédit à cette rumeur sinon pour sa substance, du moins comme signe d’un mécontentement local fut la Corporation de la Région touristique de la Montagne du Dragon de Jade. C’est sous sa responsabilité que se trouvait le projet du nouveau téléphérique et décision fut prise, avant la coulée du premier pylone en juillet 1996, d’engager deux prêtres naxi (dongba) de l’Institut de Recherche sur la Culture Dongba pour conduire le rituel du Shu Gv, le sacrifice traditionnel naxi aux dieux de la montagne.
Cette histoire soulève l’un des plus importants problèmes du développement touristique de Lijiang : qu’est-ce que la culture naxi, et quel rôle devrait-on lui faire jouer dans ce contexte de tourisme ? Pour répondre à cette question, je vais prendre en considération quatre institutions locales (trois à Lijiang et une au lac Lugu), qui toutes sont impliquées dans la production de représentations hautement visibles de la culture naxi (ou moso).
L’Association de Musique ancienne Dayan donne des concerts publics à Lijiang depuis le début des années 1980. Sa popularité croissante, d’abord avec les non-Chinois et plus tard avec les touristes chinois eux-mêmes, a rendu possible (la vente de tickets d’admission aidant) la construction d’une grande salle de concert privée ouverte en 1996 dans la Vieille Ville, qui sert également d’école de musique pour enfants. L’Association met sa musique en marché sous l’étiquette « Naxi », mais son style appartient plutôt à la tradition han appelée « dongjing », populaire sous les Qing et la République dans toutes les régions han du Yunnan et dans quelques villes partiellement sinisées comme Lijiang. Parmi les troupes dongjing de la région du bassin de Lijiang, l’Association Dayan (ville de Lijiang) est la première à renaître dans l’ère post-maoiste (Rees 2000). L’une des raisons de leur supression après la révolution communiste était liée au fait que l’appartenance à une association dongjing était traditionnellement réservée à l’élite masculine instruite. Dongjing était en fait une institution de la noblesse confucéenne passée des élites han aux élites naxi. Cette origine han peut être retracée dans la cadence lente et digne des mélodies (à la différence de toute autre forme musicale naxi), dans l’association scripturale de plusieurs morceaux avec le bouddhisme et le taoisme, et dans les traditionnelles robes de style chinois portées par les musiciens. Vu sous cet angle, Lijiang est effectivement un endroit de choix pour qui veut redécouvrir le passé musical dans la tradition han.
La musique dongjing, en tant que signe de la culture naxi, offre un exemple de ce que Hobsbawm et Ranger (1983) ont appelé une « tradition inventée ». Si elle n’était pas naxi à l’origine, elle l’est certainement devenue. Elle sous-tend cependant une image de la « naxi-tude » reflétant les aspirations d’une minorité urbanisée et éduquée consciente de prendre pour modèle une élite nationale ancienne, en l’occurrence les gentilhommes lettrés et indolents de l’époque impériale.
Le Palais Dongba (Dongba Gong) est un autre lieu populaire pour la prestation culturelle touristique. Construit à la fin des années 1990 par un lettré à la retraite, artiste et ancien directeur du Bureau des Affaires étrangères du comté de Lijiang, l’endroit est donc une propriété privée ; mais cela n’empêche pas qu’on y trouve également les locaux du chef du Bureau du Tourisme de la préfecture de Lijiang. Le spectacle touristique habituel au Palais Dongba inclut bien sûr la musique dongjing, mais aussi des prestations en solo de chansons du répertoire folklorique naxi, des pièces de la musique folklorique en général, de la conque jouée par un aîné dongba, et une danse chamanique.
Ces deux dernières prestations notamment méritent un commentaire. Durant la représentation, les conques dongba sont cérémonieusement apportées à l’aîné par deux vestales en habits « traditionnels », ce qui ne saurait normalement se produire dans la pratique traditionnelle dongba. Il s’agit d’une mise en scène qui a pour effet d’insuffler à la performance une aura de sexualité (patriarcale) latente. La féminisation et l’éroticisation des minorités dans l’imaginaire populaire han, en particulier les minorités du sud-ouest, est un phénomène historique ancien et amplement analysé (voir Diamond 1988 ; Gladney 1994 ; Harrell 1995 ; McKhann 1995 et Schein 2000). De concert avec les performances culturelles du lac Lugu, que nous verrons plus loin, les producteurs du spectacle du Palais Dongba cherchent manifestement à répondre aux attentes secrètes de leur auditoire.
Si le spectacle, en dépit de l’addition des vestales, demeure relativement convenable, ce n’est pas le cas pour le chamane. À demi-vêtu de peaux de bêtes, celui-ci parcourt la scène en bondissant et en battant le tambour de manière frénétique sans qu’aucune explication ne soit donnée à l’auditoire pour comprendre ce spectacle. On ne saurait être plus à l’opposé de la dignité que dégage la performance dongba qui a précédé, ce qui n’empêche pas cette scène à caractère primitif d’exercer une puissante fascination sur un auditoire que son éducation han a prédisposé à désirer cette rencontre avec les minoritaires « sauvages ». En fait, elle rappelle un aspect de la religion naxi — le rôle joué par le chamane (sainii) — mis en sourdine dans la tradition savante ; nous y reviendrons.
Ces deux lieux les plus en vogue à Lijiang quant à la présentation de spectacles touristiques mettant en scène la culture naxi entretiennent entre eux une intense rivalité. Le leader de l’Association de Musique ancienne Dayan a récemment poursuivi le propriétaire du Palais Dongba en justice sur la question des droits d’auteur concernant la présentation publique de certaines pièces dongjing. Cette musique est fort ancienne et sa propriété imprécise, la cause du plaignant est fragile et les Lijiangais, qui suivent ces débats avec intérêt, considèrent que la bataille est plutôt de nature personnelle. Le leader de l’Association dongjing est originaire d’une famille ayant eu des liens avec les missionnaires chrétiens et d’autres étrangers résidant à Lijiang avant la « Libération ». Il parle anglais et a enseigné dans les écoles publiques pendant plusieurs années, mais il a été étiqueté « de droite » durant la période maoiste et a séjourné en prison. Le propriétaire du Palais Dongba pour sa part a un « bon passé de classe ». En tant que directeur du Bureau des Affaires étrangères du comté de Lijiang durant les années 1970 et 1980, il représentait le gouvernement local au début du développement touristique. Le Bureau du Tourisme de la préfecture de Lijiang fut mis sur pied au milieu de la décennie 1990, et ses locaux se trouvent dans le Guest House numéro un. Son directeur, auparavant à la tête de l’Institut de Recherche sur la Culture dongba, a décidé de déménager les pénates du Bureau du Tourisme dans le Palais Dongba, ce qui a suscité des commentaires selon lesquels il s’agissait de pratiques inappropriées (ou patronnage, guanxi). Ce ne sont là que trois des principaux acteurs du drame touristique évoluant sur la scène lijiangaise, et bien d’autres luttes sur des points anciens et nouveaux opposent des résidents de tous les secteurs de la société locale.
Le Musée de la Culture dongba est un autre site de production de culture locale. Fondé en 1984 et installé à l’origine dans un temple, il déménagea dans de nouveaux locaux en 1995-1996, déplacement rendu possible grâce aux revenus touristiques du comté. Ce musée compte à l’heure actuelle plusieurs grandes salles d’exposition et des bureaux, l’ensemble situé sur un terrain qu’il possède en propre. Le musée souligne une particularité religieuse naxi, la tradition des prêtres dongba, et la représentation qu’il propose de cette tradition. La plupart des expositions se composent de (re)constructions de sites rituels dongba, et c’est sous cet angle que le musée se distingue de son voisin, l’Institut de Recherche sur la Culture Dongba, lequel insiste sur la connaissance dongba textuelle. Tous deux tablent sur l’idée que les arcanes pictographiques des textes et les rituels complexes représentent une très ancienne (gulao) tradition de civilisation (wenming), et que cette tradition incarne le mieux l’idée de « naxi-tude » (voir Chao 1996 et White 1997). Ce thème se décline en multiples variantes dans les représentations offertes au Palais Dongba, dans l’art touristique, l’artisanat, et jusque dans l’usage de pictogrammes sur les enseignes de boutiques, le papier à lettre, les logos de grossistes, bref partout.
Mon dernier exemple de performance culturelle touristique concerne les Moso du lac Lugu. Le village de Luoshui est l’une des rares destinations touristiques de la région ou des (ex-) agriculteurs-pasteurs tentent de tirer leur épingle du jeu touristique. L’on estime le revenu annuel par personne à Luoshui à 20 000 RMB (500 RMB dix ans plus tôt) (Zhou Kejian, communication personnelle 1999). Les 72 maisonnées composant le village (Eileen Walsh, communication personnelle 1999) ont ouvert près de 40 guest houses, pouvant chacun accueillir de 20 à 50 visiteurs. Certains arrivent en minibus affrétés par l’un ou l’autre des guest houses (auquel cas leur lieu hébergement sera déterminé en conséquence), tandis que d’autres s’y rendent par le transport public et sont débarqués à des arrêts spécifiques où les attendent de jeunes femmes vêtues de manière voyante, dont le but est d’attirer les arrivants dans leurs guest houses « familiaux ». La demande est forte pour ces jeunes et attrayantes hôtesses ; toutes les familles n’en comptent pas, et beaucoup sont donc engagées contre salaire pour s’afficher comme la « fille de la maison ».
Une fois arrivés au lac Lugu, en plus de paisibles balades sur ses très belles rives, très prisées des visiteurs chinois, cinq activités touristiques sont proposées : la promenade à cheval (guidée par de jeunes hommes vêtus de costumes « traditionnels »), le tour en pirogue sur le lac (sous la responsabilité de jeunes femmes), la lutte dans les prés, les spectacles de danses et chants présentés dans les guest houses (organisés par des hommes et des femmes), et enfin les interactions à caractère sexuel (pratiquées par les représentants des deux sexes, mais surtout par les femmes puisque la majorité des visiteurs sont des hommes). En fait, la lutte et les interactions sexuelles se situent toutes deux sur un continuum de contact sensuel entre visiteurs et habitants locaux. L’une des blagues les plus appréciées chez les Moso consiste pour une femme à attiser la convoitise d’un touriste han mâle au moyen de la promesse de coucher avec lui (« shui4jiao4 »), pour, une fois le poisson ferré, se désister en prétextant que l’invitation consistait en fait à lutter (« shuai1jiao1 »[8]), pratique qui se tient à l’extérieur, en public.
Si le personnage de l’érudit serein et débonnaire incarné par les musiciens dongjing et les prêtres dongba constitue l’image touristique populaire censée encapsuler la culture naxi de Lijiang aux yeux du visiteur, l’on pourrait dire que c’est la « partenaire sexuelle torride » qui constitue sa contrepartie chez les Moso. Autant dans la littérature ethnographique que dans l’imagerie populaire chinoise encouragée par la télévision et les mauvais romans, les Moso sont représentés comme une branche primitive du groupe naxi, étiquette que les premiers concernés réfutent absolument. On dit que leur système de parenté, matrilinéaire et matrifocal, prédispose à « l’amour libre » et à l’absence de relations maritales fixes. Comme dans les exemples naxi présentés plus haut, il s’agit ici de demi-vérités avec lesquelles les Moso ont appris à composer lorsqu’elles peuvent leur permettent d’atteindre leurs fins. Les touristes, les hommes en particulier, arrivent en territoire moso avec des attentes teintées d’érotisme comme c’est le cas, par exemple, pour la Thaïlande, et les habitants peuvent tenter de tirer profit de cet état d’esprit. Mais le plus souvent, le jeu sexuel ne remplit pas ses promesses. Il n’y a que quelques maisons closes sur la rue principale où les « travailleuses » ne sont souvent ni locales, ni moso, et les guest houses du village pratiquent surtout l’allusion sexuelle plutôt que l’exercice lui-même, au moyen de la lutte et des spectacles de danse éroticisés, moyennant un prix d’entrée.
Conclusion
Oakes (1998), Schein (2000) et d’autres ont suggéré que le développement touristique dans les zones peuplées de minorités dans la Chine du Sud-Ouest pourrait ne constituer que la forme récente d’une tendance ancienne, à savoir l’exploitation par l’État et la majorité han des possibilités économiques qu’offrent les minorités de la périphérie et leurs territoires. Dans cette optique, il ne fait pas de doute que si l’on considère l’histoire récente de l’exploitation forestière à outrance dans cette région (dont incidemment les routes ont ensuite permis l’accès touristique) et le cycle de vie extrêmement court des « succès » touristiques de la région, comme le Xishuang Banna et Ruili, l’avenir n’augure rien de bon à Lijiang. Pour une large part, j’estime que cette surexploitation à courte vue est encouragée par le processus décisionnel autoritaire vertical, les défauts inhérents au tourisme de masse et les pratiques particulières au cas de Lijiang présentées dans cet article. Les trop rares cas de développement touristique sur une échelle plus humaine et sous le contrôle des habitants eux-mêmes, tel le cas du lac Lugu, offrent bien sûr quelque espoir, mais certaines des conséquences sociales sont lourdes, notamment l’augmentation de la prostitution et de la consommation d’héroïne. Les dernières années ont vu des tentatives de démarrage d’initiatives dans le champ de ce qu’il est convenu d’appeler « éco-tourisme » ; par exemple la province du Yunnan s’est récemment liée avec l’association américaine Nature Conservancy. Mais il n’est pas sûr que de telles initiatives, à petite échelle, puissent suffire à diluer les conséquences du tourisme de masse, ni même que les Chinois urbanisés les trouveront jamais attrayantes.
En parallèle, il ne serait pas juste de peindre un tableau du tourisme à Lijiang qui omettrait de souligner la part jouée par les habitants locaux dans la forme que prend la rencontre touristique. Comme j’ai tenté de le montrer, les Naxi et leurs voisins, citadins et paysans, intellectuels et boutiquiers, ont chacun leur propre ordre du jour. Ils ne forment pas un groupe homogène, non plus que leurs clients. Le tourisme a apporté la richesse économique à Lijiang, mais il a également apporté son lot de problèmes nouveaux tout en exacerbant des tensions anciennes. Il s’agit en quelque sorte d’un nouveau vocabulaire servant à décrire de vieux problèmes, mais contribuant aussi à les redéfinir et à les développer.
Il y a à peine cinquante ans, Lijiang se trouvait à deux semaines de marche de Kunming, et à deux mois de Lhasa. Les aînés à Lijiang se rappellent tous l’époque où leur lien avec le monde extérieur se résumait à une mule chargée de feuilles de thé. Aujourd’hui, on peut choisir parmi une demi-douzaine de cafés Internet dans la Vieille Ville pour accéder instantanément au reste de la planète, en moins de temps qu’il n’en faut pour préparer une tasse de thé. Pour le meilleur et pour le pire, la nouvelle génération des Lijiangais a potentiellement la « culture globale » au bout des doigts. À l’inverse, envers et contre le désir des autorités chinoises, la ville est désormais en voie d’intégration à l’espace planétaire ; on n’a qu’à entrer le mot « Lijiang » sur un outil de recherche Internet pour s’en convaincre.
Beaucoup des changements visibles à Lijiang peuvent également se vérifier ailleurs en Chine. Même les habitants de grandes villes comme Kunming sont étonnés de la facilité avec laquelle ils peuvent se perdre dans le labyrinthe des banlieues nouvelles qui surgissent sur le pourtour des villes anciennes. Mais l’échelle et l’intensité avec lesquelles le tourisme s’est implanté puis s’est développé à Lijiang ont grandement accéléré le processus de modernisation. La preuve a contrario s’en trouve dans l’absence manifeste d’un tel développement dans les comtés de la région que ne rejoint pas la manne touristique. Si, comme l’affirmait ce représentant de l’UNESCO cité en début d’article, le tourisme à Lijiang est maintenant « hors de contrôle », peut-être l’auditoire le plus réceptif pour la fable du Shangri-La n’est-il pas composé des touristes, chinois ou étrangers, mais des Lijiangais eux-mêmes.
Article original en anglais traduit par Jean Michaud
Appendices
Notes
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[1]
Une première version de cet article a été présentée à la International Conference on Tourism, Anthropology and Chinese Society, 29 septembre-1er octobre 1999, à l’Université du Yunnan à Kunming. Cette version initiale a connu plusieurs remaniements. J’aimerais remercier les deux lecteurs anonymes d’Anthropologie et Sociétés, et ma gratitude va tout particulièrement à Jean Michaud pour la traduction en français, une pénible tâche.
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[2]
Le taux de change en 2001 est de 8,3 RMB = 1 $ US.
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[3]
Les données concernant le nombre de touristes, les dépenses touristiques, les hôtels et les transports (voir plus bas) ont été fournies à l’auteur par le Bureau du Tourisme de la Préfecture de Lijiang en 1996 et 1999. Des données complémentaires pour 1999 sont tirées d’un article paru dans le International Herald Tribune(IHT) des 11 et 12 décembre 1999.
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[4]
Les Han constituent la majorité ethnique en Chine, ce sont les « Chinois » proprement dit.
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[5]
À eux deux, les guest houses numéros Un et Deux proposaient à l’époque 70 chambres.
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[6]
Pour mettre les choses en perspective, il peut être utile de se rappeler qu’il n’y avait pas de route pour véhicules automobiles dans la région avant le milieu des années 1950. Auparavant, tout transport s’effectuait à pied ou à cheval.
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[7]
En fait, les habitants sont souvent admis sur ces sites à tarif réduit, à moins qu’ils ne soient d’apparence trop négligée (c’est-à-dire qu’ils soient trop pauvres), auquel cas on les renvoie.
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[8]
Il s’agit bien sûr d’un jeu de mots mettant à contribution la confusion sur les tons, le mandarin étant une langue tonale.
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