Volume 22, Number 1, 2014 Vivre dans la diversité Guest-edited by Solange Lefebvre, Denise Couture and K. Gandhar Chakravarty
Table of contents (13 articles)
Liminaire
Thème
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La solidarité et la justice reconsidérées
Hille Haker
pp. 13–25
AbstractFR:
En commençant par déplorer l’absence de place pour la solidarité dans l’interprétation de la « justice de marché » au xxie siècle, l’article propose une autre voie, soit la relation dialectique entre la justice et la solidarité. Alors que la justice met l’accent sur l’« égalité » pour tous, la solidarité s’attarde surtout sur la « différence » et la diversité. Le pont entre les deux concepts peut être trouvé dans les récentes réinterprétations de la théorie de la reconnaissance, qui touche les sphères privée, sociale et politique. L’article préconise toutefois une approche critique, qui prend le manque de reconnaissance, plutôt que la reconnaissance, comme point de départ. L’éthique en général et l’éthique chrétienne en particulier doivent prêter attention aux expériences et aux récits des personnes qui semblent invisibles et inaudibles dans les systèmes de justice fondés sur le mérite et les accomplissements, et ce, dans le but d’identifier les violations de droits aussi bien que les pratiques d’exclusion subies par ces personnes. En se préoccupant d’abord des expériences réelles d’injustice au lieu de la théorie normative de la justice, la relation dialectique entre la justice et la solidarité devient claire : la solidarité révèle non seulement le fossé entre la théorie et la pratique, ou l’inévitable côté aveugle de la justice, mais elle s’affiche aussi clairement en faveur des personnes souffrant d’injustice. La solidarité est orientée vers l’action. Elle fait pression sur les institutions pour qu’elles deviennent justes, tout en prônant des changements pour ceux et celles qui souffrent le plus d’injustice, et tout en accompagnant ces personnes. Par ailleurs, la solidarité critique mais aussi partisane nécessite la vision impartiale et égalitaire d’une justice en tant que critique d’une idéologie potentielle qui est liée à un concept identitaire et à une politique identitaire.
EN:
Starting with the unfortunate lack of a place for solidarity in the xxist century interpretation of “market justice”, this paper spells out the alternative path, namely the dialectic of justice and solidarity. While justice emphasizes the “equality” of all, solidarity emphasizes “difference” and diversity. The bridge between the two concepts may be found in recent re-interpretations of recognition theory which embraces the personal, the social, and the political sphere. The paper insists, however, on a critical approach that takes misrecognition, rather than recognition, as its starting point. Ethics in general and Christian ethics in particular needs to attend to the experiences and narratives of those who are invisible and inaudible in approaches to justice based on merit and achievement, in order to identify violations of their rights as well as practices of stigmatization. Starting with experiences of injustice rather than with the normative theory of justice, the dialectic relation between justice and solidarity becomes clear: solidarity reveals not only the gap between theory and practice or the necessarily blind side of justice, but it also takes a clear stance in favour of those who suffer from injustice. Solidarity is action-oriented, seeking to force institutions to become just, while supporting of advocating change with and for those who suffer most from injustice. On the other hand, the critical but also partisan solidarity needs the impartial, equalitarian perspective of justice as critique of the potentially ideology that is linked to any identity concept and identity politics.
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L’éthique de l’intégration
Regina Ammicht Quinn
pp. 27–39
AbstractFR:
Pourquoi est-ce que l’intégration — et on entend par là le fait de vivre dans des sociétés pluralistes, le plus souvent occidentales — connaît-elle tant d’échecs ? Le texte explore deux avenues. La première s’attache à l’infrastructure de cécité et de surdité propres à la politique occidentale, cécité à l’égard de la critique postcoloniale, et surdité à l’endroit des récits qui tissent l’Histoire. La seconde examine le concept de « culture », et son recadrage autour de la notion de « race ». La pensée européenne des Lumières a préparé le terrain aux notions et pratiques sociales d’universalisme et de justice, et elle détermine nos outils moraux jusqu’à l’heure actuelle. La pensée européenne des Lumières a en même temps engendré le concept de race. De nos jours, nous devons nous définir par rapport à ce fondement ambivalent de la pensée (morale) : nous nous en remettons à un concept de raison (occidentale) qui permet à la science et à la société de classer et de trier. Et aussi d’exclure. Quelles sont les tâches qui incombent aux différents « joueurs », c’est-à-dire les politiques, les sociétés, les sciences et les religions ?
EN:
Why does integration — and this means: living in diverse societies, mainly in the West — so often fail? The text explores two lines of thought. One is concerned with a substructure of blindness and deafness in Western politics, blindness for postcolonial critique, deafness for the stories that result in “history”. The other investigates the concept of “culture” and the reframing of “culture” as “race”. European Enlightenment thought prepared the ground for notions and social practices of universalism and justice and shapes our moral instruments until today. At the same time, European Enlightenment gave birth to the concept of race. Today, we have to deal with this ambivalent foundation of (moral) thought: We rely on a concept of (Western) reason which enables science and society to classify, to sort. And to sort out. What are the tasks for on responsibilities of different “players”: politics, societies, sciences and religions?
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Expériences asiatiques en matière de diversité, de reconnaissance de l’Autre et de coexistence : au-delà du libéralisme et du laïcisme
Felix Wilfred
pp. 41–53
AbstractFR:
Cet article montre comment le projet de modernité occidentale, avec son idéologie centrée sur l’affirmation d’autonomie et de liberté de l’individu, sur le régime des droits de la personne et sur le libéralisme politique, présente de sérieuses lacunes, et comment ce projet de modernité risque de ne pouvoir résoudre les questions essentielles de la diversité, de la reconnaissance de l’Autre et de la coexistence, questions si brûlantes à l’ère de la mondialisation. L’auteur poursuit en montrant que les expériences asiatiques, notamment sud-asiatiques, de pluralisme et de tolérance comportent des éléments théoriques et pratiques qui procurent un cadre viable permettant d’accepter l’Autre dans sa différence. L’article affirme en guise de conclusion que l’Europe, dans l’expérience de la diversité qu’elle vit maintenant, avec en toile de fond les phénomènes de migration et de xénophobie, ne peut se contenter de l’héritage des Lumières, mais qu’elle doit puiser dans son patrimoine chrétien pour pouvoir accueillir l’Autre avec solidarité et compassion. L’auteur propose un échange et un dialogue fructueux entre chrétiens, avec la pensée postmoderne et la pensée asiatique, dialogue susceptible d’aider à relever le défi mondial de la diversité et du pluralisme propres à notre époque.
EN:
This contribution shows how the project of Western modernity with its affirmation of the autonomy and freedom of the individuals the regime of individual rights and the ideology of political liberalism has serious limitations, and may not be able to come to terms with the critical question of diversity, recognition and co-existence, so very crucial for today’s global world. The author goes on to show how the Asian, especially South Asian, experiments with plurality and tolerance has theoretical and practical elements which provide a plausible framework to come to terms with the different other. The contribution concludes stating that in the context of the experience of diversity faced by Europe in the contemporary context of migration and xenophobia, it cannot confine itself to the legacy of Enlightenment, but has to draw from its Christian heritage to be able to meet the other in solidarity and compassion. The author offers a fruitful conversation and dialogue among Christian, postmodern and Asian thought which can help to meet the global challenge of diversity and pluralism of our times.
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La charismatisation de la religion : une prise en compte de la diversité religieuse par la théologie au Brésil
Maria Clara Lucchetti Bingemer
pp. 55–71
AbstractFR:
Dans le monde d’aujourd’hui, nous voyons, d’un côté, que de nombreuses personnes perdent le sens transcendantal de leur vie et abandonnent les pratiques religieuses et, de l’autre côté, un nombre significatif de catholiques est en train d’abandonner l’Église pour entrer dans d’autres groupes religieux. Ce texte essaie d’examiner le « cas » brésilien. Nous prendrons comme cadre les chiffres fournis par le dernier recensement de 2010 sur le champ religieux au Brésil, récemment divulgué. Nous risquerons alors quelques interprétations à partir de ce recensement et finirons par identifier certains défis qui apparaissent pour la théologie et la pastorale au Brésil. Nous finirons notre réflexion par quelques observations sur les changements apportés par le nouveau pontificat du pape François, qui permettent d’espérer certains changements à court et moyen termes dans l’Église brésilienne et tout le continent latino-américain.
EN:
In today’s world, many abandon their religious practices and a significant number of Catholics are turning their backs to the Church to join other religious groups. This article examines the Brazilian “case”, using the numbers from the last 2010 Brazilian census on religious practice that has recently been released. It also offers a few interpretations concerning this census and identifies some challenges that are facing theology and the pastoral field in Brazil. It concludes with a few observations concerning some changes made by that the new pope Francis that bring hope for a certain evolution within the Church and the Latin-American continent.
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Amérique latine, terre aux couleurs multiples : biodiversité culturelle et religieuse en Amérique latine
Luiz Carlos Susin
pp. 73–85
AbstractFR:
L’article rappelle d’abord les racines écologiques des cultures latino-américaines, toujours très vigoureuses. Il évoque quelques éléments communs aux cultures ancestrales pour ensuite se pencher sur la façon dont elles ont composé avec l’hégémonie de la culture coloniale baroque latino-américaine afin d’accoucher d’un syncrétisme à saveur chamanique et magique. Avec l’irruption de la modernité, cette matrice culturelle, dont l’expérience religieuse constitue l’âme, est de nos jours le lieu d’un épanouissement renouvelé. L’article s’achève en s’interrogeant sur la façon d’aborder cette richesse multicolore des cultures latino-américaines dans un esprit pastoral.
EN:
This article first presents the ecological background of Latin-American cultures that are still solid. It lays out a few elements that are common to ancestral cultures and then shows how those cultures dealt with hegemonic Latin-American baroque colonial culture to create a syncretism that has shamanic and magic undertones. Come modernity, this cultural matrix, which soul is religious experience, is nowadays the place of a new blooming. The article concludes examining how to approach this multicolored wealth that characterizes Latin-American cultures in a pastoral spirit.
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Créer des relations justes. Analyse de pratiques innovatrices, féministes et interculturelles dans le contexte canadien
Denise Couture
pp. 87–99
AbstractFR:
Dans un temps où l’on cherche à vivre autrement la différence, sans une dévaluation de « l’autre », cet article présente des résultats d’une recherche réalisée sur le terrain à Montréal (Québec, Canada) dans le cadre de laquelle on a écouté le récit autobiographique spirituel de femmes féministes engagées dans des pratiques interculturelles ou interreligieuses. La recherche se situe dans le contexte canadien et québécois où des féministes antiracistes de la base distinguent différents groupes géopolitiques entre lesquelles se jouent des relations inégalitaires et postcoloniales, dont les Autochtones, les personnes immigrantes, les Anglais et les Français. Sur le plan théorique, le travail s’inscrit dans le champ d’une théologie féministe interculturelle et multireligieuse. On a écouté les récits de femmes qui appartiennent à diverses traditions religieuses ou spirituelles. Quelles stratégies mettent-elles en oeuvre pour créer une justice relationnelle ? On a retenu quatre dimensions de leurs actions : la critique des hiérarchies pour instaurer l’égalité, un désapprentissage des propres préjugés, la construction d’une estime de soi qui intègre les histoires de souffrance de soi et des autres, et la force transformatrice du groupe d’affinité.
EN:
In those times, when one tries to live the difference in other ways, without devaluating “the other”, this paper presents the results of a study made in Montréal (Québec, Canada) that focused on the autobiographical spiritual narratives of feminist women that are engaged in intercultural or interreligious practices. The study is made in a context where grassroots antiracist feminists distinguish different geopolitical groups between which unequal and postcolonial relations take place, including Natives, migrants, French and English people. On the theoretical level, the study belongs to the field of an intercultural and multireligious feminist theology. We heard the narratives of women coming from different religious or spiritual traditions. What strategies do they have to create a relational justice? Four dimensions are found in their actions: criticizing hierarchies to create equality, unlearning their own biases, building up a self-esteem that integrates their tales of suffering, as well as others’, and the transforming force of their group of affinity.
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Les églises canadiennes se repentent de leur identification avec le colonialisme
Gregory Baum
pp. 101–109
AbstractFR:
Cet article explore une question fondamentale pour le contexte canadien, celle du rapport aux premiers peuples canadiens ou peuple fondateurs. Il rappelle que malgré sa rhétorique multiculturelle, le colonialisme, tel que sanctionné par les Nations Unies, est solidement établi au Canada, même si la culture dominante du pays l’ignore largement. Les conséquences culturelles du régime colonial ont été dévastatrices pour les peuples aborigènes du Canada. Historiquement enfermés dans leur réserves, souvent incapables de s’adonner à la chasse traditionnelle, les Premières Nations ont connu une détérioration de leur culture. Très récemment, pendant les années 1990, les Églises ont joint leurs voix au processus vital de réconciliation et l’on peut trouver une théologie implicite qui mérite d’être étudiée, parmi les multiples excuses et récits qu’elles ont élaborés.
EN:
This article explores a key issue in the Canadian context, the report of the Canadian First Peoples or Founding Peoples. He recalls that despite its multicultural rhetoric, colonialism, as sanctioned by the United Nations, is firmly established in Canada, even if the country’s dominant culture is largely unaware of it. The cultural consequences of this colonial regime have been devastating for the Canadian Aboriginals. Historically, locked into their reservations, often unable to engage in traditional hunting, the First Nations experienced the deterioration of their culture. Very recently, during the 1990’s, churches found their voices in the vital process of reconciliation, and one can find an implicit theology that deserves attention and further exploration in the multiple apologies and stories they elaborated.
Mini-dossier : animalité de l’humain
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Dans la trace du bélier : la question de « l’animal » dans ce qui reste du judaïsme de Jacques Derrida
Orietta Ombrosi
pp. 111–142
AbstractFR:
Dans cet article, je cherche à envisager un certain judaïsme de Derrida ou ce qui reste du judaïsme dans sa pensée, en suivant les traces qu’un animal — le bélier — laisse dans les écrits du philosophe. En effet, les deux sujets, celui de l’animalité et celui de la judéité se croisent et se côtoient précisément autour de cette figure animale, qui n’est pas pourtant une figure ou une métaphore uniquement. Je choisis donc de suivre le bélier pour suivre l’adresse de Derrida qui appelle les philosophes à répondre philosophiquement de l’« animal », c’est-à-dire à s’interroger de la « question animale », d’une part ; d’autre part et en même temps, je le suis pour voir les moments essentiels les plus représentatifs dans le rituel juif, où cet animal se montre, et pour discerner ce qu’il révèle justement en relation au judaïsme tel que le philosophe Derrida l’a vécu ou conçu. L’article se divise donc en trois grandes parties qui correspondent aux trois scènes où le bélier, les béliers plutôt, fait/font son/leur apparition : la première scène est celle du bélier de la prière, se montrant et se cachant dans le tallith ; ensuite, la scène sacrificielle par excellence (Gen 22) où le bélier du sacrifice est sacrifié par Abraham ; enfin, le bélier eschatologique, ainsi nommé parce qu’il est celui qui porte ou porterait l’autre, dans une dimension eschatologique à venir, selon une des dernières lectures derridiennes de Paul Celan, donnée dans le livre Béliers.
EN:
In this article, I aim to contemplate Derrida’s particular Judaism, or what remains of Judaism in his thinking, by following the tracks left by an animal — the ram — in the philosopher’s writing. Indeed, the point where the two subjects of animalism and Judaism meet and intersect is precisely this animal image, which is nonetheless more than simply an image or a metaphor. I have therefore chosen to follow the ram firstly as a means of following the Derridean discourse which calls on philosophers to answer philosophically for the “animal”, in other words to ponder the “question of the animal”. At the same time, I will also follow this animal — the most characteristic in Jewish ritual — to find the crucial moments when it appears, and to identify what it reveals in relation to Judaism as experienced or conceived by Derrida. The article is thus divided into three major sections, which correspond to the three scenes where the ram — or rams — appear(s). The first scene is that of the ram in the context of prayer, hidden and revealed in the tallit; next is the quintessential sacrifice (Genesis 22) where the sacrificial ram is offered up by Abraham; and finally, the eschatological ram — so called because it carries or will carry the other into an eschatological dimension that is yet to come, according to one of Derrida’s final interpretations of Paul Celan in the work entitled “Rams: Uninterrupted Dialogue — Between Two Infinities, the Poem”.
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Dieu, don, animal et la question du sujet
Marc De Kesel
pp. 143–159
AbstractFR:
Les tentatives contemporaines de donner une place sociale et politique à l’animal et de lui attribuer le statut de « sujet » renvoie toujours aussi à la question concernant le sujet humain, plus spécifiquement le sujet de la modernité. C’est parce que nous sommes trop sûrs (c’est-à-dire pas du tout sûrs) concernant ce qu’est le « sujet moderne », que nous inventons la question sur l’animalité. D’une certaine manière, pour le problème du sujet de la modernité, la question de l’animal a une fonction similaire à la question de Dieu. C’est pourquoi une référence à la tradition théologique chrétienne est nécessaire pour comprendre l’enjeu de notre fascination actuelle pour l’animalité. Analysé à partir du paradigme du don (conçu par Marcel Mauss), l’essai offre une courte généalogie de la relation de l’homme à l’animal et montre comment la religion (dans toutes ses formes) y est profondément impliqué.
EN:
Today’s attempts to give the animal a social and political place and to honor it with the status of “subject” refers to the question of the human subject and more precisely the subject of modernity. It is because we are too sure (which is to say not sure at all) concerning what the ’modern subject’ is, that we invented the question of the animal. In a way, with regard to the problem of the subject of modernity, the question of the animal fulfills a similar function as the question of God. This is why a reference to the Christian theological tradition is indispensable to understand what is at stake in the contemporary fascination for the animal. Analyzed from the perspective of the paradigm of the gift (as developed by Marcel Mauss), the essay offers a short genealogy of the human relation with regard to the animal and shows how religion (in all its shapes) is profoundly involved in it.
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Animalité, violence, péché : méditation sur l’impropre de l’homme
Guilhen Antier
pp. 161–188
AbstractFR:
À distance d’une vision essentialiste qui cherche à spécifier une nature humaine en la différenciant ontologiquement d’une nature animale, on propose de considérer l’animalité de l’homme comme l’expression d’un refus typiquement humain de se tenir dans l’humanité devant Dieu et autrui. La catégorie d’animalité est réinterprétée à partir du concept théologique de péché, en lien avec la théorisation psychanalytique de la violence. À partir d’une lecture croisée de Freud, de la Genèse (Gn 2–3 ; 4) et de Paul (Rm 7), il devient possible de penser le rapport conflictuel de l’humain à lui-même comme la garantie paradoxale de son irréductibilité à toute définition. Et si le propre de l’homme était précisément d’être impropre ?
EN:
Far from an essentialist vision that seeks to specify human nature as ontologically differing from an animal nature, it is here proposed to consider the animality of man as the expression of a typical human refusal to stand in humanity in front of God and others. The category of animality is reinterpreted from the theological concept of sin in connection with the psychoanalytic theorization of violence. From a cross-reading of Freud, Genesis (Gen 2–3 ; 4) and Paul (Rom 7), it becomes possible to think the conflictual relationship of the human to himself as the paradoxical guarantee of his irreducibility to any definition of humanity. What if the conformity of man was precisely to be found in his unconformity?
Hors-thème
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50 ans après Vatican II : la contribution de Louis Massignon au renouvellement du regard porté par l’Église sur l’islam
Florence Ollivry-Dumairieh
pp. 189–217
AbstractFR:
Dans les textes relatifs à l’islam produits par le Concile, nous pouvons lire, par exemple dans Nostra Ætate, que « L’Église regarde aussi avec estime les musulmans, qui adorent le Dieu Un, vivant et subsistant, miséricordieux et tout-puissant, Créateur du ciel et de la terre, qui a parlé aux hommes [...] ». Les textes de Vatican II semblent proposer une attitude à l’égard de l’islam qui rappelle celle de Louis Massignon (1883-1962) : ne retrouve-t-on pas dans les textes du Concile l’écho de la révolution copernicienne qu’opéra Massignon en islamologie ? Dans quelle mesure cet islamologue catholique a-t-il impulsé le renouveau du regard chrétien à l’égard de l’islam ? Cet article, grâce à une étude approfondie de l’oeuvre de Massignon, de sa vie et de sa correspondance, révèle les liens qui existaient entre ce grand islamologue et les protagonistes du Concile, au nombre desquels le Cardinal Montini (Paul VI). Il analyse ainsi la contribution de Massignon au renouvellement du regard porté par l’Église sur l’islam, afin d’évaluer son influence sur le Concile.
EN:
Upon examination of the texts pertaining to Islam produced during the Council, we can read, for example in Nostra Ætate that “The Church regards Muslims with respect, and that Muslims, like Christians, adore the same God, all-powerful, Creator of all that exists who has spoken to mankind”. The texts of the Council suggest an attitude toward Islam which recalls that of Louis Massignon (1883-1962). Does one not encounter, within the texts of the Council, the same Copernican shift that Massignon realized in Islamic studies? To what degree did this Catholic scholar of Islam provoke the renewal of the Christian perception of Islam? This paper, through an in-depth study of Massignon’s work, life, and letters, establishes and presents the links found between this influential scholar and the Council participants—one of which being Cardinal Montini (Paul VI). It consequently analyzes Massignon’s contribution to the renewal of the Christian attitude towards Islam, in order to evaluate his influence on the Council.