Volume 37, Number 3 (111), Spring–Summer 2012 Nicole Brossard Guest-edited by Karim Larose and Rosalie Lessard
Table of contents (16 articles)
Dossier
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Nicole Brossard : le genre premier
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Entretien avec Nicole Brossard
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Inédit
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Noyer les lieux du livre : lectures d’une filiation
Denise Brassard
pp. 35–54
AbstractFR:
Nicole Brossard est passée d’une conception d’abord fortement intellectuelle de la poésie à un retour au lyrisme. Si l’auteure reste fidèle à ses visées et conserve cette voix inimitable qui la caractérise, au fil des oeuvres, le point de vue s’est sensiblement déplacé. Sa poésie récente, beaucoup plus incarnée, présente un souci de renouer avec les gestes simples de l’existence, exprimant parfois le désir de laisser l’intellect au repos. Cet article propose une lecture du Centre blanc, rétrospective réunissant des textes publiés entre 1965 et 1975 et fortement inspirés du formalisme, en vue d’y déceler le travail en sous-texte d’un appel du lyrisme alors déjà à l’oeuvre. Cette lecture s’appuie sur la filiation de Brossard avec Mallarmé et Rilke, ces maîtres qui ont polarisé ses jeunes années et lui ont enseigné respectivement « le temps court de la sensation sémantique » et « le temps long de l’émotion », mais aussi et surtout avec Blanchot, qui a servi en quelque sorte de médiateur en ouvrant entre les deux avenues opposées un « espace littéraire » au sein duquel la subjectivité féminine, d’abord empêchée par une fascination pour le vide, le silence et la mort, trouvera peu à peu à s’exprimer et à s’affirmer, pour finir par échapper au dualisme. Parcourant l’oeuvre poétique depuis Le centre blanc, puis Double impression, jusqu’à la publication de L’amèr ou Le chapitre effrité, on suit ainsi la trajectoire d’un sujet d’abord aux prises avec un sentiment d’enfermement, dont il va peu à peu s’affranchir à la faveur d’une transgression qui prendra finalement la forme d’une relecture de ses modèles et d’une redéfinition des lieux du livre.
EN:
Nicole Brossard has moved from a conception of poetry that was highly intellectual to lyricism. While the author remains faithful to her intentions and retains her characteristic and inimitable voice, the sequence of her works shows that her point of view has gone through a significant shift. Her recent poetry, more clearly embodied, shows a concern to reconnect with the simple gestures of existence, sometimes expressing a desire to let the intellect rest. The article proposes a reading of Le centre blanc, a collection bringing together texts published between 1965 and 1975 that were strongly inspired by formalism ; it shows that a call to lyricism was already present in the subtext of this collection. While the reading is based on Brossard’s filiation with Mallarmé and Rilke, masters who polarised her youth and taught her, respectively, “the short time of semantic sensation” and “the long time of emotion”, it is also, and especially, based on her filiation with Blanchot, who served as a kind of mediator by opening a “literary space” between the two opposite avenues in which feminine subjectivity, initially blocked by a fascination with the void, silence and death, slowly found a way to express and assert itself and ultimately to escape dualism. Examining Brossard’s poetic work from Le centre blanc to Double impression and to the publication of L’amèr ou Le chapitre effrité, the article follows the trajectory of a subject that starts by grappling with a sense of confinement, from which she will gradually be released through a transgression that will ultimately take the form of a rereading of her models and a redefinition of the places of the book.
ES:
Nicole Brossard ha pasado de ser una concepción altamente intelectual de la poesía a un retorno al lirismo. Si bien la autora permanece fiel a sus objetivos y conserva esa voz inimitable que la caracteriza, el punto de vista se ha desplazado sensiblemente a lo largo de las obras. Su poesía reciente, mucho más encarnada, presenta un afán de reanudar con los gestos sencillos de la existencia, expresando a veces el deseo de dejar descansar el intelecto. Este artículo propone una lectura de Le centre blanc (El centro blanco), retrospectiva que reúne textos publicados entre 1965 y 1975 y fuertemente inspirados en el formalismo, con miras a descubrir en ello el trabajo en subtexto de un llamamiento del lirismo que ya estaba presente. Esta lectura se apoya en la filiación de Brossard con Mallarmé y Rilke, esos maestros que polarizaron sus años juveniles y le enseñaron respectivamente ‘el tiempo corto de la sensación semántica’ y ‘el tiempo largo de la emoción’, pero también y sobre todo con Blanchot, que sirvió en alguna forma de mediador al abrir entre ambas avenidas opuestas un ‘espacio literario’ en el seno del cual la subjetividad femenina, inicialmente frenada por una fascinación por el vacío, el silencio y la muerte, lograría poco a poco expresarse y afirmarse, para terminar escapando al dualismo. Al recorrer la obra poética desde Le centre blanc, y luego Double impression (Doble impresión), hasta la publicación de L’amèr ou Le chapitre effrité (El amargo o El capítulo desmenuzado), se sigue así la trayectoria de un sujeto inicialmente en conflicto con un sentimiento de encierro, del cual se libraría gracias a una transgresión que adoptaría finalmente la forma de una relectura de sus modelos y una redefinición de los lugares del libro.
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La résonnante : échos de la mémoire chez Nicole Brossard
Frédéric Rondeau
pp. 55–68
AbstractFR:
Consacré à la question de la filiation et de la mémoire dans l’oeuvre poétique de Nicole Brossard, cet article porte plus particulièrement sur trois poèmes tirés du recueil Je m’en vais à Trieste (2003) : « Kyoto », « Santorin » et « Trois-Rivières ». Autour de la figure de l’écho, il y est montré à quel point la distance, l’éloignement et la menace de disparition sont indissociables du travail d’écriture de Brossard. Le poème apparaît en effet comme un espace de résonance, de suspension du temps, témoignant à la fois d’une volonté de transmission, de continuité et finalement de la communauté en elle-même.
EN:
This article, dealing with the question of filiation and memory in the poetic work of Nicole Brossard, focuses on three poems from Je m’en vais à Trieste (2003) : “Kyoto”, “Santorin” and “Trois-Rivières”. Around the figure of echo, it shows to what extent distance, removal and the threat of disappearance are central to Brossard’s writing. The poem appears as a space of resonance in which time is suspended, bearing witness to an intention to transmit and ensure continuity and also, ultimately, to the existence of community itself.
ES:
Este artículo, dedicado a la cuestión de la filiación y la memoria en la obra poética de Nicole Brossard, trata más especialmente sobre tres poemas extraídos del libro Je m’en vais à Trieste (2003) (Me voy a Trieste): “Kyoto”, “Santorin” y “Trois-Rivières”. En torno a la figura del eco, se demuestra hasta qué punto la distancia, el alejamiento y la amenaza de desaparición son indisociables de la labor de escritura de Brossard. En efecto, el poema aparece como un espacio de resonancia, de suspensión del tiempo, manifestando a la vez una voluntad de transmisión, de continuidad y, por último, de la comunidad en sí misma.
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Circulation lyrique et persistance critique : le passage au xxie siècle chez Nicole Brossard
Evelyne Gagnon
pp. 69–83
AbstractFR:
Depuis la fin des années 1990, les recueils de Nicole Brossard allient un discours lyrique valorisant le lien amoureux à une forme d’humanisme mettant en examen les problèmes environnementaux et politiques qui assaillent la planète. Nous nous intéresserons particulièrement aux modalités de ce lyrisme critique, dans ses plus récents recueils, en montrant comment cette écriture puise dans certaines tonalités mélancoliques toutes contemporaines qui ne font jamais l’économie de la résistance critique. En réinterrogeant les modes d’habitation du monde, au tournant du xxie siècle, la poésie réaffirme en effet sa portée éthique. Par ailleurs, on abordera les particularités de cette écriture fondée sur le désir de circulation infinie entre les contradictions, entre les lieux, entre les places énonciatives. Cela nous permettra d’explorer les nouveaux aspects de cette poétique puisant sa dynamique dans les formes du ruissellement alors que le rythme qui la caractérise s’apparente à un « piano-prose ».
EN:
Since the late 1990s, Nicole Brossard’s collections of poetry have combined a lyrical discourse focusing on the value of the love relationship with a humanism that scrutinizes the environmental and political problems threatening the planet. We will examine the forms taken by this critical lyricism in her most recent works and show how her writing calls on a number of highly contemporary melancholy tonalities in which critical resistance is always present. The ethical dimension of poetry is reasserted as the author questions, again, the ways of inhabiting the world at the turn of the 21rst century. We will also consider the distinctive features of this writing founded on a desire for infinite circulation between contradictions, places, and places of utterance. This will enable us to explore the new aspects of a poetics whose dynamic is based on forms of streaming while its distinctive rhythm resembles that of a prose-piano.
ES:
Desde finales de los años 1990, los libros de Nicole Brossard aúnan un discurso lírico que valoriza el vínculo amoroso y una forma de humanismo que examina los problemas medioambientales y políticos que asaltan el planeta. Nos interesaremos particularmente por las modalidades de este lirismo crítico, en los libros más recientes, mostrando cómo esta escritura espiga en algunas tonalidades melancólicas muy contemporáneas que nunca ahorran resistencia crítica. En efecto, al reinterrogar los modelos de vivienda del mundo, en el paso al siglo XXI se reafirma el alcance ético de la poesía. Por otra parte, se abordarán las particularidades de esta escritura, basada en el deseo de circulación infinita entre las contradicciones, entre los lugares, entre los lugares enunciativos. Esto nos permitirá explorar los nuevos aspectos de esta poética que saca su dinámica de las formas del resplandor, mientras que el ritmo que la caracteriza se asemeja a un piano-prosa.
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Car je est en prose : ou le « traitement apporté au canon hiératique du vers »
Luc Bonenfant
pp. 85–96
AbstractFR:
Prenant acte de ce que Nicole Brossard serait tout autant l’« héritière » de Mallarmé qu’une écrivaine « classique » (F. Charron), cet article s’attache aux questions de la référence et de l’inscription subjective — questions qui ont du reste retenu l’attention scrupuleuse de Mallarmé — pour en prendre la mesure. L’analyse de recueils comme Musée de l’os et de l’eau, Je m’en vais à Trieste, Mécanique jongleuse ou Langues obscures, pour ne nommer qu’eux, montre que cette poésie, qui refuse les accents lyriques, propose du même coup un univers référentiel résolument tourné vers lui-même. Partant, j’y fais l’hypothèse que l’ipséité poétique de cette oeuvre donne à lire un je dont l’inscription versifiée, d’ordre métrique, permet de renvoyer le sujet vers la prose d’un récit en définitive exclu de la Poésie. « Ô je, pure rhétorique », écrit Brossard dans Langues obscures. J’en conclus qu’un tel travail esthétique ne peut plus aujourd’hui être lu comme le signe réducteur d’une virtuosité ou d’un simple jeu formel. Car il procède de la pensée politique (féministe) plus large qui informe l’ensemble de l’oeuvre (poétique et romanesque), montrant que le rapport à Mallarmé, chez Brossard, n’est ni figé, ni inquiet.
EN:
Taking stock of the fact that Nicole Brossard may be Mallarmé’s “heir” as much as she is a “classical” writer (F. Charron), this article focuses on issues of reference and subjective inscription that were the object of Mallarmé’s scrupulous consideration and undertakes to gauge their importance. Analysis of works such as Musée de l’os et de l’eau, Je m’en vais à Trieste, Mécanique jongleuse or Langues obscures, among others, shows that this poetry which refuses lyrical accents simultaneously proposes a referential universe that is resolutely oriented towards itself. My hypothesis is that the poetic individuality (ipséité) of Brossard’s work puts forward an I whose versified inscription, in the metric realm, makes it possible to send the subject back to the prose of a narrative that is, in the end, excluded from Poetry. “Ô je, pure rhétorique”, writes Brossard in Langues obscures. I conclude that this kind of aesthetic work can no longer be read today as a reductive sign of virtuosity or a simple formal game : proceeding from the wider (feminist) political thought that informs the whole of Brossard’s work as both poet and novelist, it shows that Brossard’s relation to Mallarmé is neither rigid nor uneasy.
ES:
Al destacar que Nicole Brossard sería tanto la ‘heredera’ de Mallarmé como una escritora ‘clásica’ (F. Charron), este artículo se adscribe a las cuestiones de la referencia y la inscripción subjetiva –cuestiones que, por lo demás, llamaron poderosamente la atención de Mallarmé– para medirlas. El análisis de obras como Musée de l’os et de l’eau (Museo del hueso y el agua), Je m’en vais à Trieste (Me voy a Trieste), Mécanique jongleuse (Mecánica malabarista) o Langues obscures (Lenguas oscuras), por no nombrar aquí más que estas, muestra que esta poesía, que rechaza los acentos líricos, propone al mismo tiempo un universo referencial resueltamente vuelto hacia sí mismo. Por lo tanto, emito la hipótesis de que la ipseidad poética de esta obra incita a leer un ‘yo’ cuya inscripción versificada, de orden métrico, permite remitir al sujeto hacia la prosa de un relato excluido en definitiva de la Poesía. “¡Oh yo!, pura retórica”, escribe Brossard en Langues obscures. Concluyo que semejante trabajo estético ya no puede leerse hoy día como el signo reductor de una virtuosidad o de un simple juego formal, pues procede del pensamiento político (feminista) más amplio que informa el conjunto de la obra (poética y novelesca), mostrando que la relación con Mallarmé, en Nicole Brossard, no es ni yerta ni inquieta.
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Bibliographie de Nicole Brossard
Étude
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Littératures en contiguïté : France Daigle au Québec, France Daigle et le Québec
Catherine Leclerc and Lianne Moyes
pp. 127–143
AbstractFR:
À partir d’un incident en apparence mineur, soit le rejet par le Conseil des Arts du Canada d’une demande de subvention du Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises, demande qui visait à accueillir l’auteure acadienne France Daigle à titre d’écrivaine en résidence, cet article examine les enjeux entourant l’intégration d’une auteure acadienne au sein de l’institution littéraire québécoise. S’inspirant des analyses de Barbara Godard sur l’interaction entre différents champs culturels et sur les rapports de pouvoir complexes qui sont en cause lors de telles interactions, il propose une analyse à la fois de la tension existant à la frontière de lettres québécoises et acadiennes et de la porosité de cette frontière.
EN:
Taking as its point of departure a relatively minor incident, the rejection of an application by the Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises to welcome Acadian writer France Daigle as Writer-in-residence, this article examines the stakes involved in integrating an Acadian author into Quebec literature. Drawing upon Barbara Godard’s analysis of the interactions between cultural fields and of the multilayered relations of power at work in such interactions, the article analyses the porosity of the border between Quebec letters and Acadian letters as well as the tensions which place that border under considerable strain.
ES:
A partir de un incidente aparentemente menor, esto es, el rechazo, por parte del Consejo de Artes de Canadá, de una solicitud de subvención al Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (Centro de Investigación Interuniversitaria sobre la Literatura y la Cultura Quebequenses), la cual tenía por objeto recibir a la autora acadiense France Daigle en calidad de escritora en residencia, este artículo estudia los retos que rodean la integración de una autora acadiense en el seno de la institución literaria quebequense. Inspirándose en los análisis de Barbara Godard sobre la interacción entre diferentes campos culturales y las relaciones de poder complejas que están en juego durante tales interacciones, propone un análisis a la vez de la tensión existente en la frontera entre las letras quebequenses y acadienses y la porosidad de dicha frontera.