
Volume 38, Number 3 (114), Spring–Summer 2013 Michael Delisle Guest-edited by Daniel Laforest and Michel Nareau
Table of contents (16 articles)
Dossier
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Transitions et passages dans l’oeuvre de Michael Delisle
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Liste des sigles
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Entretien avec Michael Delisle
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Inédit : éléments de poésie [extraits]
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« Faire avec ce qu’il y a » : l’humilité du poème chez Michael Delisle
Élise Lepage
pp. 31–45
AbstractFR:
La plupart des recueils de poèmes de Michael Delisle reviennent régulièrement à la question de la médiocrité, de la maladresse envers le monde, les autres et plus encore : envers les mots. « Tous les ratages sont bons pour la littérature », écrit-il dans Chose vocale. C’est cette conscience de l’approximation, de l’« inhabileté fatale » (André Frénaud) — qui est à la fois celle du sujet et du lecteur — face au poème que cet article se propose d’interroger. Cette posture poétique repose selon l’auteure sur une humilité ressentie comme nécessaire à l’avènement de la parole par le sujet, et elle en étudie les différentes formes à travers plusieurs recueils. Suivant les réflexions que Pierre Nepveu a consacrées à Saint-Denys Garneau dans « La prose du poème », elle analyse par analogie dans quelle mesure cette humilité naît d’un certain prosaïsme qui n’est pas sans emprunter au versant fictif de l’oeuvre. Un temps de la réflexion est donc consacré à l’intrusion du récit et de la fiction dans le poème. Enfin, ces quelques incursions du côté de la fiction permettent de cerner ce qui s’apparente à une esthétique de la pauvreté et de l’imperfection.
EN:
Michael Delisle’s collections of poetry often focus on mediocrity and awkwardness, displayed in relation to the world, to others and above all to words. As he says in Chose vocale, “Tous les ratages sont bons pour la littérature.” This sense of approximation, of “inhabileté fatale” (André Frénaud)—the fatal clumsiness of both subject and reader with regard to the poem—is examined in this article. The author argues that Delisle’s poetic posture is based on a form of humility that is experienced by the subject as necessary for speech to arise, and examines the various forms taken by this posture in several of his collections of poetry. Basing herself on Pierre Nepveu’s reflections on Saint-Denys Garneau in “La prose du poème,” she analyzes to what extent Delisle’s humility is related to an orientation towards prose, connected to the fictional side of his work, and this leads her to examine the intrusion of narrative and fiction in the poems. These incursions into fictional territory allow the reader to identify something that looks like an aesthetic of poverty and imperfection.
ES:
La mayor parte de los libros de poemas de Michael Delisle vuelven con regularidad a la cuestión de la mediocridad, la torpeza para con el mundo y para los demás, y aún más: hacia las palabras. “Todos los fracasos sirven para la literatura”, escribe en Chose vocale (Cosa vocal). Lo que este artículo se propone interrogar es esa conciencia de la aproximación, de la ‘inhabilidad fatal’ (André Frénaud) –que es a la vez la del sujeto y la del lector– ante el poema. Afirmaremos que esta postura poética está basada en una humildad sentida por el sujeto como necesaria para el advenimiento de la palabra y estudiaremos sus diferentes formas a través de varios libros de poemas. Según las reflexiones que Pierre Nepveu dedicó a Saint-Denys Garneau en “La prose du poème” (La prosa del poema), analizaremos por analogía en qué medida esta humildad nace de cierto prosaísmo que no deja de extraer de la vertiente ficticia de la obra. Por lo tanto, se dedicará un momento de la reflexión a la intrusión del relato y de la ficción en el poema. Por último, estas escasas incursiones del lado de la ficción permitirán destacar lo que se parece a una estética de la pobreza y la imperfección.
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Arrêt sur quelques images de l’enfance
Catherine Mavrikakis
pp. 47–57
AbstractFR:
Dans plusieurs de ses récits, Michael Delisle présente un univers où l’enfant est maltraité, battu et où son futur est avorté. S’il est possible de lire les scènes de cette enfance bafouée comme constitutives d’une fondation de la modernité québécoise, il est important de comprendre que Delisle ne tente pas simplement de nous donner un regard sur l’Histoire du Québec. C’est alors la question de l’anachronisme, du non-historique, d’une marge à l’intérieur même de la société du progrès que Delisle offre au lecteur-spectateur. En ce sens, les textes de Delisle participent d’une esthétique du laid où le lecteur reste sidéré par le récit, arrêté devant celui-ci, comme on le serait devant une image photographique.
EN:
Several of Michael Delisle’s narratives depict a universe in which a child is mistreated and beaten and his future is aborted. While these scenes of abused childhood may be read as elements contributing to the foundation of Québec’s modernity, we need to understand that Delisle is not attempting simply to provide us with a view of Québec’s History. What Delisle offers the reader/spectator is the question of anachronism, of non-History, of a margin within the society of progress itself. In this sense, Delisle’s texts are part of an aesthetic of ugliness in which readers are dumbfounded by the narrative, stopping in front of it as before a photographic image.
ES:
En varios de sus relatos, Michael Delisle presenta un universo en el cual el niño es maltratado, golpeado y su futuro queda malogrado. Si bien es posible leer las escenas de esta infancia humillada como constitutivas de una fundación de la modernidad quebequense, resulta importante entender que Delisle no sólo trata simplemente de brindarnos una mirada sobre la Historia de Quebec. Entonces, lo que ofrece Delisle al lector-espectador es la cuestión del anacronismo, del non-histórico, de un margen dentro mismo de la sociedad del progreso. En este sentido, los textos de Delisle participan de una estética de lo feo, donde el lector queda atónito ante el relato, detenido frente al mismo, como uno lo estaría ante una imagen fotográfica.
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La Bildung dans quatre nouvelles du Sort de Fille de Michael Delisle
Philippe Mottet
pp. 59–73
AbstractFR:
Plusieurs oeuvres narratives de Michael Delisle abordent le thème de l’initiation dans le cadre de la banlieue de la rive sud de Montréal des années 1960 et 1970. Dans les nouvelles d’Helen avec un secret et du Sort de Fille, les rencontres que font les protagonistes (généralement adolescents) constituent autant d’événements initiatiques vécus dans l’adversité. Dans Le sort de Fille, ces initiations, malgré la logique du recueil de textes indépendants qui est la sienne, composent une véritable Bildung, donc un ensemble coordonné d’initiations, malgré l’apparente diversité des personnages qui en font l’objet. C’est à définir l’unité et la syntaxe de cette Bildung dans quatre des sept nouvelles du Sort de Fille que s’attèle l’auteur de cet article.
EN:
Several narrative works by Michael Delisle deal with the theme of initiation in Montreal’s suburban south shore in the 1960s and 1970s. In the short stories of Helen avec un secret and Le sort de Fille, the encounters of the protagonists (who are generally teenagers) are initiatory events experienced in adversity. In Le sort de Fille, although the work is presented as a collection of independent texts, the initiations form a genuine Bildung—a coordinated whole, despite the apparent diversity of the characters experiencing them. The article attempts to define the unity and syntax of the Bildung embodied in four of the seven stories in Le sort de Fille.
ES:
Varias obras narrativas de Michael Delisle abordan el tema de la iniciación en el ámbito del extrarradio de la Orilla Sur de Montreal en los años 1960 y 1970. En las novelas cortas de Helen avec un secret (Elena con un secreto) y de Le sort de Fille, los encuentros que hacen los protagonistas (por lo general, con adolescentes) constituyen otros tantos acontecimientos iniciáticos vividos en la adversidad. En Le sort de Fille, estas iniciaciones, pese a la lógica del libro de textos independientes que es la suya, componen un verdadero Bildung y, por lo tanto, un conjunto coordinado de iniciaciones, a pesar de la aparente diversidad de los personajes que son objeto de las mismas. En cuatro de las siete novelas cortas incluidas en Le sort de Fille, el autor de este artículo emprende la definición de la unidad y la sintaxis de este Bildung.
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L’absence du père dans « Relation » de Michael Delisle
Marie Cusson
pp. 75–85
AbstractFR:
La constance dans l’oeuvre de Michael Delisle est liée à l’omniprésence de la mère juxtaposée à l’absence du père. Sur les sept nouvelles du recueil Le sort de Fille, cinq accordent à la représentation de la mère une place importante. « Le Pont » et « Relation » sont les seules nouvelles à traiter de la question de la rencontre du personnage de « Mike », alter ego de l’auteur, avec le père. « Relation » se présente comme une suite à la démarche entreprise par le jeune Mike dans la nouvelle « Le Pont ». Alors que Mike parvient à s’affranchir d’un pôle identitaire maternel trop fusionnel résultant de l’absence du père dans la première nouvelle, « Relation » raconte l’histoire de la quête symbolique de ce père absent vers trois lieux de dévotion dans trois grandes villes européennes. Cet article se propose d’analyser la nature de cette quête de foi en mettant en relief le rapport dialectique entre le réel et l’idéal qui se dessine au cours de ce voyage initiatique.
EN:
In the work of Michael Delisle, constancy derives from the fact that the mother is everywhere while the father is absent. Of the seven short stories collected in Le sort de Fille, five give significant space to representing the mother. “Le Pont” and “Relation” are the only two stories that deal with an encounter between the author’s alter ego “Mike” and his father. “Relation” presents itself as a sequel to the young Mike’s action in “Le Pont”. In the first story, Mike was able to free himself from an identity system, based on the mother, that was too symbiotic as a result of the father’s absence. “Relation” tells the story of a symbolic quest for the absent father in three places of worship located in European cities. The article seeks to analyze the nature of this search for faith by foregrounding the dialectic relation between the real and the ideal that emerges throughout the character’s journey of initiation.
ES:
La constancia en la obra de Michael Delisle está vinculada a la omnipresencia de la madre, yuxtapuesta a la ausencia del padre. De las siete novelas cortas del libro Le sort de Fille (El destino de Fille), cinco otorgan un lugar destacado a la representación de la madre. “Le Pont” (El Puente) y “Relation” son las únicas novelas cortas que tratan la cuestión del encuentro del personaje de “Mike”, alter ego del autor, con el padre. “Relation” se presenta como una consecuencia de la gestión iniciada por el joven Mike en la novela corta “Le Pont”. Mientras que, en la primera novela corta, Mike logra liberarse de un polo identitario materno demasiado fusional como resultado de la ausencia del padre, en “Relation” narra la historia de la búsqueda simbólica de ese padre ausente en tres lugares de devoción en tres grandes ciudades europeas. En este artículo, se propone analizar la índole de dicha búsqueda de fe, haciendo hincapié en la relación dialéctica entre lo real y lo ideal que se perfila durante ese viaje iniciático.
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Entre Ducharme et le Mexique : fragilité des transitions culturelles dans Drame privé de Michael Delisle
Michel Nareau
pp. 87–100
AbstractFR:
Le roman Drame privé de Michael Delisle semble peu lié à l’ensemble de ses textes narratifs, tant priment dans ce récit un éclatement de la narration, un recours abondant aux marqueurs artistiques, un cadre urbain huppé. Ce texte fait d’emblée écho au roman L’hiver de force de Réjean Ducharme, par la mise en récit du milieu intellectuel montréalais, par la présence d’un narrateur s’exprimant au « nous » (pronom qui évoque la gémellité des protagonistes) et par une série de références à une jeunesse innocente. Or, une rupture survient dans le roman, qui fait bifurquer l’action vers le Mexique, transformant ainsi le cadre référentiel proposé. Dans ce changement se jouent le statut de la culture artistique mise en évidence et la capacité de cerner la valeur des pratiques culturelles observées. De la proximité, voire de la connivence, entre les artistes et les narrateurs à la lecture distanciée du tourisme de masse, se creuse un écart de sens, un vertige culturel qui fait l’intérêt du roman. Dans cet article, l’auteure s’attarde à la fonction de cette dérive des sens, aux conditions de lisibilité culturelle évoquées par ce travail de labilité, de même qu’à la signification de ce détour mexicain, qui s’appuie certes sur le tourisme dans la diégèse, mais qui est autrement littéraire, par l’appareil paratextuel qui recourt à des citations de nombreux auteurs latino-américains. Ce dernier point (intertextualité fécondée par la tension entre pastiche et déférence) permet enfin de cerner le rôle de Ducharme dans cette remise en cause des apports culturels.
EN:
Characterized by a shattered narrative, abundant use of artistic markers and its setting in an environment of well-to-do urban dwellers, Michael Delisle’s novel Drame privé seems to bear little relation to his other narrative works. The novel presents itself as an echo of Réjean Ducharme’s novel L’hiver de force: it tells a story of Montreal’s intellectual milieu, its narrator says “we” (expressing the twinhood of the two main characters), and it includes a series of references to the innocence of youth. However, this frame of reference is transformed when the action of the novel shifts to Mexico, raising questions about how to define the status of the artistic culture that has been depicted and the value of the cultural practices under observation. A gap in meaning appears between the proximity (or possibly connivance) of artists and narrators and a distanced reading of mass tourism, and this cultural vertigo is what makes the novel interesting. The purpose of this article is to study the function of this drift in meaning, the conditions of cultural legibility evoked by the novel’s lability, and the meaning of the detour through Mexico—a detour that is assuredly founded on tourism in the diegesis, but that is also literary because of a paratextual apparatus incorporating quotations from a wide variety of Latin American writers. In the end, this last point (intertextuality enriched by the tension between pastiche and deference) helps us identify Ducharme’s role in the novel’s questioning of cultural contributions.
ES:
Al parecer, la novela Drame privé, de Michael Delisle, tiene escasos vínculos con el conjunto de sus textos narrativos, pues en este relato priman una fragmentación de la narración, un importante recurso a los marcadores artísticos, un marco urbano encopetado. Este texto se hace eco de la novela L’hiver de force (El invierno a la fuerza) de Réjean Ducharme, con un relato sobre el medio intelectual montrealense, con la presencia de un narrador que se expresa con un “nosotros” (gemeleidad de los protagonistas) y una serie de referencias a una juventud inocente. Pues bien, surge una ruptura en la novela, que hace bifurcar la acción hacia México, transformando así el marco referencial propuesto. En este cambio, se juegan el estatus de la cultura artística puesta de relieve y la capacidad de circunscribir el valor de las prácticas culturales observadas. De la proximidad, e incluso de la connivencia de los artistas y los narradores con la lectura distanciada del turismo de masas, se abre un abismo en el sentido, un vértigo cultural en el cual estriba el interés de la novela. En este artículo, el autor estudia la función de esta deriva de los sentidos, las condiciones de legibilidad cultural evocadas en este trabajo de labilidad, así como el significado de este rodeo mexicano que, por cierto, en la diégesis se apoya en el turismo, pero que es más literario, por el aparato paratextual que recurre a citas de numerosos autores latinoamericanos. Este último punto (intertextualidad fecundada por la tensión entre pastiche y deferencia) permitirá finalmente delimitar el papel de Ducharme en este cuestionamiento de las aportaciones culturales.
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Bibliographie de Michael Delisle
Étude
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De la judéité souterraine au texte-crypte dans Barney’s version de Mordecai Richler
Marie-Hélène Constant
pp. 113–126
AbstractFR:
Le dernier roman de Mordecai Richler, Barney’s Version (1997), s’il propose sous la forme des mémoires un récit autobiographique du personnage de Barney Panofsky, déploie un sous-texte rempli de références culturelles et mémorielles qui en appelle à une communauté de lecteurs élus par une même connaissance des signes textuels de la judéité. Cet article tente d’abord de montrer comment est (ré)activé ce réseau dans la construction d’une bibliothèque imaginaire érigée en lieu de mémoire permettant le legs patrilinéaire. Sur ces bases, il dégage ensuite en quoi l’anglais « yiddishifié » de Richler est un lieu de sédimentation de l’identitaire judaïque, et opère comme une modalité du rite, c’est-à-dire dans un double mouvement d’ouverture à l’élection d’une communauté et de repli sur le secret — moyen de préserver l’accès aux signes aux initiés, à la manière du schibboleth.
EN:
Mordecai Richler’s last novel, Barney’s Version (1997), presents itself as the memoirs of Barney Panofsky, embodying the character’s autobiographical narrative. At the same time the novel’s subtext is filled with cultural and memory-related references that evoke a community of readers—a chosen group defined by the fact that its members recognize the textual signs of Jewishness. This article shows how this network is (re)activated through the construction of an imaginary library defined as a place of memory that makes patrilinear legacy possible. On this basis, it then shows how Richler’s Yiddishized English embodies a sedimentation of Jewish identity: through a double movement of opening to community and withdrawing into secrecy, it operates as a kind of rite, functioning as a shibboleth to ensure that only insiders have access to signs.
ES:
La última novela de Mordecai Richler, titulada Barney’s Version (1997), aunque adopta la forma de unas memorias, propone un relato autobiográfico del personaje de Barney Panofsky, despliega un subtexto lleno de referencias culturales y memoriales que va dirigido a una comunidad de lectores unidos por un mismo conocimiento de los signos textuales de la judeidad. En este artículo trataremos, en primer lugar, de mostrar cómo se (re)activa esta red en la construcción de una biblioteca imaginaria erigida en lugar de memoria que permite un legado patrilineal. Sobre estas bases, estaremos luego en condiciones de despejar en qué el inglés ‘yiddisheado’ de Richler es un lugar de sedimentación de la identidad judaica y actúa como una modalidad del rito, esto es, en un doble movimiento de apertura a la elección de una comunidad y de repliegue sobre el secreto –una forma, como quien dice, de preservar para los iniciados el acceso a los signos, a la manera del schibboleth.